Matt marquait un point. Non, il n’en aurait pas ri. S’ils avaient été un couple établi, sûrs d’eux, pourquoi pas. Et encore. Mais dans leur condition ? Impossible. D’autant plus qu’il avait toujours pensé quelque chose de cette amitié avec sa voisine. Il avait été bête de s’imaginer que ça puisse être innocent. Matt était trop bien pour ne pas être courtisé. Il avait beau penser le contraire, il ne plaisait pas autant à Nate pour rien. Nate soupira. « Non. Probablement pas. » qu’il avoua d’une voix sombre. Rien de tout ça ne le faisait rire, effectivement. Ne pas en parler, éviter tous les sujets qui fâchent, est-ce que c’était vraiment la bonne solution ? Tout se savait. Tôt ou tard. Nate le savait. Il avait beau faire tous les efforts pour garder ses petits secrets, rien ne serait jamais éternel. « Elle t’aime, tu crois ? » Bien sûr qu’elle l’aimait. Pourquoi est-ce qu’elle était si attentionnée autrement ? Nate se sentait con. Tout ce temps, il avait espéré que personne d’autre puisse voir à quel point Matt était exceptionnel mais il s’était voilé la face : tout le monde le voyait déjà. « Bien sûr que si… » Nate secoua la tête. A une époque, il rêvait, il refaisait le monde et l’imaginait devenir meilleur. Pour les gens comme lui, pour tous les gens qui étaient différents. Et, entre temps, il avait été confronté à la réalité. Il entendait le discours de ses collègues, celui de ses amis, de sa femme, sa famille… Et il avait arrêté de rêver. Si les choses devaient un jour s’améliorer pour les gens dans leur condition, ce serait pas avant des dizaine et des dizaine d’années. Peut-être même un siècle tout entier, qui sait. Il serait mort et enterré depuis longtemps. « Je suis juste pas sûr que ça existe. Admettons qu’il existe des gens qu’on ne dérangerait pas… Admettons. Il y en aurait toujours au moins autant qui nous détesterait. Je crois même pas que ma propre mère me renierait pas si elle savait. » Et devant un discours aussi défaitiste, Nate soupira une nouvelle fois. Il n’avait pas toujours été comme ça, il n’avait pas toujours été aussi désillusionné. Le temps avait fait son oeuvre sur lui et sa situation familiale l’avait enfermé dans l’idée qu’il n’y avait pas de monde fait pour eux. Il n'empêche que, mine de rien, il avait baissé d'un ton et ça c'était plus bon signe.
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- Je ne pense pas qu'elle m'aime.

Il n'y avait eu aucun sentiments dans la façon dont elle m'avait fait cette demande en mariage. Il n'y avait pas eu de déclaration enflammée, pas de Matt je t'aime, je l'ai su depuis que je t'ai vu ou autre conneries du genre. Ca n'aurait pas été un mariage d'amour pour elle, juste un mariage de raison. Mais moi je ne pouvais pas faire taire les sentiments pour épouser la raison, c'était impossible.

- Son ex mari la battait. Elle est partie et c'est difficile pour elle. Elle se retrouve toute seule à devoir élever son enfant. Et moi... je suis le voisin sympa qui sait être à l'écoute pour elle, qui ne la juge pas, qui joue avec son gamin... Elle a du se dire que c'était trop dur d'être seule et que je ne serais pas un si mauvais choix que ça. Un gars gentil.

Je soupirais doucement, attrapant une de ce mes cigarettes pour me la griller. Je lui en proposais une avant de ranger le paquet.

- Mais elle mérite mieux. Elle mérite un mec qui ne la battra pas. Un homme qui sera gentil et tendre avec elle et qui surtout l'aimera vraiment. Je ne suis pas ce mec là. Je lui dirais ça ce week end. Que je l'apprécie mais que je ne l'aime pas comme elle mériterait de l'être. Que ce n'est pas elle que j'aime...

Je tirais une bouffée de ma cigarette avant de hausser légèrement le ton. Je ne savais même pas si j'étais en colère contre lui ou contre moi même. Je savais que ce rêve était irréaliste. C'était le monde à l'envers. C'est lui qui avait toujours été le plus optimiste de nous deux et pourtant c'était lui là qui me ramenait brutalement sur terre.

