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LE TEMPS D'UN RP

Il n'y a que les causes perdues qui méritent qu'on les défende [Asma x Jen]

Jen
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Jen
Sam 8 Juil - 15:02
Le contexte du RP
Mise en situation

La situation
Inspiré de l'univers de la saga "La Passe-Miroir" écrit par Christelle Davos.

Leurs adieux avaient tout de définitif. Aucun retour en arrière possible. Cette fois, ils repartaient chacun vivre leur vie respective et cette folle histoire ne serait plus qu'un douloureux souvenir.

Mais une boussole peut-elle réellement perdre le Nord ? Ou finit-elle toujours par le retrouver ?

Suite de ce sujet
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Asma
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Asma
Sam 8 Juil - 15:13

Il n'y a que les causes perdues qui méritent qu'on les défende [Asma x Jen] Crackorionerika  Il n'y a que les causes perdues qui méritent qu'on les défende [Asma x Jen] Ezgif-com-gif-maker



Orion
J'ai 28 ans et je suis originaire de l'arche de Zéphyr. Dans la vie, j'étais pilote d'aérostat. Maintenant, je vis au jour le jour et je m'en sors sans y réfléchir. Sinon, j'ai été célibataire, j'ai été marié, j'ai divorcé et après tout cela, elle m'a brisé le cœur.
En savoir plus.


Une tempête se préparait et il se retrouvait coincé en plein milieu. Elle prenait le contrôle. Le vent autour de lui s’élevait et tourbillonnait de plus en plus violemment. Et il ne maîtrisait plus rien. Il sentait l’énergie se projeter en-dehors de lui par vagues. Il était englouti par l’obscurité qui se refermait autour de lui. Soudain, dans la pénombre, une lumière apparaissait. Il pouvait sentir sa chaleur. Dans ses mains. Dans son cœur. Mais il n’arrivait pas à la retenir. La vague d’énergie pulsa de nouveau et le contact disparut. Comme emportée par le ressac de la vague suivante, elle fila entre ses doigts. Et le vent se faisait toujours plus fort. Une douleur soudaine, violente, paralysante, le traversa de part en part. Il avait l’impression que son crâne allait imploser sous la pression.

Orion se redressa d’un bond dans son lit. Ses poumons étaient en feu. Son cœur battait à tout rompre. Autour de lui, pourtant, tout était à sa place. Rien n’avait bougé. Sa poitrine lui faisait mal. Il inspira. Lentement. Il expira. Calmement. Lorsque sa respiration s’apaisa suffisamment, il se leva. Le contact de la pierre fraîche sous ses pieds nus l’aida à se recentrer.

Tasse de café à la main, le grand brun alla s’installer sur le petit banc de pierre situé à l’avant de la maison. Il appuya l’arrière de son crâne sur la pierre irrégulière et rugueuse du mur sur lequel courait un vieux pied de vigne. Il frotta son front et ses tempes encore endolories et porta la tasse à ses lèvres. La caféine était un remède efficace contre la migraine.

Le soleil se levait à peine sur l’horizon. Se détachant à contrejour, une étrange silhouette apparut au loin. Orion plissa les yeux pour mieux voir. Passant une main dans sa longue tignasse désordonnée, le grand brun soupira. Il se frotta machinalement la barbe et termina d’avaler son café.

Le vaisseau se posa tout près de la modeste bâtisse de pierre, soulevant avec lui des nuages de poussière et malmenant la végétation déjà rase du maquis environnant. De l’Harmattan émergea une imposante et familière silhouette à l’extravagante crinière de feu. Elle repoussa dans un geste machinal ses verres vers le haut de son nez.

- Tu es un homme difficile à trouver, tonna-t-elle joyeusement.
- Pas suffisamment, semblerait-il.

Rhona le prit dans ses bras dans une étreinte à lui briser les os, lui vidant brusquement les poumons de tout leur air. Elle finit par le libérer de son emprise et le détailla du regard. Le zéphyr était simplement vêtu d’un pantalon sans âge, torse nu et avait l’air hirsute.

- Tu pourrais faire un effort, lui lança-t-elle avec un rictus moqueur.
- Tu m’excuseras, je n’attendais pas de compagnie.

D’un mouvement de tête, il lui fit signe de le suivre. Le grand brun passa la porte, dont l’embrasure chatoyait subtilement. Il lui fit traverser le salon, passa la baie vitrée et lui proposa de s’installer sur une terrasse ombragée qui surplombait la vallée en contrebas et la mer de nuages au loin. Il alla à la cuisine et revint avec deux verres et un pichet de citronnade fraîche.

- Te voilà bien loin de Zéphyr. Tu t’es perdue ? Commença-t-il, taquin.
- Quoi te dire… tu m’as donné la fièvre de la bougeotte. C’est sympa, par ici. Je ne pensais pas qu’Héliopolis avait autant d’arches mineures autour. C’est charmant. Mais c’est aussi un vrai dédale.
- Qu’est-ce que tu fais là, Rhona ? L’interrogea-t-il un peu sèchement.
- On ne peut pas venir prendre des nouvelles d’un ami ?

Orion fronça les sourcils et la gratifia d’un regard inquisiteur.

- Ta grand-mère m’envoie, soupira la rouquine.

Elle semblait hésiter à poursuivre. D’un geste de la main, Orion lui intima de continuer. Il y avait quelque chose de plus abrupt dans son tempérament. Rhona souffla de nouveau.

- Elle m’a dit de te dire que ta mère est passée la voir. Elle te cherche.

Orion fit les gros yeux.

- Ta grand-mère m’a expliqué, s’empressa d’ajouter Rhona. J’ai promis de ne rien dire à personne. Pas à âme qui vive ! Croix de bois.

La rousse prit une gorgée de citronnade avant de reprendre la parole.

- Je me demandais pourquoi elle n’était pas venue directement, mais…

Elle indiqua d’un coup de menton la bâtisse et tout ce qui les entourait.

- Hildegarde, confirma Orion.

Finalement, il était parvenu à convaincre l’arcadienne de lui rendre un ultime service. Une autre façon de disparaître des radars. Au moins ponctuellement. Très rares étaient ceux qui savaient où il résidait. Bartolomé était l’un d’eux. Il aurait à l’occasion une explication de texte à avoir avec son ami.

- Je vais te préparer la chambre d’ami, lança Orion en se relevant, s’apprêtant à disparaître à l’intérieur.

Orion et Rhona passèrent le plus clair de la journée à parler de tout et de rien. Tandis qu’il vaquait à ses corvées, la jeune femme avait entrepris de lui raconter ce qu’elle avait fait au cours des derniers mois, les potins du moment, tout ce qu’il avait raté en son absence. Il remarqua qu’elle prenait un soin tout particulier à éviter les sujets qui fâchaient. Elle lui donna quelques nouvelles de ses grands-parents. Elle ne fit pas une seule fois mention du Boréal, de la Guilde, ni de rien d’autre qui concernait son départ de Zéphyr. Les discussions et les éclats de rire se prolongèrent jusqu’à tard dans la soirée. La rousse commençait à bailler de plus en plus. Orion se proposa de débarrasser la table sans elle.

- Tu es sûr ?
- File, tu ne tiens plus debout.

Effectivement, la jeune femme tanguait, oscillant d’une jambe sur l’autre, et décocha un nouveau bâillement à s’en décrocher la mâchoire. Elle lui fit un petit signe de la main et disparût au bout du couloir. Orion posa les assiettes dans l’évier de pierre et s’apprêtait à y mettre les verres quand un léger bruissement attira son attention à l’extérieur. Le grand brun traversa le salon jusqu’à la porte d’entrée. Il écarta légèrement le rideau de la fenêtre à côté de l’entrée et poussa un long soupir. Il déverrouilla la porte et ouvrit.

- Tu as pisté Rhona, n’est-ce pas ?
- Bonsoir, mijo.
Jen
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Sam 8 Juil - 17:45

Erika
J'ai 25 ans et je vis à Sidh, XVIème arche majeure. Dans la vie, je suis employée dans un atelier de textile et je m'en sors bien. Sinon, grâce à mes décisions stupides, je suis fiancée par arrangement pour la seconde fois et je le vis plutôt très mal.


