Terminant de répandre un peu d'arnica sur chacune de ses blessures, elle pose ensuite le tube sur la table basse, gardant le pantalon au niveau de ses chevilles pour permettre à la crème de pénétrer sa peau, de sécher avant qu'elle ne se rhabille, de sorte que le vêtement ne s'abreuve pas d'avantage du produit que son épiderme. La sensation du tissu collé sur son corps n'est jamais agréable, pour l'avoir expérimenté plus d'une fois. Ce n'est pas le genre de sensation qu'elle souhaite donc pouvoir retrouver, loin de là. Au contraire.

Il revient dans le salon, la surprenant comme sa silhouette entre dans son champ de vision et elle pousse un petit cri de surprise auquel il répond, visiblement surprit lui-même, se retournant rapidement dans un mouvement malheureux pour ne plus avoir cette vue sur elle. La demoiselle attrape son pantalon et le remonte aussi rapidement que possible pour sa part, tandis que le mouvement de l'homme l'a suffisamment déstabilisé pour le faire tomber et lui faire renverser le contenu du rhum coca sur le canapé et sur eux, par la même occasion.

"- Merde, merde, merde !" jure-t-elle en se levant précipitamment.

Ce n'est pas d'être mouillée qui la dérange le plus, quoique le jogging devienne désagréable contre sa peau. Mais de voir ce canapé couvert de soda et d'alcool... Elle essaie de trouver de quoi essuyer tout ça, sans rien apercevoir à proximité, stressant d'un coup.

"- Je... J'attendais que ça sèche." elle explique, la tête ailleurs, faisant encore le tour de la pièce. "Tu t'ai fais mal toi ?" qu'elle demande en lui jetant un coup d'œil avant de reprendre son exploration rapide. "T'as rien pour essuyer ?"

Si j’avais, quelques fois, fantasmé sur Vicky, je n’aurais jamais pensé voir autant de fragments de sa peau en aussi peu de temps qu’aujourd’hui… Encore moins entre-apercevoir…bref !
En voyant cela, me rendant compte de mon erreur, j’avais paniqué et cela c’était transformé en catastrophe.

Entre le choc contre la table basse, ma chute et le fait que je nous ai allègrement renversé le rhum-coca dessus, il est plus que précis de dire que c’est une catastrophe.
Alors que je lui demande si je lui ai fait mal, expliquant que, ne l’ayant pas vu bouger, je pensais qu’elle en avait terminé, elle me répondait qu’elle attendait que ça sèche. Maintenant qu’elle le disait, cela paraissait logique. Elle s’inquiétait ensuite de savoir si je ne m’étais pas faite trop mal.

Désolé de t’avoir fait peur. Non, ça a l’air d’aller, je me suis juste cogné. Dis-je en me relevant. De son côté, elle ne tenait pas en place, cherchant de quoi essuyer mon canapé. Elle me donnait l’impression de courir partout, paniquée.

T’inquiète pas pour ça Vicky. Là, sous l’évier, il y a des chiffons. Indiquais-je tandis que je ramassais le verre désormais vide. Il en a vue d’autre, des verres renversés, j’ai fait exprès de prendre un canap’ déhoussable. Avouais-je, sans savoir ce qu’elle pourrait imaginer avec ce genre de précision.
Que son collègue est un adepte des soirées arrosées ? Bon, ouai, un peu, il faut être honnête. Même si cela m’arrive bien moins souvent qu’avant.

Le problème suivant qui se posait était celui des fringues. Je n’ai pas d’autre tenue pour elle et de toute façon, on est bon pour prendre une douche tous les deux.

