Nate marqua un temps d’arrêt, les yeux légèrement écarquillés en entendant le ton mordant de Matt. Ok, ils en étaient donc déjà là. Difficile de ne pas le prendre comme un reproche. Nate resta un instant en suspend avant de reprendre : « Si c’est que ça, on peut toujours rappeler le serveur pour qu’il te ramène une bière. » Pas le tenter. Nate avait déglutit. Il était bien trop tard pour penser à ne pas le tenter. Il s’était tenté tout seul, de désespoir en imaginant que le seul truc vrai qu’il avait le privilège de vivre dans sa vie lui glissait entre les doigts. Il soupira avant d’entendre le discours de Matt. Alors ça, il ne l’avait pas vu venir. Encore une fois, il l’avait contemplé un long moment, interdit. C’était quoi ce charabia ? Tous ces doutes que Matt semblait avoir ? « Mais non, enfin, ça n’a rien à voir… » Il plissa les yeux pour se concentrer. C’était le moment d’avoir les bons mots, Nate voulait être sûr de ne pas se tromper pour bien se faire comprendre. Visiblement, Matt était totalement à côté de la plaque le concernant et il devait le rassurer à ce sujet. « Bien sûr que je veux qu’on soit ensemble. Ça n’a rien à voir avec toi. C’est moi… Je suis venu avec un bagage plein de problèmes et j’ai pas envie de les laisser t’atteindre… T’es tellement heureux ici. Je veux être au meilleur de ma forme… Pour toi. Parce que tu le mérites. » Nate avait baissé les yeux sur sa bière à peine entamée. « Sans compter que j’ai honte… Enfin regarde-moi. L’alcool, ma tête de déterré… Je fais pitié. Et toi… » Nate avait levé la main au dessus de lui pour montrer où il plaçait Matt dans son estime. Il soupira. « J’aurais jamais foutu les pieds ici si t’y étais pas, je te demande de me croire… » qu’il avait dit sur un ton presque implorant.  

- Honte de quoi? T'as rien dont tu puisses avoir honte. T'as des problèmes. Tu déprimes et ça t'a fait faire une connerie mais t'as rien dont tu puisses avoir honte. Et surtout arrête de te comparer à moi. J'ai jamais eu honte de te recevoir chez moi, même quand je vivais dans une ferme miteuse avec mon enfoiré de père, criblé de dettes, même quand je te recevais dans un appartement minable mes mains noircies par le pétrole et toujours endetté. Alors dis plutôt la vérité. Tu as toujours été celui qui réussissait de nous deux, toi tu avais une belle vie pendant que je galérais pour survivre. Et maintenant ça te fait chier de t'être fait virer de chez toi et de venir chez moi la queue entre les jambes. Tu aurais sûrement aimé que je sois toujours le pauvre petit Matt qui en chie pour joindre les deux bouts? Ca t'aurais aidé peut être? Alors arrête de me faire croire que tu as honte, même là t'es dans une bien meilleure situation que celles où j'ai pu être.

Je parlais, laissant la colère s'exprimer à travers moi. J'étais dur, j'en avais conscience. Il allait me détester pour tout ce que j'étais entrain de lui balancer à la gueule mais je ne pouvais pas m'arrêter. Ouais, il s'était effondré parce que sa femme l'avait foutu à la porte et qu'il avait perdu sa fille. Je ne pouvais pas comprendre ce que c'était que de perdre son enfant, ça j'étais d'accord mais pour le reste... non je ne pouvais pas. Sa mère allait le rejeter, j'avais connu ça toute ma vie de la part de mon père, puis de mes soeurs. Il avait du vendre son garage? Je m'étais fait virer du boulot qui avait failli me coûter la vie. J'étais bien la seule personne à pouvoir le comprendre et avec qui il ne devrait pas avoir honte. Mais il avait un putain d'égo mal placé qui me faisait mal.

- Je me fous que tu sois venu avec tes problèmes. Je tiens à toi et je veux être là pour toi, pour t'aider. Je n'étais pas si heureux que ça. Je ne pouvais pas l'être complètement sans toi. Je tentais de me construire mais il ne se passait pas un instant où je n'avais pas envie de crever tellement que ça faisait mal de ne pas t'avoir ici avec moi. Je ne pourrais être heureux que maintenant... avec toi...