Il n'y a que les causes perdues qui méritent qu'on les défende [Asma x Jen] 68747470733a2f2f73332e616d617a6f6e6177732e636f6d2f776174747061642d6d656469612d736572766963652f53746f7279496d6167652f4751444444516f6c4530746b6c413d3d2d3535393236353333392e313532336461343462613163623535363737333737383039383333342e676966

Fiche détaillée juste ici
"- Moi, je trouve que c'est une excellente chose, fit le jeune homme. Les coutumes sont de toute manière archaïques sur notre Arche, en la matière.

Erika se surprit à hocher mollement de la tête. C'était peut-être le seul sujet sur lequel ils tomberaient toujours d'accord. Sidh aurait beaucoup à apprendre de ses voisins en terme d'émancipation des femmes. Quelques mois auparavant, son père avait fortement réprouvé le choix qu'avait fait sa fille de travailler, mais puisque ni son futur gendre ni le père de celui-ci ne s'y opposaient, il avait fini par se contenter de désapprouver dans son coin, sous prétexte que les femmes de bonne famille n'avaient pas à faire ces choses là. Et le travail était la seule chose qui lui permettait de ne pas tomber plus bas encore qu'elle ne l'était déjà.

- Ravie de savoir que j'ai votre approbation que je n'ai pas sollicité Nicolas, mais si vous continuez à rester planté devant la porte, je vais finir par être en retard à l'atelier."

Le blond fit un pas sur le côté en lui souhaitant une bonne journée. La nécromancienne soupira bruyamment en claquant la porte. Voilà, c'était l'une des innombrables choses qui l'horripilait chez cet énergumène. Quoiqu'elle puisse dire, quelque fut le ton qu'elle puisse employer, il ne s'énervait jamais. En fait, rien ne semblait jamais l'intéresser ou l'atteindre, en dehors des folles découvertes et aventures de son père. Parfois, elle avait l'impression de parler à l'un des automates de Lazarus. Elle tentait d'engager une conversation, et il lui répondait par un long monologue sur un sujet qui n'avait absolument rien à voir.

Heureusement pour elle, Nicolas n'était obnubilé que par ce fichu pouvoir, et n'avait cure de se prêter réellement au jeu des fiançailles. Parfois, comme en cette matinée, il passait lui rendre une visite de courtoisie, histoire qu'ils puissent justifier à leurs parents qu'ils mettaient du leur à apprendre à se connaître un minimum. Mais ils ne poussaient jamais la mascarade beaucoup plus loin. Erika maugréait des monosyllabes et Nicolas lui racontait la première histoire loufoque qui lui passait par la tête, et ils retournaient ensuite vaquer à leurs occupations respectives. Occupations qui, pour la brunette, se résumaient généralement à ses journées de travail à l'atelier de textile, et des heures dans un bar du coin qui était devenu le repère de Domitille et des autres.

Finalement, elle était revenue à la case départ. Trainer aux côtés des sans-pouvoirs, avec ses amis, comme au bon vieux temps. Sauf qu'aujourd'hui, elle n'était plus du tout une sans-pouvoirs, et cela faisait toute la différence.

Elle n'aimait pas y penser. Parce qu'y penser lui rappelait inexorablement ce qu'elle s'efforçait à oublier depuis son retour. Ce qu'elle avait quitté en toute connaissance de cause. Ce qu'elle aurait pu éviter, si seulement elle avait eu plus de courage. Elle avait rejoué la scène des centaines de fois dans sa tête. Ce qu'elle aurait dû dire, ou ne pas dire. Mais il était trop tard pour les regrets. De toute façon, il était devenu introuvable. Le message était on ne peut plus clair.

Erika se laissa lourdement tomber sur son tabouret de travail, en face duquel lui avait été laissé l'ouvrage qu'elle devait terminer pour la fin de semaine. Aussi ironique cela était-il, elle était entrain de s'occuper de coudre sa propre robe de mariée. Il n'y avait qu'un seul atelier dans l'Ether qui était suffisamment réputé pour satisfaire ses parents, et puisqu'elle s'y était fait embaucher quelques temps après qu'ils y aient passé commande, elle se retrouvait à coudre elle-même les étoffes de sa propre robe.

Ce travail avait été une bénédiction. Trouver une occupation l'avait empêché de devenir apathique. Si elle s'était contenté de retrouver ses amis tous les soirs pour boire jusqu'à en noyer sa peine, elle ne voulait pas savoir comment elle aurait terminé. Et passer ses journées à l'atelier lui donnait l'excuse parfaite pour ne pas s'investir autant que ses parents le voudraient dans ses fiançailles. Elles avaient duré six longs mois. Et dans une semaine, elles toucheraient enfin à leur fin. Une fois mariés, Nicolas et elle étaient tombés d'accord sur la marche à suivre. Il partirait vagabonder où il le voulait bien avec son nouveau pouvoir, et elle ferait ce que bon lui semblerait de son côté. Ils ne comptaient jamais se revoir, du tout. Mais au moins, tout le monde serait content : Nicolas s'en irait vivre ses meilleures aventures. Ses parents retrouveraient définitivement leur statut au sein de la haute société. Bertille... Elle se refusa à penser à Bertille. Elle avait fait tout cela pour ses parents, puisque de toute façon ils étaient les seuls qui pouvaient encore s'en sortir. Tout le monde y avait bien trop perdu. Mais pour eux, il n'était pas trop tard.

Trois coups secs sur la vitre face à son plan de travail la firent sursauter. Erika releva le nez de son ouvrage. De l'autre côté de la glace, Domitille semblait vouloir lui dire quelque chose en lui faisant de grands signes de la main. La brunette jeta un coup d'oeil à l'horloge qui trônait sur le mur arrière de l'atelier. Elle étouffa une exclamation, et se leva précipitamment. Elle n'avait vu les heures passer, et elle était déjà en retard pour l'anniversaire surprise qu'elle avait elle-même organisé avec sa meilleure amie pour le petit frère de celle-ci.

"- T'abuses Erika, la réprimanda Domitille alors qu'elle la rejoignait devant l'entrée de service.

- J'avais pas fait attention à l'heure, grommela la fautive pour toute excuse.

Malgré son apparente colère, sa meilleure amie prit le temps de lui lancer un regard soucieux.

- Tu dors un peu la nuit ?

- Non.

La sans-pouvoirs soupira sans décélérer le pas.

- Annule-le ce mariage. Pourquoi tu t'entêtes à aller au bout s'il te rend si malheureuse ? Y'en aura d'autres des partis, même s'ils ne sont pas aussi bons que cet hurluberlu qui a eu la chance naître dans la bonne famille. Franchement je peux te comprendre tu sais, qui voudrait épouser un type pareil...

- Je dois le faire Domi, c'est tout.

Au moins, avait-elle bien retenu sa leçon. Elle n'avait jamais parlé à quiconque du véritable motif de son mariage. Même à sa meilleure amie, à qui elle avait simplement raconté que ses parents lui avaient trouvé un bon parti pour se faire pardonner de l'échec de sa première union.

Domitille secoua la tête en ouvrant la porte de sa maisonnette familiale.

- Toi et les mariages de toute façon..."

Elles s'engouffrèrent silencieusement dans le petit salon plongé dans le noir, et rejoignirent le reste des invités déjà présents. Ils s'étaient cachés un peu partout dans la pièce. Derrière un meuble, sous la table, dans un placard. L'effet de surprise allait être parfait. L'air de la pièce était chargé d'excitation, chacun attendant avec impatience de pouvoir bondir de sa cachette. Erika ne put retenir un petit sourire. L'espace d'un instant, cette ambiance bon enfant lui faisait oublier sa peine.

La poignée tourna lentement, et ils retinrent tous leur souffle pour sauter sur le pauvre garçon qui s'apprêtait à rentrer chez lui.
Asma
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Asma
Dim 9 Juil - 0:11

Orion
J'ai 28 ans et je suis originaire de l'arche de Zéphyr. Dans la vie, j'étais pilote d'aérostat. Maintenant, je vis au jour le jour et je m'en sors sans y réfléchir. Sinon, j'ai été célibataire, j'ai été marié, j'ai divorcé et après tout cela, elle m'a brisé le cœur.
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- Je t’ai vue plus de fois en l’espace d’une année que je ne t’ai vue en plus de 25 ans, mère, soupira le grand brun.
- Moi aussi, je suis heureuse de te voir, mon garçon.
- Mais je suppose que ce n’est pas pour le simple plaisir de me voir que tu es là.

