Il allait appeler dès qu’il serait installé. C’est ce qu’il avait dit. Plus le temps passait, plus Nate se faisait du soucis. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? Il n’aurait aucun moyen de le savoir, aucun moyen de lui venir en aide et ça le tuait. Il lui manquait. De temps en temps, Nate regardait les photo qu’ils avaient fait ensemble à la fête foraine. Elles étaient toujours aussi moroses mais ça l’aidait à tenir. La vie n’était pas plus douce au sein de son foyer. Alison avait arrêté de faire la gueule mais c’était pire maintenant qu’elle jouait les indifférentes. De temps en temps, il arrivait à lui arracher quelques mots presque agréables… Mais ça s’arrêtait là. Penny le réclamait énormément. Parait que les enfants sentent tout, elle devait sentir que rien ne se passait vraiment comme il se devait. Un soir où Nate avait laissé sa veste trainer sur le canapé, Alison était venue le voir en brandissant les photo de Matt et lui sous son nez. « C’est quoi ça ? C’est quoi votre problème à tous les deux ?! Vous êtes complètement cinglés, ma parole. C’est avec lui que t’aurais du te marier je crois. » Nate avait cligné des yeux. C’était à lui ça et il y tenait énormément. Avec une grande précaution, il avait récupéré les photos de ses mains. Il aurait du épouser Matt, pour le coup, elle ne se trompait. Et pourtant, elle disait ça sur le ton de la moquerie. Tout ce qu’elle essayait de faire, c’était de le blesser. Alison était malheureuse et ça la rendait mesquine. « C’est une photo de mon meilleur ami et moi. C’est quoi le mal ? » Elle avait ricané. « Ouais, une photo que tu gardes sur toi en permanence dans ta veste ? » Et pour la première fois, il avait vu un soupçon de méfiance dans son regard au sujet de Matt. Non. Pas ça. Tout sauf ça. Pas comme ça, pas maintenant. « Je l’ai juste jamais changé de place, j’ai du l’oublier. » qu’il rattrapa tant bien que mal, faisant s’éteindre la lueur de méfiance qui s’était allumée chez Alison. Heureusement, sa femme aimait beaucoup trop se bercer d’illusions pour ne pas gober cette explication fumeuse. Heureusement, elle était déjà endormie depuis un moment quand le téléphone avait retenti ce soir-là, peu de temps après l’incident de la photo. Penny dormait elle aussi, Nate s’était attardé devant la télévision. Il avait beau chercher à s’occuper l’esprit autant que possible, il ne faisait que penser à Matt. Et c’était à lui qu’il avait immédiatement penser en entendant le téléphone sonner. C’était forcément lui. A cette heure-ci… Qui d’autre ? Plein d’espoir après un mois d’attente et de torture, il avait décroché le combiné. « Allo ? » Il en crèverait si ce n’était pas lui.
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Pitié... pitié faites qu'elle ne décroche pas. Vu l'heure tardive elle était sûrement chez elle. Ce serait trop que de vouloir espérer qu'elle soit sortie précisément ce soir et qu'elle le laisse seul. Non elle devait être là. Peut être étaient ils entrain de dormir tous les deux? J'allais les réveiller et elle allait déclencher une scène à Nate parce que son meilleur ami était un connard irrespectueux qui se permettait d'appeler les gens chez eux à plus de minuit. Je n'aurais sûrement pas du appeler à une telle heure mais il me manquait beaucoup trop. Il fallait que je lui parle. Ca devenait vital pour moi de le faire.

Le téléphone sonna plusieurs fois et finalement j'entendis sa voix à lui au bout du fil. Je lâchais un soupir de soulagement avant de parler.

- Salut c'est Matt. Je suis désolé de t'appeler à une heure pareille mais je sors à peine du boulot.

Je massais justement ma jambe en grimaçant. J'espérais qu'elle finisse par se remettre et qu'elle me fasse beaucoup moins souffrir lors des services. Mais je tenais le coup. Je gagnais ma vie et c'était le principal.