Vicky, je suis embêté…Je n’ai pas d’autres vêtements à ta taille…

Il est désolé de lui avoir fait peur, désolé de l’avoir surprise sans son pantalon, alors même qu’elle attendait simplement que l’arnica sèche un peu. Mais ce n’est rien de grave. Elle croit que la situation était plus ou moins sous contrôle, qu’il n’a rien vu de vraiment gênant. Enfin, il n’a pas vraiment eu le temps puisqu’il s’est retourné rapidement. Pas vraiment eu le temps alors qu’il a perdu l’équilibre en se retournant, renversant au passage le contenu du verre sur elle et sur le tapis, le canapé, ce dernier se brisant sans autre forme de procès. Elle se fait bien plus de soucis pour lui qu’il n’a besoin de s’en faire pour elle. Bien plus de soucis que pour sa propre pudeur, craignant qu’il ne se soit fait mal. Mais il n’en est rien. Il s’est seulement cogné. Elle acquiesce d’un mouvement de tête. Tant mieux si ce n’est rien de plus grave. Tant mieux s’il ne s'en tire qu’avec un ou deux bleus.

Il lui indique finalement que les chiffons sont sous l’évier et elle se rend dans la cuisine pour en récupérer deux ou trois, ainsi qu’une lavette humide puis elle revient, s’employant rapidement à nettoyer le canapé en question pendant qu’il finit de ramasser les bris de verre. Forcément, il ne pouvait pas en être autrement avec cette chute. Elle le surveille alors du coin de l'œil, soucieuse qu’il ne se blesse pas. Elle s’en voudrait si tel était le cas, consciente que ce serait, même indirectement, de sa faute.

"- Ah ? J’éponge le plus gros mais après on pourra le mettre en machine, alors…" souffle la demoiselle en poursuivant sa tâche.

Elle se fige quand l’homme reprend la parole d’un air gêné, lui faisant savoir qu’il n’a pas d’autre vêtement à sa taille. C’est un problème, ses vêtements étant plutôt trempés, mais elle peut faire avec. Elle n’a pas vraiment le choix de faire autrement, de toute façon.

"- C’est… c’est rien je… je peux rester comme ça, t’en fais pas." souffle la demoiselle en se redressant, observant le canapé. "Je pense que j’ai nettoyé tout ce que je pouvais, mais il va falloir le laver dès que la machine sera libre…"

Il y a un certain malaise qui s'est installé.
Ce qu’il a de particulier, c’est que je ne le ressens pas comme un malaise lié à ce que j’ai très brièvement aperçu avant de me détourner dès l’instant que ma cervelle m’a informé de ce que j’avais sous le nez, non.
C’est plus un malaise lié à la situation, à la maladresse dont j’ai fait preuve, à l’affolement de ma collègue pour mon canapé déhoussable, à la mienne pour l’absence de vêtements de rechanges, bref, à un contexte aussi étrange que léger, finalement.

Aucun de nous n’est blessé, aucune intimité n’a été dévoilée et les dégâts matériels sont, sommes toutes, très limités.
J’arrive même à voir un avantage à ce moment bizarre. Du moins, un truc positif. En effet, depuis ce matin, c’est la première fois que Vicky arrive à enchainer autant de mots.

Les débris de verre dans la poubelle, j’annonce à la jeune femme que le canapé sera simple à nettoyer, aussi annonce-t-elle éponger le plus gros du liquide en prévision de la machine que l’on pourra faire ensuite.

C’est ça ! On déhousse et hop ! En machine ! Dis-je en essayant de retrouver mon air plutôt enjoué habituel, cherchant à chasser ce malaise étrange.
Malheureusement, je suis rattrapé par la réalité des choses, à savoir que je n’ai rien à lui prêter en remplacement. Lorsque je lui en fais l’aveu, elle fait tout pour me convaincre que ce n’est pas un problème, mais, en voyant ses habits imbibés, je ne peux me résoudre à ne pas lui proposer une option.
Alors, je réfléchis tandis qu’elle annonce avoir nettoyé ce qu’elle pouvait.

Parfait, merci Vicky ! Dis-je en la débarrassant des chiffons et des lavettes pour les balancer dans l’évier. Viens, tu es plus trempée que moi, je te laisse aller te doucher d’abord, ça va me donner le temps de trouver de quoi t’habiller.