Alba soupira à son tour. La mère et le fils arboraient la même attitude, le même air supérieur en se toisant mutuellement. Orion et elle partageaient le même regard, les mêmes yeux en amande intensément noirs.

- Les agissements de Farouk commencent à préoccuper Don Janus.

Les agissements de qui que quoi ? De quoi parlait-elle ? Farouk, l’esprit de famille du Pôle. Janus, celui de l’arche. En quoi est-ce que des affaires d’esprits de famille le concernaient de près ou de loin ?  Surtout, les esprits de deux arches dont aucune n’était la sienne. Enfin, vraiment la sienne. Était-ce pour parler de politique inter-arches qu’elle avait fait le déplacement ? Parce que si c’était le cas, elle perdait monumentalement son temps.

- Et ?
- Et ça, rétorqua-t-elle en sortant de la poche de sa veste une coupure de presse qu’elle lui tendit.

Il s’agissait d’un encart de journal, de la gazette de Sidh. « Publication du mariage devant être célébré entre… ». Orion avait sous les yeux les bans qui annonçaient la future union d’Erika et de Nicolas. La semaine prochaine. Il s’arrêta aussitôt dans sa lecture et lui rendit son infâme morceau de papier.

- Et ça quoi ? Gronda-t-il.

Avait-elle vraiment tout ce voyage pour remuer le couteau dans la plaie et lui parler de mondanités ?

- Tu ne peux pas la laisser faire, rétorqua sa mère, son ton devenu sec et cassant.
- Je ne vois pas en quoi ça te concerne. Pas plus que ça ne me concerne, moi, d’ailleurs.

C’était faux. Il le savait parfaitement bien. Parce que près d’un an plus tôt, il avait tenu le même discours à la jeune femme. Le dernier discours qu’il ne lui ait jamais tenu. Elle était prête à offrir son pouvoir à un parfait inconnu dans l’espoir d’aider ses parents à retrouver une place dans la société. Ce pouvoir pour lequel on avait déjà cherché à lui faire du mal. A leur faire du mal. Ce pouvoir pour la quête duquel son père avait perdu la vie.

- Tu ne peux pas y aller toi-même ? Poursuivit-il avec véhémence.
- Crois-tu qu’elle m’écouterait ?
- Parce que tu crois qu’elle m’écouterait, moi ?! S’empourpra Orion. C’est hors de question. Débrouille-toi toute seule.
- Tu sais pertinemment que ce n’est pas possible, mijo. J’en ai déjà trop fait en venant ici.
- Ce qu’elle fait de sa vie n’est plus mon problème.
-  Ce n’est peut-être plus le tien, mais c’est le nôtre, Orion. En s’associant à cette idée saugrenue, Farouk est en train de jouer avec le feu.
- Je n’entends rien de ce que tu racontes, mère. La dernière fois que nos chemins se sont croisés, tu devais…

Le nom resta momentanément bloqué dans sa gorge.

- Dois-je te rappeler que tu devais emmener Erika et la mettre à l’abri ? termina-t-il difficilement.

Le simple fait de prononcer son nom lui brûlait la gorge et lui arracha une grimace. Il ne serait pas en train d’avoir cette conversation ridicule si seulement sa mère avait fait ce qu’il lui avait demandé à l’époque.

- Si tu voulais t’épargner ce genre de déconvenue, tu aurais dû l’emmener. Comme je t’ai prié de le faire, asséna-t-il, glacial. Et puis quoi, qu’est-ce qu’un hurluberlu de plus avec un pouvoir au mieux dysfonctionnel pourrait bien causer, comme problème ? En plus, encore faudrait-il que le transfert fonctionne, ce qui est parfaitement sans garantie. On n’échange pas la totalité de ses pouvoirs avec l’autre. On ne choisit pas non plus celui qu’on échange. Quant à l’échange de pouvoir déjà échangé… là, cela dépasse de trop loin mes compétences.

Oui, le grand brun s’était posé la question plus d’une fois. Nonobstant tout le reste, la nécromancienne faisait peut-être tout ce dans quoi elle s’était lancée pour rien. Il était tout à fait possible que le transfert du pouvoir désiré échoue. Et quoi, alors ? Qu’adviendrait-il d’elle ou de ses parents et de leur fichu statut social dans ce cas ?

Ce n’était plus son problème. Cela faisait un an qu’il avait tourné la page, tant bien que mal. Ce n’était certainement pas pour avoir le plaisir de replonger maintenant.

- Pese a todo, le risque existe. L’enjeu est beaucoup trop important pour qu’il l’accepte.

Sa mère plaqua ses deux paumes l’une contre un l’autre dans un geste qu’il ne connaissait que trop bien. Il s’agit de l’une de ses manies lorsqu’il réfléchissait. Elle chassa une mèche de cheveux en la repoussant vers l’arrière et retrouva sa posture de réflexion.

- Je n’ai ni le temps ni le droit de tout t’expliquer, mijo. Sache simplement que la menace est réelle. Dans sa quête de sa vérité sur le Livre, Farouk est en train de se fourvoyer. Il risque de se laisser embobiner par des gens qui n’ont pas la déférence qu’ils devraient vis-à-vis des esprits de famille. Des gens qui sont prêts à le manipuler pour arriver à leurs propres fins. Des gens dont les intentions sont bien moins louables que les miennes.

Orion n’y comprenait absolument rien.

- Pourquoi moi ? Se contenta-t-il de demander.
- Parce qu’elle t’écoutera.

Le grand brun éclata d’un rire sans joie.

- Tu sauras la convaincre, ajouta-t-elle encore face à la moue sarcastique de son fils. J’en suis persuadée.

Orion la fixa de son regard perçant. Elle finit par céder.

- Aucun arcadien ne peut être rattaché à cette affaire. Tu es le seul à qui je peux demander une telle chose. Le seul capable de proposer une alternative à l’élimination pure et simple de la menace.

Orion se figea. L’élimination pure et simple. Parlait-elle vraiment… d’assassiner Erika ? Le grand brun leva vers sa mère un regard abasourdi. Elle se contenta simplement de cligner lentement des yeux. Non, ce n’était ni une blague ni une exagération. Oui, c’était quelque chose qui était clairement envisagé.

S’il ne voulait plus jamais rien à voir à faire avec la nécromancienne, Orion ne souhaitait pour autant pas sa mort. Il voulait simplement qu’elle vive sa vie… loin de lui. Très très loin de lui. Le grand brun mit les mains dans ses poches et tapa dans une pierre qui s’envola au loin pour atterrir, dans un bruit étouffé, dans un massif de genêts en fleurs.

- L’échange a lieu dans une semaine.
- Une semaine ?
- Tu dois l’empêcher coûte que coûte.

Alba lui tendit de nouveau la coupure sur laquelle figurait l’adresse prévue de la cérémonie. Elle sortit également de sa poche une longue chaîne autour de laquelle pendait un sablier au sable nacré dont la teinte semblait onduler sur le spectre lumineux. Par la forme, il lui faisait penser aux sabliers qu’il avait vus sur le Pôle. Il prit délicatement l’objet qu’elle lui tendait entre ses doigts et l’examina. Il y découvrit le poinçon caractéristique des créations de la mère Hildegarde. Dona Imelda.

- Tu as déjà vu les sabliers du Pôle ? L’interrogea Alba.

Ne comprenant pas où elle voulait en venir, le grand brun se contenta d’opiner brièvement du chef.

- Bien. Celui-ci fonctionne sur le même principe. Il a toutefois été spécialement modifié pour l’occasion. Une fois activé, il t’emmènera directement à la personne que tu visualiseras au préalable dans ton esprit. A la différence de ceux du Pôle, le sablier voyagera avec toi, et une fois brisé ou son dernier grain de sable écoulé, il te ramènera à ton point de départ. Attention à la goupille, juste là. Est-ce bien clair ?