Nate écoutait parler Matt et ses yeux ne tardèrent pas à s’écarquiller sous l’effet de la sidération. Il était sérieux, là ? Sous-entendre qu’il aurait préféré que Matt ne s’accomplisse pas pour qu’ils soient au même niveau ? Nate secouait la tête, profondément vexé. Il ne comprenait pas. Même à l’époque où il n’avait rien, Nate avait toujours trouvé que Matt était au dessus de lui. Rien que ses valeurs valaient mieux que les siennes. Il ne s’était pas gâché dans un mariage, lui. Il n’avait pas engendré d’enfant à qui faire porter son fardeau. Nate l’avait regardé un instant, l’air mauvais, avant de prendre son verre de bière et d’en boire une autre gorgée. Il ne le quittait plus des yeux, guettant le moindre de ses mots qui lui faisaient pourtant l’effet d’un poignard planté en plein coeur. Jusque-là, Nate n’avait aucune rancoeur vis-à-vis de Matt mais là… S’il écoutait ses impulsions, il quitterait la table sur le champ. A croire que la colère était contagieuse. Même la déclaration qui avait suivie après ne l’avait pas vraiment fait redescendre. Néanmoins, ça avait suffit à ce qu’il décide d’être constructif. Il allait lui expliquer et Matt allait comprendre… Ou alors, là seulement, ça partirait en dispute. « Super analyse. Vraiment, bravo. » qu’il commença en posant une main sur le torse, comme s’il ressentait vraiment de la gratitude à l’idée d’être dépeint comme un sale con à l’égo monstrueux. « Malheureusement, il te manque quelques éléments. J’ai pas attendu que tu réussisses ta vie pour te placer au dessus de moi. Quand tes mains étaient noires de pétrole, j’admirais ta ténacité… Celle que moi je n’avais pas. Tu vois, je crois pas qu’on ait besoin de comparer nos comptes en banque pour établir que t’es quelqu’un de mieux que moi. J’ai été mariée des années à quelqu’un que je n’ai jamais aimé. Je lui ai menti, je l’ai trompé… Et j’ai même entrainé une enfant dans tout ça. De quoi je suis sensé pas avoir honte, au juste ? » Nate leva les yeux au ciel. Même pas vingt-quatre heures ici et ils avaient déjà une conversation absolument détestable. « J’ai tout sacrifié pour m’occuper de ma fille. Je t’ai sacrifié toi. Tout ça pour que mon ex m’interdise de la voir maintenant sous réserve de me faire liquider par ses frangins. Alors tu sais quoi ? Si tu veux vraiment m’aider… Accepte ça. Accepte que ça ne va pas bien et que j’ai besoin d’accuser le coup. Ça fait deux semaines. » Nate avait baissé les yeux sur son assiette qu’il n’avait pas encore touchée et qui refroidissait.

J'avais été trop loin. Je m'en étais rendu compte en parlant et je m'en rendais encore plus compte maintenant qu'il parlait, que je voyais la douleur dans son regard. Je m'étais emporté. J'avais laissé parler ma colère et ma propre douleur. Nous n'allions bien ni l'un ni l'autre. Il s'était passé trop d'années, beaucoup trop de temps où nous avions souffert tous les deux de cette situation de merde. Il nous faudrait du temps pour qu'on puisse digérer tout ça et se construire une vie à deux.

- Je maintiens ce que je dis, tu n'as pas à avoir honte de quoi que ce soit, pas à mes yeux en tout cas. Tu sais ce que j'admire chez toi? C'est que tu es quelqu'un de tellement gentil et généreux. Tu es une personne en or Nate. Tout ce que tu as fait, tu l'as fait pour les autres. Tu t'es marié pour faire plaisir à ta mère, pour la rendre heureuse. Tu as tenu le coup dans un mariage où tu n'étais pas heureux pour ne pas abandonner ta femme et ta fille. Tu aimes ta fille plus que tout et serais prêt à tout pour elle. Ce n'est pas honteux tout ça, c'est admirable Nate. Mais tu t'es oublié en cours de route. Je le sais, j'ai fait la même chose. Je me suis oublié pour prendre soin de mon père.

