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LE TEMPS D'UN RP

Il n'y a que les causes perdues qui méritent qu'on les défende [Asma x Jen]

Jen
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Jen
Mer 19 Juil - 13:18

Erika
J'ai 25 ans et je vis à Sidh, XVIème arche majeure. Dans la vie, je suis employée dans un atelier de textile et je m'en sors bien. Sinon, grâce à mes décisions stupides, je suis fiancée par arrangement pour la seconde fois et je le vis plutôt très mal.


Il n'y a que les causes perdues qui méritent qu'on les défende [Asma x Jen] - Page 4 Ezgif-com-gif-maker

Fiche détaillée juste ici
Erika observait la pluie ruisseler sur la vitre de sa cabine, l'air absent. L'apathie avait atteint de nouveaux sommets en elle ces deux derniers jours. Car si c'était une chose de savoir Orion quelque part loin d'elle à vivre une vie dans laquelle elle n'avait plus sa place, c'était une toute autre chose de l'avoir face à elle en permanence, pour lui rappeler douloureusement ce sur quoi elle avait fait une croix, malgré elle. Ou plutôt, malgré tout ce que son coeur lui avait hurlé de ne pas faire. Sa simple présence dans ce même aéronef était une épreuve constante. Ils ne se parlaient pas, ne se regardaient pas, faisaient tout pour ne pas respirer le même air et pourtant, la nécromancienne sentait sa présence absolument partout où elle allait. Rien d'étonnant après tout, elle était sur son vaisseau à lui. Mais cela ne faisait qu'enfoncer le couteau encore plus profondément dans la plaie béante de son coeur. Elle ne savait même pas qu'il lui restait encore tant à saigner, elle qui s'était crue vide depuis si longtemps.

Force était de constater qu'ils étaient arrivés à destination. Derrière la petite vitre, on pouvait distinguer un paysage d'une rare singularité rendu irréel par la pluie torrentielle qui se déversait dessus. Erika remonta sur le pont, sa pauvre veste ne pouvant rien contre la météo furieuse. Elle avançait tel un automate, vidée de toute volonté propre. Ses cauchemars ne l'avaient plus quitté ces dernières nuits, et les mêmes images lui revenaient systématiquement en boucle. Parfois, il lui semblait même être la prisonnière de ses propres pensées plus que celle d'Orion.

Insensible à la pluie diluvienne qui s'attaquait à chaque parcelle de sa peau, la nécromancienne foula du pied le champ de trèfles dans lequel le vaisseau avait été posé. Devant elle, la silhouette du zéphyr couvert de son caban échangeait quelques mots avec celle inconnue d'une jeune femme à la pâleur bleutée cadavérique. Erika frissonna en les rejoignant. Les sélénites étaient plus effrayants encore que dans ses cauchemars. Lorsqu'ils se mirent en marche, elle emboîta automatiquement le pas à ses deux geôliers. Une goutte glaciale descendit soudain le long de sa nuque jusqu'à sa colonne vertébrale, et la sensation désagréable suffit à réveiller son instinct de survie qui semblait avoir été endormi sous le poids de la torpeur.

Fuir.

Loin d'ici. Loin de cette étrange créature. Loin de lui.

Mais à peine le brusque changement s'était-il opéré dans sa conscience que la sélénite interrompit la marche, darda un regard glacial sur la brunette, et revint sur ses pas. Erika sentit tous ses sens s'alarmer. Elle voulut prendre ses jambes à son cou mais son corps était comme tétanisé par la peur. Et d'un seul coup, le regard de la sélénite changea. Erika ne parvenait plus à détacher son regard du sien, tandis que peu à peu, la torpeur revenait prendre sa place, chassant toute envie de rébellion de son esprit. Une lueur d'effarement passa dans ses yeux écarquillés. Non, ce n'était pas elle. Ce n'était pas...

La créature onirique se détourna subitement pour reprendre sa marche comme si de rien n'était. Un brouillard confus persistait dans la boîte crânienne de la nécromancienne. Suivre, lui intimait sa conscience. Suivre. Alors ses jambes se remirent en mouvement, pour reprendre le chemin jusqu'aux maisons en contre-bas. Elle secoua la tête en clignant des yeux plusieurs fois, incapable de retrouver un esprit lucide. Quelque part en elle, elle avait conscience qu'on lui avait fait quelque chose. Comme si deux forces contraires se bousculaient dans sa tête. Durant un bref instant, elle aurait même été incapable de dire si ce qu'elle vivait relevait du simple rêve ou de la réalité.

A l'instant où elle franchit le palier d'une maisonnette colorée, le brouillard disparut de son esprit. Erika prit brutalement conscience qu'elle était trempée jusqu'aux os, les cheveux dégoulinants de pluie, et transie par le froid. Mais surtout, elle se sentit prise au piège, à nouveau. Elle passa une main tremblante sur son visage pour chasser les mèches qui s'y étaient collées, comme si cela allait lui permettre de mieux distinguer le lieu dans lequel on venait de l'enfermer. Contrairement au majestueux accueil auquel elle avait eu droit sur Zéphyr, cette fois-ci, l'ambiance était plus intimiste. Dans le petit salon de la maison, deux autres sélénites les attendaient, à l'allure tout aussi peu avenants que la jeune femme qui les avait accompagnés jusqu'ici. Alba, si toutefois elle était bien celle qui avait commandité cet enlèvement, brillait par son absence. A moins que l'arcadienne ne soit en retard pour les réjouissances qui semblaient l'attendre ?

Erika déglutit, à nouveau saisie par une impérieuse envie de fuir. Cette scène avait un goût de déjà-vu bien trop probant. Des images confuses se mêlaient dans son cerveau, tantôt des souvenirs de Zéphyr, tantôt des flashs de ses cauchemars. Les trois sélénites échangèrent quelques mots à voix basse. Erika tourna désespérément la tête vers la porte close. Et si elle essayait... L'étrange interaction silencieuse avec la jeune femme lui revint à l'esprit, la décourageant de tout acte trop téméraire. Elle n'avait pas besoin que des forces extérieures se mettent à contrôler sa conscience. Pas dans une telle situation.

Son regard parcourait frénétiquement la salle à la recherche d'une issue, d'une aide, de n'importe quoi qui n'ait pas l'air hostile. Son regard se posa brièvement sur la silhouette d'Orion. Pourquoi était-il encore là ? Sans doute attendait-il sa paie pour avoir mené à bien sa mission, et ne tarderait-il pas à disparaître sous peu. Son estomac se tordit douloureusement. En dépit de tout ce qu'elle avait enduré ces derniers jours, il était le seul en qui elle ne voyait pas entièrement un ennemi. Pourtant, elle devait se rendre à l'évidence : à l'instar de ce qu'il lui avait annoncé, il venait de la livrer en mains propres à une nouvelle bande de fous, sans aucun état d'âme.

"- Approchez", fit soudain une voix sur sa droite.

Les trois compères semblaient avoir fini de discuter, et l'un d'eux lui faisait signe d'approcher. D'un pas mal assuré, Erika avança jusqu'à arriver à la hauteur des trois créatures bleutées qui la dévisageaient d'un regard impénétrable.

On lui demanda son nom, son âge, ses origines. Comme s'ils voulaient s'assurer d'avoir la bonne prisonnière. A moins qu'il ne s'agisse d'un moyen pour eux de vérifier qu'elle leur disait bien la vérité. Dans tous les cas, Erika avait bien conscience qu'il était inutile de mentir face à des créatures dotées de tels pouvoirs. Elle répondit sans broncher, puis l'interrogatoire se poursuivit avec d'autres questions sans importance jusqu'à ce que la jeune femme qui les avait accompagnés reprenne la parole.

