Paul s’assit rapidement. Il savait bien qu’il mettait mal à l’aise. S’il devait se l’avouer, il aurait bien aimé être légèrement plus petit. On va dire que sa taille actuelle était plus dérangeant qu’arrangeante … Sauf quand il devait rappeler à des parents récalcitrant de ne plus s’approcher de leur enfant, sous peine qui leur écrase la tête dans le mur. Pas très professionnel … mais Letty était la calme de leur duo. Bien qu’il ne soit pas le genre colérique non plus. Il avait juste trop de sincérité en lui. Et il n’aimait pas les mensonges. Les mensonges, ou l’omission dans le but de mentir, ça l’agace. Il faisait parti des personnes qui ne supportaient pas non plus la tromperie, ou la manipulation par les sentiments. Mais Paul était le genre profondément gentil, aussi. Alors il faisait toujours les pas nécessaires à la résolution d’une situation, comme le silence. Il lâcha un rire.

- Vous devez vraiment être exceptionnel alors, parce que normalement, ça fait parti de ses « red flag » de notre Letty. Une fois, on devait distribuer de la soupe dans une soupe populaire, et elle a été tellement choquée de l’état de la soupe qu’elle est partie la modifier. Il a fallu que j’évite à l’organisateur de lui parlé tellement qu’elle était en colère de cette « eau aromatisé au goût » qui était servi. La soupe ça peut créer des réactions violentes chez elle.

Violente comme un petit poussin pouvait l'être. Il rit, mais son regard disait tout de même qu’il était toujours stressé. Parler de Letty était un terrain neutre. Il savait pouvoir parler de Letty. D’ailleurs, elle était la raison de leur rapprochement, non ? Il se frotta ses grandes mains contre son jean et jeta un regard vers Letty. Il les reposa sur James et se pencha dans une révérence qui n’avait rien à faire dans ce siècle-là.

- Je me doute que … Que vous vouliez... heu … pour Letty. Que c’était pour elle … mais … ehu..

Il rougissait. Si on se demandait si la peau noire empêchait les rougissements, la question avait maintenant trouvé sa réponse. On pouvait voir le rougissement sur les visages des personnes mates. C’était juste plus discret. Il fit une respiration.

- Même si je sais … que … que c’était pour son rêve, cela permet d’atteindre le mien aussi, alors je tenais à te… vous remercier pour ça.

Ils entendirent un espèce de grognement alors que Paul leva les yeux vers une Letty moins discrète que d’ordinaire. Elle lui fit un geste qui voulait dire clairement « pète un coup ». Ouais. Il avait envie de le tutoyer et de le voir comme un « ami ». Mais il ne le pouvait pas. Il savait qu’il était la raison de la mise en place de leur rêve, même si James voulait aider Letty et non lui. Aider les familles, les enfants, les gens en difficulté, il savait faire. Il voulait le faire. Il avait besoin de pouvoir faire. Il se relève complètement alors que Letty arriva pour déposer un verre devant chacun, de leur alcool ou boisson favorite avant de faire celle qui avait oublié les chips. Paul leva un sourcil en la voyant faire.

- Je me demande combien d’excuse pour nous laisser tous les deux elle a trouvé, souffla-t-il avant de rougir à nouveau.

Il n’avait jamais été aussi intimidé de toute sa vie. Même son autre mécène ne lui avait pas fait ça. C’était Letty et leur ancien patron qui s’étaient occupés de la communication. Et encore, il avait trouvé que c’était juste un blanc bec stupide. Alors que là, il y avait le petit copain de sa meilleure amie. Petit copain qui l’avait fait pleurer plusieurs fois. Il fronce les sourcils. Comment il était censé le menacer de ne pas lui faire du mal, sans risquer leur travail ? Il allait exploser dans sa tête. Il allait se concentrer sur ça, pour éviter de paniquer et de tout foutre en l’air avec sa grande bouche.

