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LE TEMPS D'UN RP

Il n'y a que les causes perdues qui méritent qu'on les défende [Asma x Jen]

Jen
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Jen
Lun 10 Juil - 0:39

Erika
J'ai 25 ans et je vis à Sidh, XVIème arche majeure. Dans la vie, je suis employée dans un atelier de textile et je m'en sors bien. Sinon, grâce à mes décisions stupides, je suis fiancée par arrangement pour la seconde fois et je le vis plutôt très mal.


Il n'y a que les causes perdues qui méritent qu'on les défende [Asma x Jen] - Page 2 68747470733a2f2f73332e616d617a6f6e6177732e636f6d2f776174747061642d6d656469612d736572766963652f53746f7279496d6167652f4751444444516f6c4530746b6c413d3d2d3535393236353333392e313532336461343462613163623535363737333737383039383333342e676966

Fiche détaillée juste ici
N'y avait-il donc pas moyen d'être tranquille une seule minute ? Certes, il s'agissait de son propre mariage, il n'était pas anormal qu'elle soit un minimum sollicitée. Mais tout de même. Erika aurait préféré qu'on l'oublie quelque part dans cette petite salle. Pourtant, à peine eut-elle refermé la porte derrière elle qu'on toqua trois coups vifs dessus. Elle ouvrit avec toute la mauvaise humeur du monde et tomba nez à nez avec Bertille, qui s'engouffra par l'ouverture sans un mot, la bousculant au passage.

"- Ton coin au fond de la salle ne te plaisait plus ? railla la cadette en se retournant pour faire face à sa soeur.

- Erika, commença alors Bertille. C'est ta dernière chance. Ne commets pas la plus grosse erreur de ta vie. A tous les niveaux.

- Tu sais bien que c'est faux.

- Oh oui tu as raison, répliqua sa soeur, cassante. Parce que la plus grosse erreur de ta vie tu l'as faite...

- Bertille ! éclata Erika d'un seul coup. Si tu es simplement venue pour me faire une leçon de morale tu peux...

Elle s'interrompit brusquement en voyant sa soeur brandir un couteau de poche finement ouvragé, et actionner le mécanisme pour en faire jaillir une lame tranchante. La brunette écarquilla les yeux et ne put s'empêcher un léger mouvement de recul.

- Si tu tiens vraiment à aller jusqu'au bout, débita la jeune femme en guise d'explication, alors c'est la seule tradition de chez nous que j'ai jugée utile pour toi."

Ce disant, elle replia la lame et lui tendit le couteau par le manche. Erika sonda le regard de son aînée, indécise. Il n'y avait que Bertille pour faire une chose pareille. Dans le temps, les futures mariées nécromanciennes se voyaient offrir un couteau de poche, qu'elles devaient garder sur elle tout au long de la cérémonie de mariage. Ainsi, elles avaient une toute dernière possibilité de se soustraire à l'union si tel était leur désir. En se donnant elles-mêmes la mort avec cette arme qui leur servait de joker ultime. Aujourd'hui, cette tradition morbide au possible avait quasi disparu, et ce malgré l'attachement des nécromanciens à leurs us et coutumes.

Bertille ne bougeait pas. Elle ne plaisantait pas. Erika fit un pas en avant et arracha le couteau des mains de sa soeur. Elle garda les yeux plantés dans ceux de son aînée, les mâchoires serrées, sans piper mot. Le combat de regard dura quelques brèves secondes, avant que Bertille ne tourne soudain les talons et reparte en claquant la porte avec force. Erika sentit ses épaules s'affaisser, et elle baissa le regard sur le cadeau au goût plus que douteux. Elle ne risquait pas d'en avoir besoin, mais ne sachant pas quoi en faire d'autre, elle le glissa dans son décolleté, à défaut d'avoir pensé à coudre des poches dans sa robe.

La visite de Bertille l'avait bien refroidie, et désormais, elle n'était plus si certaine de vouloir se retrouver seule face à ses mornes pensées. De toute façon, une clameur venait de résonner en contre-bas, annonçant probablement l'arrivée tardive du marié. Il était temps pour elle de redescendre dans la fosse aux lions.

A contre-coeur, elle refit le chemin inverse et retourna dans la salle de réception dans laquelle elle trouva sans surprise Nicolas, qui saluait à son tour la flopée d'invités qui se pressaient autour de lui. Erika déglutit péniblement. S'il était présent, alors la cérémonie - la vraie - pourrait commencer.

Les invités se mirent à se déplacer vers une salle adjacente, plus intimiste, dans laquelle Erika reconnut un autel qu'elle n'avait déjà que trop vu. Dans le flot de personnages inconnus, la nécromancienne fut surprise de reconnaître un chapeau haut-de-forme qu'elle n'avait jamais oublié. Elle comprit bien assez vite la raison de cette éminente présence ici. La brunette fronça du nez. La version officielle et parfaitement légale, cette fois-ci.

Nicolas et elle furent emmenés à part le temps que la majorité des invités s'installe, puis ils firent leur grande entrée à leur tour, qu'Erika s'efforça de subir en fixant résolument l'autel devant elle. Dans quelques heures, elle en aurait terminé avec tout ça. Quelques heures à peine, après plus d'un an de torture. Elle devrait être heureuse en fin compte.

On les mit face à face, et un dignitaire se mit à déblatérer des lignes qu'Erika ignora volontairement. Elle gardait les yeux fixés sur le blond devant elle, sans se priver de l'incendier du regard. S'il n'avait pas été cupide au point de demander cet échange... Un écrin fut tendu au jeune homme, dans lequel étaient nichés deux anneaux d'or. Celui-ci tendit une main pour saisir l'écrin. La jeune fille ne put retenir un soupir las.

Puis soudain, Nicolas se figea dans son mouvement. Comme pétrifié. Non. Très exactement pétrifié. Erika hoqueta de surprise. A force de le couver d'un regard noir, venait-elle de le pétrifier par accident... ? Mais elle n'eut pas le temps de considérer l'information qu'elle aperçut du coin de l'oeil une silhouette sombre à quelques pas d'elle. Avant qu'elle ne puisse réagir, un bras l'attrapa par la taille et la plaqua contre un torse. Un effluve lui emplit les narines. Elle délirait. A son oreille, une voix.

Sa voix.

Son coeur manqua un battement, et absolument pas pour la raison pour laquelle il aurait dû. Puis l'instant d'après, un bruit de verre brisé s'éleva dans la salle, et elle se sentit transportée dans une spirale vertigineuse. Son cri de surprise fut aspiré en même temps que le reste de son corps.

Elle atterrit brutalement contre un plancher de bois. Ses jambes manquèrent de se dérober sous elle. A l'aspect du lieu dans lequel elle avait atterri - comment d'ailleurs ? -, elle sut qu'elle se trouvait à bord d'un vaisseau. Mais que faisait-elle là ? Et pourquoi ? Elle était sur cet autel, au beau milieu de cette masse d'invités et l'instant d'après, elle s'était retrouvée prise dans un tourbillon de sable blanc et... Comment ? Surtout, pourquoi ?

Mais plus que n'importe quel élément de la scène impossible qu'elle venait de vivre, une seule pensée lui emplissait l'esprit, impérieuse.