- Je suis désolé de ne pas avoir eu le temps de t'appeler plus tôt. Ca a été particulièrement dur ces derniers temps. J'ai passé des jours dans le bus avant de finir par arriver. J'ai trainé dans des hotels minables avant de trouver du boulot. Je suis serveur dans un petit restaurant. Ca paye pas trop mal. C'est surtout les pourboires qui sont cool. J'ai emménagé dans mon appartement il y a à peine une semaine. Il est encore plus petit que mon ancien appartement mais il est propre et c'est le principal.

Sans compter qu'ici personne ne savait que j'étais gay. Ca simplifiait grandement les choses. Personne ne me connaissait et tant que je faisais bien mon boulot tout le monde se foutait de savoir ce que je faisais de ma vie.

- Elle... elle est là?

Je soupirais doucement, m'accrochant au téléphone.

- Tu me manques Nate... je suis vraiment désolé de ne pas avoir pu t'appeler plus tôt.

Le soulagement d’entendre Matt à l’autre bout du téléphone fut tel que Nate avait poussé un long soupir. Ce que c’était bon après tout ce temps, après tout le sang d’encre qu’il s’était fait. Son coeur était sur le bord de l’implosion mais Nate restait malgré tout pragmatique et il tendit une oreille vers les chambres à coucher pour être certain que la sonnerie du téléphone n’avait troublé le sommeil de personne. Ça n’avait pas l’air d’être le cas. Tant mieux. Il préférait être libre de dire ce qu’il veut. Matt sortait du boulot. A cette heure-ci, ça voulait sûrement dire qu’il était dans la restauration. Un barman serait encore au boulot. Serveur alors ? Nate l’imagina courir de table en table avec sa jambe encore fragile et il réprima un commentaire sur sa santé. Il n’avait très certainement pas le choix. A quoi ça servirait de lui dire d’être raisonnable dans ce cas ? Le luxe de préserver sa santé, c’était autorisé aux gens qui avaient de l’argent… Aux gens comme lui. Matt s’excusait et il ne tarda pas à lui confirmer qu’il était serveur. Ceci dit, ce n’était plus là-dessus que Nate tiquait. Il s’était arrêté à l’histoire du bus… Des jours ? Dans le bus ? Où diable avait-il atterri ? Et puis il l’évoqua, elle, Alison et il sentit son coeur se serrer. « Elle dort. » qu’il avait tout de suite tenu à le rassurer. Dans une certaine mesure, il était libre de parler. « J’étais mort d’inquiétude. » Son ton s’était fait un peu plus sévère. S’il lui en voulait ? Il était passé par des moments où il avait été fâché de son silence mais ça n’avait désormais plus aucune importance. « Mais c’est rien. » qu’il rajouta alors, conscient que le périple de Matt n’avait pas été de tout repos. « Tu me manques aussi. Beaucoup. » Et, à nouveau, son coeur s’était serré. Il fronça les sourcils. « Tu vas bien ? Et ta jambe, ça va ? » La question la plus importante, Nate l’avait sur le bout de la langue mais il en craignait la réponse. Pour autant, il avait besoin de savoir. « Tu es où ? » qu’il avait fini par demander, presque à contre-coeur.
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- Ca va... ça tire un peu le soir mais je récupère tranquillement.

Je n'avais pas le choix de toute façon. Ne pas travailler pour récupérer était un luxe que je ne pouvais pas me permettre. Je devais travailler et ce boulot était beaucoup mieux que celui que j'avais avant. Je ne risquais pas de me blesser au boulot. Je n'avais plus les mains bousillées par le pétrole. Et je n'étais plus avec des texans ignorants qui rigolaient à la moindre blague sexiste. Là je travaillais avec des filles et des mecs plus ouverts. La plupart d'entre eux rêvaient de devenir acteur et ils vivaient de petit boulot en attendant de se faire repérer. Ca n'avait rien à voir avec mes ex collègues.

Je soupirais de soulagement en apprenant qu'elle n'était pas là. On pouvait enfin parler tranquillement. Et il ne tarda pas à le faire. Je souris en l'entendant m'avouer que je lui avais manqué aussi. On pouvait enfin parler librement. C'était une maigre consolation quand je me disais que ça faisait un mois que je ne l'avais pas vu et que je n'étais pas prêt de le revoir.