"- Le Livre de Perséphone, lâcha t-elle d'une voix neutre. Que savez-vous dessus ?

Erika fronça des sourcils, étonnée. Que venait faire l'obsession de son père dans cette histoire ? Elle haussa des épaules en secouant la tête avant de leur dévoiler le peu qu'elle savait. Pas grand-chose en réalité, puisque son père ne lui avait jamais rien raconté.

- Est-ce bien tout ? s'enquit la jeune femme, une fois ses maigres explications terminées.

Mais avant que la nécromancienne ne puisse confirmer ou réfuter, la sélénite lui saisit le menton, exactement comme dans son cauchemar. Erika eut un mouvement de recul, terrifiée. Pourtant, l'intrusion ne fut pas brutale comme il l'avait été sur le chemin. Au contraire, il lui semblait qu'une main l'aidait à fouiller dans les souvenirs de son inconscient pour faire remonter à la surface des mémoires perdues, oubliées par le temps.

Une infinité de petits détails lui revinrent alors. Des scènes ici et là, où son père rangeait des notes, un livre, un cahier. Et qu'il laissait trainer parfois, pour le plus grand plaisir de ses filles qui fouillaient alors dans "les secrets de Papa". Un dessin. Une histoire. Un nom.

- Isis..." murmura la brunette, sortie de son état de transe passager.

La sélénite cligna des yeux en se détachant d'elle et, avec un regard redevenu glacial comme pour lui faire passer toute envie d'opposition, elle rejoignit les deux hommes restés à l'écart depuis son interrogatoire sur le Livre. Erika prit appui d'une main sur le dossier d'un fauteuil. Elle n'avait pas menti. Elle leur avait dit ce qu'elle savait. Mais quel rapport avec cette fichue transmission de pouvoirs ?
Asma
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Asma
Mer 19 Juil - 18:50

Orion
J'ai 28 ans et je suis originaire de l'arche de Zéphyr. Dans la vie, j'étais pilote d'aérostat. Maintenant, je vis au jour le jour et je m'en sors sans y réfléchir. Sinon, j'ai été célibataire, j'ai été marié, j'ai divorcé et après tout cela, elle m'a brisé le cœur.
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Orion assista dans l’incompréhension la plus totale à l’échange silencieux qui eut lieu entre leur hôte sélénite et Erika. La femme à la peau bleutée s’était arrêtée en chemin et était revenue sur ses pas pour faire face à la nécromancienne, mais il ignorait pourquoi. Avait-elle déjà réussi, à peine le pied posé sur l’arche, à l’aliéner leur hôte ? Ce serait un record absolu. Sans un mot, Idunn avait repris sa route. Orion fronça les sourcils.

Il n’était pas sûr de comprendre de quoi il en retournait, mais il n’avait pas non plus particulièrement envie de poser la question. D’une part, parce que la sélénite n’avait pas franchement l’autre commode. D’autre part, parce que cela impliquait de s’intéresser à ce qu’avait pu faire Erika, et il n’avait plus aucune envie de s’intéresser à la jeune femme. Il n’avait envie que d’une chose : la paix.

D’ailleurs, si proche de la fin de cette ingrate mission, il ne pouvait s’empêcher de se demander ce qu’il allait bien faire ensuite. Il aurait aimé se dire qu’il allait rentrer chez lui et reprendre sa petite vie tranquille, mais il n’avait plus de chez-lui. Fallait-il retourner sur Héliopolis, trouver une autre arche environnante parmi la myriade qu’en comptait l’archipel nébulaire ? Reconstruire un nouveau chez-lui, s’installer de nouveau dans une vie d’ermite ? Ou bien devait-il retourner sur Zéphyr ? Une chose était certaine, il ne comptait ni quémander son ancien travail ni même réintégrer la Guilde. Dans ce cas, devait-il rester sur le Léthé et parcourir les arches jusqu’à trouver un nouveau lieu qui l’inspire et où il jugerait intéressant de poser ses valises ?

C’était peut-être la moins pire des trois options. Il y avait encore des contrées inexplorées qui ne demandaient qu’à être découvertes et visitées. Peut-être n’était-il pas fait pour simplement se poser quelque part. Il avait essayé. Il s’avérait que c’était un échec cuisant. Alors reprendre une vie nomade ? Avec désormais à bord du Léthé le fantôme de celle à cause de qui le vaisseau devait incidemment son nom…. Il lui faudrait peut-être envisager d’en changer aussi. Dommage, il l’aimait bien, cet appareil.

La pluie glacée lui faisait du bien. Elle tenait le mal de tête à distance et lui permettait d’avoir les idées au clair. Ils longèrent une succession de bâtisses de couleur, jusqu’à ce que la sélénite s’arrête devant l’une d’entre elles. Avec les deux autres personnes qui se trouvaient dans le salon, Orion eut l’impression d’avoir là au moins la moitié de la population de cette minuscule arche. Si ce n’était pas l’intégralité de sa population.

Orion se demandait bien pourquoi sa présence avait été requise. Il n’attendait aucune contrepartie financière pour ce travail. Il ne s’attendait pas à trouver sa mère sur place. Elle l’avait dit : Arc-en-Terre ne devait pas être reliée de près ou de loin à cet évènement. Elle s’était déjà trop impliquée en venant le voir, lui, pour le solliciter. Il se doutait désormais qu’il n’aurait plus à faire qu’à des intermédiaires ou des seconds couteaux.

Le grand brun rentra avec les deux femmes mais ne retira pas son caban détrempé. Il ne s’attendait pas à passer plus de quelques minutes à l’intérieur. Il dégoulinait sur le tapis de l’entrée mais personne ne lui prêtait attention, ce qui lui convenait très bien. Bras croisés contre la poitrine, il attendit en silence adossé à un pan de mur. Il entraperçut les deux autres silhouettes dans la pièce voisine. Malgré tout, il ne put s’empêcher d’être intrigué par ce qui se tramait là. Une personne pour les accueillir, c’était une chose, mais ce conciliabule, c’était déjà plus étrange. Alors, en dépit de tout ce qu’il s’était promis de faire – et surtout de ne pas faire –, il tendit l’oreille.

Le quoi ?

Orion fronça les sourcils. De sa vie, il n’avait entendu qu’une seule mention du livre de Perséphone auparavant. Le jour où Erika lui avait raconté ce qu’il était advenu de ses parents. Il n’avait pas beaucoup plus compris de quoi il en retournait sur le coup, mais n’avait pas insisté. A ce moment-là, il avait eu d’autres préoccupations. Il chassa la pensée comme s’il s’était agi d’une mouche agaçante.

Le Livre.

Les paroles de sa mère lui revinrent à l’esprit. Farouk. « Sa quête de vérité sur le Livre ». Est-ce qu’elle parlait du même livre ?

Soudain, la sélénite saisit la nécromancienne part le menton et Orion ne put s’empêcher un mouvement en avant. Il s’était détaché du mur contre lequel il s’était adossé, comme prêt à s’interposer, mais s’arrêta net. Non. Pas ses affaires. Il n’avait pas à s’en mêler. Les yeux d’Erika roulèrent dans leurs orbites et une fois encore, Orion fut pris d’une furieuse envie d’intervenir. Il serra les poings, rongeant son frein en silence. La jeune femme sembla enfin retrouver ses esprits et Orion sentit la tension entre ses omoplates se relâcher. Une vague de fureur l’envahit de nouveau. Contre ces hôtes et ces nouvelles magouilles incompréhensibles. Contre la brune pour laquelle il ne pouvait s’empêcher de réagir.