Je tendis la main pour venir prendre doucement la sienne. Le restaurant était désert, personne ne capterait ce geste. Et même si certains le voyaient, je m'en foutais royalement. Je voulais juste pouvoir tenir sa main, lui donner un peu de réconfort.

- Mais maintenant, tu vas devoir penser à toi pour la première fois. Ca fait peur je sais. Et... je sais que ce n'est pas ce que tu voulais pour ta vie, que tu aurais préféré rester avec ta fille...

Je n'étais pas son premier choix et c'était surtout ça que je devais plus accepter. Je comprenais qu'il soit mal. Ce n'était pas ça le problème. J'avais du mal à ne pas souffrir du fait de ne pas être le premier dans sa vie. Je ne l'avais jamais accepté. Ca m'avait anéanti le jour où j'avais tenu sa fille dans mes bras et où j'avais compris que jamais je n'aurais cette place pour lui.

- Mais je serais là pour toi. Pour t'aider à aller mieux, à te retrouver et...

Je montrais doucement du regard le verre de bière.

- Pour t'aider à ne plus avoir besoin de ça. Je ne te laisserais jamais Nate.

Tout allait certainement beaucoup trop vite pour le duo. Ils n’avaient été jusque-là que des amants cachés et même si la sincérité de leurs sentiments était réelle, ça n’effaçait pas des années de lutte et de doute. Et si les mots de Matt venait apaiser Nate et lui faisait du bien, il n’arrivait pas à y croire pour autant. Sans doute qu’il le pensait vraiment… Mais Nate, lui, ne se voyait pas de cette façon. Il s’était trouvé lâche et faible. Rien d’admirable donc. Il avait baissé les yeux sur son verre de bière maintenant vide en refrénant la furieuse envie qu’il avait d’en prendre une deuxième. Un verre. Juste un. C’est tout ce qu’il pouvait se permettre, d’autant plus qu’il n’allait pas régler la note. Gentil et généreux… Nate ne savait plus vraiment bien qu’il était mais il savait qu’il s’était effectivement totalement oublié dans le processus. Matt revivait ici, depuis qu’il était libéré du fardeau de ses dettes et de son père. Est-ce qu’il aurait le droit à la même chose ? Nate ayant toujours été d’un naturel optimiste, il espérait que oui… Mais en attendant, il souffrait et il savait qu’il n’y aurait que le temps qui apaiserait sa peine. Matt était venu attraper sa main, déclenchant un petit sursaut de surprise chez Nate qui ne s’y était pas attendu du tout. Un regard inquiet autour d’eux plus et après avoir écarté tout danger, Nate s’autorisa un mince sourire en direction de Matt. « Dis pas ça. C’est tout ce que j’ai toujours voulu être avec toi, c’est juste… pas si simple. » qu’il avait acquiescé finalement. Il aurait préféré attendre encore un peu avant de divorcer, histoire que Penny soit plus grande. Mais ça ne s’était pas passé comme il l’avait voulu… Quoi qu’il en soit, la finalité avait toujours été la même : il aurait rejoint Matt. Tôt ou tard et vu les circonstances, ça avait déjà été plutôt tard que tôt. « Et c’est moi qui suis gentil et généreux ? » qu’il avait demandé suite aux promesses de Matt, un sourire plus large sur les lèvres. Il n’y avait que lui qui avait ce pouvoir-là : le faire passer de la colère, à la tristesse puis au réconfort.

Je ne répondis rien. Tout ce qu'il avait toujours voulu... j'en doutais un peu. Une petite voix n'arrêtait pas de me dire que si il avait vraiment voulu, il n'aurait pas épousé sa femme. C'était une chose que je n'avais jamais déchiré, le coup de poignard dans notre relation, dans ce que nous aurions pu vivre ensemble un jour. Il l'avait épousé. Il avait baissé les bras, renoncé à l'idée que nous puissions vivre quelque chose tous les deux. Et si sa femme ne l'avait pas mis à la porte, il n'aurait pas été là. Il serait resté aux côtés de sa fille. Alors non ce n'était pas ce qu'il avait toujours voulu. Ce qu'il voulait c'était vivre avec sa fille. Je n'étais que le lot de consolation.