- Je suis à Los Angeles. Je n'aurais jamais cru que la vie dans une grande ville me plairait mais c'est le cas. La ville est sympa. Et puis... j'ai vu la mer Nate.

Je souriais comme un gamin en disant ça.

- Je sais pas si tu l'as déjà vu. Moi c'était la première fois. Je suis parti me baigner dans l'océan. C'est tellement agréable, ça me fait penser à cet été là à la ferme, quand on se baignait dans le lac. Mais c'est plus grand. Tellement plus grand. Je saurais pas te le décrire.

J'y allais chaque fois que j'en avais l'occasion. J'adorais sentir l'air marin, regarder les vagues venir s'échouer... J'étais devenu accro.

- J'aimerais que tu puisses venir, voir tout ça, te voir aussi. Tu me manques tellement.

« Bien. Tant mieux. » qu’il avait soufflé quand Matt lui avait confié qu’il récupérait tranquillement. Est-ce qu’il devait le croire ? Ce n’est pas comme s’il avait bien le choix. Lui faire confiance, c’était un peu la seule option qu’il avait mais Nate savait à quel point Matt pouvait se montrer peu raisonnable quand il s’agissait de sa santé. Et puis la bombe avait été lâchée, Nate apprenait où Matt habitait désormais. Los Angeles. Avant même de se réjouir pour Matt, Nate avait vu la distance qui les séparait. Des milliers de kilomètres. Il était impensable de s’imaginer qu’il pourrait s’y rendre en voiture. Sa tête s’était mise à bourdonner, il avait l’impression d’entendre le reste de cette conversation de loin. Bien sûr qu’il se réjouissait de savoir Matt heureux mais… LA ? Un souvenir s’alluma dans sa mémoire, il revoyait Matt feuilleter ce foutu magazine sur la ville de Los Angeles. Est-ce que c’était vraiment un hasard ? Nate avait bien du mal à y croire. « Wow. » qu’il avait articulé dans un premier temps en croisant les bras sur sa poitrine, laissant juste une de ses mains tenir le combiné à son oreille. Il avait déjà vu l’océan. Matt, lui, découvrait tout un monde qui lui était jusqu’alors inconnu et il aimait ça. Loin de lui, quitte à ce qu’il n’y ait pas de place pour eux. C’était terriblement douloureux. « LA… C’est génial. » Et en le disant, il n’avait même pas réussi à se convaincre lui-même. Il n’en pensait pas un mot. Il ne le reverrait pas. En tout cas, pas aussi facilement qu’il l’aurait aimé. Matt venait de faire ralentir le rythme de leur relation de manière considérable. Son petit coeur malmené avait arrêté de battre la chamade, Nate souffrait comme jamais. Il soupira lorsqu’il entendit Matt lui dire qu’il aimerait le voir ici, qu’il lui manquait. Il était sérieux, là ? Comme si c’était aussi simple que ça. « Tu aimerais… Oui. Attends, deux secondes. » Il avait abandonné le téléphone sur la table d’appoint pour se chercher une cigarette et se l’allumer. Celle-là, elle était vraiment bienvenue. « T’es loin, Matt, et par loin j’entends… Vraiment très loin. Ça ne sera plus si simple. » Mais pourquoi Diable était-il parti si loin ?! Changer de région, c’était déjà largement suffisant, il aurait au moins pu en choisir une voisine du Texas. « Je suis pas sûr de comprendre, d’ailleurs. T’as vraiment envie qu’on se voit encore ? Parce que si c’est le cas… Pourquoi LA ? » Dans sa voix, on ne déchiffrait aucune colère. Nate était simplement triste et désabusé. Plus il y réfléchissait, plus ça sonnait comme la fin de leur histoire.
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Je pensais qu'il crierait. Je m'y étais attendu. Il ne le faisait pas mais je pouvais sentir dans sa voix qu'il se retenait de le faire. Je sentais bien clairement le reproche dans sa façon de parler. Oui j'étais parti loin mais je n'avais pas vraiment eu le choix. De toutes les options qui s'ouvraient à moi celle ci était de loin la meilleure. Il ne criait pas. Il ne semblait même pas en colère. Non... il était juste détruit. Ma décision venait rajouter des difficultés à notre vie. Mais il était temps que je pense un peu à moi, que je vive et prenne mes décisions pour moi. Il ne s'était jamais retenu de le faire de son côté. Il avait épousé sa femme et fondé une famille malgré tout ce que cela signifiait pour nous. Il ne s'était pas gêné pour vivre sa vie au détriment de nous deux alors pourquoi aurais je du le faire?