- Je sais que ça n'existe pas ce genre d'endroit! J'aimerais simplement que ça soit le cas...

Ma voix était retombée tristement sur la fin de ma phrase. Ca ne pourrait jamais exister. Même si je trouvais un endroit comme ça il ne me suivrait jamais. Il avait sa femme, sa fille, sa mère aussi qu'il ne voulait pas décevoir en lui disant qui il était. Je ne pourrais jamais l'avoir autrement que dans ces moments volés.

Je descendis de la voiture une fois arrivé, claquant légèrement la portière.

- Je vais aller me coucher. Je suis fatigué.

Une petite partie de Nate fut rassurée d’entendre qu’il pensait qu’elle ne l’aimait pas. L’autre était totalement perplexe. Quelle autre raison que de le demander en mariage ? S’il avait de l’argent, à la rigueur… Mais ce n’était pas vraiment le cas. Il fronça les sourcils en écoutant le reste de ses explications. Il n’était peut-être pas un bon mari mais il n’était pas maltraitant. Enfin… Pas physiquement. Psychologiquement, il ne pouvait pas dire qu’Alison vivait des moments faciles avec lui. La voisine de Matt avait donc simplement vu en elle un mec sympa, un gars sûr. Et elle avait eu raison. Il était sûr. Même si Nate était loin d’être réglo, il ne lui avait jamais fait de coup bas. Il restait fidèle à lui-même, coute que coute. C’était à se demander ce qu’il lui trouvait. Matt s’était allumé une cigarette, Nate l’avait imité. « Hum, non. Ne lui dis pas ça, que ce n’est pas elle que tu aimes. Elle cherchera à savoir. Crois-moi, elle voudra savoir qui occupes cette place. » Et c’était malheureux mais Nate était de bons conseils quand il s’agissait de passer incognito. Matt n’avait pas besoin d’éveiller les soupçons de sa voisine. Mieux vaut qu’elle ne sache qu’il y avait quelqu’un d’autre. Et puis Nate avait l’impression de s’entendre, il y a quelques temps en arrière, quand il rêvait tout haut d’un monde qui n’existait pas. Il lui faisait de la peine. La colère avait laissé place à une profonde tristesse. Quand ils étaient arrivés, Matt avait déjà annoncé la colère : il allait se coucher et cette annonce eut le don d’arracher un autre soupir à Nate. Pourquoi fallait-il que ce soit si dur ? Il l’avait suivi avec un peu de retard, ses pensées continuaient à s’assombrir. Il pensait à demain, au moment où il devrait partir. Il n’en avait aucune envie mais il n’avait pas vraiment le choix non plus. Il avait laissé Matt s’installer dans la chambre et, profitant d’être seul, il avait sorti les photos de la poche de sa veste. Il y en avait quatre et les quatre étaient affligeantes… Mais ils étaient ensemble. Ça valait ce que ça valait mais Nate voulait que Matt garde ce souvenir lui aussi. Alors il avait fouillé pour trouver des ciseaux et avait découpé une des photos pour la laisser en évidence sur la cafetière. Là au moins, il était sûr qu’il la verrait au petit matin quand Matt se lèverait alors que Nate serait déjà parti. Le coeur lourd, il avait ensuite rejoint la chambre à son tour. Sans un mot, il s’était allongé dans le lit après s’être débarrassé de ses vêtements. Il n’avait pas vraiment sommeil, trop d’appréhension. Alors il avait tendu le bras pour poser la main sur le torse de Matt. « Je suis désolé. Moi aussi j’aimerais que ça existe ce genre d’endroit. » qu’il avait murmuré en fixant le plafond.
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Je n'avais pas répondu... qu'est ce que j'aurais pu dire de toute façon? Ca n'existait pas. On le savait très bien lui et moi. Ca ne servait à rien de rêver. Ca ne servait à rien de penser à un futur où on pourrait être tous les deux. Il n'arriverait jamais. Ca faisait mal mais c'était ainsi.

J'avais fini par m'endormir comme ça, le coeur meurtri. Cette journée avait été aussi horrible que ce à quoi je m'attendais. Nous étions mal tous les deux et nous n'avions fait que nous disputer. Et maintenant il allait partir. Je n'aurais plus l'occasion de le voir avant des semaines. Il me restait une dernière chance de lui dire au revoir correctement. Le lendemain je le prendrais dans mes bras une dernière fois, je l'embrasserais comme pour essayer de le retenir. Mais je n'eus pas cette chance....