Pourquoi lui donnait-elle toutes ces consignes comme s’il avait déjà accepté ? A quel moment avait-il donné son accord pour s’embarquer dans une telle folie ? Une folie cauchemardesque ? On lui demandait de quitter la petite vie tranquille qu’il s’était créée ici pour aller à la recherche de celle qu’il ne voulait plus jamais revoir, pour empêcher son union avec celui pour qui elle l’avait quitté, parce que deux esprits de famille qu’il ne connaissait pas se disputaient quelque chose qu’il ne comprenait pas.

Orion s’apprêtait à envoyer royalement balader sa génitrice quand, soudain, une détonation retentit et le sol se mit à trembler sous ses pieds.
Jen
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Dim 9 Juil - 2:08

Erika
J'ai 25 ans et je vis à Sidh, XVIème arche majeure. Dans la vie, je suis employée dans un atelier de textile et je m'en sors bien. Sinon, grâce à mes décisions stupides, je suis fiancée par arrangement pour la seconde fois et je le vis plutôt très mal.


Il n'y a que les causes perdues qui méritent qu'on les défende [Asma x Jen] 68747470733a2f2f73332e616d617a6f6e6177732e636f6d2f776174747061642d6d656469612d736572766963652f53746f7279496d6167652f4751444444516f6c4530746b6c413d3d2d3535393236353333392e313532336461343462613163623535363737333737383039383333342e676966

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Avant, n'importe quel évènement de cet acabit était de nature à lui faire oublier tous ses soucis. Le temps d'une soirée, d'une danse, d'une discussion autour d'un verre, Erika était la plus heureuse de ce monde. Et tout particulièrement aujourd'hui, elle aurait eu besoin que ce même petit miracle passager se reproduise.

Mais elle avait beau essayer, l'enthousiasme ne venait qu'en demi-teinte. Elle observait ses amis s'amuser, les petites attentions défiler pour le garçon qui venait de fêter sa majorité. Les gens discuter un verre à la main, certains même dans l'intimité d'une conversation plus poussée sur les canapés. Domitille tournoyait aux bras d'un jeune homme qu'elle ne reconnut pas. La sans-pouvoirs riait aux éclats. Erika aurait voulu la rejoindre à son tour, et profiter d'un instant d'ivresse et de joie simple. Mais elle avait beau chercher la sensation familière de l'euphorie, elle ne venait pas. Ou plus exactement, elle ne venait plus. Depuis.

Elle avala une nouvelle gorgée de sa bière. Peut-être qu'en buvant assez, la sensation viendrait. Celle de l'euphorie, ou de l'ivresse. N'importe quelle sensation en fait, qui ferait taire cette morne torpeur qui avait tendance à s'emparer d'elle sans crier gare. Elle attendit quelques instants. La musique changea. Elle avala d'un trait le reste de sa choppe.

Son regard errait sans vraiment regarder dans la pièce transformée en véritable petite salle des fêtes pour l'occasion. Ses yeux s'arrêtèrent momentanément sur les deux tables que Domitille et elle avaient poussé contre le mur du fond, pour faire office de buffet. Dessus s'étalaient des mignardises en tous genres, et de quoi picorer entre deux verres. La vue de toute cette nourriture étalée lui rappela brutalement qu'elle avait encore oublié de s'occuper du traiteur pour la cérémonie, quand bien même sa mère le lui avait répété au moins dix fois dans les dernières vingt-quatre heures. Erika fronça du nez et chassa la désagréable pensée. Elle s'en occuperait demain.

En attendant, elle ne parvenait toujours pas à faire honneur la fête qu'elle avait elle-même préparé. Elle devrait au moins essayer d'aller parler à quelques invités. Peut-être que l'entrain viendrait ainsi. Mais avant ça, sa choppe était vide. La nécromancienne s'approcha de la table qui faisait office de bar et tendit la main pour attraper une bouteille restée au frais dans un bac à glaçons lorsqu'une main se posa soudain sur son épaule.

"- Erika, fit la voix de sa meilleure amie. Regarde ce qu'on vient d'offrir à mon frère !

Erika tourna la tête, une main toujours sur la bouteille fraîche qui l'attendait. Domitille tira de derrière son dos un tout petit poste radio, et afficha un air radieux qui ne manqua pas d'arracher un sourire à la brunette.

- Le même que celui qu'on utilisait nous, ne put-elle s'empêcher de s'amuser en posant un regard nostalgique sur le petit appareil.

La sans-pouvoirs approuva vivement de la tête, mais son regard s'assombrit imperceptiblement en se posant alternativement sur la choppe vide dans la main de son amie et sur la bouteille neuve vers laquelle elle tendait le bras. Elle tendit la main à son tour pour lui retirer la choppe des mains, la déposer sur la table, et posa une paume sur son poignet à la place.

- Ca te dit qu'on l'inaugure ? demanda t-elle avec une douceur empreinte de malice. Comme au bon vieux temps ?

- Et ce charmant personnage avec qui tu dansais à l'instant ?

- Pas mon type, lança joyeusement Domitille avant de l'entrainer par la main à travers le salon.

Elle mentait. Erika le savait très bien. Pourtant, elle fut infiniment reconnaissante de suivre les pas de son amie jusqu'à sa chambre, dont elle referma soigneusement la porte derrière elles. Le bois de la porte n'isolait pas du bruit de la fête, mais le tamisait quelque peu. C'était suffisant.

Erika prit un instant pour apprécier la chambre dans laquelle elle venait de se faire entrainer. Depuis combien de temps ne s'étaient-elles pas retrouvées toutes les deux ainsi ? La pièce n'avait pas beaucoup changé malgré les années. Le décor était resté plus ou moins le même, l'éternel lit double n'avait pas bougé non plus, et surtout, à chaque recoin où elle posait les yeux, une vague de nostalgie la submergeait.

Emue, la brunette voulut se retourner pour remercier son amie mais celle-ci avait déjà filé déposer le poste radio sur sa petite table de chevet, et avec un sourire triomphant aux lèvres, alluma l'appareil. Elle fit rouler la molette du bout des doigts quelques secondes avant qu'un air qui leur était bien familier ne s'élève en grésillant.

"- Bienvenue dans votre capsule temporelle, annonça fièrement Domitille. Vous venez de perdre dix ans d'âge et le seul mot d'ordre est : amusez-vous."

Erika sentit ses lèvre s'étirer dans un immense sourire. L'effet était radical.

Elle était de retour dans l'adolescence, aux côtés de sa meilleure amie, et leur seul souci était de savoir quelle chanson allait suivre dans l'imprévisible programme de la radio. L'élément de surprise était ce qui faisait tout l'attrait de la radio face à un gramophone classique. Et elles pouvaient passer de longues heures ainsi, toutes les deux dans leur petite bulle loin du monde, à chanter, danser, hurler, ou papoter bercées par le son grésillant.

Mais alors qu'elles venaient de s'attraper mutuellement les mains pour s'entrainer sur la piste de danse improvisée, une voix féminine s'éleva dans la radio, coupant net la musique.

"- Ceci est un flash spécial, nous venons à l'instant d'apprendre qu'un morceau d'une Arche mineure d'Héliopolis s'est brusquement détaché du reste pour tomber dans le vide. Les causes de cet incident ne sont pas encore..."

"- C'est quoi ce canular, railla la brunette en haussant un sourcil.

Pour toute réponse, Domitille bondit sur le lit et écarta les deux bras d'un grand geste dramatique avant de se laisser choir en avant sans aucune retenue.

- Oh non Erika je tombe dans le vide inter-arches, rattrape-moi !"

La sans-pouvoirs lui atterrit droit dessus et l'entraina dans sa chute au sol. L'effet de surprise passé, Erika se releva, chancelante, et lui tendit la main pour l'aider à se relever à son tour. Leurs regards hilares se croisèrent. Et elles éclatèrent d'un grand rire commun.