"- Orion ?" souffla t-elle, hallucinée.
Asma
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ASMARETH RANG GAGNE
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Asma
Lun 10 Juil - 21:43

Orion
J'ai 28 ans et je suis originaire de l'arche de Zéphyr. Dans la vie, j'étais pilote d'aérostat. Maintenant, je vis au jour le jour et je m'en sors sans y réfléchir. Sinon, j'ai été célibataire, j'ai été marié, j'ai divorcé et après tout cela, elle m'a brisé le cœur.
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Quand le nuage se dissipa et qu’il sentit le contact familier du bois sous ses pieds, Orion la lâcha brusquement, comme s’il venait de se brûler les doigts. Il l’entendit prononcer son nom mais s’efforça de n’y accorder aucune importance. Il était hors de question qu’il se laisse de nouveau embobiner par ses simagrées. Il devait rester concentré sur sa mission.

Sans un regard pour la jeune femme, le grand brun disparut au pont inférieur. Il ne souhaitait qu’une chose : se dépêcher d’ôter cet horrible costume. Deux choses en réalité : sortir de son champ de vision, ne serait-ce que momentanément, l’image d’Erika dans sa robe de mariée. De l’avoir tenue dans ses bras, son parfum flottait dans l’air et persistait sur ses habits. Raison de plus de s’en débarrasser.

Le grand brun passa sa capuche par-dessus sa tête pour la retirer. Il en fit rapidement de même de la veste, la lavallière et la chemise qu’il jeta sur un dossier de chaise. Il retira également les affreux souliers de ville à boucles vernis et renfila à la place ses sempiternelles bottes. Il troqua les hideuses fripes nécromanciennes contre sa propre chemise et tunique. Pour finir, il passa une main dans ses cheveux peignés et gominés pour l’occasion pour les ébouriffer. Il en avait enfin fini de la mascarade et se sentit de nouveau enfin lui-même.

Il essayait de ne pas ressasser tout ce qui venait de se produire, mais les images tournaient en boucle dans son esprit. Il s’en était bien sorti. Malgré son échec initial, il était bien parvenu à se rattraper par la suite.

Ceci étant fait, il fut temps de s’atteler à la partie suivante de son plan. Orion avait amarré le Léthé dans un recoin désert de l’arche, dans une sorte de crique escarpée, à distance de tous et de tout.

Le Léthé. L’appareil faisait entorse à une tradition ancestrale de Zéphyr de donner des noms de vents à leurs aérostats et nefs volantes. Mais le nommer de la sorte aurait été une indication bien trop évidente des origines de son propriétaire. Orion avait appris à se faire discret. A commencer par masquer son identité et ses origines. Ainsi que celle de tout ce qui lui appartenait. En cet instant, cela signifiait plus rien d’autre que cet appareil et son contenu, tout le reste ayant disparu dans l’espace entre les arches. Ou presque.

Sans daigner accorder ne serait-ce que l’ombre d’un regard à sa passagère, Orion continuait de vaquer à ses occupations l’air de rien. Suivre le plan. Ne pas s’écarter du plan. Il vérifia une ultime fois le parcours qu’il avait prévu sur sa carte. Il remonta alors sur le pont supérieur, fit rapidement le tour de l’engin pour larguer les amarres et les propulsa dans les airs d’un souple mouvement de poignet. Il guetta la douleur familière qui viendrait s’installer entre ses tempes, mais celle-ci ne se manifesta pas. Tant mieux. Le Léthé était extrêmement léger et d’une très grande manœuvrabilité. Il ne nécessitait qu’assez peu d’énergie pour se détacher du sol. Ce qui voulait dire qu’Orion pouvait utiliser son pouvoir avec plus de parcimonie et ainsi mieux en maîtriser les fâcheuses conséquences.

L’appareil s’éleva dans les airs. Le grand brun alluma les machines et se contenta d’admirer le vaisseau lorsqu’il se mit à filer à travers le ciel vers sa prochaine destination.
Jen
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Jen
Lun 10 Juil - 23:07

Erika
J'ai 25 ans et je vis à Sidh, XVIème arche majeure. Dans la vie, je suis employée dans un atelier de textile et je m'en sors bien. Sinon, grâce à mes décisions stupides, je suis fiancée par arrangement pour la seconde fois et je le vis plutôt très mal.


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Il avait les cheveux plus longs que dans ses souvenirs. Et ses yeux brillaient d’un éclat différent de celui qu’elle leur avait connu. Pourtant, c’était indéniablement lui. Elle l’avait su à la seconde où cet effluve qu’elle avait cru appartenir au passé avait envahi ses narines. Mais l’avoir en chair et en os face à elle, c’était un tout autre choc. Erika resta paralysée quelques secondes, les yeux écarquillés. Par la peur ou par la surprise ?

Elle nageait en plein délire. Impossible. Il ne pouvait pas être là. Lui. La nécromancienne se tuerait avant de l’admettre, mais elle l’avait cherché avec sa boussole. Plusieurs fois. Pendant des mois, elle n’était pas parvenue à se défaire de lui, à se rendre à l’évidence qu’aucun retour en arrière ne serait plus possible. Jusqu’à ce qu’il disparaisse des radars, et qu’elle perde finalement tout espoir de le revoir un jour – s’il lui en restait le moindre. Et avec cet espoir envolé, ne subsistait plus qu’un amère arrière-goût de regret, de vide, et un immense puit de désespoir dans lequel elle avait plongé pour ne plus jamais en ressortir.

Impossible donc. Et pourtant, tous ses sens lui indiquaient que c'était bien Orion en personne qui s'était tenu face à elle, un bref instant auparavant, et qui venait de disparaître prestement par le pont inférieur. Erika en était si effarée qu’il fallut de longues minutes à son esprit pour se recentrer sur le cœur principal du problème : on venait de l’enlever au vu et au su de tous, à son propre mariage. Elle sentit l'adrénaline monter en flèche dans son corps.

Venait-il réellement de la kidnapper, là, sur l'autel ? Mais pour quoi faire ? Ce n’était certainement pas une histoire de jalousie – Erika avait bien compris qu’elle l’avait définitivement perdu et surtout, celui dont elle se souvenait n’aurait jamais agi de la sorte. Alors pour quelle raison venait-il de l’enlever ainsi ? Pourquoi refaire une fracassante apparition alors même qu’il n’était plus qu’un douloureux souvenir ? Si, en dépit de leur désaccord, Erika n’avait pas eu une confiance aveugle en Bertille, elle aurait presque cru que sa sœur avait commandité cette ridicule mise en scène pour avoir le dernier mot. Mais quelque chose lui soufflait que l’explication était loin d’être aussi triviale.

Orion réapparut brusquement sur le pont supérieur et sa vue lui fit l'effet d'un électrochoc. La nécromancienne sortit de son état de bouleversement et son cerveau se mit alors à fonctionner à toute allure.