Je la conduis donc vers ma chambre, en direction de la salle de douche. Je lui explique que la baignoire n’est pas agréable à utiliser lorsque la machine tourne car le lave-linge tir sur l’eau froide, ce qui oblige à constamment changer le mitigeur, puisque l’eau alterne toute seule entre eau froide et eau chaude. Il n’y a pas ce problème dans l’autre salle d’eau. Nous traversons donc ma chambre, sobre et rangée et, je la laisse, refermant la porte.

Les serviettes sont sous l’évier, lui dis-je avant de refermer. S'ensuit alors une fouille approfondie de mes placards et tiroirs, à la recherche de n’importe quel habit pouvant la couvrir. Allez trouver des vêtements pour femme dans l’armoire d’un célibataire, vous, hein !
J’opte finalement pour une chemise blanche trop grande pour moi et qui lui fera presque une robe d’été, un boxer gris, cette fois j’y ai pensé et un short de course qui, j’espère, ira au niveau de la taille. Je dépose le tout sur le lit.

Vicky ! L’appelais-je au travers de la porte. Je t’ai mis des fringues sur le lit, j’espère que ça t’ira…

À ces paroles, je retourne au salon, fermant la porte de la chambre. Je retire alors les housses du canapé pour les déposer dans la buanderie, retirant ma chemise humide en même temps. Je retourne alors à mon verre de bourbon, abandonné dans la cuisine.

Tout ce qu’ils ont à faire c’est d’éponger un peu les dégâts de l’alcool sur le canapé puis d’enlever la housse pour lui offrir un bon passage en machine à laver. Elle acquiesce et s'emploie donc à la tâche, tandis qu’il s’inquiète de n’avoir rien d’autre pour lui permettre de se vêtir. Ce n’est pas grave, elle peut rester avec ces vêtements même s’ils sont mouillés. Après tout, cela va sécher. Ses vêtements seront rapidement propres, de toute façon, comme ils ont fait un cycle court. Bien sûr, ils seront tout juste essorés mais un petit passage en sèche-linge fera parfaitement l’affaire, songe-t-elle avant de remarquer, toutefois, qu’elle ignore totalement s’il en possède un, ou si ses affaires devront sécher sur un étendage, prenant ainsi plus de temps. Peu importe.

"- De rien."

Il la débarrasse rapidement de ses chiffons, proposant qu’elle aille prendre une douche pour changer ses vêtements qui sont trempés mais elle proteste, sans être entendue. Ils auraient probablement dû déhousser le canapé et nettoyer celui-ci sous le drap avant de penser à ce qu’elle se lave à son tour, même si la machine n’était pas encore libre d’accès. Est-ce que ça ne risque pas de faire des dégâts sur le canapé, sous la housse ? C’est la dernière chose qu’elle voudrait mais elle n’a guère le loisir de l’évoquer comme il l’entraîne dans une nouvelle pièce tout en parlant, évoquant la machine à laver et l’eau qui change de température toute seule dans la salle de bain, l’emmenant ainsi dans une autre salle d’eau, traversant sa chambre pour ça.

Il sort rapidement, après avoir indiqué où étaient les serviettes et elle entreprend de se déshabiller pour glisser sous le jet de la douche, se lavant aussi rapidement que possible. Elle l’entend de l’autre côté de la porte, crier quelque chose sur des vêtements qu’il a trouvés et elle le remercie, sans assurance d’être entendue. Elle n’entend rien de plus. Coupant l’eau de la douche, elle sort alors rapidement et s’enveloppe dans une serviette, se séchant pour la deuxième fois de la journée avant de sortir, prudemment, la serviette autour de son corps. Personne. Elle prend alors les vêtements sur le lit et retourne dans la salle de bain pour s’habiller avec tout ça, avant de ranger derrière elle, tâchant de laisser la salle de bain impeccable avant de sortir pour retourner au salon.

"- Merci pour les…" elle se coupe en le voyant installé sur le canapé déhoussé, torse nu. Elle ne s’attendait pas à ça. "Vêtements." reprend-elle, un peu gênée, avant de s’asseoir dans le canapé, évitant soigneusement de le regarder.