Au fond de lui, il le savait. Il savait que même si ses hôtes lui donnaient congé maintenant, il ne pourrait pas partir. Pas en ne sachant pas ce qu’ils comptaient faire d’elle. Surtout pas sans la certitude absolue qu’aucun mal ne lui serait fait. Quelque chose en lui gronda furieusement. Il arborait désormais un regard parfaitement noir. Sans un mot, il se départit de la veste détrempée et la suspendit au porte-manteau dans l’entrée.

Tandis que les trois sélénites délibéraient, il finit par s’approcher de la jeune femme avec un regard interrogateur. La question lui échappa avant qu’il ne puisse se retenir.

- Qu’est-ce qu’ils te voulaient ?
Jen
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Jen
Jeu 20 Juil - 12:37

Erika
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Sa veste détrempée lui glaçait les épaules. Mais Erika se refusa à la retirer, de peur de se séparer de son couteau. Ce minable couteau dont elle ne savait même pas se servir. Et dont pourtant, le poids dans sa poche avait quelque chose de rassurant. Elle repensa au sinistre message que Bertille lui avait fait passer à travers ce présent. Aurait-elle seulement le courage de le faire si les choses venaient à mal tourner ? Elle passa une main dans sa poche et effleura le manche ouvragé du bout des doigts. Non, elle en serait incapable. Elle n'avait jamais été une guerrière et ne le serait jamais. L'arme lui servirait de support moral et rien de plus.

Tout en faisant mine d'essorer ses cheveux mouillés par la pluie, la nécromancienne tendit l'oreille vers la délibération silencieuse des sélénites. De là où elle se tenait, elle n'entendait que des bribes ici et là. La femme semblait être celle qui menait la discussion, et les deux hommes se contentaient d'approuver ou d'émettre des commentaires brefs. Plusieurs fois, il crut entendre le nom de Farouk. Si le nom ne lui avait pas paru incongru lorsqu'Orion le lui avait mentionné - après tout, la cérémonie aurait dû se dérouler sous la bénédiction de l'esprit de famille du Pôle -, désormais dans ce contexte, elle ne comprenait plus trop ce qu'il venait faire là. Pourquoi des sélénites s'intéresseraient-ils à une nécromancienne qui voulait transmettre un pouvoir d'arcadien à un autre nécromancien avec l'approbation de l'esprit de famille du Pôle ? Et d'ailleurs, s'était entièrement trompée en pensant qu'Alba était la commanditaire de son enlèvement ? La brunette eut beau tendre l'oreille, elle n'entendit rien qui puisse confirmer qu'Arc en Terre était de près ou de loin mêlée à cette affaire. Mais les murmures qu'elle percevaient étaient indistincts, et il lui était impossible d'affirmer avec exactitude ce qu'il se disait ou non.

Erika passa une main nerveuse dans ses cheveux. De plus en plus, cette scène avait des airs de déjà-vus. Elle, seule, face à des illustres inconnus à l'air plutôt dangereux, qui en avaient après elle pour des choses qu'elle ne comprenait pas. Du moins, pas entièrement. Mais cette fois-ci tu l'as cherché, lui souffla un petite voix agaçante. La nécromancienne se raidit. Elle l'avait fait en connaissance de cause, oui. Mais elle était loin de se douter que son choix aurait une telle répercussion... Et surtout, qu'au bout du compte, elle avait fait tout ça pour rien. Plus le temps passait, et plus il lui apparaissait évident qu'elle ne pourrait jamais aller au bout de cet échange. Ses parents ne seraient jamais graciés, Orion lui aura échappé à jamais, et Bertille aura eu raison sur toute la ligne. Mais elle ne se laissa pas rattraper par l'accablement une nouvelle fois. En l'instant, elle était bien trop tendue à essayer d'entendre des bribes du verdict qui serait prononcé en ce qui la concernait. Selon ce que dirait ce même verdict, elle aurait certainement d'autres problèmes plus urgents à régler que ses états d'âmes.

Concentrée sur l'échange à voix basse, Erika ne perçut pas Orion arriver dans son dos et sursauta en entendant sa question. Elle leva un oeil surpris sur le visage du zéphyr. Derrière son air interrogateur, le regard noir qu'elle y croisa lui arracha un léger mouvement de recul. S'il avait été terrifiant de temps à autre à bord de l'aéronef, en l'instant, il était presque méconnaissable. La noirceur dans ses yeux semblaient n'avoir aucun fond. La nécromancienne s'efforça de dissimuler son effroi, en détournant promptement la tête.

"- Des informations sur le Livre de Perséphone, lâcha-elle d'un ton plat en reportant son attention sur les trois sélénites. Et un nom.

Erika secoua imperceptiblement la tête, les sourcils froncés. Elle-même ne savait pas à qui pouvait bien faire référence ce nom, si toutefois il s'agissait là bien d'une personne. Et encore moins à quoi rimait cette histoire saugrenue de Livre.

- Je ne vois absolument pas le rapport entre l'obsession insensée de mon père et la supposée raison pour laquelle je me trouve ici", ajouta t-elle plus pour elle-même que pour Orion.

La nécromancienne fronça des sourcils de plus belle. Son père pensait avoir trouvé des anomalies dans le Livre de leur esprit de famille. Et alors ? S'ils avaient des questions à ce sujet, ils n'avaient qu'à lui demander à lui directement, plutôt qu'à elle qui n'en savait strictement rien. Quel rapport avec sa décision de partager son pouvoir d'Aiguilleur avec un illuminé de plus ? C'était à n'y rien comprendre.

Elle finit par reporter son attention sur le zéphyr. A nouveau, elle ne put s'empêcher de s'interroger sur les raisons de sa présence ici. Plus personne ne s'était intéressé à lui depuis leur arrivé. Alors pourquoi le faire venir jusqu'ici ? S'il ne s'était agit que d'une simple histoire de paiement, il aurait dû être congédié depuis bien longtemps, une fois qu'ils s'étaient assurés qu'ils avaient la bonne prisonnière entre les mains. A moins qu'il n'ait en réalité un rôle plus important qu'il n'avait bien voulu lui dire... ? Des flashs de ses cauchemars passèrent devant ses yeux. Erika déglutit puis lança un regard suspicieux au grand brun.

"- Qu'attendent-ils encore de toi ? Je croyais que tu n'étais qu'un simple..."

Transporteur, aurait-elle voulu terminer. Mais à la place, elle tourna un visage effaré en direction des trois sélénites.

Il lui semblait avoir très distinctement entendu les mots "élimination" et "mutilation".
Asma
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Dim 23 Juil - 15:45

Orion
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Orion se mordit l’intérieur de la joue. Il ne savait pas pourquoi il avait pris la parole. Il savait que c’était s’exposer à une remarque acerbe ou à une critique de la part de la jeune femme. Et elle aurait eu raison. A sa place, lui ne s’en serait pas privé. C’était pourtant plus fort que lui. Il était curieux. Sa curiosité le perdrait.

- Un nom ? Répéta-t-il, non sans une certaine surprise quant au fait que la jeune femme accepte de lui répondre.

Le grand brun fronça des sourcils à son tour. Lui non plus ne voyait pas le rapport. Sa mère avait évoqué Farouk, mais il n’avait jamais été fait mention de Perséphone. A sa connaissance, tout ce qui leur était arrivé jusqu’à date était lié à son pouvoir à lui. Le pouvoir qu’il lui avait transmis contre son gré, et avec lequel ils devaient maintenant se dépatouiller. A aucun moment la famille d’Erika n’avait fait partie de l’équation. Mais était-ce vraiment le cas ? Après tout, il ignorait jusqu’où s’étendaient les ramifications de toute cette affaire. Ce qui n’avait commencé que comme le délire de son père avait inclus des agents de haut rang de Zéphyr, des dignitaires du Pôle. Pourquoi pas de Sidh également, tant qu’à faire ? On n’en serait plus à cela près de la machination.