Le lendemain je retrouvais mon petit appartement vide. Il avait profité du fait que j'étais entrain de dormir pour partir. Il ne restait que la photo de nous qu'il m'avait laissé. Une photo pathétique comme je l'avais deviné. Je l'avais prise et avait découpé la partie sur laquelle j'étais avant de la jeter. J'avais ensuite glissé l'autre partie dans mon porte feuille, dans un coin où personne ne pourrait la voir.

Il me fallut une semaine entière pour que je trouve le temps de l'appeler, ma semaine avait été plutôt chargée et éprouvante. Je me doutais qu'il m'en voudrait d'être resté aussi longtemps sans nouvelles mais je n'avais pas eu le choix.

Il y avait d'abord eu la visite chez ma voisine qui s'était mal passé. J'avais beau essayé de faire les choses en douceur elle l'avait quand même mal pris. Elle ne comprenait pas ma décision. Pourquoi est ce que je choisissais d'être seul alors qu'on aurait pu avoir une jolie vie tous les deux? L'amour c'était surfait, elle avait testé, elle avait épousé l'homme qu'elle aimait et elle avait bien vu le résultat. Elle voulait un homme sur qui elle pouvait compter et j'étais celui qu'il lui fallait elle le savait. J'avais coupé court en disant ce que Nate m'avait dit de ne pas lui dire. Je lui avais avoué qu'il y avait quelqu'un d'autre, que je ne pouvais pas être avec sa personne mais que je ne tenais pas à lui mentir en étant avec elle alors que je ne l'aimais pas. Nate avait eu raison... ça avait seulement eu le mérite d'amener d'autres questions en attisant sa colère.

Puis il y avait eu le coup de fil à mon patron. Mes pires craintes s'étaient retrouvées confirmées. Il me suspectait d'être gay. Il ne voulait plus que je revienne bosser. Pire encore, il avait commencé à parler de ça à tout le monde pour qu'on évite de m'embaucher. Je comprenais encore mieux certains des regards que j'avais croisé en ville ces derniers jours.

Et suite à ça avait suivi le coup de fil de mon propriétaire. Il refusait de me louer un appartement, pas à une sale pédale. Il y avait une famille qui habitait à côté de moi, il ne pouvait pas les laisser exposer au danger que représentait ma présence. Je devais dégager et au plus vite.

Nous étions donc samedi soir, veille de mon départ. J'avais préparé mes affaires. J'avais acheté un billet de bus qui me conduirait à la frontière du Texas. De là je prendrais un autre bus et ainsi de suite jusqu'à arriver en Californie. Ca serait long mais je n'avais pas les moyens de me payer plus. Et maintenant était arrivé le moment que je redoutais le plus. J'allais devoir tout avouer à Nate. Je savais qu'il m'en voudrait mais je n'avais pas le choix. Je n'avais plus aucune solution.

Il fallut plusieurs sonneries avant que je ne tombe sur sa femme. Je pouvais sentir toute la colère dans sa façon de parler quand elle me répondit mais elle accepta de me le passer. Je sentais mon coeur rater un battement en l'entendant. Ca faisait si mal... Je savais qu'il allait m'en vouloir, que je n'étais pas prêt de le revoir, mais je n'avais pas le choix.

- Salut.. c'est moi... Matt... Je t'appelais pour... pour prendre de tes nouvelles. Tu es bien rentré? Je suis désolé je n'ai pas eu le temps de t'appeler avant, la semaine a été un peu compliquée.

Je m'arrêtais alors que ma voix se brisait légèrement. Compliquée était plutôt un euphémisme...