Ses parents. L’accord. Non, elle n’aurait pas fait tout ça en vain. Elle devait s’assurer de remplir sa part du contrat. Sans qu’elle n'y réfléchisse, sa boussole interne se mit à la recherche de sa mère. Son image lui apparut bien assez vite, le visage déformé par la panique. Mais ce qui horrifia la jeune fille, c’était la direction que lui indiquait son pouvoir. Ils étaient loin. Trop loin pour qu’elle puisse espérer les rejoindre en faussant compagnie au zéphyr sur-le-champ. Elle observa autour d’elle, gagnée par la panique. Avait-elle seulement la moindre de chance de s’échapper ? Le vaisseau sur lequel elle venait d'atterrir prodigieusement était amarré dans un recoin où ne traînait pas âme qui vive. Aucune passerelle n'avait été déployée. Au mieux, elle pouvait espérer sauter par-dessus la rambarde et croiser les doigts pour ne rien se casser à l'atterrissage. Erika se précipita vers ladite rambarde, mais la hauteur de laquelle elle devrait se jeter la tétanisa. Au même moment, un bruit caractéristique lui signala que les amarres venaient d'être larguées. Le vaisseau s'apprêtait à décoller. Son sang ne fit qu'un tour.

Non. C'était ridicule. Elle n'allait pas se faire enlever ainsi sans rien dire, par la dernière personne qu'elle aurait cru capable de lui vouloir du mal. Enfin, en tout cas, pas à ce point. Elle refusait de se croire en danger auprès d’Orion. Pas lui. Pourtant, il aurait été insensé de sa part de penser qu’il ne lui voulait que du bien. Un homme qui vous veut du bien n’a généralement pas tendance à vouloir vous kidnapper de la pire des manières possibles, et sans explication aucune pour couronner le tout.

Erika leva un regard nouveau sur Orion qui continuait à s'affairer l'air de rien. Lui. Il était devenu un danger. Pourquoi ? Cette réalisation la déchira alors même qu'elle se pensait déjà anéantie. Mais elle n’eut pas le temps de considérer la douleur. Elle devait faire quelque chose. N'importe quoi. Ne pas rester plantée là en attendant sagement qu'on l'emmène qui sait où. Sa main dénicha fébrilement le couteau de poche de sa cachette. Si Bertille avait su... La brunette en garda la lame fermée pour le moment, et serra le manche de l'arme dans sa paume droite. Se savoir armée aurait dû la rassurer quelque peu. Mais elle ne ressentit qu'une douleur abominable à la pensée qu'elle devrait peut-être l'utiliser pour se défendre de lui.

Un trop-plein d'émotions contraires menait un rude combat en elle. Erika fit de son mieux pour se concentrer sur celle qui serait sa meilleure alliée en l'instant. La colère. Qui ferait taire la douleur. Qui alimenterait sa détermination. Qui modulerait la peur. Et qui lui était si facile à entretenir. Il lui suffisait de poser le regard sur la silhouette du grand brun - d'Orion !- qui venait ni plus ni moins de la kidnapper sans un mot, et qui l'ignorait désormais entièrement comme si elle n'était plus qu'une marchandise sur le pont.

Erika s'approcha à pas calculés de la silhouette du zéphyr, la main toujours resserrée autour de son couteau fermé.

"- On peut savoir à quoi tu joues… ?" grinça-t-elle lentement entre ses dents.
Asma
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Asma
Mar 11 Juil - 19:10

Orion
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La silhouette d’Erika se rapprocha de lui et enfin seulement Orion accorda-t-il une once d’attention à la jeune femme. Il la détailla de pied en cap, son expression parfaitement impassible. Dans son examen scrupuleux, il s’arrêta sur la façon dont elle avait relevé ses cheveux, sa toilette. Cette robe de mariage. Pour un mariage avec un autre. Et puis les petits détails commencèrent à lui apparaître. La façon dont sa posture et sa démarche révélaient qu’elle était mal à l’aise dans sa tenue. Et surtout, le couteau dans le creux de sa paume. Il fronça imperceptiblement les sourcils ? Qui se mariait avec un couteau à la main ? Si c’était un présent, c’était une étrange occasion pour faire un cadeau de cet acabit. Si ce ne l’était pas, cela en disait long sur la façon dont la nécromancienne envisageait cette union.

- À quoi je joue ? Lui rétorqua-t-il d’une voix glaciale. Et toi donc ?

Comptait-elle vraiment utiliser le couteau qu’elle avait à la main contre lui ? En étaient-ils vraiment là ?

- Je t’avais prévenue de ne pas jouer avec ce pouvoir, Erika.

Elle ne l’avait pas écouté. Que ce soit par amour filial ou par ego et bravade. Grand bien lui en faisait désormais.

- Tu es parvenue à énerver du monde en haut lieu.

Et c’était lui - et sa petite vie tranquille fraîchement trouvée - qui s’en était retrouvé le dommage collatéral. Plus exactement lui, sa maison, Rhona. Son regard alla une nouvelle fois du visage de la nécromancienne à sa main.

- Je t’en prie. Si tu comptes t’en servir, fais-le, poursuivit-il sur le même ton, mais tu serais terriblement plus efficace en l’ouvrant.

Une fin rapide ou une longue agonie. L’une comme l’autre serait certainement moins douloureuse que cette vision d’Erika dans cette tenue. Elle. L’autel. L’autre gus blond. Il savait que ça n’aurait rien dû lui faire. Mais ça lui avait fait. De l’effet. Du mal. Et en prime, il était furieux contre lui-même de s’être laissé aller à ressentir quelque chose. Mais ce n’était pas la jalousie qui guidait ses actions.

En même temps qu’il parlait, il couvrit la distance qui les séparait et s’arrêta juste devant elle, à quelques centimètres à peine de son visage, un air de défi dans les yeux. En y regardant de plus près, on aurait pu y voir danser au fond les flammes de la colère qui le rongeait et à laquelle il s’efforçait de ne pas laisser le dessus.

Il effleura ses doigts et d’un geste rapide, il lui prit la lame des mains. Il déplia le couteau sans lâcher la jeune femme du regard. Il pouvait sentir sous ses doigts le contact du bois et du métal finement ciselé. Il semblait de très belle facture et plutôt bien équilibré. Une belle pièce, au fond. Il verrouilla la bague qui le maintenait ouvert. Ceci fait, il saisit délicatement la main d’Erika et, la lame pincée entre deux doigts, lui reposa le manche dans la main. Il ferma ses doigts par-dessus ceux de la jeune femme, lui faisant serrer de nouveau sa prise sur l’arme. Accompagnant le geste, il plaqua la main prisonnière de la jeune femme et la lame contre son cou, juste sous sa pomme d’Adam. Il lâcha alors brutalement la main, la défiant toujours du regard.
Jen
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Jen
Mer 12 Juil - 0:13

Erika
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Erika ne put s'empêcher de se sentir vulnérable sous ce regard implacable. Elle n'en menait pas large. Elle ne comprenait toujours pas ses véritables intentions. Mais le peu qu'elle avait vu jusqu'ici lui confirmait bien qu'il ne s'agissait plus du même Orion que celui qu'elle avait connu. Quelque chose s'était éteint en lui. Ou éveillé. Elle n'aurait pas su le dire. Mais en l'espèce, elle était déstabilisée et pas uniquement pour les raisons qu'elle aurait cru en le voyant réapparaître de nulle part après si longtemps.