Orion soupira intérieurement. Il était en train de retomber dans un délire paranoïaque et complotiste. Non, toutes les arches ne s’acharnaient pas contre Arc-en-Terre et le poursuivaient encore moins.

Les paroles d’Erika le ramenèrent au moment présent. Et voilà, elle était là la remarque désobligeante qu’il attendait. Orion s’apprêtait à rétorquer sèchement, sachant pertinemment comment elle allait finir sa phrase, mais la jeune femme s’interrompit d’elle-même.

- Elimination ou mutilation.
- Il n’y a pas d’autre choix, s’éleva une autre voix. Elle présente une trop grande menace.

A ces mots, il tourna presque simultanément la tête en direction des trois sélénites. Par réflexe, avant même de pouvoir réfléchir à son geste, le grand brun se déporta de quelques pas, se plaçant entre eux et elle, comme pour faire rempart. Dans la pièce voisine, les trois comparses ne semblaient toujours pas leur prêter attention.

Orion se tourna alors vers Erika, un doigt devant sa bouche. Il lui fit signe de reculer. Doucement, sans un bruit. C’était décidé. Il ne resterait pas une minute de plus ici. Surtout, il ne la laisserait pas, elle, ici. Sa mère avait parlé de l’envoyer lui parce qu’il représentait l’alternative non violente. La solution de la conciliation. Alors pourquoi avait-il l’impression de l’avoir menée droit dans la gueule du loup ?

Il attrapa Erika par le poignet et l’entraîna avec lui en direction de l’entrée. Il atteignit rapidement la porte dont il tourna la poignée le plus discrètement possible. Quand il la poussa, dehors, tout avait changé. Les verts pâturages arrosés avaient laissé la place à une étendue désertique et noirâtre. Le ciel était d’un noir d’encre mais une étrange luminosité dont il n’aurait su déterminer l’origine éclairait ce paysage infernal. Un hurlement glaçant retentit au loin. Ça ne voulait dire qu’une chose. Il savait qu’il avait raison de détester ces familles qui disposaient de pouvoirs de manipulation mentale. Ils étaient pris au piège d’une illusion.
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Lun 24 Juil - 12:27

Erika
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Elle avait espéré avoir mal entendu. Même si elle n'attendait aucune clémence de la part des illustres inconnus qu'elle s'était mis à dos, le mot élimination avait une sonorité un peu trop définitive à son goût. Quant à la mutilation... Elle se refusa à penser plus loin.

Mais malheureusement pour elle, la réaction instantanée du grand brun confirma le caractère préoccupant des mots qu'elle avait cru entendre. Il s'était déporté de quelques pas, juste assez pour lui cacher les trois acolytes de la vue. Par réflexe, Erika se décala à son tour de quelques pas, comme si garder un oeil effaré sur ses bourreaux allait l'aider d'une quelconque manière. Tandis qu'elle était comme hypnotisée par les silhouettes dans la salle voisine, son cerveau se mit en marche à une vitesse folle. Que devait-elle faire ? Tenter une fuite ? Pour aller où ? Une attaque ? Comment ? Négocier ? Mais avait-elle vraiment ce pouvoir-là ?

Orion fut plus rapide qu'elle et sembla décider de la marche à suivre. Un doigt sur la bouche, il lui fit signe de reculer. La brunette le dévisagea dans un étrange mélange de suspicion et d'incrédulité. Qu'était-il entrain de faire ? Une part d'elle-même, celle qui refusait de voir en lui l'ennemi, voulait s'empresser d'accepter ce qui avait tout l'air d'une aide inespérée. Mais une autre part d'elle, plus méfiante, celle pour qui le souvenir de la lame contre sa gorge était encore vif, hésitait à lui accorder entièrement confiance.

Néanmoins, ses pieds esquissèrent un pas lent en arrière, puis un deuxième. Le zéphyr lui saisit alors le poignet et la traîna silencieusement jusqu'à l'entrée. Erika résista à peine, avant de se rendre à l'évidence : si ce n'était pas de lui, elle ne pouvait espérer l'aide de personne d'autre. Elle n'avait d'autre choix que de lui faire confiance, à l'instar du jour de cette fallacieuse cérémonie sur Zéphyr. Les circonstances étaient différentes, mais l'histoire semblait se répéter. Il était son seul allié possible, en dépit de tout.

Orion ouvrit discrètement la porte et la nécromancienne laissa échapper un hoquet de stupeur en découvrant le paysage infernal qui s'étendait sous leurs yeux. Elle eut un mouvement de recul mais la main sur son poignet la retint. La brunette leva un regard confus sur Orion. Elle ne pouvait s'empêcher de le suspecter de savoir quelque chose. Pourtant, à l'expression qu'il arborait, soit il était excellent comédien, soit il n'était pas plus avancé qu'elle. Loin de la rassurer, ce constat l'alarma encore plus. Il lui apparaissait de plus en plus clair qu'ils venaient de sauter à pieds joints dans un piège. Mais à quelles fins ? Erika s'efforça de calmer sa respiration pour ne pas sombrer dans la panique.

"- Le vaisseau..." murmura t-elle dans un souffle presque inaudible.

D'un geste sec, elle se détacha de l'emprise prisonnière d'Orion sur son poignet, et se concentra pour faire appel à son pouvoir avec le plus de calme possible. Comme pour l'aider à se concentrer, sa main libérée alla chercher le contact froid mais rassurant du couteau resté au fond de sa poche. Les sélénites n'avaient pas le pouvoir des arcadiens de créer des non-lieux. Il ne devait donc s'agir que d'une simple illusion d'optique. Le vaisseau devait toujours les attendre quelque part dans le coin. Si elle parvenait à le localiser ils pourraient le rejoindre et...

"- Où pensez-vous aller ainsi ?"

Une main lui attrapa brusquement le poignet gauche, lui arrachant une exclamation. Le mélange de stupeur et de frayeur suffit à déclencher la sensation glacée au creux de sa poitrine, celle-là même qui lui avait été salvatrice dans la Rose-des-Vents. Malheureusement pour la nécromancienne, cette fois-ci, son agresseur se trouvant dans son dos, son regard ne pétrifia rien du tout. Seul le néant noirâtre continuait à lui faire face, impassible. Le frisson glacial qui lui parcourut l'échine en réalisant son échec ne devait plus rien à son pouvoir.

Alors tout se passa en une fraction de seconde. Le temps de réaliser que son pouvoir dysfonctionnel ne la sauverait pas cette fois-ci, son corps avait déjà réagi par instinct. Se sauver. Sauver sa peau. Par tous les moyens.

Et aussi simplement que ça, elle était de nouveau libérée de l'emprise sur son poignet, et avait reculé de quelques pas dans la pénombre désertique. Elle s'était retournée et faisait face à un taudis délabré qui n'avait plus rien de la coquette maisonnette dans laquelle elle était entrée. Sa conscience semblait comme flotter au dessus de son corps. Elle se sentait étrangement calme.

Et soudain, un hurlement d'horreur parvint à ses oreilles. Ce fut l'électrochoc qui la ramena pleinement à elle. Face à elle, le sélénite qui l'avait attrapée un instant plus tôt se tenait la main en se tordant de douleur. Il semblait avoir la main transpercée et saignait abondamment. C'était leur aubaine, ils devaient fuir. Puis Erika sentit quelque chose couler lentement le long de sa main droite. Son regard se porta alors dessus et sur le couteau qu'elle serrait fermement dans son poing. La lame était maculée d'un liquide rouge vif, poisseux, dont une goutte roulait lentement le long de la phalange de son pouce, traçant un sillon carmin sur son passage.