Matt n’avait plus dit un mot et la soirée s’était achevée ainsi. Nate avait mis un certain temps à s’endormir, il avait passé bien trop de temps à fixer le plafond en pensant à tout ce qu’il loupait dans la vie. Mais il avait beau s’être torturé, il n’était pas plus avancé le lendemain matin. Il devait quand même partir, il devait quand même dire au revoir. Et Matt dormait encore si bien… qu’il n’avait pas eu la force de le réveiller. Pas après leur soirée désastreuse de la veille. Il ne voulait pas remuer le couteau dans la plaie en lui infligeant des au revoir moroses. S’il avait su seulement qu’ils auraient du se dire adieu…
Le retour à la normal avait été incroyablement dur. Nate s’ennuyait au travail, il s’ennuyait chez lui. Tout lui semblait avoir perdu de sa saveur. Il ne pensait qu’à Matt, à ce mois qu’ils avaient passé ensemble et combien il lui manquait au quotidien. Et son téléphone ne sonnait pas. Il n’avait pas de nouvelles. Il s’était mis à culpabiliser. Est-ce qu’il aurait du le réveiller finalement ? Est-ce qu’il avait encore leur dernière dispute en travers de la gorge ? Plein de questions qui étaient restées sans réponse. Alison faisait la gueule. Elle le fusillait du matin dès le réveil et ça continuait jusqu’au coucher. Si elle avait pu lui arracher la tête, elle l’aurait fait. Penny, elle, subissait. Et Nate déprimait. Personne n’était heureux et Nate avait beau essayer de donner le change pour Penny au moins, Alison n’avait plus l’air d’avoir envie de jouer le jeu. Pourtant, il essayait vraiment d’être agréable et Dieu sait que ça lui coutait vu son état d’esprit. Ça ne prenait plus. Peut-être qu’il avait trop abusé de sa femme, peut-être que c’était la fin qui arrivait.
Et puis un soir le téléphone avait sonné, Alison était allée répondre. A l’expression qu’il y avait sur son visage, Nate avait tout de suite compris de qui il s’agissait. Ça y est, Matt sortait de son silence. Alison était furieuse. Nate était ravi. Il s’était emparé avec hâte du téléphone, pressé de planifier leur prochain rendez-vous. « Salut. » Mais la voix de Matt ne lui plaisait pas du tout, quelque chose n’allait pas. Son coeur s’accéléra. Alison lui faisait déjà des signes pour l’inciter à refuser toute sortie, Nate lui tourna le dos. « Oui, ça va. » Quel mensonge. Ça n’allait pas du tout. « Qu’est-ce qui se passe ? » qu’il avait demandé ensuite, sérieusement soucieux de l’état de Matt. Est-ce qu’il avait des problèmes ? Est-ce qu’il avait besoin de lui ?
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Il n'était pas dupe. Il sentait bien que quelque chose n'allait pas. Malgré le peu de temps qu'on avait passé, il me connaissait beaucoup trop bien. Je ne pouvais pas lui mentir et je ne le voulais pas de toute façon. Ma vie s'était cassée la gueule d'une façon encore plus cruelle que tout ce que j'avais pu imaginer.

- J'aurais aimé t'en parler autrement, pouvoir le faire en face. Mais je n'ai plus le temps. Je ne veux pas attendre que tu puisses venir un week end. Et je suis désolé mais je ne me sens pas la force de venir chez toi et d'affronter ta femme.

C'était au dessus de mes forces. Je ne pouvais pas voir cette femme. J'avais assez de merde comme ça en ce moment sans rajouter ça. Mais je m'en voulais. C'était pas comme ça que j'aurais voulu faire les choses et je savais qu'il allait m'en vouloir pour ça.

- Je me suis fait virer de mon boulot. Mon patron a compris que j'étais avec toi. J'ai... j'ai murmuré ton prénom dans mon sommeil quand j'étais à l'hopital et il l'a entendu. Puis quand il t'a vu venir... il a vite compris ce qui se passait. Il n'a pas voulu garder une sale pédale dans son équipe.

Je laissais échapper un petit rire triste.

- Et comme j'habite dans une petite ville où tout le monde se connait et où tout le monde parle, tout le monde est au courant forcément. Je ne retrouverais pas de boulot et... mon propio m'a viré. Je dois être parti demain. C'est pour ça que je peux te faire venir chez moi pour en parler parce que j'ai plus de chez moi en fait...

Un nouveau petit rire triste, est ce que ma situation pouvait être encore plus pourrie que ça? J'étais au chômage et à la rue. Je n'avais quasiment pas d'économies, personne sur qui compter. Et pour couronner le tout, j'étais encore convalescent.

- Je t'appellerais quand j'aurais trouvé quelque part où m'installer. J'espère que tu pourras venir me voir, où que je me retrouve...