Il lui asséna des reproches d'une voix polaire. Erika frissonna au ton de sa voix. Il était terrifiant. Malgré tout ce qu'il avait été pour elle. Il était terrifiant, et pourtant, elle ne put s'empêcher de le fusiller du regard alors qu'il lui reprochait d'avoir "joué" avec son pouvoir. Comme s'il ne s'agissait que d'un simple caprice de gamine. Il savait pourtant tout l'enjeu qu'il y avait derrière son choix. Tout l'espoir que ce pouvoir représentait pour sa famille. A cette pensée, une remarque désagréable de Bertille résonna dans sa tête, qu'elle s'empressa de faire taire.

En haut lieu ? La nécromancienne haussa un sourcil dubitatif. Les Arcadiens - Hildegarde en tout cas - lui avaient bien fait comprendre qu'ils ne la considéraient pas comme un danger pour leur Arche, et qu'ils préféraient la laisser aux mains d'Astréos plutôt que de lui apporter leur aide. Le message était limpide. Alors pourquoi qui que ce soit s'intéresserait désormais à ses agissements ?

Le regard d'Orion se posa alors sur le couteau qu'elle avait gardé replié dans la main. Elle encaissa sa pique douloureusement. Non, bien évidemment qu'elle ne comptait pas s'en servir s'il ne...

Elle déglutit en le voyant se rapprocher puis s'immobiliser à portée de souffle. Un air qu'elle ne connaissait que trop bien brillait dans ses yeux. A cette distance, elle pouvait distinguer tous ces détails qu'elle n'avait jamais su oublier. Le souvenir d'une scène bien trop similaire lui revint dans un flash.

Puis son regard s'écarquilla subitement alors qu'Orion lui arracha le couteau des mains.

Il ne la lâcha pas de ses yeux sombres, tandis qu'il ouvrait le mécanisme. Erika vit l'éclat de la lame du coin de l'oeil, mais se refusa à rompre le combat de regard. Elle ne savait pas - ou plutôt refusait de comprendre - à quoi rimait ce geste, mais elle ne flancherait pas. C'était sa seule certitude. Son regard se teinta de la même lueur que celui qui la transperçait. Essaie donc.

Orion lui saisit la main et ce simple contact la brûla. Il n'avait plus rien de familier. Elle tressaillit en sentant le manche du couteau de retour entre ses doigts. Un éclair d'incompréhension passa dans ses yeux, mais avant qu'elle ne puisse réagir, le zéphyr referma sa main sur la sienne et, dans un mouvement parfaitement imprévisible, la fit plaquer la lame à même sa gorge.

La respiration de la brunette se fit brusquement haletante. Le défi était clair. Mais il continuait à la fixer résolument de son regard endurci, et cela suffit à lui faire contenir toute sa terreur. Seul indice de son effarement, sa paupière tressauta, laissant l'ombre d'un doute terrifié vaciller avant d'être remplacée par une détermination de fer. Elle refusait de laisser la douleur transparaître dans ses yeux. La douleur de réaliser où ils en étaient arrivés. La jeune fille retint le tremblement qui menaçait de s'emparer de sa main. Il voulait jouer à ce jeu-là ? La faire passer pour la grande méchante ? Très bien. Elle ne céderait pas.

Elle n'avait le dessus qu'en apparence. Il l'avait désarmé avec aisance une première fois, il pourrait tout à fait le refaire une seconde fois. Une réaction logique et sensée aurait été de retirer le couteau de sa gorge, et les mettre hors de danger tous les deux - du moins hors du danger immédiat que représentait l'arme. Calmer le jeu. Pourtant, la lame resta résolument plaquée contre la gorge du grand brun.

Attendait-il d'elle qu'elle frappe la première ? Hors de question. Erika se savait incapable de faire plus. S'il n'avait pas guidé sa main jusqu'ici, elle n'aurait pas pu le faire elle-même. Pour autant, maintenant qu'elle en était là, elle refusait de faire machine arrière la première. Et la tension électrique entre eux ne faisait rien pour inviter à une accalmie.

Orion les avait mis dans une situation pour le moins périlleuse - comme si la situation initiale ne l'était pas déjà assez. Ce faisant, il avait habilement contourné sa question. Erika restait toujours dans le flou complet concernant les tenants et aboutissants de l'improbable scénario qui s'était déroulé sous son nez.

Et en prime, sa question comptait double désormais. Alors, toujours les yeux rivés dans les siens, elle n'esquissa pas le moindre geste de recul, bien au contraire.

"- Au risque de me répéter, Orion, gronda t-elle d'une voix sourde. A. Quoi. Tu. Joues ?"

Le couteau dans sa main ne broncha pas. S'il voulait se venger en retournant l'arme contre elle, qu'il le fasse. Mais elle ne lui ferait pas le plaisir de frapper la première. Ou plutôt, elle avait été forcée d'admettre qu'elle en serait incapable. S'il décidait de l'attaquer, elle n'était pas certaine d'avoir la force de se défendre. Parce que c'était lui. En dépit de tout.

Cette réalisation lui arracha un hoquet étouffé.

Elle était si désespérée que si la poignarder était la seule chose qu'il voulait faire d'elle, elle était prête à l'accepter.
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Mer 12 Juil - 17:47

Orion
J'ai 28 ans et je suis originaire de l'arche de Zéphyr. Dans la vie, j'étais pilote d'aérostat. Maintenant, je vis au jour le jour et je m'en sors sans y réfléchir. Sinon, j'ai été célibataire, j'ai été marié, j'ai divorcé et après tout cela, elle m'a brisé le cœur.
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Orion continuait à jauger la jeune femme du regard. Fidèle à elle-même, elle avait choisi d’adopter une posture hautaine qu’il ne lui connaissait que trop. Et pourtant, il savait aussi qu’elle n’en ferait rien. C’était tout ce que c’était. De la posture. De la bravade. Elle ne bougea pas. Elle ne l’attaqua pas. Mais elle ne baissa pas l’arme non plus.

Alors Orion le fit pour elle. Dans un mouvement souple et fulgurant, il se saisit de nouveau de sa main qu’il immobilisa d’une clé de poignet. Il ne força pas sur l’articulation. Le but était simplement de contrôler sans blesser. Il appliqua une légère pression en tournant le poignet, forçant la jeune femme à pivoter poursuivre le mouvement pour ne pas se faire mal. Il se déplaça de sorte à se repositionner dans son dos, les bras autour d’elle. De sa main droite, il maintenait toujours la main avec laquelle elle tenait le couteau qu’il approcha alors de sa gorge à elle. C’était bien trop facile. Peut-être aurait-il dû lui suggérer d’apprendre un minimum à se défendre, le jour où elle l’avait quitté pour Sidh. Elle en aurait eu l’utilité, vu le monde qu’elle était en train de se mettre à dos.

Une pensée sombre lui traversa fugacement l’esprit. L’image du corps sans vie de la jeune femme. S’il ne nourrissait plus d’affection à son égard, il était loin d’être au point d’apprécier la vision. Malgré lui, il savait que si elle venait à se trouver en danger en sa présence, il s’interposerait encore pour la protéger. Esprit chevaleresque ? Bêtise crasse ? La soudaine réalisation ne fit que l’exaspérer un peu plus encore. Elle n’en avait décidément pas fini de lui pourrir la vie.