Je ris en l'entendant me raconter l'anecdote de Letty sur les soupes.

- Ca ne m'étonne tellement pas d'elle. Elle avait vraiment un problème avec les soupes. Et oui elle m'avait dit que c'était un red flag. C'était même davantage un red flag pour elle que le fait que je sois coincé dans un fauteuil comme un légume.

Ca aurait pourtant du être le cas. C'était normal qu'un couple n'aime pas exactement les même choses au niveau de l'alimentation. Par contre, un handicap, aussi lourd que celui que j'avais, aurait du en effrayer plus d'une. Mais pas Letty, son problème à Letty c'était que je n'aime pas les soupes. Enfin, c'était plus une taquinerie qu'un problème entre nous.

Je lui souris légèrement alors qu'il venait me remercier pour mon financement à leur projet.

- C'est vrai que j'ai fait ça pour l'aider elle. Je voyais bien qu'elle était malheureuse de ne plus pouvoir faire ce qu'elle aimait. J'avais tout cet argent que je n'allais pas emporter avec moi alors....

Je m'arrêtais un instant. Je savais qu'il était au courant de mes anciens projets de suicide. Même si ce n'était plus d'actualité, ça restait toujours un sujet sensible que je préférais ne plus aborder.

- Je n'ai pas dépensé beaucoup d'argent ces derniers temps. Et j'ai continué de toucher des droits sur mes anciens albums. Beaucoup de revenus et peu de dépenses... Je préfère largement que cet argent serve pour une bonne cause plutôt que de dormir à la banque. Et si en plus il peut aider celle que j'aime, aider des enfants en difficultés et en plus aider son meilleur ami, je ne pourrais pas être plus heureux.

Je la remerciais alors qu'elle venait nous apporter nos boissons avant de repartir aussitôt. Je n'étais pas dupe de son petit manège et Paul non plus. Je lui souris alors qu'il faisait cette remarque.

- Oh la connaissant, elle est capable d'inventer n'importe quoi pour s'éclipser.

Elle voulait nous laisser en tête à tête, qu'on brise la glace pour que nous soyons tous les deux moins tendus. Pour moi ça allait être compliqué, mais j'allais essayer de détendre le plus possible Paul.

- Je ne vais pas m'occuper de votre gestion de l'association. Je n'y connais absolument rien. Et je vous fais confiance à tous les deux. Je sais que tout ce que vous allez faire, c'est dans l'intérêt des enfants. Si je veux rester discret ça n'a rien à voir avec vous. Je sais que vous allez faire quelque chose de super. C'est juste que j'ai disparu de la scène public depuis un moment et je n'ai pas envie de revenir par des rumeurs. Je veux faire les choses bien, choisir quand et comment je reviendrais.

Parce que je reviendrais, je n'arrivais plus à me sortir cette idée de la tête depuis quelques temps.

Paul observe James, il se demande bien quoi dire, quoi faire, comment le faire. Letty est absente, mais il sait qu’elle écoute. Dans un sens, il aurait préféré qu’elle soit là. Dans un autre, il sait qu’il n’aurait jamais pris les devants …. Et c’était d’ailleurs pour ça qu’elle n’était pas là, cette fripouille. Il lui envoie des malédictions dans son esprit avant de sourire à nouveau à son patron slash futur beau-frère –ça il a pas de doute dessus- slash ami ? Il n’en sait rien. Il n’avait jamais eu de rencontre comme ça avec un petit ami de Letty. Mais maintenant, il sait qu’elle se venge un peu aussi. Quand il avait rencontré Lisa, il avait eu besoin de Letty pour la courtiser. Il était un gros noir intimidant qui fronce les sourcils face à la stupidité de l’univers, et Lisa était une bibliothécaire mignonne et douce qui ne lever jamais la voix… Letty avait fait l’entremetteuse… Mais quand il avait fallu faire le premier repas ensemble, elle avait été intimidé et il avait ris face à sa réaction. Au lieu de la maudire, il envoya des excuses. C’était vraiment intimidant. Il sourit quand il parle de la soupe contre son fauteuil et un sourire sincère étire ses lèvres.

