Passer du temps avec lui. Juste ça. Le coeur de Nate avait loupé un battement alors qu’un sourire étirait ses lèvres. C’était peut-être pas grand chose mais ça avait le mérite de lui faire du bien. Il se sentait… aimé. Et dans sa vie d’avant, c’était très peu le cas. Oh, bien sûr, les gens l’aimaient tous… Mais en surface. Personne ne le connaissait vraiment. Pas comme Matt le connaissait en tout cas. « Va pour ce soir. » qu’il accepta alors, son coeur se serrant cette fois à l’idée de passer la semaine seul. C’était pourtant logique. Matt allait travailler et lui… Eh bien, il aviserait. Ce n’est pas comme s’il n’avait pas un boulot à chercher lui aussi, il ne pouvait psychologiquement pas se permettre de vivre au crochet de Matt trop longtemps. Mais se retrouver seul de nouveau dans cette si grande ville alors qu’il se sentait aussi mal… Forcément, il s’inquiétait. Et si, livré à lui-même, il dérapait complètement ? Matt termina son plat et Nate ne tarda pas à le finir lui aussi. Il hocha la tête quand ce dernier lui demanda s’il avait terminé et s’il était prêt à retourner en balade touristique. Il allait bien falloir qu’il apprivoise le nouvel endroit dans lequel il habitait désormais. Comme prévu, Nate le laissa payer non sans des remerciements répétés au moins trois fois. Il n’avait pas vraiment l’habitude. Que ce soit dans sa vie personnelle ou au boulot, c’était toujours lui qui régalait les autres. Pas l’inverse. Et sans doute que, sans se rendre compte, il appréciait cette liberté que lui avait amené l’argent. Ici à LA, il ne gagnerait plus aussi bien sa vie. En tout cas, pas en repartant de zéro, pas tout de suite. A trente-deux ans, il reprenait tout du début. « Tu crois que tu aimerais voyager ? » qu’il demanda en laissant ses pensées divaguer alors qu’ils avaient repris leur marche à l’extérieur.

Je hochais doucement la tête pour la sortie ce soir. On allait passer la journée à se balader. On tenterait de faire un meilleur repas ce soir que maintenant. Un repas où on ne s'engueulerait pas et il pourrait vraiment savourer ce qu'il mangeait. Demain je resterais tranquille. J'avais du texte à apprendre. Il avait sûrement besoin de calme un peu lui aussi, prendre ses marques dans l'appartement pour qu'il puisse se sentir un peu chez lui.

Je me levais pour payer le repas avant de retourner me balader dans les rues avec lui. Je marchais vers la fameuse avenue étoilée, voulant lui faire faire un peu de tourisme. Je relevais la tête en l'entendant parler.

- Voyager? Je ne sais pas trop. Je n'y ai jamais vraiment réfléchi en fait. Autrefois je ne pensais pas quitter ma ferme un jour. Je pensais vivre toute ma vie au Texas. A la mort de mon père j'aurais repris la ferme et j'aurais tenté de la développer davantage.

Mais le destin, ou plutôt mes soeurs, en avaient décidé autrement. Mes beaux projets étaient rapidement partis en fumée. Je n'avais jamais pu faire ce que je voulais de cette ferme. Une partie de moi un peu folle avait imaginé parfois que Nate puisse venir m'aider à la ferme, peut être même y vivre à mes côtés un jour. Mais tout cela avait été complètement irréaliste.

- Puis quand j'ai commencé à comprendre que ma vie était finie au Texas, en tout cas pas sans vivre comme un paria ou à risquer de me faire tabasser voir tué, j'ai réfléchi à l'endroit où je pourrais aller. Les grandes villes me paraissaient les meilleurs options. La vie est un peu plus facile pour les homosexuels dans des villes comme LA, San Francisco, New York... Mais après avoir vécu toute ma vie au Texas j'avais besoin de soleil, j'ai éliminé New York et j'ai choisi LA pour ses opportunités. Mais à part ce voyage que j'ai fait... non je ne me suis jamais imaginé voyager.

Ce n'était pas quelque chose qui m'attirait. J'avais réalisé la plus grosse aventure de ma vie en déménageant dans cette ville. Je doutais de refaire quelque chose du style un jour.

- Pourquoi tu aimerais toi?