Orion se pencha sur son oreille. Son parfum familier s’insinua dans ses narines. Quelque chose en lui s’éveilla. Quelque chose qui était resté en sommeil pendant très longtemps. Un quelque chose qui se réveillait de très mauvaise humeur. « Pour un autre » souffla l’insidieuse voix à laquelle le grand brun ne pouvait donner tort.

- Je ne joue pas, répondit-il froidement.

« Je n’ai jamais joué, moi », s’abstint-il d’ajouter pour ne pas jeter d’huile sur le feu. Pas encore.

- Je suis en mission, figure-toi.

Il pressa sur le dos de la main, la forçant à lâcher la lame dont il reprit aussitôt possession. Il déverrouilla le mécanisme, replia le couteau et le lui reposa dans le creux de la main. Sans plus de cérémonie, il lâcha sa prise sur la jeune femme, non sans avoir humé son parfum une dernière fois.

- En service commandé. Je ne suis rien ni personne. Rien d’autre qu’un transporteur.

Avait-il jamais été plus, au fond ? Jusqu’au moment où ses services n’avaient plus été requis… Le sous-entendu était bien présent dans ses propos.

Ce ne serait qu’un trajet de plus, mais pour un autre commanditaire. Il la remettrait à qui de droit et c’en serait fini pour lui. Ce qu’ils avaient prévu de faire de la nécromancienne ensuite n’était plus son problème. Il préférait ne pas le savoir. Quand il en aurait fini avec elle, il essayerait… quoi ? De retourner à son ancienne vie ? Littéralement impossible. Il retournerait à tout le moins à Héliopolis. Sur place. Ne serait-ce que pour essayer d’en savoir plus sur ce qui s’était produit et comprendre.

- Je te l’ai dit. Tu as agacé quelqu’un que tu n’aurais pas dû.

Le quelqu’un de trop.

- Parce que toi, ou ton… fiancé…

Son regard s’assombrit plus encore à ce mot. Le simple fait de le prononcer lui faisait physiquement mal.

- … a réussi à attirer l’attention de Farouk. Or, dans le contexte actuel, il ne fait pas bon être en ligue avec un esprit de famille qui n’a pas forcément rien que le bonheur de sa famille à cœur.

Cette fois, le sous-entendu était plus flagrant encore et la pique sous-jacente parfaitement gratuite.

Il la toisa une dernière fois de pied en cape.

- Si tu veux te changer, il y a des habits pour toi, dans ta cabine, conclut-il en insistant sur le « ta ».
Jen
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Jen
Jeu 13 Juil - 0:58

Erika
J'ai 25 ans et je vis à Sidh, XVIème arche majeure. Dans la vie, je suis employée dans un atelier de textile et je m'en sors bien. Sinon, grâce à mes décisions stupides, je suis fiancée par arrangement pour la seconde fois et je le vis plutôt très mal.


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Orion lui saisit le poignet à nouveau, et Erika ne fit rien pour lui résister. Pourquoi le devrait-elle ? Elle n'en avait ni la capacité ni l'envie. Comme elle s'y attendait, il retourna l'arme contre elle. Le contact de la lame contre la veine palpitante de sa gorge la remplit d'un effroi nouveau. Mais Orion n'appuya pas plus qu'elle ne l'avait fait sur sa peau. Un avertissement ? Le ton de sa voix ainsi que le double sens de la phrase qu'il lui glissa à l'oreille ne laissaient pas place au doute. Si elle-même était incapable d'utiliser ce couteau contre le zéphyr, lui n'hésiterait pas. Il en était tout à fait capable et peut-être même, en avait-il l'envie.

Plaqué ainsi dans son dos, arme à la main, il lui faisait vivre un véritable supplice, bien pire que s'il l'avait poignardée en plein coeur sans cérémonie. Puisqu'elle ne lui faisait plus face, Erika laissa le masque de fer tomber momentanément, laissant libre court à la frayeur dans ses yeux. Son effluve discret lui chatouilla alors les narines, seule composante qui n'avait pas changé chez lui. Si elle fermait les yeux, elle pouvait presque croire que rien de tout cela ne s'était produit. Qu'il n'était pas devenu cet être impassible qui la menaçait d'une arme sous la gorge.

Puis elle se prit à penser que mourir de sa main, à lui, était loin d'être la pire des sentences. La nécromancienne fronça des sourcils, ahurie par sa propre réflexion. Qu'est ce qui ne tournait pas rond chez elle ? Il venait de lui faire comprendre de manière on ne peut plus limpide ses intentions, et elle trouvait encore le moyen de s'en satisfaire. Il allait finir par l'achever à bord même de ce vaisseau, et elle ne serait pas loin d'aller lui offrir elle-même sa gorge à trancher. Tout ça pourquoi ? Parce que la culpabilité qui la rongeait ne trouvait pas d'autre échappatoire ? Parce qu'affronter ce reflet glacé dans ses yeux était trop douloureux ?

La pression de ses doigts sur sa main se fit telle qu'Erika relâcha le couteau dans un soubresaut. A quelques centimètres à peine de sa gorge, Orion replia dextrement la lame et lui remit le manche dans la main. Puis il s'éloigna d'un seul coup, emportant avec lui cet effluve familier. Ses poumons retrouvèrent brutalement de l'air, et la brunette ne put dissimuler sur son visage la tempête d'émotions qui faisait rage en elle. La peur. La colère. Le dépit. La douleur. Surtout la douleur.

Orion entreprit alors de lui fournir un semblant d'explication. Je ne suis rien ni personne. Il était loin d'être rien, et encore plus loin d'être personne, et il le savait pertinemment. Ses mots l'atteignirent exactement là où il l'avait certainement espéré. Erika serra la mâchoire en le clouant du regard, sa tête secouant imperceptiblement de droite à gauche. Elle savait pourquoi il employait ces mots. Il savait qu'elle comprendrait. Et elle ne faisait rien pour le faire taire. Elle se contentait d'encaisser en silence, le poing serré autour de son couteau. Son ridicule couteau.

La jeune fille déglutit en entendant la suite de ses paroles.

"- Farouk ?" ne put-elle s'empêcher de répéter, à la fois troublée et épouvantée.

Un inquiétant personnage, qu'il ne faisait pas bon se mettre à dos. Quelles proportions avait bien pu prendre cette histoire ?

Pourtant, son esprit resta bloqué sur le mot "fiancé". La manière dont Orion avait buté dans sa phrase ne lui avait pas échappé. Et elle réalisait tout doucement dans quelle situation elle était. Elle, en robe de mariée, pour en épouser un autre. Lui, transformé, lui vouant une haine incommensurable. Justifiée. Par ses actions, à elle. Alors qu'elle prenait conscience viscéralement qu'elle n'avait jamais su tourner la page. Elle était dans la pire position possible, agonisant des conséquences de ses propres actions. Elle aurait préféré qu'il l'achève de sa main tout à l'heure plutôt que d'affronter cette scène-là.