- Bien sur que j'ai envie qu'on se voit! Je viens de te le dire.

Je faisais l'idiot mais je comprenais parfaitement la question sous entendu. Si tu avais vraiment envie qu'on se voit pourquoi est ce que tu étais parti si loin? Pourquoi est ce que j'avais rendu les choses si compliquées?

- Pourquoi LA? Pour tout un tas de raisons. Je ne pouvais plus rester dans la région où je vivais. Tout le monde me connaissait et savait ce que j'étais. Je devais partir assez loin pour faire ma vie. Je ne voulais pas rester à la campagne. J'avais trop peur que la même situation arrive à nouveau. Qu'on soit surpris avec des gestes qui ne se font pas normalement entre hommes, que des personnes aient des doutes et ne viennent à nouveau détruire ma vie. Il fallait que je trouve un endroit pour être moi même.

Pour enfin vivre ma vie, après trente cinq ans il était temps que je le fasse.

- Les choses sont différentes ici à LA. La ville est... c'est une autre mentalité. Je travaille avec des personnes venant de tout le pays, venu ici pour faire une carrière. J'ai trouvé du boulot et un logement assez facilement. Je n'ai plus à supporter au quotidien des remarques de macho de merde. Ca fait tellement du bien. Et j'ai... j'ai rencontré des personnes.

J'inspirais profondément avant de continuer.

- Ce sont des hippies. Il n'y en a pas dans le Texas mais il y a plusieurs communautés sur la côte ouest. Je ne partage pas toutes leurs idées mais... ils prônent le liberté sexuelle, celle de coucher avec qui bon leur semble. J'ai rencontré d'autres gays. J'aurais tellement aimé que tu sois là...

Ma voix se brisa alors que je repensais à ce moment. Il y avait ces deux hommes, se tenant la main à un meeting. Je pouvais voir la tendresse dans le regard qu'ils avaient échangé. Personne autour de nous ne les avait jugé. Pas de honte, pas besoin de se cacher... et j'aurais tellement aimé qu'il soit là avec moi en cet instant, que je puisse me blottir contre lui sans aucune gêne.

- Ce n'est pas parfait LA je le sais. Tout le monde ne nous accepte pas mais... les mentalités ont davantage évoluées ici. On peut aller au restaurant tous les deux, au cinéma, se balader dans la rue, profiter d'une après midi sur la plage sans que personne ne trouve bizarre qu'on soit deux hommes ensemble.

Bien entendu on ne pourrait pas se tenir la main ou s'embrasser en pleine rue mais la vie serait tellement plus simple ici.

- Voilà pourquoi je veux rester ici... et que je veux que tu viennes.

Et pas juste pour quelques jours...