Erika leva un regard horrifiée sur la main perforée du sélénite.

Ses poumons se mirent à chercher de l'air, et son rythme cardiaque s'emballa, tandis qu'elle se sentait parcourue successivement de vagues de chaleur et de froid. Ses yeux s'écarquillèrent d'horreur. Qu'avait-elle...

Deux silhouettes bleues émergèrent brusquement derrière le sélénite. La nécromancienne se tétanisa. Elimination, retentit une voix sombre dans son esprit. Elle voulut se tourner vers Orion mais son corps refusa de coopérer, incapable de se soustraire aux regards assassins des deux créatures cauchemardesques.

Un son guttural s'échappa alors de la gorge du blessé.

"- Attrapez-les."
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Mer 26 Juil - 15:15

Orion
J'ai 28 ans et je suis originaire de l'arche de Zéphyr. Dans la vie, j'étais pilote d'aérostat. Maintenant, je vis au jour le jour et je m'en sors sans y réfléchir. Sinon, j'ai été célibataire, j'ai été marié, j'ai divorcé et après tout cela, elle m'a brisé le cœur.
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Le cauchemar ne s’arrêtait pas là. Comme à travers un nuage de coton, les voix de leurs poursuivants ne lui arrivaient que difficilement, lointaines. La lame du couteau qu’Erika avait entre les mains brilla un bref instant avant de s’enfoncer, avec un craquement sinistre, dans la paume de la main de son assaillant. Tout dans cette scène était parfaitement surréaliste. C’était une illusion. Un des talents des oniristes, il en était convaincu. Et pourtant, si rien de ce qui l’entourait n’était vrai, Orion gardait avec lui la certitude que c’était la vraie Erika qui se trouvait à ses côtés, pas une illusion comme le reste. Plus encore, il fallait impérativement qu’il la sorte de là.

Le Léthé serait-il à son poste, dans cette illusion ? S’ils montaient à bord et s’éloignaient suffisamment de l’arche, cela suffirait-il à leur faire quitter ce cauchemar ? Ou ne serait-ce que s’ils s’éloignaient suffisamment de ces sinistres individus ? Une chose était certaine : ils ne pouvaient pas rester ici.

- Cours ! Intima-t-il à Erika.

Sans attendre, Orion s’élança à travers l’étendue inhospitalière. Pour l’instant, il fallait fuir. Il réfléchirait à leurs options quand il aurait mis suffisamment de distance entre ces cinglés et eux. Eux. Le grand brun lança un regard en arrière et réalisa, non sans une certaine frustration, que la nécromancienne n’avait pas bougé d’un iota. Elle semblait figée sur place. Le grand brun eut un moment d’hésitation. Fallait-il s’enfuir seul et la laisser là ? Il était bien trop tard pour cela maintenant. S’il avait voulu partir et l’abandonner à son sort, c’était un peu plus tôt qu’il aurait fallu le faire. Avec un soupir intérieur, il revint sur ses pas.

- Erika, tu es le fléau de mon existence, lui asséna-t-il d’un ton exaspéré.

Il lui attrapa de nouveau la main et l’entraîna derrière lui. Au bout de quelques pas seulement, il réalisa que repartir en courant ne suffirait pas. Si le blessé était tout entier à sa main blessée, occupé à essayer de la panser, le second, tout comme la femme, s’était élancé à leur suite.

Orion s’arrêta net dans sa course et tira sur la main d’Erika pour la poster droit face à lui. Il détestait ce qu’il était sur le point de faire, pour tout un tas de raisons, mais il ne voyait pas d’autre alternative. Ses yeux devinrent deux puits noirs. Sans la moindre once d’affection ou de douceur, il enveloppa la jeune femme de ses bras et la pressa contre son torse. Il anticipait déjà la douleur. Il anticipait déjà la désolation. Il ferma les yeux et laissa toute la colère qu’il ressentait le submerger. Sa maison. Sa mère, qui dédaignait son existence mais faisait l’effort de se déplacer quand il s’agissait de rendre service à son arche. Toujours son arche. Cette fichue arche. Ce fichu pouvoir. Et elle. Elle, juste là, à la fois si proche et si lointaine. Il pouvait sentir la haine suinter de ses pores. Le puits sans fond de sa colère.

Il avait déjà tenté l’expérience une fois auparavant. Ou plutôt l’avait déjà subie. Il savait où aller puiser pour taper dans la source d’énergie de son pouvoir. De ses pouvoirs. Ce qu’il ignorait, c’était, une fois la machine infernale enclenchée, comment l’arrêter. Mais il n’avait pas le temps d’y réfléchir maintenant. Il aviserait plus tard.

Le vent se mit à tourbillonner furieusement autour d’Orion sans l’affecter, comme s’il se trouvait dans l’œil d’un cyclone. Il sentit la familière sensation glacée à l’intérieur de sa poitrine. Soudain, la combinaison des deux pouvoirs qui n’étaient pas fait pour cohabiter ensemble déclencha une brutale explosion, tous azimuts, soufflant un vent de destruction sur tout ce qui les entourait.

La douleur explosa également dans sa boîte crânienne. Quand il rouvrit – difficilement – les yeux, une jeune femme à la peau bleutée et aux cheveux de geai les regardait avec un aimable sourire. Derrière elle, le petit village aux façades colorées. Sans se départir de son expression joyeuse et sereine qui contrastait horriblement avec le visage déformé par la colère qu’il lui avait vu quelques instants auparavant, elle remit délicatement une mèche de cheveux derrière son oreille.

- Voyez-vous cela. Comme c’est rafraîchissant, lâcha-t-elle de sa voix légère et cristalline, l’air délicatement rêveur, ne s’adressant à personne en particulier, Alba avait raison.

Orion lâcha brusquement sa prise sur Erika, comme s’il avait touché une plaque brûlante.

Il était totalement perdu. Il avait l’impression que sa tête allait exploser. Ce qu’elle risquait certainement de faire. Le bourdonnement persistant dans ses oreilles n’allait pas tarder à avoir raison de sa lucidité. Il semblait être le seul à les entendre. Non, il avait la certitude d’être le seul à les entendre. Il lutta contre lui-même pour ne pas se laisser tomber au sol.

La dernière fois qu’une telle chose lui était arrivée, il avait perdu le contrôle pendant des heures. Là, ses pouvoirs semblaient s’être éteints presque immédiatement. La seule explication logique était qu’il ne les avait pas réellement déclenchés. Pourtant son organisme en ressentait tout aussi violemment les effets. Il posa le regard sur leur hôte.

Il s’agissait bien de la même créature froide qui les avait accueillis, précisément à ce même endroit quelques instants auparavant. Sauf que la lueur au fond de ses yeux avait changé. Ils pétillaient de malice et elle affichait un sourire sincèrement chaleureux.

Le grand brun détestait ce que tout cela signifiait. Un test. Un fichu test.

- Je suis Idunn, sourit la jeune femme à la peau diaphane. Venez, suivez-moi. Bienvenue sur Eéa.
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Mer 26 Juil - 19:52

Erika
J'ai 25 ans et je vis à Sidh, XVIème arche majeure. Dans la vie, je suis employée dans un atelier de textile et je m'en sors bien. Sinon, grâce à mes décisions stupides, je suis fiancée par arrangement pour la seconde fois et je le vis plutôt très mal.