Et Orion était impitoyable. Comme si elle n'agonisait pas déjà assez, il lui asséna encore un sous-entendu sournois à peine voilé. Erika lui jeta un regard furieux. C'était petit, même pour celui qu'il était devenu. Mais avant qu'elle ne puisse répliquer, la dernière déclaration du zéphyr la laissa pantoise. Ainsi il avait réellement tout prévu, tout planifié, au point de penser à lui prendre du change. Depuis quand cette histoire se tramait-elle donc ? La stupéfaction passée, la nécromancienne éclata d'un rire sans joie.

"- Du change, rien que ça. Tu es un ravisseur bien aimable dis-moi, quelle chance j'ai", ironisa t-elle en s'efforçant d'ignorer son ultime pique.

Il était loin, le temps où ils se chamaillaient pour des bêtises telles qu'une cabine. Elle aurait tout donné pour revenir en arrière et cantonner leurs disputes à ces sujets triviaux. Leurs disputes. Quand un "eux" existait encore.

Rassemblant ses dernières onces de fierté, Erika remonta sa robe pour dégager ses chevilles et fit demi-tour promptement. D'un pas décidé malgré la douleur que ses escarpins faisaient subir à ses pieds, elle s'engouffra sur le pont inférieur, et fila droit jusqu'à ce qui ressemblait à une porte de cabine. Elle ne s'arrêta pas pour détailler l'intérieur du vaisseau. Maintenant qu'elle était de nouveau seule, elle voulait s'isoler au plus vite. Ses mains qui tenaient toujours les pans de sa robe s'étaient mises à trembler et s'agrippaient férocement à l'étoffe. Son expression faciale était métamorphosée. Ses jambes la portaient à peine. La nécromancienne poussa la première porte de ce qui lui semblait être une cabine, et s'affala de tout son poids dessus pour la refermer dès qu'elle se fut glissée par l'ouverture.

Le front collé contre la porte, elle frappa rageusement trois coups du plat de la main sur la surface lisse du bois. Ses yeux se fermèrent pour empêcher les larmes de monter. Mais elle ne put les retenir, plus cette fois. Alors elle se laissa glisser dos à la porte, jusqu'à que ses jambes ne cèdent et qu'elle se retrouve à genoux dans un ridicule nuage d'étoffe blanche qu'avait formé sa robe. Sa main prit appui sur le sol pour lui éviter de basculer en avant. Tout son corps était secoué par des sanglots incontrôlés. Elle se plaqua le bras sur la bouche pour étouffer un hurlement. De rage ou de douleur ?

Le peu d'esprit rationnel qui lui restait encore lui dictait de se soucier de ce qu'il adviendrait d'elle. Où est-ce qu'on pouvait bien l'emmener. Comment elle pourrait se sortir de là. Comment elle pourrait se mettre à l'abri de la menaçante colère de Farouk. Mais pour la première fois, son état de confusion était tel qu'il lui fut impossible de se concentrer suffisamment pour faire appel à sa boussole. Elle était impuissante, paralysée, anéantie. Dans son esprit, les paroles glaciales d'Orion tournaient en boucle. Il comptait la livrer sans aucun état d'âme à une nouvelle bande de cinglés, comme une marchandise à apporter à bon port. Un transporteur. Lui. Un simple rouage d'une nouvelle machine infernale.

Et par-dessus tout, son regard continuait à la hanter, encore et encore.

Elle étouffa un nouveau hurlement. Qu'avait-elle fait...?
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Ven 14 Juil - 7:42

Orion
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Elle disparut enfin. Elle, son ego, sa robe et le peu de dignité dans laquelle elle s’était drapée en tournant les talons. S’il en croyait ses expériences passées, elle ne reparaîtrait pas de sitôt. Tant mieux. Sa présence et sa proximité étaient une épreuve pour lui aussi.

Et quoi maintenant ? Tu te crois malin ? Tu te sens mieux ? le tança, implacable, sa petite voix intérieure.

Pour toute réponse, Orion écarta les mains et un vent furieux se leva autour de lui. Plus vite ils arriveraient à destination et plus vite il en serait débarrassé. Tant pis pour l’utilisation raisonnée de ses pouvoirs et les précautions quant à ses limites. Il était pressé d’en finir.

Il lui avait asséné coup sur coup et elle avait encaissé chaque remarque assassine. Il n’avait pas fait dans la finesse avec ses sous-entendus. Ce n’était pas comme s’ils avaient pu lui échapper. Comme lui, elle devait savoir au fond qu’il avait raison. Une partie de lui regrettait la tournure qu’avait pris leur échange. Pour cette partie de lui, il y avait tant de choses qu’il aurait aimé lui dire ou lui demander. Mais tout autant de questions auxquelles il préférait ne pas obtenir de réponse. Il ne fallait pas se disperser. Il fallait rester concentré sur sa mission. Seul ce mantra pouvait le sauver, l’empêcher de perdre pied et de sombrer définitivement. Il ne fallait pas l’oublier. Ils ne s’étaient pas enfuis ensemble, cette fois. Elle n’était pas là de son plein gré. Ravisseur. La jeune femme avait raison. Le terme n’en était pas moins avilissant dans sa bouche.

Orion secoua la tête. Comment en étaient-ils arrivés là ?

Personne ne s’était inquiété de ne pas le voir rentrer le soir-même. Ni le lendemain. S’ils savaient. Peut-être le savaient-ils ? Elle avait dû passer récupérer ses affaires. Ou les faire récupérer par quelqu’un.  Rhona fut la première à le voir arriver. Comme à son habitude, surtout depuis qu’il lui avait proposé de les accompagner sur l’Etoile, elle arborait un large sourire et était particulièrement enthousiasmée. Alors qu’elle s’apprêtait à prendre la parole pour le harceler de questions comme elle savait si bien le fait, le grand brun se contenta de faire non de la tête. Non, elle ne viendrait pas. Non, il n’avait pas envie d’en parler.

- Qu’est-ce qui… ?

Bartolomé posa une main sur le bras de la grande rouquine. Le visage de cette dernière se referma. Il ne savait pas ce qu’il y avait de pire. La douleur qu’il ressentait ou la pitié qu’il pouvait voir dans le visage de ses amis.


La faim finit par commencer à le tirailler. Le grand brun réalisa qu’il n’avait pas bougé depuis qu’Erika avait disparu. Une douleur modérée mais continue s’était désormais durablement installée à l’arrière de sa nuque et entre ses sourcils. Il s’étira et se décida à rejoindre la cuisine. Se préparer à manger avait l’avantage considérable de l’aider à se vider la tête. Eplucher, détailler les légumes, couper la viande, surveiller la cuisson.  Ces tâches nécessitaient une certaine concentration et l’aidaient à focaliser son esprit sur l’instant présent. Pourtant, dans l’état dans lequel il se trouvait, même cet exercice ne parvint pas à empêcher ses pensées de divaguer.

- Ajax est un bon capitaine.
- Et pourquoi pas Bart ?
- Tu sais aussi bien que moi que c’est impossible. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé, mais la guilde n’acceptera pas.
- Je ne vois pas ce qui t’oblige à faire ça ?

Orion éclata d’un rire sans joie.

- « Oblige » ? Rien ne m’y oblige, Rhona. J’en ai simplement droit, déclara-t-il simplement en insistant sur le dernier mot.