Pour la première fois depuis longtemps, Nate marchait doucement. Rien ne pressait. Pas de petite fille à aller chercher à l’école, pas de client à contenter, ni de femme à retrouver pour le diner… Juste Matt et plus de temps qu’ils n’en avaient jamais eu pour profiter l’un de l’autre. Alors il ne courrait pas, non. Il prenait son temps parce qu’il l’avait… Enfin. Il écoutait la réponse de Matt avec attention, un léger sourire aux lèvres. C’est vrai qu’il lui paraissait loin le jeune cowboy du Texas maintenant qu’il avait l’air d’être si bien établi à Los Angeles. Nate se souviendrait toujours comme si c’était hier de la première fois qu’il avait vu Matt… Et, clairement, LA n’était pas l’endroit dans lequel il l’avait imaginé. Et il avait eu tort. De toute évidence, ça lui réussissait bien. Il hochait la tête en signe d’approbation avant que Matt ne lui retourne la question. « Ouais… J’aimerais bien. Partir en vacances en tout cas, voir du pays. Et pas seulement les States. Je sais pas encore… De toute façon il faudrait attendre que je sois un peu plus stable mais oui, j’aimerais bien. » Nate n’y avait jamais trop réfléchi avant. Sa vie d’avant ne lui permettait d’envisager que des voyages très raisonnables, adaptés à un enfant. Aujourd’hui, le champ des possibilités s’était ouvert. Quand il avait été dans l’avion pour venir jusqu’ici, il avait eu le temps de penser à aller voir ailleurs. Il n’avait que très peu pris l’avion mais il s’y était senti plutôt à l’aise. « Mais ça me plairait encore plus si on faisait ça ensemble. » qu’il avait alors rajouté, entrevoyant de lui-même des projets qu’ils pourraient nourrir à deux. Comme un couple. Comme un couple homosexuel puisqu’ils n’avaient plus peur des mots.  

Je lui souris doucement.

- Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas faire ça ensemble. Je ne compte pas te lâcher Nate.

Même si ça ne m'attirait pas vraiment, je pouvais faire cet effort pour lui. Qui sait, peut être que ça me plairait. Mais de toute façon je savais que tant que je passais du temps avec lui, je serais heureux. J'avais encore du mal à croire qu'il était bel et bien là avec moi pour de bon. J'avais attendu toute une vie de l'avoir à mes côtés et il était là. Les circonstances gâchaient un peu ma joie. Il n'était pas spécialement heureux d'être là je le savais. Il était trop malheureux pour se réjouir. Je n'étais pas ce qu'il voulait pour sa vie et cette pensée obscurcissait un peu la joie que j'aurais du ressentir. Mais il était là...

Je l'entrainais sur le Walk of Fame. Je discutais tout en me baladant, lui montrant les différents théâtre qui jalonnaient la rue. Il y avait de l'animation dans la rue, les gens discutant joyeusement, courant pour rejoindre un théâtre ou des touristes regardant le décor d'un air excité. On passait inaperçu. Les gens se moquaient bien de deux hommes se baladant ensemble tout en discutant. Si on s'était tenu la main ou embrassé ça aurait fait parler c'était certain. Mais je ne ressentais plus le stress que j'éprouvais autrefois à simplement me promener dans la rue avec lui. On était libres et j'espérais qu'avec les années nous le serions de plus en plus.

- Alors ça te plait? C'est pas le Texas mais il fait beau et le décor est plutôt sympa.

Il ne comptait pas le lâcher. Nate esquissa un léger sourire. Non, ils n’allaient plus se lâcher… Jamais. C’est ce qu’ils avaient attendu depuis des années et c’était enfin là. Ils pouvaient penser à des projets en commun, ils pouvaient rêver ensemble sans craindre que ça ne reste que des chimères. Nate se surprit à ne pas subir les rares regards qui coulaient sur eux. Il ne voyait pas de soupçons dans ceux-ci, ni même d’interrogation. Au Texas, il avait toujours eu l’impression que tout le monde savait quand bien même ils ne s’étaient même jamais approché. C’était différent ici… Tout était différent à vrai dire. Peu importe où Nate posait le regard, il ne reconnaissait rien. Tout était nouveau et inédit. Son seul repère était Matt qui lui parlait, le guidait… Et ce qui lui paraissait alors trop intimidant et trop impressionnant quand il était arrivé, commençait doucement à avoir du charme grâce à Matt. Aussi quand le cowboy du grand écran lui avait demandé si ça lui plaisait, Nate hocha la tête. « Oui, je crois que je commence à comprendre ce qui te plaît ici… » Maintenant, il n’avait plus qu’à s’y faire sa place lui aussi, comme Matt l’avait fait. Parmi tout ce monde, tous ces gens, tous ces corps de métier sûrement déjà représentés. C’était vertigineux. Qu’est-ce qu’il pourrait bien être ici à LA ? Il n’en avait aucune foutue idée, il ne s’était jamais préparé à repartir de zéro. Le garage, ça avait été un acquis qu’il pensait conserver encore longtemps. Venir ici, ce n’était pas un choix mais maintenant qu’il était libéré de son mariage, il n’y avait pas de compromis qu’il n’était pas prêt à faire. Et, à vrai dire, vivre aussi loin de son Texas natal n’allait peut-être pas être si compliqué que ça tout compte fait. Pas si Matt restait près de lui en tout cas. « J’irais tres bien ici. Je te le promets. » qu’il avait dit du bouts des lèvres en promenant son regard partout, essayant d’assimiler tout ce qu’il voyait.  