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Tu es le fléau de mon existence. Qui avait prononcé ces mots et dans quel contexte ? Des images confuses se mélangeait dans sa tête. Un frisson. Du sang. Une main. Le néant. Une tempête dévastatrice. Puis plus rien.

Erika ouvrit brutalement les yeux. Elle avait les nerfs plus à vif que jamais. Envolés, la confusion, la torpeur, le coton dans sa tête. Ne restait plus qu’une certitude absolue qu’elle était de retour dans la réalité, la seule et l’unique. Et cette simple certitude lui donnait la sensation d’être parcourue de frémissements presque électriques, tant tout lui semblait tangible. Pas tant physiquement que mentalement. Elle avait retrouvé toute sa clarté cérébrale, et se sentait de nouveau pleinement maîtresse de sa conscience.

Seul témoin tangible du cauchemar duquel elle venait d’être extirpée, Orion la maintenait toujours fermement contre lui dans une étreinte qui n’avait rien de chaleureux. De fait, il la relâcha brusquement dès qu’une voix s’éleva dans son dos. Erika pivota sur elle-même pour se retrouver face à la même jeune femme sélénite qui les avait accueillis un peu plus tôt. Elle fut ébahie par la métamorphose. Il s’agissait sans aucun doute possible de la même femme et pourtant, l’expression qu’elle arborait lui donnait l’air d’une toute autre personne. Il y avait quelque chose d’enchanteur dans son sourire, et sa voix coulait avec une délicatesse angélique.

La sélénite avait murmuré quelque chose, et Erika ne put s’empêcher de hausser des sourcils. Alba. L’arcadienne était donc bien derrière tout ça. Cela ne l’avançait pas vraiment, mais en avoir la confirmation lui donna l’espoir que peut-être, on ne voudrait pas l’assassiner sauvagement. Pas tout de suite du moins. Alba ne lui avait pas donné l’air d’une femme cruelle. Ou peut-être se fourvoyait-elle entièrement. Mais au fait, sur quel sujet Alba avait-elle eu raison ? La brunette secoua de la tête, perdue.

Leur hôte déclina alors son identité, sans se départir de son sourire rassurant. Erika la détailla d’un air ostensiblement suspicieux, sans même répondre à ses mots d’accueil. Elle n’oubliait pas qu’au fond, elle restait une prisonnière.

"- Ne faites pas cette tête-là voyons, protesta alors Idunn avec douceur. Il ne s’agissait que d’un simple test, que vous avez passé avec succès qui de plus est.

Erika haussa un sourcil. Un test ? Mais quel genre de test était-ce donc ? Voulait-on connaître l’étendue de ses connaissances sur ce foutu bouquin de famille ? Ou était-ce une manière d’évaluer leurs capacités à se sortir d’une situation délicate ? Dans quel but ? Peut-être même était-elle complètement à côté de la plaque. Elle n’y comprenait plus rien.

Voyant qu’Erika la dévisageait toujours avec méfiance, Idunn finit par soupirer en secouant doucement de la tête.

- Un rêve, il ne s’agissait de rien de plus qu’un rêve éveillé. Vous n’avez rien à craindre de moi."

A défaut d’une autre option, et bien qu’à contre cœur, Erika emboîta le pas à la sélénite. Elle remarqua soudain que la pluie semblait s’être calmée. Des gouttes persistaient encore telle de la rosée sur l’épais tapis de trèfles qu’ils foulaient, mais il n’y avait plus aucune trace du déluge. Rapidement, ils atteignirent les maisonnettes en contre-bas. Idunn se dirigea d’un pas agile vers l’une d’elles à la façade bleutée. La nécromancienne s’interrompit net dans sa marche. Cette scène avait un air de déjà-vu un peu trop probant à son goût. Elle voulut consulter Orion du regard mais tout ce qu’elle croisa fut un regard obscurci au possible.

Et alors elle se souvint. C’était lui qui lui avait dit ces mots. La réalisation lui fit l’effet d’un énième coup de poing dans le ventre. Un fléau. La violence du mot l’anéantit. Mais elle n’eut pas le temps de se laisser happer par l'accablement. La sélénite venait d’ouvrir la porte de la maisonnette et l’invitait à y pénétrer. Erika esquissa un mouvement de recul.

"- Si votre petite expérience a été couronnée de succès, alors laissez-moi repartir.

Elle se doutait bien que cela n’allait pas être aussi simple. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de le réclamer. Au moins pour la forme. Quoi d’autre était-elle censée faire ? Pour toute réponse, Idunn se contenta de secouer la tête d’un air peiné.

- Je regrette mon enfant, mais c’est impossible."

Sur ce, la sélénite l’invita d’un geste gracieux à passer le palier de la porte.

Erika réalisa alors. La marchandise avait été livrée. Cette fois-ci, Orion pouvait repartir pour de bon. Sans elle. Loin d’elle. Elle ne le reverrait sans doute jamais. Alors avant de se trouver une nouvelle excuse pour se dérober, la nécromancienne pivota sur ses talons, raide comme un piquet et fit face au grand brun. Elle le détailla durement, sans quoi elle n’aurait pas trouvé la force d’affronter son regard.

- "Pour ce que ça vaut, sache que je suis désolée," articula t-elle suffisamment bas pour espérer ne pas être entendue par leur hôte.

Puis avant qu’il ne puisse sortir une remarque désobligeante ou l’assassiner du regard, la brunette s’engouffra par la porte d’un pas pressé.

Elle avait cru que s’excuser la soulagerait d’un poids. Ou peut-être avait-elle cru "qu’elle lui devait au moins ça". Mais en réalité, cela n’avait fait que rouvrir ses propres blessures à vif et sonnait comme un ultime affront cruel au zéphyr. Parce qu’être désolée n’y changeait plus rien.
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Ven 20 Oct - 10:07

Orion
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Sur le seuil de cette porte qui se referma sur lui, Orion se sentit soudain plus seul que jamais. La voix de sa mère résonna dans son esprit tandis qu’il tournait les talons. « Tu sauras la convaincre ». Tu parles d’une réussite. Erika avait eu raison. Comment aurait-il pu la convaincre de quoi que ce soit alors même qu’il n’avait pas aligné plus de deux mots d’explication. Aurait-il dû essayer ? Elle était entre des mains qui seraient certainement bien plus à même de le faire que lui. Foutu test. Mais au moins elle n’était pas en danger. En dépit de tout le mal qu’elle avait pu lui faire et de la rancœur qu’il entretenait à son égard, elle ne serait plus en danger. La suite, ce n’était plus son affaire. Et maintenant quoi alors ?

Son chez-lui avait disparu corps et bien. Le pécule qu’il venait d’obtenir compenserait sans difficulté la perte financière, mais pour ce qui était de donner un sens à son existence…. Tout en ruminant ses pensées, Orion longea les façades colorées du village et s’arrêta à ce qui ressemblait à une taverne. Sans l’ombre d’une hésitation, il entra.