- Je pense que Letty n’a jamais mis votre état dans la balance de son cœur.

Pour elle, c’était un détail, quand les soupes étaient une montagne. Il n’avait pas envie de continuer à parler, à prouver connaître la copine de l’homme mieux que lui… C’était un souci qui c’était posé, avec Lisa, Alisson (son ex qui été resté le plus longtemps avec lui) aussi. Letty le connaissait mieux que personne. Et lui, il connaissait Letty par cœur. Et parfois, ça rend jaloux. Alors qu’il la connait depuis l’âge de trois ans. Il savait des choses, inutiles, que personne ne savait. Quand il parla de son projet de mettre fin à ses jours, Paul eut un sourire rassurant. Il pouvait en parler, s’il en avait le besoin, ou pas. Il pouvait faire comme il le souhaite et l’homme n’allait pas le juger pour ça.

- Je te remercie, et chaque personne qui viendra te remerciera dans leur cœur. Quand il s’agit d’aider les autres, l’humanité a du mal, il cherche à trouver un échange. Ce que tu fais, même si ce n’est que pour Letty, ça fait boule de neige de bonheur et de bonté au lieu de faire dans la tristesse et le macabre. Pas tout le monde ne pourrait faire ça.

Lui ? Il n’était pas riche, clairement pas … alors … Bah il ne pourrait pas. S’il donne de son temps, de sa patience, de sa force à son travail, il sait aussi qu’il ne pourrait pas donner son argent. Parce qu’il y avait Lisa et Sally, et que même s’il aimerait se jeter à corps perdu dans tous les cas de la maltraitance qu’il remarque, il ne le peut pas. Il doit veiller sur sa fille et sa femme. Et sa femme travaille aussi. Il fallait être juste dans ce qu’on offre. Et il savait que James le pouvait, et le faisait donc, là où beaucoup pouvait mais ne le faisait pas. C’était honorable, et il avait toute sa gratitude.

Mais s’il fait encore pleurer Letty, il se fâche. Ce que c’était compliqué. Il ne le connaissait pas. Il n’avait pu que mettre en garde Letty. S’il donne de l’argent maintenant, est-ce qu’il allait continuer ensuite si un jour ils se quittent ? Bien sûr, Letty avait dit qu’elle le quitterait pas parce qu’elle était un mollusque accroché à sa baleine, -BON OK, elle l’avait dit avec une image plus romantique !-. Mais Paul avait de quoi douter. Il ne connaissait pas l’homme. Pas du tout. Il savait juste ce qu’elle lui avait dit. Et ce qu’elle lui avait dit lui avait fait peur plus que de raison. Comme pour la menace de protection du cœur de sa meilleure amie, il ne savait pas comment lui demander ce qu’il comptait faire si, un jour, ils ne sont plus ensemble. C’était compliqué tout ça. Paul pencha la tête, se pencha tout court et chuchota plus bas.

- Vous voulez dire que vous étiez bien contre une statue à votre effigie au milieu de la salle de réunion ? Il rit un peu plus bas, Letty a fait la moue trois ou quatre heures quand je lui ai dis que ce n’était pas une bonne idée pour le moment.
- C’est parce que je voulais quelque chose d’agréable à regarder, grinça-t-elle des dents depuis la cuisine en cherchant des couverts de la même couleur exactement.
- Quoi qu’il en soit, fit-il plus fort, il n’y a pas de soucis pour garder le secret. Il faut mettre votre nom sur les papiers officielles de l’association, mais nous n’allons pas faire de pub avec votre nom et les quelques personnes au courant sont des notaires ou des avocats tenus aux secrets professionnels. On le fera comme tu le désires.