Erika sentit son coeur se réchauffer. Enfin, elle avait sa parenthèse heureuse.
Asma
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Asma
Dim 9 Juil - 9:04

Orion
J'ai 28 ans et je suis originaire de l'arche de Zéphyr. Dans la vie, j'étais pilote d'aérostat. Maintenant, je vis au jour le jour et je m'en sors sans y réfléchir. Sinon, j'ai été célibataire, j'ai été marié, j'ai divorcé et après tout cela, elle m'a brisé le cœur.
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Le sol se mit à gronder comme si une monstrueuse bête furieuse avait été allongée dans ses entrailles et qu’elle commençait à s’éveiller. Et qu’elle se réveillait de particulièrement mauvaise humeur. Orion eut du mal à garder son équilibre. Il prit appui sur la façade de pierre de la maison qui se mit à trembler de conserve avec le reste. Alba dardait autour d’elle un regard paniqué qui n’échappa pas à son fils qui lui faisait face.

- Oh non… Je suis désolée, mijo.

Désolée ? De quoi était-elle désolée ? Qu’avait-elle à voir avec… Il n’eut pas le temps d’y réfléchir plus avant qu’elle lui plaquait soudain dans les bras la coupure de presse et lui passait autour du cou la longue chaîne au bout de laquelle pendait l’étrange sablier. Elle prit son visage entre ses mains et posa ses lèvres sur son front dans un geste à la fois si étranger et si familier.

- Fuis ! Intima-t-elle au grand brun qui était resté tétanisé sur place.
- Rhona ! objecta-t-il en se tournant vers la maison.

Son amie dormait à poings fermés à l’étage. Il n’était pas certain qu’elle est perçu ce qui était en train de se produire à l’extérieur.

- Elle n’est pas , s’exclama Alba en insistant sur le dernier mot.

Orion pouvait voir la très légère vibration de l’air qui encadrait l’embrasure de la porte entrouverte. L’intérieur de la maison entière était un non-lieu. Il se situait hors de l’espace ordinaire. Quiconque d’autre qu’Orion aurait poussé la porte pour y entrer se serait retrouvé dans une vieille maison de berger abandonnée depuis des années. Alba avait raison. Techniquement, la rousse n’était pas là. Mais le seul accès à cet espace hors de tout l’était. A moins que… ? Orion ne connaissait absolument pas l’étendue des pouvoirs de sa mère. Se pouvait-il qu’elle sache créer une autre issue à un lieu de ce type ?

- Je m’occupe d’elle ! Vete !

Le sol commença à se désagréger tout autour d’eux. Des dépressions se formaient dans le sol qui continuait à onduler et se secouer de spasmes. Par endroits, la végétation avait commencé à disparaître, happée dans la terre et les roches qui se dérobaient sous elle.

Orion vit sa mère disparaître à l’intérieur de la maison. Enfin seulement son cerveau sembla se réactiver et ses jambes se mirent en mouvement. Le grand brun fonça dans la direction opposée. A quelque distance de là, Rhona avait posé l’Harmattan à proximité du propre vaisseau d’Orion.

Il avait beau avoir changé de vie, le zéphyr restait un Navigateur dans l’âme. Et comme l’avait si justement remarqué Rhona à son arrivée, Héliopolis était un paradis de petites arches perdues – dont un grand nombre étaient inhabitées – qu’il se faisait un plaisir d’aller explorer à ses heures perdues.

Dans un nouveau soubresaut du sol, Orion trébucha avant de reprendre sa course folle jusqu’aux deux aéronefs. Arrivé au niveau de l’Harmattan, il largua rapidement les amarres de l’appareil pour lui éviter d’être entraîné dans les méandres de la terre qui s’ouvrait sous ses pieds.

Il fila ensuite jusqu’au Léthé et en fit de même avant de sauter à bord de l’engin volant. Il n’avait pas le temps de tout préparer et de manœuvrer. Mû par l’adrénaline qui coulait dans ses veines, le zéphyr concentra toute l’énergie qu’il pouvait mobiliser et déchaîna la puissance de son pouvoir. Une violente masse d’air souleva brutalement les deux vaisseaux dans les airs, le projetant au sol sous la force de l’accélération verticale.

Le grand brun se redressa tant bien que mal et parvint à s’accrocher au bastingage, pour contempler le spectacle de désolation qui s’offrait à ses yeux. Un pan entier de l’arche était en train de disparaître, englouti par la mer de nuages.

Rhona ? Sa mère ? Une douleur transperçante éclata soudainement dans sa boîte crânienne. La tempête. Il perdait le contrôle. L’obscurité.  Sur cette dernière image de sa maison qui disparaissait dans le néant, Orion s’effondra et sombra.
Jen
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Jen
Dim 9 Juil - 14:04

Erika
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Domitille avait trouvé exactement ce qu'il fallait à son amie pour que la soirée lui soit plus agréable. Elles avaient passé le restant de la fête à discuter comme au bon vieux temps dans la petite chambre de la jeune fille, et ne s'en étaient extirpées qu'une fois la plupart des invités rentrés chez eux, afin de remettre un peu d'ordre dans le salon.

Une fois la pièce rendue de nouveau présentable, Erika la remercia chaleureusement et se retira, prenant le chemin du retour. La nuit était déjà bien avancée et elle était attendue demain de bonne heure à l'atelier. Elle devrait au moins essayer de dormir quelques heures.

En poussant la porte de la maison familiale, Erika fut surprise de constater que la lumière de la cuisine était toujours allumée. Il semblerait qu'elle ne soit pas la seule à avoir du mal à trouver le sommeil ces derniers temps. Histoire de vérifier qu'il ne s'agissait pas d'un simple oubli, la nécromancienne s'approcha de la pièce pour y jeter un coup d'oeil.

Elle y trouva sa soeur aînée attablée face à une composition de fleurs séchées qu'elle confectionnait avec concentration. Sur Sidh, les fleurs séchées, mortes donc, étaient généralement mieux appréciées que les fleurs fraîches, surtout lorsqu'il s'agissait de décorer des réceptions importantes. Elle se rappela que sa mère avait chargé son aînée de la décoration de la salle où la cérémonie aurait lieu. Erika avança de quelques pas.

"- Bertille, la salua t-elle en mettant les pieds dans la pièce.

La concernée ne réagit pas, poursuivant minutieusement sa tâche comme si de rien n'était. Elle s'y attendait. Pourtant, Erika ne put s'empêcher d'être blessée par l'attitude de sa soeur, qui n'avait fait qu'empirer ces dernières semaines. A grands pas, elle s'approcha de la table où oeuvrait la jeune femme et planta ses deux mains dessus, puis se pencha pour fixer son visage résolument baissé vers son ouvrage.

- C'est toujours un plaisir de te voir, ma très chère soeur, railla la brunette, cynique.

Bertille ne réagit pas plus et l'espace d'un instant, Erika crut qu'elle continuerait à l'ignorer. Mais les mains de la jeune femme finirent par interrompre leur mouvement, et sans pour autant qu'elle ne daigne relever la tête vers elle, un filet de voix s'échappa de ses lèvres.

- Ne fais pas ça, Erika.

- Je le fais pour vous tous ! s'exclama la brunette en frappant un coup violent sur la table, gagnée par une brusque colère.

- Tu le fais parce qu'il t'as rejetée ! Et il a eu raison de le faire !

Erika lança un furieux regard d'avertissement à sa soeur. L'accord tacite était de ne jamais faire mention de lui, et elle le savait très bien.

- Tu le fais parce que tu ne savais plus quoi faire d'autre, poursuivit Bertille d'une voix plus calme. Mais tu n'es pas obligée de t'enfoncer davantage dans ta décision idiote, tu peux encore changer d'avis.

- C'est trop tard maintenant, répliqua froidement la cadette. Autant que cette maudite affaire profite à nos parents et à toi aussi, au moins tout ça n'aura pas été en vain. Tu pourrais essayer de faire semblant d'être reconnaissante. Adèle...

- Ce n'est pas parce qu'Adèle te conforte dans ton choix qu'elle a forcément raison.

- Au moins elle me soutient, elle."

Bertille leva un regard lourd de sens sur sa soeur mais n'ajouta rien. Erika en profita pour s'éclipser à l'étage, et s'effondra sur son lit toute habillée. Elle laissa échapper un long soupir.