Toutes les illusions que Nate avait encore s’écroulaient. L’annonce de Matt lui faisait l’effet d’un jugement, il était condamné au malheur à vie, et c’était douloureux comme jamais. Quelque part, il l’avait peut-être mérité à jouer sur deux tableaux, mais même en étant rationnel il lui était impossible de ne pas souffrir. Il soupira quand Matt lui répété qu’il avait envie de le voir. Il se foutait de sa gueule ou bien ? La colère monta en pic en lui, il la fit redescendre en tirant sur sa cigarette. Toute la suite du discours de Matt lui donna soit envie de vomir, soit envie de mourir. D’une manière ou d’une autre, il n’avait rien ressenti de positif. Matt lui présentait LA comme l’eldorado. Il faisait des rencontres, d’autres homosexuels… Combien de temps allait-il lui falloir avant de trouver quelqu’un qui serait plus disponible que lui ? Il méritait ça, quelqu’un sans bagage qui pourrait faire parti de sa vie… Nate, lui, était enchainé au Texas. Pas par sa femme, divorcer s’envisageait toujours très bien. Mais sa fille ? Il ne pouvait pas la quitter, il ne pouvait pas lui dire qu’il quittait sa mère et qu’il partait à l’autre bout du pays. Ils se verraient quand ? Ça ferait beaucoup trop pour elle. Sa vie était déjà tellement compliquée avec ses parents qui se déchiraient… Le temps de se rassembler et de ne pas se répandre en larmes ou en cris, Nate avait gardé le silence. A grand renfort de nicotine, il s’anesthésia pour pouvoir reprendre : « Ne te méprends pas, Matt, je suis content que tu sois heureux. Tu mérites ce bonheur... » Loin de lui… C’était donc ça, le prix du bonheur de Matt ? Qu’il soit aussi loin… Il écrasa sa cigarette dans un cendrier avant de se frotter le visage d’une main. « Et j’aimerais vraiment beaucoup te dire que je peux si simplement tout plaquer pour te rejoindre. » Il inspira en rejetant sa tête sur le dossier du canapé. « Mais je fais quoi de Penny ? Je suis son père, je peux pas l’abandonner à sa mère comme ça. C’est vraiment pas simple pour elle en ce moment, ça fait beaucoup à supporter pour son âge. Je pourrais lui infliger le divorce, ça, oui… Mais partir aussi loin d’elle ? Non, je ne peux pas lui faire ça et… C’est ma fille, Matt, la seule enfant que j’aurais jamais. Je veux la voir grandir. » Il ferma les yeux. Avec un peu de chance quand il les aura rouvert, il apprendra que ce n’était qu’un mauvais rêve.
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Il avait beau prétendre être heureux pour moi j'avais du mal à le croire. Je savais ce qu'il aurait voulu. Il aurait fallu que je reste à proximité de lui, qu'il puisse venir me voir quand il en avait envie. Il voulait tout. Il voulait pouvoir garder sa famille et sa petite vie avec eux mais pouvoir aussi me voir et me baiser quand il en avait envie. Et ça me mettait en colère. J'avais l'impression d'être sa chose, sa pute. Je devais être là pour lui, pour qu'il puisse avoir tout ce qu'il voulait. Tant pis si j'avais une vie de merde, tant que j'étais là pour lui n'est ce pas?

- Je sais... je l'ai toujours su Nate. Dés l'instant où j'ai su qu'Alison était enceinte j'ai compris que je t'avais perdu. Il n'y aurait eu qu'Alison...

Il n'y aurait eu qu'Alison j'étais certain qu'il aurait fini par divorcer d'elle. Mais sa fille...

- Je sais que tu ne pourras jamais laisser ta fille. Je passerais toujours après elle.

Je ne pouvais pas espérer rivaliser. Je ne pouvais même pas espérer avoir un avenir avec lui. Il aimerait toujours sa fille davantage qu'il ne m'aimait.

- Mais comprends moi Nate. J'ai besoin de vivre ma vie. Je me suis toujours sacrifié pour mon père. Pour garder sa ferme, pour payer ses frais d'hôpital. Je me suis tellement sacrifié pour lui que j'ai du continuer à me tuer au travail bien après sa mort. Je n'ai jamais rien fait pour moi. J'ai besoin de penser à moi, d'être dans un endroit où je me sens bien. Je ne peux pas sacrifier toute ma vie pour être près de toi... surtout pas quand je sais que je ne serais jamais la priorité pour toi.

Il m'avait demandé de lui dire que je l'aimais pour qu'il divorce. Je ne l'avais pas fait. Je ne voulais pas me forcer à dire des mots pour le garder avec moi. Je ne lui demanderais pas d'abandonner sa fille pour moi. Alors je ne pouvais pas accepter qu'il me demande de sacrifier toute ma vie pour les quelques miettes d'attention qu'il pourrait me donner.