Il s’était installé à une table dans un recoin plongé dans la pénombre et contemplait l’épaisse couche de mousse qui crépitait délicatement à la surface de son bock de bière. Il ne doutait pas que les dernières paroles d’Erika continueraient de le hanter longtemps. Peut-être avait-elle soulagé sa conscience. Mais ce faisant, elle n’avait fait qu’enfoncer plus profondément le couteau dans la plaie que sa simple présence avait suffi à rouvrir. Désolée de quoi ? Désolée d’avoir une énième fois mis le souk dans son existence ? Désolée de ne pas l’avoir choisi, lui ? Il repensa à l’air particulièrement morose qu’elle avait arboré pour « le plus beau jour de sa vie ». Était-ce parce qu’elle avait enfin réalisé tout ce qu’elle avait laissé filer en contrepartie de cet avenir gris et terne ? Dire qu’elle avait osé clamer, en ce lointain jour fatidique, qu’il ne pouvait « pas décemment penser » qu’elle allait accepter ce mariage. Ce mariage qui aurait bel et bien eu lieu sans son irruption au beau milieu de la cérémonie. Ce mariage d’opérette avec ce gus ridicule qui ne l’aurait de toute façon jamais aimée. Et elle avait encore l’outrecuidance de se dire désolée. Il ne voulait pas de ses excuses. Il ne voulait pas de ses remords. Pire encore, il ne voulait pas de ses regrets. Ses irréversibles regrets. Il était trop tard. Bien trop tard. Il reprit une longue goulée du liquide ambré dont l’amertume seyait parfaitement à son humeur du moment.

Une silhouette diaphane apparut soudain sur le tabouret qui lui faisait face. Soudain ? Depuis combien de temps était-il là ? Plus un seul rai de lumière ne pénétrait par les mosaïques colorées des fenêtres de l’estaminet. Chaque bock vide avait été à chaque fois soigneusement remplacé par un autre et la table nettoyée entre deux. Il avait perdu le compte depuis un bon moment déjà.

- Vous n’êtes pas encore parti, attaqua la créature à la peau bleutée sans préambule.
- Je profite des plaisirs que cette charmante arche a à offrir, grinça-t-il pour toute réponse.

Un léger bourdonnement ronronnait entre ses oreilles et il commençait à avoir la tête dans un nuage cotonneux qui maintenait pour l’instant la migraine à distance. Laquelle ne manquerait pas d’être remplacée, dès le lendemain matin, par une autre, celle-ci plus classiquement liée à une gueule de bois. Lutter contre le mal par le mal.

- Vous voulez savoir ce qu’on va faire d’elle ?
- Faites-en bien ce qui vous chante.
- Alors pourquoi êtes-vous encore là ?

Orion poussa un long soupir exaspéré et releva les yeux vers son interlocuteur.

- Je n’ai nulle part d’autre où aller.

Sa demeure avait fini dans le vide entre les arches. L’expression d’horreur de sa mère lui revint soudain. « Je suis désolée ». Comme si elle avait su quelque chose…. La brume qui avait commencé à envahir son cerveau l’empêchait de pousser sa réflexion plus avant. Fallait-il voir là autre chose qu’une malheureuse coïncidence ? Y avait-il là matière à réflexion ? Le grand brun fronça brièvement les sourcils, avant de reporter son agacement sur son interlocuteur qui ruinait l’état vaguement indolent dans lequel il se trouvait.

- Heureux ? Cracha-t-il alors. En quoi ça vous concerne, de toute façon ?
- Parce que si vous cherchez un sens à votre existence, j’ai peut-être quelque chose pour vous.
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Jen
Jeu 26 Oct - 5:49

Erika
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Une œillade à la porte - il avait été là, un instant auparavant. Où était-il désormais ?

Sa boussole interne la démangea, et Erika reporta son attention sur les trois silhouettes face à elle. Depuis un temps qui lui semblait infiniment long, Idunn essayait de lui faire entendre raison et la nécromancienne demeurait inflexible : non, il était hors de question d’avoir fait tous ces sacrifices pour rien, elle ne lâcherait pas l’affaire sans avoir une garantie que ses parents s’en sortiraient comme prévu. La jeune fille mettait un point d’honneur à ne pas renoncer, mais plus elle s’opposait aux arguments de la sélénite, plus il lui semblait s’enfoncer dans sa propre bêtise. Elle se serait coupé la langue avant de l’admettre mais il était évident que les arguments avancés par Idunn étaient implacables.

Oui, un pouvoir d’aiguilleur n’était pas à mettre dans les mains de n’importe qui, elle-même en avait déjà fait les frais. Non, cet Horace était loin d’être un homme honorable et ils avaient toutes les raisons de suspecter que Nicolas lui-même serait par la suite exploité par son propre père à des fins bien moins louables qu’une innocente exploration des arches. Oui, ce qu’elle considérait comme un « sacrifice » n’était qu’une conséquence de ses propres choix, qu’elle avait faits en connaissance de cause. Non, le confort de sa petite famille ne justifiait pas de mettre en péril la sécurité d’une arche toute entière et pire encore.

Idunn, de sa voix excessivement douce, ne faisait qu’étaler la dure vérité sous le nez de la jeune fille. Et ce faisant, paradoxalement, ne faisait qu’accroître son désir d’aller jusqu’au bout de son entreprise.

Puisqu’elle avait commencé, autant terminer. Puisque sa famille comptait sur elle, elle se devait de le faire. Puisqu’elle n’avait pas su assumer ses propres choix, d’autres l’avaient fait pour elle.

Erika serra les dents sans un mot. La voix cinglante de Bertille se superposa momentanément à ses pensées. Un nœud se forma dans sa gorge et plongea jusqu’à son estomac.

Puisqu’il ne lui reviendrait jamais, à quoi bon renoncer maintenant.

Un battement de cils. La nécromancienne passa en revue les trois silhouettes. Pas Idunn. Bon. Lequel des deux autres alors ?

Le deuxième sélénite, le plus petit des deux, assis aux côtés d’Idunn, se contentait d’intervenir brièvement de temps à autre pour appuyer un argument ou pour tenter à son tour de la convaincre de renoncer. Il semblait tout aussi raisonnable et raisonné que son associée. Inintéressant, donc.

Comme s’il se sentait soudain dévisagé, l’homme en question prit la parole d’un air mal assuré. Erika avait-elle conscience des conséquences qu’entraîneraient un refus de coopérer ? Ce qui aurait dû sonner comme une menace prenait la consistence d'une vague supposition dans la bouche du sélénite. Il était le plus mou des trois. La nécromancienne resta de marbre. Pas question de céder, pas maintenant.

Un raclement de gorge, et le silence s’étira. Erika garda les yeux résolument fixés sur un point imaginaire.

L’homme à sa gauche était sa meilleure chance. Elle en était désormais intimement convaincue.

Celui-ci ne bougeait pas d’un pouce, pas un mot n’avait franchi ses lèvres depuis le début de cette conversation unilatérale, et il se contentait de garder ses yeux clairs braqués sur Erika. Plusieurs fois, elle avait soutenu son regard d’acier. Il n’avait jamais flanché, ne s’était jamais détourné. Pour autant, il n’avait jamais pris la parole ou esquissé le moindre mouvement à son attention.

Alors la jeune fille en était persuadée. S’il y avait ici une seule personne qu’elle pouvait retourner à son avantage, c’était cet homme-ci.

Après avoir constaté l'inefficacité d'une énième tirade rationnelle, Idunn et son comparse finirent par se lever de leur chaise. L’homme jura d’exaspération dans sa barbe, d’une injonction qu’Erika ne comprit pas. Table basse ? Tabac lac ? Elle fronça les sourcils. Aucune importance.

Pour toute réponse donc, la brunette garda un regard impassible tandis que les deux sélénites s’éloignaient en se consultant à voix basse, non sans avoir transmis la garde au dernier homme resté dans la pièce. Celui-ci ne broncha pas. Erika fit de même. Une porte claqua au loin.

Enfin seuls.

« - Je peux vous aider », attaqua la nécromancienne sans pour autant trouver le courage de se tourner vers son interlocuteur.

S’il voulait user de son pouvoir d’aiguilleur, qu’il le fasse. Elle l’aiderait dans n’importe quelle entreprise, sans poser la moindre question. En contrepartie, elle demanderait à retourner auprès des siens pour honorer sa part du contrat. D’une simplicité élémentaire et tout le monde y trouverait son compte.