Je lui souris doucement alors qu'il me faisait un compliment.

- Ne t'y trompes pas. Je ne suis comme ça qu'avec toi. Je ne suis pas du tout quelqu'un de généreux en général.

J'étais un homme plutôt renfermé et sauvage. Je ne m'ouvrais pas beaucoup des autres. Alors dire que j'étais quelqu'un de généreux, c'était plutôt ironique comme remarque. Je n'étais comme ça qu'avec lui, parce que c'était lui. Il était le seul dont je me souciais, la seule personne à qui je tenais.

Je finis par prendre mon hamburger pour commencer à manger.

- Tu devrais manger. Ton hamburger va refroidir et il ne sera plus bon. Alors que je te jure qu'il est excellent crois moi.

Je lui souris doucement, cherchant à le rassurer. Je garderais mes peines pour moi. Il n'avait pas besoin d'entendre tout ça. Il était déjà assez mal comme ça sans que je n'ai besoin d'en rajouter une couche par dessus avec mes états d'âme.

Nate n’avait aucune idée de ce qui se tramait dans l’esprit de Matt. Visiblement, il comprenait qu’il n’était pas pleinement satisfait de la manière dont les choses se dérouler. Comment l’être ? S’ils étaient ensemble, ce n’était que le résultat de compromis et de malentendus, jamais de choix. Ce n’était pas l’issue qu’ils auraient aimé avoir l’un comme l’autre. Bien sûr, Nate était heureux de pouvoir enfin être avec Matt… Mais il y avait des « mais ». Tellement. Ça lui donnait le tournis et il préférait ne pas trop y penser. Etait-ce à ça que Matt pensait ? Nate n’en saurait rien parce qu’il décida de ne rien lui demander. Il s’était assez expliqué pour le moment et n’avait aucune envie de revenir sur le sujet. Les discussions difficiles, ils auraient tout le temps de les avoir. D’ailleurs, si ça n’arrive jamais, il n’était pas contre. « Ça me va. » qu’il avait dit en haussant les épaules tout en répondant au sourire de Matt. Nate se figea ensuite en regardant Matt se mettre à manger. Il lui proposait de s’y mettre lui aussi mais il lui fallut un petit temps d’adaptation pour se mettre en appétit. Il n’avait pas vraiment faim et d’un autre côté… Il avait tellement envie de lui faire plaisir. Il se sentait déjà suffisamment être un boulet qui perturbe sa vie enfin si équilibrée. Alors, après avoir hoché la tête, il se mit enfin à manger lui aussi. Il avait beau être abattu, il sentait qu’il devait faire des efforts considérables s’il ne voulait pas tout faire foirer ici aussi. « Alors, c’est quand que je peux aller te voir au cinéma ? » qu’il demanda après une bouchée dans son burger et quelques frites.

L'ambiance était pesante entre nous. Il était mal. La douleur se lisait clairement sur son visage, dans chacun de ses mouvements, de ses regards... Il n'était pas heureux d'être là, dans la situation où il était. Il se forçait à manger, pour me faire plaisir. J'avais même l'impression qu'à chaque instant il se faisait violence pour ne pas sombrer définitivement. Si c'était ça le prix à payer pour qu'il soit avec moi, j'aurais préféré qu'il ne vienne jamais. Ce n'était pas l'homme auquel je tenais, celui avec qui j'avais eu envie de vivre. Il souffrait beaucoup trop. Je n'avais jamais voulu ça. Je ne voulais pas le voir souffrir et encore plus souffrir en étant avec moi. Je voulais que nos moments passés ensemble soient heureux, qu'on se sente enfin bien et heureux d'être ensemble. On en était terriblement loin...

Je haussais vaguement les épaules alors qu'il me parlait de la sortie de mon premier film.

- Dans quelques mois... je n'ai pas la date exacte.

Il faudrait que je demande à mon ami, il serait capable de me la donner vu qu'il avait bossé dessus en tant qu'assistant réalisateur. Il serait plus au courant que moi. Vu que je n'étais qu'un petit acteur avec à peine quelques scènes, je ne serais pas invité à la première. Mais je m'en foutais. Je ne faisais pas ça pour la gloire ou pour me voir sur un grand écran. J'avais eu mon chèque, c'était à peu près tout ce qui m'importait.