Son altercation avec sa soeur venait de faire disparaitre en un clin d'oeil tous les bénéfices du bon moment qu'elle avait passé en compagnie de Domitille. Ses yeux fixèrent le plafond au-dessus de son lit. Elle ne risquait pas trouver le sommeil de sitôt. Tant pis, elle mettrait une couche supplémentaire de maquillage demain matin pour sauver les meubles.
Asma
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Asma
Dim 9 Juil - 15:02

Orion
J'ai 28 ans et je suis originaire de l'arche de Zéphyr. Dans la vie, j'étais pilote d'aérostat. Maintenant, je vis au jour le jour et je m'en sors sans y réfléchir. Sinon, j'ai été célibataire, j'ai été marié, j'ai divorcé et après tout cela, elle m'a brisé le cœur.
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Orion se réveilla transi de froid. Toutes ses articulations lui semblaient douloureuses et il avait du mal à respirer. « Trop haut », lui souffla une voix intérieure. Il était trop haut. Le vent l’avait poussé à la verticale, de plus en plus haut, avant qu’il ne perde totalement le contrôle. Il n’avait aucune idée de l’endroit où il se trouvait.

Le grand brun tenta de se redresser, tant bien que mal, la respiration sifflante. Il prit appui sur le parapet dont le contact glacé lui brûla les doigts. La douleur lancinante dans son crâne le forçait à se déplacer lentement, très lentement. Chaque geste brusque lui donnait l’impression qu’un nouvel aiguillon s’enfonçait dans sa boîte crânienne. Il n’était même pas la peine d’envisager d’essayer d’utiliser quelque pouvoir que ce fut.

Il regarda autour de lui. Il était seul au milieu du ciel. L’Harmattan était hors de sa vue. Il n’avait aucune idée d’où était passé le vaisseau de Rhona. Rhona ! Il aurait voulu vérifier où la jeune femme se trouvait, si elle allait bien, si elle était encore vivante… mais une fois encore, il lui était parfaitement impossible d’utiliser ses pouvoirs. Pendant combien de temps ?

Orion tenta de se concentrer sur sa situation présente. Lentement, avec des gestes gourds, il s’attacha à mettre l’appareil en branle. Ses instruments avaient commencé à se couvrir d’une fine pellicule de givre. Utilisant les manettes des gaz, il fit redescendre doucement le ballon.

Le Léthé commença à perdre de l’altitude. Orion n’avait aucune idée de l’endroit où il pouvait se trouver. Les instruments commencèrent progressivement à reprendre vie et à lui donner des indications. Sa respiration devint plus aisée et moins saccadée. La sensation de froid transperçant diminua progressivement. Loin en contrebas, sous une couche de stratus, commença à se profiler la silhouette d’une arche. Orion avait suffisamment navigué dans la région pour être capable d’en reconnaître un certain nombre de vue. Il fallait qu’il continue à descendre pour la voir plus clairement.

Quand il fut enfin en capacité de l’identifier, le grand brun stabilisa l’appareil et descendit à l’intérieur de l’appareil pour y examiner ses cartes. Pendant combien de temps était-il resté inconscient ? Une très légère et subtile vibration de l’air que seul un zéphyr pouvait percevoir encadrait l’échappée. L’intérieur du Léthé était bien plus spacieux qu’il en avait l’air à l’extérieur. Grâce aux doigts de fée d’Hildegarde, qu’Orion avait savamment su convaincre, il abritait un espace de vie particulièrement confortable.

Le zéphyr reposa sa règle et son compas à pointes sèches et poussa un long soupir. Il retira ses fripes crasseuses pour se laver. Il ôta délicatement le sablier qu’il avait gardé autour du cou et le posa sur la pile d’habits sales. Le grand brun avait des éclats de roche et de la poussière dans la barbe et dans les cheveux. Il s’était écorché les paumes dans sa chute. Le froid l’ayant momentanément rendu insensible, il ne réalisait que maintenant la douleur pulsante dans ses mains, au niveau de ses plaies. Il laissa l’eau chaude couler sur sa nuque et le long de son dos tandis qu’il essayer de repasser l’ensemble des évènements de ces dernières heures en revue.

Tout cela ne pouvait pas être une coïncidence. Rhona avait servi d’appât. Elle avait mené Alba droit à Orion. Qui disait qu’il n’y avait pas guidé quelqu’un d’autre ? Mais qui ? Quant à Erika, il était évident que sa mère avait raison. Si quelqu’un en avait eu après lui, alors qu’il était le moins évident des deux à trouver, alors ils en auraient après elle. Sa disparition à elle serait certainement moins discrète que n’aurait pu être la sienne, à lui, compte tenu des circonstances. Mais elle était beaucoup plus facile à trouver. La nécromancienne était danger.

Ses mâchoires se crispèrent. Orion tapa du plat de la main contre la paroi de la douche, rouvrant la plaie et ravivant la douleur dans sa paume. Il n’en avait cure. Pourquoi lui ? Pourquoi fallait-il que le sort s’acharne sur lui ? À quel moment s’était-il vu affublé du titre de protecteur désigné de la nécromancienne ?

Pendant les jours qui suivirent, Orion consacra son temps à essayer d’échafauder un plan d’attaque. Pour parer à tout raté possible, il avait décidé de rapprocher le Léthé de Sidh. Si pour quelque raison que ce soit, le sablier dysfonctionnait, il voulait une alternative pour s’échapper et pouvoir rejoindre son vaisseau.

Il étudia longuement les plans de l’arche. Grâce à cette fichue annonce dans le journal, il savait où la cérémonie devait se dérouler. Parce qu’ils en avaient déjà parlé, il savait où se trouvait la résidence familiale d’Erika et où ses parents s’étaient retrouvés contraints de déménager après leur déchéance. Une fois ses pouvoirs remis, Orion avait en outre tenté de sonder deux ou trois fois la présence de la jeune femme – un coup de poignard dans le cœur à chaque vérification –. Mais grâce à cela, il était désormais capable de situer assez précisément l’emplacement de sa maison familiale. Ainsi que d’un autre endroit qui ressemblait à une sorte de manufacture. Apparemment, le plan de la jeune femme avait dû fonctionner comme elle l’entendait puisqu’ils semblaient tous de retour dans les « beaux quartiers » de la cité. Orion ne préféra pas penser à ce qu’il adviendrait de nouveau à sa famille s’il interrompait l’échange de pouvoirs prévu. Ce n’était pas son problème. Plus rien de tout cela n’était son problème. Il avait une mission. Et à l’issue de cette mission, il escomptait bien être libéré définitivement de tous ces tracas. Ne plus jamais entendre parler ni d’Erika, ni d’Arc-en-Terre ni de quoi que ce soit s’y rattachant de près ou de loin. Sa mère, tout comme Don Janus, lui devraient bien ça.

Il repassa son plan en revue L’objectif était d’empêcher le transfert de pouvoir. Plus globalement, d’empêcher Erika de se tenter à ce genre d’exercice. Que ce soit avec le gus qu’elle avait choisi cette fois-ci ou un autre. Cela ne voulait dire qu’une seule chose : il fallait kidnapper Erika. Orion poussa un profond soupir. Il la remettrait ensuite à sa mère ou à Janus et les arcadiens en feraient ce que bon leur semblerait.

Comme elle vivait chez ses parents, il lui serait impossible d’intervenir là-bas. Pénétrer dans une maison remplie de nécromanciens capables de le congeler sur place. C’était l’échec assuré… Par contre, à la cérémonie elle-même, il pouvait espérer se fondre dans la masse des invités. Les parents et la sœur d’Erika, qu’il n’avait vus qu’une seule fois, ne devaient certainement plus se rappeler d’à quoi il ressemblait. Personne d’autre ne le connaissait, à l’exception de la principale intéressée. L’effet de surprise serait possiblement son meilleur allié.

Le grand brun essayait de tout calculer, prendre en compte l’ensemble des paramètres pertinents. Cette approche méticuleuse et chirurgicale était tout ce qui le sauvait de la prise de conscience de ce qu’il était réellement en train de faire et de ce qui allait se produire : se retrouver en face-à-face avec celle qu’il avait aimé alors qu’elle s’apprêtait à en épouser un autre.

Le jour J arriva finalement. Orion était à peu près aussi prêt qu’il pouvait l’être dans de telles circonstances et avec un tel préavis. Une énième fois, il récapitula le déroulé de son plan. Il fallait que ça fonctionne. Plus vite ce serait fait, plus vite il en aurait fini et plus vite il pourrait passer à autre chose. Ne pas se laisser aller aux états d’âme. Ne pas se laisser distraire. C’était une simple mission.