Non, Nate n’était pas heureux. Il se réjouissait pour Matt, certes. Il l’aimait assez pour vouloir son bien… Mais il n’était pas heureux. Il savait que trop bien ce que ça voulait dire. Il était au pied du mur, il devait faire un choix et, malheureusement, c’était du tout vu. Penny n’avait rien demandé de tout ça et elle ne pouvait pas trinquer pour les déboires de son père. Nate pouvait fuir de temps en temps ses responsabilités mais il ne pouvait pas s’y soustraire définitivement. Pour la simple et bonne raison qu’il n’en avait pas envie. Il n’était pas ce genre de père. Beaucoup d’hommes de son époque choisissaient de divorcer et d’abandonner leur foyer. Nate lui ne se voyait que divorcer. Jamais il ne pourrait abandonner Penny. Il avait envie de la voir, c’était la seule enfant qu’il n’aurait jamais et il ne voulait pas tout faire foirer. Déjà comme ça, il avait assez foutu la merde avec toutes ces histoires. « Elle passe pas après toi, Matt… C’est juste… C’est juste que c’est une enfant. » et donc qu’il la faisait passer avant, logique. Il se frotta les yeux, est-ce qu’il pouvait vraiment comprendre ce qu’il lui disait ? Le cœur de Nate se serra davantage encore quand Matt lui expliqua qu’il ne pouvait pas tout sacrifier pour lui. Il avait raison. C’était injuste que de lui demander de le faire. Purement égoïstement, Nate aurait bien sûr adoré qu’il soit plus près. Mais s’il devait penser à Matt, il préférait autant qu’il ne subisse pas les conséquences des mauvais choix qu’il avait fait dans la vie et qu’il soit simplement heureux. « Je comprends Matt. Je t’assure. Je te comprends. » qu’il lâcha après un temps de réflexion. « Tu mérites ce bonheur, je le pensais. » Nate se redressa mollement de tout son long. Ce qu’il s’apprêtait à dire lui coûtait énormément mais il le fallait. Il fallait qu’il répare ses torts et ça ne pouvait se faire qu’en rendant sa liberté à Matt. Il se racla la gorge. « Tu n’as rien à sacrifier pour personne. Tu as raison, tu en as assez bavé. J’ai pas vraiment fait les bons choix dans la vie… Si je pouvais réécrire l’histoire, je le ferai… Mais je peux pas, je ne suis pas libre. Mais toi, si, tu l’es. Et peut-être que… » Nate avait rouvert les yeux mais non, ce n’était pas un mauvais rêve. C’était un cauchemar éveillé. « Peut-être que tu devrais en profiter… Sans moi. T’as toutes ces belles choses qui t’attendent et… Je veux pas être celui qui t’empêche d’être heureux. » C’était plus douloureux encore qu’il ne le pensait et l’effort qu’il avait fait pour ravaler ses larmes était surhumain.

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Ca faisait mal de me dire que je ne serais jamais le premier dans sa vie. Lui il l'était pour moi. Il serait toujours la personne qui compterait le plus dans ma vie, celle qui passerait en premier. Mais l'inverse n'était pas vrai et c'était douloureux. Il avait fait ces choix oui. Au moment où j'aurais aimé qu'il me choisisse moi, il avait choisi d'avoir une famille. Il prétendait m'aimer, mais il ne m'avait jamais assez aimé pour me choisir en premier. Il était peut être temps que je passe à autre chose comme il le disait, l'oublier...

- Tu ne m'empêches pas d'être heureux Nate. Il n'y a qu'avec toi que j'ai vraiment été heureux dans ma vie.

Il pourrait dire ce qu'il voulait je ne l'oublierais jamais. Je n'avais jamais réussi à le faire et je doutais d'y arriver un jour. Il n'y avait eu que lui dans ma vie et il n'y aurait jamais que lui. Mais je pouvais vivre quand même, profiter de ma à LA. Pas avec quelqu'un comme j'étais avec lui, mais je pouvais profiter quand même.

- J'ai quand même envie que tu viennes me voir. Tu as le droit de prendre un peu de vacances non? Tu pourrais prendre l'avion et venir passer quelques jours ici. Je te ferais visiter ma ville. On irait à la plage tous les deux. Il y a tellement d'endroits à voir ici. Je n'ai même pas eu le temps de faire le tour.

Je soupirais doucement. Ce n'était pas parce que j'étais loin que je voulais l'abandonner définitivement. J'avais besoin de lui dans ma vie, ça ne changerait jamais.

- Tu me manques...