- Mais on pourra aller un de ces soirs au cinéma si tu veux. Si ça te fait envie....

Je ne voulais pas qu'il continue de se forcer pour me faire plaisir. Ca ne l'aidait pas et c'était loin de me faire plaisir. J'aurais voulu... non ce que j'aurais voulu était irréalisable. J'aurais voulu qu'il vienne de lui même, qu'il soit heureux d'être là avec moi, qu'on passe des bons moments. Je voulais revoir le sourire qu'il m'avait toujours réservé autrefois et qui me retournait complètement. Mais je doutais que tout ça n'arrive un jour.

Nate se demandait s’il n’était pas venu trop tôt. Peut-être qu’il aurait du attendre d’aller mieux. Pourtant, il n’y avait bien qu’auprès de Matt qu’il se voyait aller mieux un jour… Est-ce qu’il aurait vraiment la patience de l’attendre pendant ce processus ? Il l’avait déjà tellement attendu. Nate le savait. C’était pour cette raison qu’il lui avait demandé de continuer sa vie sans lui, pour qu’il arrête enfin de l’attendre. Et il était là, et il le faisait attendre. Encore. Comment faisait-il pour avoir une si bonne opinion de lui ? Nate avait du mal à ressentir autre chose que du mépris le concernant. « Je veux pas manquer ça. » qu’il avait dit, sincèrement heureux de pouvoir soutenir Matt dans un tel projet. Il avait hâte et c’était probablement rassurant : il était encore capable de se projeter dans quelque chose de positif. Il continuait à picorer son assiette, pleinement conscient qu’il devait se mettre autre chose que de la bière dans l’estomac s’il voulait aller mieux un jour. Et il voulait aller mieux un jour. Du plus profond de son coeur. Pour Matt, plus que pour lui-même. « Pourquoi pas. Ça fait une éternité que je n’y étais pas, je sais même pas ce qui passe en ce moment… » En même temps, faire des cinémas en tête-à-tête avec l’ancienne madame Carmichael, ça n’était clairement pas son truc. Avec Matt, ce serait différent. « Et toi ? T’aurais envie de quoi ? » qu’il lui demanda ensuite, plus soucieux des besoins de Matt que des siens. Et c’était récurrent chez Nate, cette façon de faire passer les autres avant lui.

Je haussais vaguement les épaules.

- Juste passer du temps avec toi...

Il m'avait tellement manqué, peu importe ce qu'on faisait tous les deux du moment qu'on passait du temps ensemble. L'important c'était qu'il aille mieux. Je voulais pouvoir retrouver le Nate que j'avais connu, celui dont le sourire me faisait fondre. Je doutais de pouvoir le retrouver un jour. Il avait perdu la personne la plus importante dans sa vie. Est ce qu'il arriverait à s'en remettre un jour? Est ce que je lui suffirais? J'en doutais. Mais je savais aussi que je ferais tout pour tenter de l'aider.

- On pourra regarder ensemble dans le journal. Pourquoi pas ce soir? Lundi le tournage commence de bonne heure et je vais être pris toute la semaine.

Et je culpabilisais déjà de le laisser toute la semaine seul dans mon petit appartement, dans une ville qu'il ne connaissait pas alors qu'il n'allait pas bien. Mais je ne pouvais pas abandonner mon travail. J'en avais beaucoup trop besoin. Et j'aimais ça. Ma carrière venait à peine de commencer. Je ne pouvais pas me permettre de tout foutre en l'air maintenant. J'avais un agent qui allait bosser pour moi et m'aider à trouver des contrats sur d'autres films. Je ne deviendrais peut être jamais célèbre, et je m'en foutais, mais je pourrais faire un boulot que j'aimais pendant un moment.

Je terminais mon plat et mon milkshake avant de le regarder.

- Tu as terminé? On va se balader en centre ville alors?

Je me doutais qu'il n'était pas d'humeur pour une visite touristique. Mais on ne pouvait pas non plus rester enfermé chez moi à broyer du noir. Peut être que si il se bougeait, qu'il voyait qu'il y avait pleins de belles choses encore qui l'attendaient, il arriverait à remonter la pente.