Il travaillait comme un forçat depuis des années, imposant des rythmes de navigation effrénés et ne comptant pas ses heures. Il avait droit à une pause. Une longue pause. Ce qu’il n’avait pas le courage de lui dire, c’était qu’il n’avait pas prévu d’en revenir. Il avait rendu ses ailes et voulait du temps pour lui, désormais, loin de tout et de tout le monde.


Orion était occupé à ciseler des herbes pour finir d’assaisonner son plat, quand la lame ripa sur un doigt mal placé dont elle entailla profondément une phalange. Sous le coup de la douleur soudaine, le grand brun lâcha le couteau et poussa un juron. Le sang commençait déjà à ruisseler entre ses doigts.

Même quand elle n’était pas présente, elle continuait à hanter ses pensées et à lui faire causer des catastrophes. D’un geste rageur, il balança la planche la planche et son contenu dans l’évier.
Jen
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Jen
Ven 14 Juil - 19:29

Erika
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Une fois le premier choc passé, Erika retrouva peu à peu ses esprits et lentement, les rouages de son cerveau se remirent en marche. Elle ne pouvait pas rester là, effondrée au sol dans cet accoutrement ridicule. Pas après ce qu'il venait de se passer, pas après ce qu'elle venait d'apprendre. Elle devait se ressaisir. Malgré toute la douleur que cela lui imposait.

Son regard se posa alors sur les vêtements de rechange promis. Et effectivement, tout y était. Elle fut même étonnée d'y trouver une paire de bottines bien plus confortables que les horreurs qu'elle se coltinait depuis le début de la journée. Erika leva un sourcil surpris. Tout avait été prévu. Un kidnapping de grand luxe. Quel dessein avait-on donc prévu pour elle cette fois-ci ? Et qui était le commanditaire d'Orion ? Farouk en personne, cela semblait bien improbable. La brunette se rappela alors avec une suspicion renforcée la présence d'Archibald sur l'autel. Il était forcément au courant que quelque chose se tramait, il semblait toujours être au courant de tout... Ou pas cette fois-ci ? Mais si ce n'était pas lui, alors qui d'autre ? Et surtout, pourquoi charger Orion de la mission ? Pourquoi pas n'importe quelle autre personne qui faisait partie du cercle de ceux qui lui en voulaient cette fois-ci ? A moins qu'Orion n'en fasse partie lui aussi ? Non, elle refusait d'y croire. Et puis surtout, le zéphyr n'aurait jamais accepté de la revoir, surtout dans de telles circonstances, s'il n'avait pas eu une excellente raison de le faire. Que lui avait-on promis en échange de sa livraison ? Erika frissonna. Elle ne préférait peut-être pas savoir. Elle ne préférait pas connaître le prix auquel Orion l'estimait désormais.

Son irrespirable robe de mariée troquée contre une robe bien plus facile à porter, la nécromancienne se sentit légèrement mieux. Elle relâcha ses cheveux pour apaiser la tension qu'exerçait la coiffure sur son cuir chevelu, et passa son annulaire sous ses yeux pour ôter toute trace de ses sanglots.

En une fraction de seconde, elle était passée d'une future mariée sur le point d'échanger ses voeux, à une prisonnière à bord d'un vaisseau pour une destination inconnue. Bien. Une prisonnière donc. Et que faisaient les prisonniers ? Ils s'échappaient. Première chose à faire, se repérer, comprendre où elle serait amenée. Avec un peu de chance, si la destination était lointaine - le Pôle peut-être et à raison ? - alors ils devraient probablement faire escale en route. Ne serait-ce que parce qu'Orion ne tiendrait pas le trajet d'une seule traite, si ses pouvoirs lui faisaient toujours défaut.

Séléné, Corpolis, et Titan, étaient les trois voisines immédiates de Sidh. Les repérer l'aiderait déjà à deviner dans quelle direction ils se dirigeaient. Mais Erika se doutait aussi que dans un souci de discrétion, le zéphyr éviterait certainement de faire escale sur des Arches majeures. Sauf que les connaissances géographiques limitées de la nécromancienne ne lui permettaient pas de se repérer à travers les myriades d'Arches mineures. Une carte. Elle aurait besoin d'une carte. Pour tenter de repérer le lieu de leur prochaine escale, et trouver un moyen de s'enfuir. Pour aller où ? Retourner à Sidh ? Malgré les inquiétantes révélations d'Orion ? Erika n'en savait plus trop rien. Mais elle n'allait certainement pas attendre gentiment dans sa cabine, le temps qu'il la livre à ces gens qui ne lui voulaient certainement pas que du bien, eux non plus.

Elle irait donc se dénicher une carte quelque part dans ce vaisseau. Si Orion était resté sur là où elle l'avait laissé, elle aurait tout le loisir d'explorer le pont inférieur à la recherche de la précieuse aide. Mais comme s'il avait lu dans ses pensées, un bastringue soudain lui indiqua que le zéphyr était malheureusement redescendu. Erika soupira. Elle avait certainement moins de chances de trouver quoique ce soit sur le pont supérieur, mais elle devrait commencer par là.

Le bruit inattendu ayant toutefois éveillé sa méfiance, la brunette s'assura d'avoir gardé son couteau sur elle, dans sa poche, juste au cas où. Idiotie, quand elle repensait à la facilité avec laquelle ce même couteau avait été retourné contre elle quelques instants auparavant. Peut-être devrait-elle apprendre à s'en servir, histoire qu'il ne lui soit pas parfaitement inutile voire carrément handicapant. Mais pour le moment, elle se contenterait de le savoir à portée de main.

Elle ouvrit discrètement la porte de sa cabine et tomba sur une scène à laquelle ne s'était pas attendue. Orion, visiblement blessé d'une main, qui se débattait tant bien que mal avec une bouteille d'alcool médical de l'autre main. Par réflexe, Erika s'approcha et réprima une grimace à la vue du sang qui tâchait la main. Elle eut une seconde d'hésitation. Devait-elle continuer son chemin comme si de rien n'était ? Après tout, l'homme qui se tenait là l'avait menacée d'un couteau sous la gorge il y avait quelques minutes de cela à peine. Mais d'un autre côté, quel genre d'être apathique ignorerait une situation pareille ? Surtout lorsqu'elle était très littéralement la seule aide possible à bord de ce vaisseau ?

Alors avant qu'il ne puisse réagir ou qu'elle ne change d'avis, Erika prit la bouteille des mains d'Orion. Elle l'ouvrit pour en imbiber une compresse qu'elle sortit de la trousse de secours qui avait été posée là. Elle ne prononça pas un mot, et garda les yeux résolument baissés sur sa tâche. Elle entreprit ensuite de nettoyer et désinfecter la plaie, avant de comprimer le doigt pour en arrêter le saignement. L'entaille était plutôt profonde. Il ne s'était pas raté. Une fois le saignement endigué, elle lui fit un bandage avec ce qu'elle trouva dans la trousse. Ses gestes étaient mécaniques, automatiques. A peine eut-elle terminé le pansement qu'elle reprit son chemin vers le pont supérieur, comme si elle ne s'était jamais interrompue. Elle ne s'attarda pas sur les raisons qui auraient motivé son geste. Du bon sens, purement et simplement.