Le grand brun ferma les yeux. Les images de leur dernier jour ensemble sur Zéphyr envahirent son esprit. Leur merveilleux et désastreux dernier jour ensemble. L’attente, l’anticipation à l’idée de la revoir. La façon dont son cœur s’était gonflé lorsqu’il avait entrelacé ses doigts aux siens. La sensation d’avoir retrouvé un sens à sa vie. Il lui avait préparé une surprise, ce soir-là, après lui avoir fait visiter l’arche. Il avait décidé de prendre son courage à deux mains et de suivre le conseil de son amie. Dans sa poche, il avait eu un écrin. Dans l’écrin, la clé de sa nouvelle maison. Pour elle. Pour une nouvelle vie. Mais la suite des évènements n’était pas allé dans son sens. Le monde s’était effondré autour de lui comme sa maison venait d’être engloutie dans le néant. Ne lui était resté qu’une douleur déchirante sur le coup et un cœur désormais éteint.

Plus d’état d’âme. Ce ne serait pas un souci. Une simple mission.

Il revérifia sa tenue. Un costume propre dans le style vestimentaire de Sidh. De quoi se fondre parmi les invités. Il passa la chaîne autour de son cou.

Sablier à la main, il ferma les yeux et conjura l’image d’Erika.
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Dim 9 Juil - 16:36

Erika
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Erika tira rageusement sur le col de sa robe. Elle savait qu'elle aurait dû l'élargir. A quoi bon coudre sa propre robe de mariée si au final elle lui était des plus inconfortables ? Et ce corset aussi, elle aurait dû le faire plus lâche. Elle était entrain de suffoquer dans cette robe trop lourde pour elle, et pour couronner le tout, les escarpins que sa mère lui avait imposé lui détruisaient les orteils.

Alors c'était décidé : elle ne ferait qu'une brève apparition à la réception antérieure à l'échange des voeux, et prétexterait devoir se reposer quelques instants pour se retirer et attendre patiemment que le temps passe jusqu'au moment où on aurait de nouveau besoin qu'elle se prête au jeu, pour échanger les alliances et le fichu pouvoir. Après quoi, un banquet serait prévu et elle s'efforcerait de boire suffisamment pour rendre l'épreuve plus supportable. Et à la fin de la journée, son calvaire s'achèverait enfin, sa famille aura définitivement retrouvé un statut, Nicolas aura obtenu son pouvoir, et elle, pourrait aller se faire oublier quelque part sur l'Arche ou ailleurs. Personne n'attendrait plus rien d'elle, et de toute façon, elle n'avait plus rien à donner à personne.

Sans un regard pour son reflet dans la glace, Erika sortit de la petite salle à l'étage qui lui avait été attribuée pour se coiffer et se maquiller. Elle avait tenu à le faire elle-même - au moins s'épargnerait-elle une toilette ridiculement austère à l'image des fleurs séchées qui avaient été disséminées un peu partout dans la salle de réception. Elle était déjà morte de l'intérieur, mais tenait à avoir l'air un minimum vivante en apparence.

Ne pas s'embarrasser d'une coiffeuse ni d'une maquilleuse avait aussi l'avantage de lui laisser quelques précieux instants de répit seule, avant de devoir affronter la foule d'invités et supporter la cérémonie. Ainsi, la brunette eut tout le loisir de s'attarder inutilement dans la salle, puis désormais de s'accouder à la balustrade de la loggia qui faisait le tour de l'étage en surplombant la salle de réception en contre-bas.

De par la nature de l'union que les seuls principaux intéressés connaissaient réellement, il avait été décidé que la cérémonie aurait lieu en comité restreint. La famille proche, et des membres choisis de la société. Pourtant, peut-être à cause de l'importante stature qu'avait Horce au sein du Conseil, la foule qui se dessina sous les yeux de la brunette n'avait rien d'un comité restreint. Ou alors peut-être le temps passant, la prudence initialement décidée avait été mise de côté au profit d'une pompeuse cérémonie à la gloire de cette mascarade. En réalité, Erika n'avait rien suivi des invitations et ne savait strictement pas qui avait bien pu être convié. Cela n'avait aucune importance.

Elle profita de ses derniers instants de solitude bienvenue pour scruter la salle du regard, perchée sur la loggia.

Nicolas, comme à son habitude, était en retard. Cela seyait tant au personnage que personne ne s'en offusquait. Horace et son épouse semblaient même en faire un sujet de plaisanterie avec certains invités.

Bertille était résolument plantée dans un coin de la salle et refusait de se prêter au jeu du reste de sa famille, qui enchaînait poignées de mains sur poignées de mains. Adèle et ses deux parents s'en donnaient à coeur joie, et la brunette ne sut dire si les sourires qui éclairaient leur visage allégeait sa peine ou l'alourdissait encore un peu.

Erika avait explicitement demandé à son frère de ne pas se déplacer pour la cérémonie. Elle ne voulait pas qu'il y assiste. Car même s'il n'était pas de la trempe de Bertille et qu'il avait promis de soutenir sa soeur quelle que fut la décision qu'elle prendrait, elle savait qu'au fond, il en savait trop pour fermer les yeux sur la réalité.

Et bien évidemment, en raison du standing de la cérémonie, aucun de ses amis sans-pouvoirs n'avaient pu y être conviés. Pas même Domitille, dont la présence familière aurait été plus que désirable en ce jour précis.

Restait donc une flopée d'illustres inconnus, probablement de la famille de Nicolas, ou d'autres membres du Conseil qu'elle ne connaissait ni de près ni de loin.

Soudain, sa mère la repéra depuis la salle et lui fit de grands signes pour l'inviter à descendre. Erika s'exécuta sans entrain. Quinze minutes maximum, histoire d'échanger des banalités avec ces gens, et elle remonterait loin d'eux comme elle l'avait prévu. Jusqu'à l'échange de voeux. Elle serra les mâchoires. Pour sa famille. Pour eux. Son coeur se tordit de douleur. Ne pas y penser.

Elle mit un pied dans la salle et s'empressa de parler le plus vite possible avec le plus de monde possible, leur servant tour à tour faux sourires, aimables poignées de mains, remerciements creux. Quinze minutes. Elle était capable de tenir. Elle salua brièvement ses parents et ignora le regard que porta sa mère sur ses cheveux. Elle les voulait en chignon, mais Erika n'avait ni l'habileté requise, ni la patience nécessaire pour réaliser ce genre de prouesses capillaires. En tout cas, pas aujourd'hui. Les parents de Nicolas la saluèrent également, elle leur rendit leur étreinte avec raideur. Cela devait à peine faire dix minutes, mais elle avait eu sa dose. Elle prétexta donc devoir terminer des détails de sa toilette, puis s'empressa de tourner les talons, direction la sortie la plus proche pour remonter jusqu'à la petite salle à l'étage.
Asma
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Dim 9 Juil - 21:43

Orion
J'ai 28 ans et je suis originaire de l'arche de Zéphyr. Dans la vie, j'étais pilote d'aérostat. Maintenant, je vis au jour le jour et je m'en sors sans y réfléchir. Sinon, j'ai été célibataire, j'ai été marié, j'ai divorcé et après tout cela, elle m'a brisé le cœur.
En savoir plus.


Orion jeta la goupille qu’il avait gardée entre ses doigts dans le premier réceptacle venu. Autour de son cou, il pouvait entendre le doux bruissement du sable moiré qui s’écoulait lentement d’un côté à l’autre du sablier. Le grand brun avait atterri dans une imposante salle de réception déjà bien remplie de monde. La décoration à base de fleurs séchées lui évoquait plutôt une veillée funèbre qu’une noce, mais le bâtiment lui-même était impressionnant. Austère mais impressionnant.

Il fut soulagé de constater qu’il ne s’était pas trompé sur la tenue et se fondait parfaitement dans le décor. Il ne vit personne le dévisager étrangement. Il ne détonnait pas. Personne ne semblait le reconnaître non plus. Il prenait soin de se tenir à distance des proches d’Erika qu’il reconnut assez aisément. Cela aurait pu semblait curieux, sachant qu’il ne les avait croisés en tout et pour tout que quelques minutes dans son existence. Mais ils partageaient tous un air de famille assez flagrant. Surtout le couple parental semblait rayonner au milieu de la foule. Orion n’en aurait pas dit autant de la sœur d’Erika qui se tenait seule dans un coin.