Nate était tendu comme un arc à l’autre bout du combiné. Il sentait que quelque chose de mauvais se tramait mais il ne savait pas encore précisément quoi et il avait rarement été aussi stressé à l’idée d’entendre parler Matt. Plus le temps ? Nate en comprenait pas. Qu’est-ce qu’Alison venait faire là ? Nate avait vaguement balbutié quelques syllabes avant de se taire définitivement pour écouter le reste des explications de Matt. Ce qui avait suivi lui fit l’effet d’une bombe. Et pas une petite. C’était une bombe nucléaire en plein dans sa face et si Nate se tenait encore debout, le téléphone à la main, il se sentait effondré de l’intérieur. Tout s'écroulait autour de lui. Son patron savait. Pour lui, pour eux. Putain de bordel de merde, il savait. Ils avaient toujours sorti leur épingle du jeu mais cette fois, quelqu’un les avait découvert. Il était abasourdi, incapable de dire un mot. Nerveusement, il avait commencé à se gratter la tête. Tout se passait beaucoup trop vite. Ce n’était pas possible… Pas comme ça, pas maintenant. Après avoir longuement inspiré, Nate avait dit du bout des lèvres : « J’imagine que ce n’est pas la peine que je propose de te dépanner. » Ce n’était même pas une question. Il savait. C’était non. Il pouvait avoir tout le fric du monde, Matt n’en voulait pas. Il n’accepterait pas son aide. Il avait toujours voulu se débrouiller seul et si Nate le respectait pour ça, il en était pour l’heure totalement affligé. Alison lui faisait de nouveau de grands signes. Evidemment, elle n’avait plus envie que Nate vienne en aide à son soit disant meilleur ami. Il l’ignora. Si elle n’était pas là, il pourrait parler librement. Il y avait un million de choses qu’il avait envie de dire et qu’il devait garder pour lui. L’émotion lui vrillait l’estomac, le coeur. Si ça continuait, il finirait par se mettre à chialer comme un bébé. Il inspira de nouveau. Ce n’était pas possible. Il devait être plus fort que ça. « Tu prévois de partir vers où ? » Nate s’efforçait à paraitre normal mais intérieurement, il maudissait le monde entier. Pourquoi ça devait être si difficile pour eux ? Pourquoi les gens s’acharnaient sur Matt comme ça ? De simples suppositions d’homosexualité et ça suffisait pour faire de Matt la personne à abattre de sa ville. Voilà dans quel monde ils vivaient…
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- Ca changera rien que tu me donnes de l'argent Nate. Je ne peux plus rester dans cette région. Je n'ai plus d'appartement, plus de travail. Je n'ai plus de famille, pas d'amis. Je n'ai personne dans ma vie à part toi. Et ton argent ne changera rien à ça. Je serais toujours seul, à la rue et sans boulot.

Ma vie était merdique, je ne pouvais rien changer à ça. Avant j'étais resté parce que j'avais un boulot qui me permettait de rembourser mes dettes. Je m'étais trouvé une petite routine entre mon boulot, ma voisine et les visites de Nate. Mais je n'aurais plus rien de tout ça maintenant. Qu'est ce qui me retenait dans ce coin du Texas? Rien du tout. Il n'y avait que Nate. Mais je ne pouvais pas rester pour un homme pour lequel je n'étais pas la priorité. Si on avait vécu ensemble les choses auraient été différentes. Je me serais accroché. Je serais resté avec lui. Ensemble, à ses côtés, j'aurais pu tout sur monter. Mais j'étais seul... il avait sa famille. C'était eux qui passaient en priorité. Moi je n'avais que moi. Personne pour me dire quoi faire mais surtout personne pour se soucier de moi. Il fallait que j'aille vivre ma vie, je n'avais pas le choix.

- Je prends le bus demain. Je ne sais pas vraiment où je m'arrêterais. Sûrement quelque part où je pourrais trouver du boulot. Un coin où je pourrais me fondre dans la masse et vivre ma vie.

Je préférais ne pas lui dire la destination que j'avais en tête. Ca ferait beaucoup pour lui à encaisser. J'avais conscience que ce que je venais de lui dire était déjà assez dur comme ça. Il n'avait pas besoin que j'en rajoute en lui avouant que je partais vivre à plus d'une journée de route de lui.

- Nate... est ce que tu peux me promettre quelque chose? Est ce que... est ce que tu viendras me voir?