- T'as pas à me promettre quoi que ce soit. Tu dois te sentir bien pour toi avant tout. Tout ce qui compte c'est que tu fasses ce dont tu as envie. Il est temps que tu penses un peu à toi en priorité.

Je lui souris doucement. Je ne voulais pas qu'il se force à être heureux ici pour moi. Je voulais qu'il se sente bien, qu'il arrive à remonter la pente. Tout ce que je voulais c'était son bonheur. Je n'étais peut être pas la meilleure personne pour lui apporter le bonheur mais je ferais tout pour.

Je continuais de me balader avec lui avant de reprendre le bus. Il était temps qu'on aille faire quelques courses. J'allais avoir quelqu'un qui allait vivre avec moi, un homme à la maison qui allait me préparer des bons petits plats tous les soirs. J'avais hâte de vivre tout ça. Et si je voulais avoir tout ça, il était temps qu'on aille faire des courses.

Je l'entrainais dans la petite supérette du coin, à deux pas de mon appartement, où je n'avais que rarement mis les pieds. J'attrapais un chariot avant d'aller dans les rayons avec lui.

- Bon... il nous faut des chips à grignoter devant la télé. Et... le reste je te laisse gérer.

Je lui souris, le laissant acheter tout ce dont il avait envie. J'étais beaucoup trop nul pour cuisiner alors je le laissais gérer. J'évitais soigneusement le rayon des alcools. Je ne voulais pas qu'il en achète et je préférais éviter une dispute si jamais il avait envie d'en prendre. On venait à peine de se disputer une première fois, je ne voulais pas remettre ça.

On termina les courses sans s'approcher du dit rayon. Je me retournais vers lui avec un petit sourire.

- On a tout? On peut y aller?

Penser à lui en priorité… Nate s’en sentait incapable. Même au pire de sa forme, il avait trop à coeur de contenter Matt. Être à la hauteur. Toujours. Et il était tellement loin de l’être… C’était inscrit en lui et ce depuis sa plus tendre enfance : il devait faire plaisir aux autres. Quitte à se compromettre, ce qu’il avait fait pendant toutes ces années passées loin de la seule vérité dans sa vie : Matt. Maintenant, ça allait être différent. Cette fois, Nate capitulait : il ne voulait plus mentir. A personne, peu importe la raison. Il ne savait pas encore combien ça lui couterait mais il était prêt à payer le prix fort cette fois. Il avait perdu tout ce qui l’empêchait d’être vrai… Dans un sens, il n’avait jamais été aussi libre. Finissant leur balade, ils avaient repris le bus. Ils se dirigeaient maintenant vers une supérette non loin de l’appartement de Matt. Faire les courses avec lui, ça paraissait encore un peu surréaliste. Nate aurait probablement besoin d’un peu de temps avant de trouver ça totalement anodin. De temps en temps, il regardait autour d’eux. Est-ce que quelqu’un les regardait ? A sa grande surprise… Non. Personne. C’était étrange, ce sentiment d’être en sécurité. Ce serait sans doute différent s’ils avaient l’air de plus que de bons copains mais au Texas, rien qu’être des bons copains pouvaient apparaître suspect. « Prends des cacahuètes aussi alors. » qu’il avait répondu avec un clin d’oeil en commençant à parcourir les rayons. Nate n’avait plus vraiment l’habitude de faire des courses. Avec le boulot et Alison étant à la maison, elle s’en chargeait d’ordinaire quand Penny était à la maison. La vie ici serait donc différente à tous les niveaux… Et c’était peut-être pas plus mal. Perdu dans ses pensées, Nate mettait du temps à rassembler ce dont il avait besoin. Il essayait de se concentrer mais la fatigue et les émotions de ces derniers jours avaient probablement fini par le rattraper. Ceci dit, il avait réussi à remplir le caddie et ils pouvaient maintenant se diriger ensemble vers la caisse. « C’est bon pour moi. » qu’il avait acquiescé en entrainant Matt à la caisse. Et c’est là que c’était arrivé. Nate ne pouvait pas en être sûr mais il aurait juré voir une lueur d’interrogation dans le regard de la caissière… Et il avait détesté ça. Peut-être bien qu'il allait finir complètement paranoïaque.  