Il n’avait pas le temps de s’y attarder. Il avait une mission. Une simple mission.

Pourtant, ce n’était pas une simple mission. A l’instant même où il suivit le regard de la mère d’Erika qui agitait la main vers la mezzanine de l’étage supérieure, à l’instant même où il la descendre l’escalier, belle à s’en damner dans son éblouissante robe, il réalisa – bien trop tard – que ce ne serait jamais qu’une simple mission. Parce qu’elle était là. Parce qu’elle était apprêtée de la sorte pour un autre. Il avait beau s’être carapacé, le constat lui fit l’effet d’un coup de poing dans le ventre. C’était tout simplement son pire cauchemar. Le dernier endroit au monde où il souhaitait se trouver. Sauf que le seul endroit au monde où il aurait vraiment souhaité être en cet instant avait disparu plongé dans l’espace entre les arches.

La jeune femme fut accueillie par des « oh » et des « ah » écœurants. Le grand se tint à distance, faisant en sorte de ne jamais se trouver dans une direction où elle pourrait le voir et le reconnaître. Il prétendit échanger quelques politesses avec d’illustres inconnus. Il débita quelques plates banalités et creuses formules tout en la surveillant du coin de l’œil. Orion jeta un coup d’œil à sa montre. Il avait encore un peu de temps devant lui.

Au bout de quelques minutes à peine, il la vit remonter l’escalier aussi seule qu’elle l’avait descendu. Pas de cohorte de mère et de sœurs, ni de demoiselles d’honneurs ou autres amies gloussantes et piaillantes. Le zéphyr s’éclipsa et monta discrètement à l’étage à son tour. Il regarda tout autour de lui et la suivit, de loin, le long du couloir. C’était étrangement solitaire pour un « plus beau jour de sa vie ». Le grand brun ne s’attarda pas sur cette pensée.

C’était presque trop facile.

Il eut un moment de pause. SI elle était seule, il serait plus facile encore de l’emmener et de partir. Toutefois, l’impact pour sa famille risquait d’être désastreux. La situation était l’archétype même du scénario de la mariée en cavale qui aurait eu peur et avait changé d’avis au dernier moment. Sa famille perdrait tout ce pourquoi Erika avait fait cela, si on l’en croyait. A l’inverse, s’il attendait la cérémonie, il pouvait mettre en scène le kidnapping de la nécromancienne. Avec un peu de chance, à considérer que la jeune femme était tout aussi victime que ses parents, ceux-ci avaient peut-être un espoir de sauver les meubles. On n’oserait pas tout retirer de nouveau à une famille qui avait fait preuve de bonne volonté, à des parents éplorés qui en prime venaient de perdre leur fille sous leurs yeux à un moment qui aurait dû être de pur bonheur.

Orion secoua la tête. Pourquoi se préoccupait-il de cela ? Ce n’était pas son problème. Il fallait garder la tête froide. Récupérer la fille. S’en aller. La confier aux arcadiens. C’était le plan. Il fallait qu’il s’en tienne au plan. Le plan était ce qui le sauverait. Il chassa ses doutes.

D’un pas décidé, il s’avança vers la pièce où s’était enfermée la petite brune. Quand il entendit des pas résonner dans le couloir, il s’arrêta dans son mouvement et regarda autour de lui. Une silhouette apparut soudain au bout du couloir. Bertille. Orion grimaça. Il s’empressa de disparaître derrière un long et épais rideau. Il entendit toquer. La porte s’ouvrit et la sœur d’Erika disparut à l’intérieur. De là où il se trouvait, Orion entendit des voix. Ou plutôt des éclats de voix.  Ou bien étaient-ce des rires ? C’était difficile à dire à une telle distance.

La sœur ressortit finalement de la pièce. Combien de temps s’était écoulé exactement ? Pas si long. Orion jeta un coup d’œil à son sablier. Puis après un regard en arrière pour s’assurer que la jeune sœur était hors de vue, il s’apprêta à sortir de sa cachette. Il entendit de nouveau le cliquetis d’une poignée de porte que l’on tournait. Il soupira. Dans l’embrasure apparut de nouveau Erika. Le grand brun s’immobilisa, toujours caché derrière son rideau salvateur. La jeune femme passa devant lui sans le voir. Dans le couloir persista quelques instants son parfum. Orion ferma les yeux une fraction de seconde, inspirant longuement, s’emplissant les narines de cet effluve familier, et les rouvrit, l’air plus sombre et déterminé que jamais.

S’assurant que plus personne ne paraissait, il s’aventura dans le couloir et redescendit.

Là, son regard se posa sur une nouvelle silhouette, plus étrangement familière encore. Cheveux blonds, complet élimé et chapeau haut-de-forme qui baillait aux corneilles. Il ne manquait plus que ça. Mais que faisait-il ici ? Les mots de sa mère reprirent corps dans son esprit : Janus était inquiet des agissements de Farouk. Cette fois-ci, il ne s’agit pas de manigance sous le manteau d’un agent renégat. C’était avec la bénédiction de l’esprit de famille du Pôle que se ferait ce partage. Qu’y gagnait-il en contrepartie ? Ce Nicolas avait-il promis quelque chose au seigneur Farouk ou à l’un de ses sbires ? Le partage n’en restait pas moins assumé, au vu et au su de tous. Donc l’esprit de famille envoyait son plus brillant émissaire.

Orion grinça. Ça, c’était un vrai problème. Archibald le connaissait. Archibald, l’ambassadeur du Pôle télépathe était présent dans la pièce. Ça n’allait pas marcher. Il n’avait plus le choix, de toute façon. Le temps lui était compté. Littéralement. Et il n’avait qu’une chance. Il fallait qu’il aille jusqu’au bout.

Le grand brun réalisa qu’il s’était laissé distraire et avait perdu du temps. Il préféra contourner très largement l’ambassadeur pour ne pas attirer inutilement l’attention sur lui. Il essaya de concentrer ses pensées sur le sujet le plus anodin et inutile qui soit. De la sorte, si quelqu’un tentait d’écouter ses pensées, il ne trouvait rien d’autre qu’une réflexion sur la place des accents circonflexes dans la littérature.

Après plusieurs tours et détours, Orion rejoignit le gros de la foule dans la pièce où devait avoir lieu la cérémonie. Quand il pénétra dans la pièce, les deux principaux protagonistes du jour étaient déjà face à face devant l’autel. Non. Avait-il trop traîné ? A quel stade de la cérémonie en étaient-ils ? Non, il n’était pas encore trop tard. Enfin, peut-être pour le mariage en lui-même mais pas pour la cérémonie du don. Archibald était encore posté légèrement sur le côté pendant qu’un autre zig qui ressemblait à un croque-mort bien plus qu’à un officiant de mariage récitait un texte d’un ton monocorde dont Orion n’entendit pas un mot. Le sang battait violemment dans ses tempes. Le rush de l’adrénaline qui pulsait dans ses veines couvrait le son de sa voix.

Orion enfonça une capuche pour dissimuler son visage sur sa tête et s’engagea dans l’allée centrale. Y avait-il un moment où on était supposé demander à quelqu’un s’il avait une objection ? Se prit-il à penser absurdement. Il couvrit la distance qui le séparait de l’autel en quelques enjambées à peine. Son regard croisa très brièvement d’Archibald et il aurait mis sa main à couper qu’il vit un sourire en coin s’étirer sur le visage de l’ambassadeur du Pôle.

Sans laisser le temps à qui que ce soit de réagir, il tendit le bras en avant et concentra son énergie pour geler le marié sur place. Ça n’était pas franchement dans son plan, ni particulièrement nécessaire pour ce qu’il avait en tête, mais la façon dont le garçon blond s’arrêta en plein mouvement lui boosta le moral pour la suite.

- Erika, la salua-t-il avant de la saisir aussitôt par la taille de sa main gauche pour l’attirer à lui.

De sa main droite, il arracha le sablier autour de son cou et le projeta au sol avec force.
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