Changer de région… Nate accusait le coup. C’était déjà compliqué de se voir quand ils étaient dans la même région mais s’il devait s’éloigner encore plus… Est-ce que d’une visite mensuelle, ils allaient passer à moins ? Un tas d’émotions se bousculait dans l’esprit de Nate. La colère, la tristesse, la peur… Celle qui prédominait était la peur. A quoi devait-il s’attendre ? Vu les circonstances, il s’imaginait le pire. Nate avait mal, mal pour lui, mais surtout… Mal pour Matt. Il aurait tant aimé être en mesure de tout plaquer pour le rejoindre, pour faire face avec lui dans l’adversité. Mais il ne pouvait pas. Il allait le laisser endurer ça tout seul. Il disait qu’il n’avait que lui dans la vie ? Ce n’était même pas tout à fait vrai et ça le désolait. Il s’était pincé les lèvres pour éviter de dire quelque chose qui éveillerait les soupçons de sa femme. Il aurait tant de choses à dire, à commencer par le fait indéniable qu’il lui manquait et qu’il l’aimait à crever. « Ok… D’accord. » qu’il avait soufflé quand Matt lui avait expliqué qu’il prendrait le bus. Il espérait qu’il comprendrait qu’il ne pouvait pas vraiment parler. Nate aurait tout donné pour être seul… mais il ne l’était pas. « Mais bien sûr que je viendrais te voir ! » qu’il s’était exclamé, sans appel, et il avait entendu au loin un bruit de vaisselle s’échapper de la cuisine. Ça, c’était Alison qui avait déjà envie de les étriper tous les deux. Ça ne l’avait pas vraiment fait réagir. Le vrai drame de sa vie était en train de se dérouler au téléphone. Il viendrait le voir, il trouverait un moyen. C’était obligé. Comment il endurerait le reste de son existence autrement ? « Promis. » qu’il avait dit plus bas en fermant les yeux pour éviter qu’on y voit les larmes qui s’y étaient logés. Il avait envie de crever, c’était insoutenable. « Je… Euh… Je te souhaite bon courage… et bonne chance. J’espère que cette nouvelle vie qui t’attend sera à ta hauteur. » Est-ce qu’il n’en disait pas un peu trop là ? Il avait dégluti. « Hésite pas a m’appeler si tu as besoin de quoi que ce soit. » Et chaque mot qu’il prononçait était une véritable torture.
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- Oui bien sur... je t'appelle dés que je suis installé. A bientôt Nate...

Je raccrochais le coeur lourd. Je savais qu'il m'en voulait, que je lui avais fait du mal. Mais je n'avais pas le choix et j'espérais qu'il l'avait compris. Je ne partais pas de gaieté de coeur mais je n'avais plus rien ici... Je n'avais rien tout court.

Il se passa plus d'un mois avant que je ne trouve le temps de l'appeler. Ma vie avait été terriblement mouvementé pendant le mois qui s'était passé. Je n'avais pas arrêté. Mes journées avaient été terriblement remplies et quand je trouvais quelques instants pour souffler, je finissais pas tomber de fatigue, m'endormant presque sur place. Il me manquait. Je ne passais pas un instant sans penser à lui. J'étais mal de ne pas l'avoir là avec moi, de ne pas pouvoir partager tout ce que je vivais avec lui. Je voulais pouvoir tout lui raconter mais je n'en trouvais jamais le temps.

Ce jour là, ou plutôt ce soir là, il était tard. J'avais peur qu'il ne soit déjà couché mais je ne pouvais pas faire autrement. Je ne pouvais pas trouver cinq minutes ailleurs dans ma journée pour l'appeler.

Je m'installais sur mon canapé, mon téléphone à l'oreille. J'étais entrain de masser ma jambe blessée qui souffrait d'une soirée à courir entre les tables. J'attendais qu'il décroche, stressant à l'idée qu'une fois encore ça ne soit sa femme au bout du fil. J'espérais même qu'elle ne soit pas là, qu'on puisse parler librement tous les deux. Je savais qu'il n'apprécierait pas tout ce que j'allais lui dire. Mais surtout je voulais pouvoir lui dire à quel point il me manquait. Je voulais l'inviter à LA, qu'il vienne visiter ma ville d'adoption. Il y avait tellement de choses que je voulais qu'il vienne faire.

Il me manquait...