L'air frais qui l'accueillit lui fit le plus grand bien. Avant d'entreprendre ses recherches qui s'avéreraient certainement infructueuses ici, la brunette s'accouda brièvement sur le garde-corps. Elle laissa son regard errer sur le vaisseau qu'elle prenait le temps d'observer pour la première fois. Du peu qu'elle avait vu à l'intérieur, elle était prête à parier que ce n'était pas un vaisseau d'emprunt. Il s'agissait bel et bien de celui d'Orion, de par la manière dont il avait été décoré sobrement, de par l'atmosphère qui y régnait. Rien à voir avec l'Harmattan, qui lui-même en disait long sur sa propriétaire qu'Erika n'avait pourtant jamais connue. Et le Boréal alors ? Naturellement, la question de savoir ce que le zéphyr avait bien pu faire cette dernière année lui traversa l'esprit. Elle se l'était tant demandé, mais en l'instant, elle préféra chasser l'interrogation d'un revers de main. Ce qu'il avait fait ne devait plus la préoccuper. Ce qu'il comptait faire d'elle, un peu plus. Mais il avait été plutôt très clair à ce sujet. Alors elle se concentrerait sur le moyen de lui échapper.

Son coeur se serra brusquement. Jusque-là, ils avaient toujours fui à deux, bon gré mal gré. Ils avaient été ensemble dans ce bourbier infernal. Mais aujourd'hui, elle se retrouvait entièrement seule. Pire, ils n'étaient plus du tout dans le même camp. Au lieu de fuir avec lui, elle devait désormais s'enfuir de lui.
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Asma
Sam 15 Juil - 10:25

Orion
J'ai 28 ans et je suis originaire de l'arche de Zéphyr. Dans la vie, j'étais pilote d'aérostat. Maintenant, je vis au jour le jour et je m'en sors sans y réfléchir. Sinon, j'ai été célibataire, j'ai été marié, j'ai divorcé et après tout cela, elle m'a brisé le cœur.
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Orion coupa le feu pour éviter que ce qui était en train de cuire ne brûle pendant qu’il était occupé à traiter sa blessure. Il mit sa main sous l’eau pour rincer la plaie et éliminer le sang qui s’était répandu sur ses doigts. Parvenant à juguler provisoirement le flot, il alla jusqu’à la salle de bain où il se saisit de sa trousse à pharmacie de secours et revint se positionner à proximité de l’évier. L’inconvénient avec les doigts était qu’ils saignaient énormément à la moindre coupure.

L’état d’énervement était tel qu’il avait du mal à stabiliser ses mains. Les compresses avaient bien évidemment sombré au fin fond des entrailles de la pochette. Le sparadrap, plus compliqué qu’il le pensait à agrafer à une seule main. Quant au bouchon de cette fichue bouteille d’alcool, il faisait de la résistance.

Orion n’entendit pas Erika arriver dans son dos et ne réalisa véritablement sa présence que lorsqu’elle lui retira la bouteille des mains. Il la gratifia d’un regard noir et s’apprêta à exiger qu’elle la lui rende quand il réalisa qu’elle était en train de l’ouvrir pour lui. Le regard noir se fit suspicieux. Elle avait pris sa main dans la sienne et entrepris de nettoyer la plaie. Il percevait sans difficulté le ridicule de la situation. Il la désarmait avec une facilité déconcertante et voilà qu’il s’entaillait bêtement avec un vulgaire couteau de cuisine. Le karma, auraient dit d’aucuns.

Elle aurait dû jubiler, mais ne pipa mot. Elle n’y alla pas de main morte sur l’alcool. Il grimaça. C’était de bonne guerre, compte tenu des circonstances. Le grand brun ne dit rien et laissa faire, en silence. Il s’efforça de rester concentré sur ses mains et ne leva à aucun moment les yeux sur la jeune femme. Quand il fut pansé, elle disparut comme elle était apparue.

Le zéphyr débarrassa et rangea le reste du matériel. Il retourna à sa cuisine, plus perplexe que jamais. Elle n’avait eu aucune raison objective de l’aider de la sorte. A tout le moins, elle aurait été en position de lui asséner une remarque désobligeante à souhait, ce qu’elle n’avait pas fait non plus.

Il ralluma le feu sous sa casserole et termina sa préparation. Quand il eut terminé, il se servit et attrapa ses couverts pour aller manger. Avec un soupir, il attrapa une autre paire de couverts, revint sur ses pas et remplit une deuxième assiette. Il remonta. En passant, il posa l’assiette et les couverts à proximité de la jeune femme, sans un mot, sans un regard pour elle et s’éloigna.

Dans sa conception, le Léthé était un peu moins un vaisseau de course que l'Harmattan, plutôt prévu pour le voyage d'agrément. S’il avait une ligne profilée, il était plus spacieux, plus encore en raison du très particulier aménagement intérieur qu'il avait fait faire. Comme il était conçu pour voyager confortablement, le poste de pilotage disposait d’un fauteuil et d’un large nombre de commandes à portée de main. Le grand brun s’y installa, jeta un coup d’œil à ses instruments et commença à manger.

En temps normal, il y avait entre Sidh et Séléné plus ou moins le même temps de trajet qu’entre Sidh et Zéphyr, mais dans la direction opposée. Peut-être Orion aurait-il dû se placer plus près de sa destination avant de déclencher son sablier, mais il n’y avait pas grand-chose entre les deux arches pour une relâche. Séléné était, comme beaucoup d’autres, entourée d’arches mineures, mais elles étaient assez densément proches de l’arche majeure. Il aurait pu tenter de faire partir le sablier directement depuis son point de rendez-vous final et s’épargner ce trajet ridiculement long, mais il avait trop craint que quelque chose dysfonctionne. Il n’avait eu qu’un sablier. Une seule chance. Si le plan initial avait raté, il aurait eu un petit peu de temps – risiblement peu – pour se retourner et essayer de trouver une alternative. Mais il n’aurait pas dû douter le talent des arcadiens. Le sablier avait fonctionné et il se trouvait maintenant coincé pour les deux prochains jours à bord avec Erika.

Presque plus que la traversée, il appréhendait l’arrivée. Séléné était loin d’être son arche favorite. Les oniristes étaient… des créatures particulières. Capables de jouer avec conscient et subconscient, de provoquer des visions et des hallucinations. Par définition, le zéphyr était assez peu appréciatif des familles dont les pouvoirs affectaient la psyché. Néanmoins, ils étaient aussi irascibles, ce qui en faisait des êtres très peu corruptibles et donc de bonnes personnes de confiance, s'ils étaient convaincus du bienfondé d'apporter leur soutien. Sa mère devait avoir là un appui indéfectible à sa cause.

Son regard se posa sur la jeune femme qui lui tournait le dos, appuyée sur le bastingage plus loin à l’avant de l’appareil. Les arcadiens avaient intérêt à ne pas lui faire faux bond. Il termina son assiette qu'il posa à proximité et, en dépit du désagréable bruit de fond dans son crâne, il réactiva son pouvoir. Plus vite arrivé…
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