Je cachais mon soulagement alors qu'il ne se dirigeait pas vers le rayon alcool. Je n'aurais pas eu la force d'endurer une nouvelle dispute aujourd'hui. Il s'était passé beaucoup trop de choses depuis son arrivée, et surtout beaucoup trop de choses négatives, pour que je puisse en supporter de nouvelles. Je préférais limiter au maximum la tentation d'alcool pour lui. Je savais que je ne pourrais pas l'empêcher de boire s'il en avait envie. Il allait passer la journée seul pendant que je serais au travail. Je ne pourrais pas le surveiller en permanence et de toute façon je ne le voulais pas. Il était capable de prendre ses propres décisions, même si je ne les approuvais pas. Si il voulait boire, je ne pourrais rien faire contre ça. Je serais obligé de le regarder se détruire à petit feu sans rien pouvoir faire. Mais le fait qu'il ne prenne pas d'alcool était déjà une bonne chose. Peut être avait il des scrupules à le faire devant moi? Peut être qu'il préférait se cacher pour ne pas avoir à affronter le jugement de mon regard? Ou peut être que ce que je lui avais dit l'avait fait réfléchir et qu'il comptait arrêter de boire à nouveau? Je voulais croire à la seconde option, même si elle me semblait être la moins crédible des deux.

Je le suivis à la caisse, cachant mon soulagement tant bien que mal. Je me retrouvais face à la caissière qui se mit à me dévisager pendant qu'on rangeait nos courses. Je la fixais à mon tour, me demandant ce qu'elle avait à agir ainsi, avant que je ne me souvienne.

- Gladys? C'est toi?

Le regard de la dit Galdys continua de me fixer durement alors qu'elle scannait nos articles.

"Matt... je vois que tu vas bien. Le changement de carrière te réussit plutôt bien..."

- Euh... ouais.... ouais ça va.

Je payais rapidement mes courses avant de récupérer mes sacs et de filer avec Nate.

- Ca m'a fait plaisir de te voir.

Je tentais de lui sourire avant de décamper de là. Dans le genre rencontre gênante on venait d'atteindre des sommets. J'attendis d'être dehors pour expliquer à Nate ce qui venait de se passer.

- C'est une ancienne collègue, au restaurant où je travaillais. La plupart des serveurs là bas couraient les auditions pour décrocher le rôle de leur vie. J'étais un des seuls à m'en foutre. Eux ils bossaient là en attendant de percer, moi c'était juste parce que je n'avais rien trouvé d'autre. Enfin... un jour elle et un de ses amis m'ont demandé de les remplacer pour qu'ils aillent passer une audition. J'ai râlé parce qu'ils n'arrêtaient pas de me le demander mais j'avais besoin d'argent alors j'ai dit oui. Ils n'ont pas eu le rôle. Et c'est ce jour là qu'un directeur de casting est passé au restaurant, qu'il m'a repéré et qu'il m'a embauché. Depuis ils m'en veulent un peu de leur avoir... piqué le rôle. Et de s'être fait viré parce que le patron en a eu marre de les voir abuser comme ça et ne pas faire leurs heures... C'est pour ça qu'elle me regardait bizarrement à la caisse.

Et j'allais vite devoir changer de supérette pour faire mes courses parce que je n'avais pas vraiment envie de retomber sur cette chère Gladys.