…De rien ! Répondis-je lorsqu’elle me remercia pour les vêtements. J’avais eu une petite seconde de temps de traitement cérébrale en la voyant arriver. Il faut dire que cette tenue, le short pourri mis à part, lui donnait une allure absolument délicieuse.
Il me faut être honnête, si d’habitude je la trouvais déjà charmante, cette longue chemise qui floutait autant qu’elle révélait ses formes me fit brièvement déconnecter.

De mon côté, je m’étais mis torse-nu, comme je l’étais souvent chez-moi, sirotant mon verre sur le canapé déhoussé. J’avais préparé un nouveau cocktail pour Vicky et, ayant laissé ce dernier sur le bar, je posais mon verre avec précaution sur la table. Je revenais quelques instants plus tard, posant sa boisson devant elle avant de reprendre place à côté d’elle.

Ca… Ca te vas bien… Avouais-je, un peu timidement en désignant sa dégaine.

Je termine mon verre puis me lève de nouveau, abandonnant mon récipient sur la table basse. Je vais me doucher, on pourra manger ensuite. Annonçais-je alors, sentant une légère chaleur m’envahir. Je la trouvais terriblement craquante dans cette tenue et je craignais que ma surprise ne soit trop évidente. J’allais donc dans ma chambre pour prendre une douche rapide.

Je revenais quelques minutes plus tard, vêtu d’un pantalon de jogging et d’un débardeur, souriant de nouveau plus normalement. Quelques instants plus tard, je lui indiquais où trouver les assiettes et couverts pendant que je réchauffais le repas une nouvelle fois.

Quant elle le remercie pour les vêtements, l'homme affirme que ce n'est rien et pourtant, au fond d'elle, la jeune femme sait que c'est loin d'être le cas. En réalité, elle a parfaitement conscience qu'au contraire, il en fait beaucoup pour elle. Elle n'est pas forcément prête à le reconnaître et encore moins à admettre ce qu'il pense avoir compris, ce qu'il a découvert sur la réalité de sa vie, mais elle a conscience en revanche qu'il en fait plus que n'importe qui n'en a fait pour elle. Probablement un peu parce qu'elle n'a jamais cherché à se faire aider, jamais voulu cela, mais il a su voir au-delà des sourires et des "tout va bien", même s'il est surtout arrivé au bon endroit au bon moment.

Sans la juger, il ne lui semble pas tout du moins, il lui a tendu la main. Il lui a permis de venir chez lui, lui a offert un endroit sécuritaire, une parenthèse dans son existence compliquée. Un endroit où elle avait pu passer la journée en toute tranquillité, gérer la situation, ses larmes, essayer d'aller mieux et d'avancer, même si c'est toujours compliqué. Même si tout ne peut pas se résoudre en un jour. Il lui a surtout permit de se reposer pour qu'elle puisse aider Paul à son tour en rentrant, demain.

"- Merci.."

Il affirme que ça lui va bien, bégayant un peu, mais elle n'y fait pas vraiment attention, fuyant un peu le compliment qui la fait rougir. Et puis, sa tenue à lui... elle en est encore écarlate. Heureusement pour elle, l'homme se lève rapidement pour aller prendre une douche à son tour comme lui aussi a reçu de la boisson sur lui. Récupérant le verre qu'il lui donne avant ça, elle le laisse disparaître, buvant en se plongeant dans ses pensées, à tel point qu'elle sursaute quand il revient.

Elle commence à installer la table tandis qu'il réchauffe le repas, installant deux assiettes. C'est quand elle va pour prendre des couteaux qu'elle s'arrête, la sonnerie de son téléphone portable se faisant entendre, la tétanisant. Paul devait être rentré maintenant. Évidemment, il avait remarqué l'absence de sa compagne chez eux et devait appeler pour savoir où elle était. Si elle répondait, ça se passerait mal. Si elle l'ignorait… ce serait terrible. Et ce constat la fige.