Erika prit une inspiration, prête à apprendre de quelle manière créative cet homme voudrait utiliser son maudit pouvoir. Elle n’était plus à ça près, se convainquit-elle, elle en avait vu d’autres.

Elle ne s’était pas préparée à l’entendre éclater de rire.

« - Mais tu m’as déjà aidé, ma douce enfant, rétorqua l’homme d’un air guilleret.

Erika tourna franchement la tête vers lui, déstabilisée. Elle aurait voulu masquer son étonnement mais ne parvint qu’à le dévisager avec incompréhension. L’homme sembla prendre un malin plaisir à faire durer le silence avant de reprendre la parole.

- Ce n’est pas de toi dont il s’agit - en tout cas, pas pour moi. Mais toi seule pouvait le faire sortir de sa cachette.

Les mots entraient dans ses oreilles sans pour autant que son cerveau ne parvienne à leur donner un sens. Erika ne réagit pas, figée dans l'expectative, paralysée par la peur de comprendre. Désormais, l'homme la fixait avec avidité, comme s'il ne la voyait pas vraiment mais comme s'il voyait quelque chose d'autre au travers d'elle. Quelque part dans son esprit, une alarme se mit à retentir.

-  Trois pouvoirs familiaux de trois arches différentes au sein d'un seul et même individu, c'est quasiment du jamais vu ! reprit le sélénite d'une voix exaltée. Et surtout, ô surtout, un agujas de lignée directe. Un pouvoir intact, puissant, et si insaisissable...

Un sourire ambitieux étira les lèvres bleutées du sélénite. Erika elle, écarquillait les yeux à n'en plus finir.

- Il sera ravi de le... rencontrer. Les arcadiens et plus encore les agujas se font introuvables de nos jours alors je ne peux pas le laisser m'échapper, tu comprends ? Il ne me le pardonnerait pas et il est impitoyable avec ceux qui le déçoivent. Mais si je lui remets ce zéphyr, tout ce qu'il pourrait lui apporter...

Alors enfin, le cerveau de la nécromancienne aligna quatre mots. Orion est en danger.

Erika se redressa brutalement de sa chaise. Ses poumons se vidèrent de tout leur air. S'il était encore question de ce pouvoir d'arcadien, pourquoi pas elle ? Pourquoi lui, absolument ? Ne pouvait-il pas se contenter d'elle, qu'il avait déjà sous la main ? Mais avant qu’elle ne puisse formuler la moindre phrase cohérente, le sélénite posa une main ferme sur son épaule pour l'inciter à se rasseoir. Erika lui lança un regard effaré. Il lui adressa un clin d’œil glacial.

- J’ai encore besoin de toi ici. Je dois m’assurer qu’il sera coopératif, n’est-ce pas ? »

Le test.

Ce fut sa dernière pensée avant que les yeux du sélénite ne la plonge dans une obscurité sans fond.
Asma
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ASMARETH RANG GAGNE
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Asma
Ven 27 Oct - 7:54

Orion
J'ai 28 ans et je suis originaire de l'arche de Zéphyr. Dans la vie, j'étais pilote d'aérostat. Maintenant, je vis au jour le jour et je m'en sors sans y réfléchir. Sinon, j'ai été célibataire, j'ai été marié, j'ai divorcé et après tout cela, elle m'a brisé le cœur.
En savoir plus.






L’homme était reparti depuis longtemps mais Orion n’avait pas bougé d’un iota. Le taciturne tenancier continuait à remplacer ses chopes sans un mot, ombre furtive derrière son comptoir sur lequel il faisait de temps à autres mine de passer un chiffon sans âge. Quand il se mit à faire son fond de caisse, le grand brun réalisa que l’établissement était désert, à l’exception notable de la présence de l’épave qu’il était désormais. Il se décida finalement à se lever de sa chaise. Seul l’effet de l’alcool lui empêcha de ressentir la douleur d’être resté trop longtemps assis sur une banquette de bois particulièrement inconfortable. Ses vertèbres craquèrent. La pièce prit de la gîte, mais il resta solidement ancré sur ses appuis.

La nuit était déjà largement entamée sur Ææa. Bien avancée dans son parcours à travers la voûte céleste, une lune gibbeuse dardait ses rayons clairs-obscurs sur les orgues de basalte et donnait au décor un air surréel de rêve halluciné. Une autre image de noirceur et de tempête traversa furtivement son cerveau engourdi. Même la quantité d’alcool qu’il avait ingurgitée ne parvenait pas à tenir les images et les sensations à distance. Elles étaient toujours là, aux lisières de sa conscience, prêtes à l’assaillir à tout moment. La bourrasque fraîche qui l’accueillit sur le seuil du troquet lui donna un instant de lucidité.

Donner un sens à son existence. Quelle morgue de la part de son interlocuteur ! Il avait eu l’air si sûr de lui. Orgueilleux. Hautain. Quelque chose en lui tiqua. Puis telle la vague repartie avec le ressac, la fugace sensation disparut. C’était pourtant un projet bien ambitieux. Comment cet individu pouvait-il prétendre savoir ce qui donnerait du sens à l’existence d’Orion. Certes, les sélenites avaient une aptitude certaine à pouvoir s’insinuer dans leurs esprits, mais de là à y lire leurs aspirations profondes… si ? Non. Non, non. L’ombre d’un doute s’insinua. Non ? Une nouvelle sensation étrange le traversa. Comme si quelque chose lui échappait. Oubliait-il quelque chose ? Il plissa légèrement les yeux comme si ce simple geste pouvait l’aider à se concentrer. Bien inutile dans son état. La lune tangua.

Ses pensées continuaient toutefois à chercher un chemin à travers les tortueux méandres des vapeurs d’éther qui avaient inondé son cerveau. Surtout, comment est-ce que se rendre sur Babel pour aller à la rencontre de quelqu’un dont il ne connaissait rien qui voulait soi-disant lui parler d’il-ne-savait-quoi allait-il révolutionner son existence ? Pas révolutionner. Lui « donner un sens ». C’était survendre sa proposition. Mais il fallait reconnaître qu’il n’avait pas franchement mieux à faire en cet instant précis.

Le grand brun se gratta machinalement sa barbe. Un coup d’œil à droite, puis à gauche. Les rues du petit village étaient parfaitement désertes à cette heure-ci et seule la lune capricieuse éclairait son chemin. De quel côté avait-il posé le Léthé ? Orion plissa une nouvelle fois les yeux. Puis, avec un haussement d’épaule, il réalisa qu’il avait une méthode plus efficace. Un petit rire silencieux secoua légèrement ses épaules. Aussitôt remplacé par un grondement sourd et une vague sensation de colère mêlée qu’il ne connaissait que trop bien. De peine ? Non. De dépit ? Peut-être. D’amertume ? Un peu tout à la fois.

Le grand brun tenta d’invoquer une image du Léthé. Ce n’était pourtant pas bien compliqué. En temps normal. Il cligna des yeux à plusieurs reprises. Oui, en temps normal. Pas avec une telle quantité d’alcool dans le sang. Un éclair fulgurant de douleur lui traversa le front. Passager. Bientôt aspiré par les limbes éthérés qui régnaient entre ses deux oreilles. Une image. Floue. Momentanée. Le vaisseau. L’image se trouble. Plisser des yeux. Le vaisseau de nouveau là. Oui, les trèfles. Par là. Il essaie de stabiliser la sensation. Se concentrer. Une nouvelle image. Plus le vaisseau, cette fois-ci.

Ses pensées. Ses traitresses de pensées l’envoyèrent droit là où il ne souhaitait pas aller.
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