L’alcool, si ça avait rapidement traversé l’esprit de Nate, il n’avait pas su s’y résoudre. Une bière au restaurant, ça passait. Une bouteille ou deux dans le chariot ? Il savait bien que ce n’était pas quelque chose qu’il pouvait se permettre de faire. S’il devait renouer avec ses vieux démons… Alors il le ferait seul. Mais sans mentir. Il se le promettait : il ne mentirait pas à Matt. Cette époque était révolue. Disposant leurs articles sur le tapis roulant de la caisse, Nate eut la désagréable sensation d’être dévisagé. Avant de comprendre que c’était avant tout Matt qui était fixé. Pourquoi ? Qu’est-ce qu’elle avait cette femme à le regarder comme ça ? Nate décelait chez elle quelque chose qui ne lui plaisait pas. Est-ce qu’elle le jugeait ? Est-ce qu’elles les jugeait ? Une certaine nervosité montait en Nate, il était prêt à intervenir quand Matt prit la parole. Visiblement, ils se connaissaient. Ceci expliquait donc cela. Nate s’était instantanément radouci. Ce n’était pas une quelconque forme d’homophobie comme il l’aurait pensé. Juste quelqu’un qui avait visiblement quelque chose a reproché à Matt. Mais quoi ? Nate les observa converser avec attention. Il ne comprenait pas vraiment ce qui se passait mais il voyait comme Matt se pressait, comme il avait l’air d’avoir envie de quitter la supérette le plus tôt possible. Et c’est ce qu’ils firent en un temps record, les bras chargés de courses. Nate n’avait pas eu besoin de demander quoi que ce soit. Très rapidement, Matt s’était exprimé sur ce qu’il venait de se passer et Nate avait tendu l’oreille, particulièrement tendu même s’il comprenait qu’il avait fait fausse route. Pendant plusieurs secondes, Nate n’avait pas su quoi dire. Et, finalement, il avait répliqué : « C’est ridicule. Tu n’as absolument rien fait de mal. » Il soupira ensuite, laissant toute tension quitter son corps. « J’ai cru que… Qu’elle savait, tu sais… Qu’elle pensait quelque chose de mal nous concernant. » Et Nate réalisait qu’il n’avait pas eu peur. Ou pas seulement. Il avait surtout été en colère et, pour la première fois de sa vie, il aurait été prêt à rentrer en conflit.

Le milieu du cinéma était un milieu difficile. Il était dur de s'y faire une place. Beaucoup de monde rêvait de devenir acteur. Ils étaient nombreux à venir à Hollywood pour ça. Alors la compétition était rude. Je savais qu'ils n'hésitaient pas à se battre pour espérer décrocher un rôle. J'avais eu de la chance. Je n'avais pas eu à subir tout ça. La chance de ma vie était directement venue me chercher. Et c'était pour ça qu'elle me détestait autant. J'avais réussi, sans trop d'efforts, alors qu'elle galérait à se faire une place dans le milieu. Elle me jalousait, me détestait et les semaines qui avaient passé n'avaient pas apaiser sa colère. Mais Nate avait raison. Je n'y étais pour rien moi. Ce n'était pas de ma faute si on m'avait choisi moi et pas elle.

Je rentrais avec lui dans mon petit immeuble, montant dans mon appartement avec les sacs. Je soupirais et le regardais tristement alors qu'il m'avouait ce qui s'était passé pour lui. De son point de vu, le regard suspicieux de la jeune femme aurait pu vouloir dire tout à fait autre chose.

- Ouais je vois ce que tu veux dire...

Je soupirais alors que je me mettais à ranger ce qu'on avait acheté dans mes placards. Les pauvres, ils avaient été vides pendant tellement de temps. Ca ne leur faisait pas de mal de se remplir un petit peu pour une fois.

- J'ai encore un peu de mal à m'y faire parfois. Mon ami gay... il est tellement plus à l'aise que moi avec tout ça. Il voulait toujours sortir, m'entrainer dans des restos ou dans des boites. Moi j'avais l'impression que c'était en gros sur mon front, que tout le monde allait le voir.

Je haussais distraitement les épaules avant de continuer.

- Mais en fait non. Et les gens s'en foutent. Ils ne nous regardent même pas. C'est le truc des grandes villes. Personne ne fait attention à personne. Alors à moins qu'on ne s'embrasse en plein milieu de la rue, personne n'en aura rien à foutre de voir deux mecs.

On pouvait avoir un semblant de liberté au moins comme ça. Pas être complètement nous même mais on pouvait au moins vivre ensemble sans problème.

- Si c'est trop pour toi et que tu veux rester tranquille ce soir je comprendrais tu sais.