Je me trouve dans une situation assez paradoxale qui n’est pas spécialement simple à gérer émotionnellement. Depuis que je la connais, Vicky m’a toujours plu énormément. C’est une jeune-femme intelligente, attentive et dévouée, habituellement pleine de vie et au sourire ravageur. Il était fréquent, avant, qu’elle soit la première à remonter le moral de quelqu’un. En plus de cela, elle était particulièrement belle à mes yeux.
Vicky m’avait toujours attirée, oui, mais mariée, j’avais toujours gardé mes distances sur ce terrain.

Aujourd’hui, j’étais heureux de pouvoir l’aider, de pouvoir être là pour elle alors qu’elle avait besoin de quelqu'un même si la raison pour laquelle elle avait besoin d’aide me donnait envie de casser un cou. Ce type avait épousé une des plus merveilleuses femmes de la planète et il passait ses nerfs sur elle.

Il est donc un peu difficile de rester concentré, surtout que la tenue que je lui avais choisie la mettait bien en valeur, me faisant rosir légèrement. Dans le même temps, j’avais remarqué qu’elle rougissait également et il me fallut un moment avant de comprendre que cela pouvait provenir de ma propre tenue. J’avais donc filé à la douche pour revenir quelques minutes plus tard, en jogging et débardeur.

A mon retour, je réchauffais le repas pendant qu’elle mettait le couvert lorsque, soudain, la sonnerie de son téléphone retentit. Je me tourne vers elle alors, la découvrant, figée, la main dans mon tiroir à couverts.
Je coupe alors le feu et quitte la cuisine pour aller vers l’entrée où se trouve son sac. Ce que je m’apprête à faire outrepasse ce que les limites entre collègue et intimité pourraient tolérer habituellement, mais vu la situation et son inaction, je me l’autorise.

Bonsoir Paul, c’est Michael, le collègue de Victoria !... Non, elle ne peut pas vous répondre, on est sur une urgence, elle est en ligne avec un très gros client. Elle voulait vous prévenir, mais elle n’arrête pas depuis tout à l’heure, c’est l’enfer… Non, on ne finira pas avant un bon moment, alors je l’héberge pour ce soir, ça lui évitera le trajet, vu la distance… Non !... Paul, si vous avez un problème avec moi, je vous invite à venir me l’exposer en face à face, demain à l’agence ! En attendant, nous avons du travail et vous êtes assez grand pour réchauffer vos lasagnes vous-même ! Bonne soirée !

Et je raccrochais.
Et j’éteignais le téléphone avant de le poser à côté de son sac.

J’avais réussi à garder mon calme alors que du début à la fin, l’individu n’avait fait que brailler dans mon oreille. Vicky avait pu entendre tout ce que j’avais dit et, au moins, j’espérais que cela la rassurerait sur un point : je n’avais pas soulevé le véritable problème de ce couple. Je n’avais presque pas menti, à part cette histoire de gros client.

Alors, ayant eu un véritable aperçu de ce que cet homme lui faisait vivre, j’avais hésité une seconde avant d’aller la rejoindre. Je m’étais approché doucement avant de la prendre dans mes bras avec tendresse. Ce n’était pas une démarche de drague ou de quelconque flirte, il s’agissait bien d’une accolade pleine d’affection et de sympathie, les bras passant au milieu de son dos pour ne pas être impertinent, je la serrais légèrement contre moi pour marquer mon soutien.

En entendant la sonnerie de son téléphone, qui ne peut être rien d’autre qu’un appel de Paul, cherchant à savoir ce qu’elle fait, où elle est, pourquoi elle n’est pas à la maison quand elle rentre, la jeune femme se fige, ne sachant plus quoi faire. Si elle lui dit qu’elle est ici, il risque de débarquer en quelques minutes pour la récupérer. Au passage, il en profitera sûrement pour casser le nez de Michael. Il est toujours très jaloux, chaque fois que sa partenaire parle avec d’autres hommes, quand bien même elle ne flirte pas avec eux ni ne cherche à leur plaire, étant plus que fidèle. Si elle ne lui répond pas… Elle sait qu’il s'énervera d'autant plus. Ils finiront peut-être même par voir débarquer la police ou sa tête à l’écran, annonçant une disparition ou un enlèvement. Il en serait probablement capable.

Alors elle reste là, figée au milieu de sa tâche, à ne plus savoir quoi faire, quoi penser, comment agir, si bien que l’homme se décide pour elle, avançant rapidement jusque dans l'entrée de l’appartement, où elle a laissé son sac à main plus tôt dans la journée, son téléphone étant dans ce dernier. D’ailleurs, elle n’a probablement bientôt plus de batterie et naturellement, elle n’a pas son chargeur avec elle. Elle risque d’être un peu à court très rapidement. Demain, il faudra qu’elle trouve une solution pour ce problème.

Michael décroche et rapidement, elle l’entend prétendre qu’ils ont beaucoup de travail, qu’elle ne peut pas répondre à cause d’une urgence. Un très gros client, un problème à gérer, le besoin de ne pas lever le pied. Il prétend qu’elle n’arrête pas depuis un moment, alors même qu’elle n’a rien fait de la journée et elle culpabilise de mentir à Paul comme ça, même si ce n’est pas elle qui le fait. Pas directement. Par l’intermédiaire de son collègue, en le laissant faire, en revanche…

Il lui semble que le ton monte. Elle ferme les yeux. Ça ne sent pas bon, pas bon du tout. Son rythme cardiaque s’accélère alors que les deux hommes lui donnent l’impression de se provoquer l’un l’autre, de ce qu’elle entend, lui faisant redouter que Paul prenne Michael au pied de la lettre et ne débarque au bureau le lendemain. S’il y découvre qu’ils n’étaient pas au travail ce soir, qu’elle n’a pas bossé de toute la journée.. Ce serait absolument terrible. Pour elle, il vaut bien mieux que son compagnon ne vienne pas.

Quand il revient dans la pièce, elle a encore les yeux clos et tremble comme une feuille, de tous ses membres. Il la prend dans ses bras, alors, cherchant à la calmer, la réconforter, sans même dire un mot, se contentant d’être là le temps dont elle a besoin pour s’apaiser, pour retrouver un semblant de calme. Quand ils se séparent, elle essuie ses joues, reprenant sa tâche où elle l’a laissée, s’employant à faire comme si de rien était.

"- Je sors de l’eau ? Tu la prends au robinet, ou en bouteille ?"

Après cette accolade, elle semble plus détendue. J’espère que ce n’est pas une vue de l’esprit et que cela l’a réellement tranquillisé. Toujours est-il qu’elle reprend sa tâche avant de me demander si je consomme l’eau du robinet ou en bouteille.

Au robinet, tu as la carafe à côté de l’évier. Dis-je avec un sourire avant de prendre une bouteille d’eau gazeuse sous le bar. J’apporte ensuite les deux casseroles sur la table et de servir les assiettes.
Le repas se déroule globalement en silence, car la raison de ce moment reste tout de même délicate. Vicky est là pour fuir son mari violent et moi pour lui permettre de se vider l’esprit et se reposer. Au moins, après mon échange avec Paul, je sais qu’elle est tranquille pour ce soir.

Veux-tu regarder un film ? Proposais-je en remplissant le lave-vaisselle. Si ça te dit, je te laisse aller voir dans la pièce, là-bas, il y a ma collection. Je te laisse choisir. Dis-je en indiquant la porte qui renferme ma salle télé. Cette pièce est un peu ma fierté. On y trouve un écran géant avec un système audio dernier cri et, sur trois murs, des étagères pleines de films. Au centre de la pièce, un petit canapé et une table basse, parfait pour accueillir deux personnes confortablement.

A moins que tu ne préfères un massage ? Pouffais-je pour bien faire comprendre que je plaisantais. Je nous fais chauffer de l’eau pour des tisanes ?

En vérité, je n'avais rien contre, au contraire, si elle souhaitait un massage. J'avais réellement proposé cela sur le ton de la plaisanterie, mais voilà, Vicky me plaît et de fait, c'était une plaisanterie dangereuse.