Paul se sentait plus à l’aise de parler, et penser, à l’association. Il regarda un instant vers la cuisine avant de reprendre.

- D’ailleurs, un détail qu’un mécène doit savoir, mais une partie de l’argent va être utilisé pour un partenariat avec l’orphelinat. On leur donne des subventions en plus, en échange de quoi nous sommes les personnes en charge des dossiers des enfants. C’est une sorte de partenariat où on gagne plus de travail, puisqu’on ne sera pas payer bien sûr, mais ça permet d’avoir des référents. L’association n’a pas de clients fixes. Normalement, toutes les personnes qui passeront devront avoir une résolution de leur problème, mais pas pour les enfants de l’orphelinat. Si cela te… vous convient, il faudra faire une apparition publique à un moment. Quand tu voudras, avec tes choix bien sûr, mais comme tu… vous êtes connu, cela permettra de mettre plus de lumière sur l’orphelinat et aider à faire adopter des enfants.

Ouais … Paul grimace. Il n’aime pas devoir parler des enfants comme d’un produit promotionnel auquel on fait de la publicité… mais c’était un fait. Beaucoup de personnes ignorent pouvoir adopter, même s’il le voudrait. Beaucoup de personne ignorent même qu’un orphelinat est là, tout proche. Alors, rien qu’avoir un chanteur connu qui y vient, ça fait de la visibilité, et sans dire que les enfants sont adoptés, les dons pour les enfants augmentent toujours. C’est un peu comme Noël. Paul trouvait cela hypocrite, et c’était écrit sur son visage alors qu’il tira sa lèvre inférieure sur le côté dans une moue agacé, mais c’était ce qui devait être fait pour les enfants. De toute façon, lui et Letty, quand ils s’occupaient de l’orphelinat, n’avait aucun mal à refuser les parents qui n’avaient pas de quoi s’occuper des enfants. Et ils avaient un radar pour ses personnes. Ceux qui avait déjà 5 ou 6 enfants, et que chaque enfant avait un visage triste. Pour avoir été un enfant malmené par la vie, Paul savait les reconnaître. C’était parce qu’il avait été orphelin, puis placé dans 17 foyers, qu’il voulait le faire au mieux. Et il sait que Letty n’avait pas le cœur d’y retourner, d’ailleurs. Il allait devoir le faire. Letty avait eu le cœur en miette à chaque fois qu’elle y était allée, mais encore plus quand elle a compris qu’elle ne pourrait plus avoir d’enfant, et qu’elle était incapable d’adopter. Paul se demande ce que sait James sur ça… il doute qu’elle lui en a parlé mais à quel point ? Lui avait-elle dit que tout était à cause de son ex ?

C'était un bonus pour moi, de faire cette boule de neige de bonheur. Ma priorité avait été de rendre Letty heureuse. Si ça avait été en lui offrant un restaurant, de soupes, je l'aurais également fait. Mais il se trouvait qu'elle voulait venir en aide aux autres et c'était une des facettes de sa personnalité que j'aimais. Ce n'était pas moi qui allait aider ces enfants, c'était elle, eux, moi je ne faisais rien que signer le chèque.

Je ris en l'entendant parler de la statue qu'elle voulait mettre au milieu du local.

- Tu mettras une photo de nous sur ton bureau. Mais il est hors de question de mettre une statue de moi. Jamais.

Je n'étais pas égocentrique à ce point. Je n'étais pas du genre à vouloir une statue de moi affichée un peu partout. Le local était avant tout pour les enfants, pour venir en aide à eux, pas pour que je me mette en avant.

Je souris alors qu'il me parlait du partenariat avec l'orphelinat. Je trouvais que c'était une excellente idée.

- Je pense que quand j'aurais fait mon retour dans le monde public, on pourrait organiser une journée avec les enfants de l'orphelinat et d'autres enfants dont vous vous occupez. Faire des jeux, un repas tous ensemble, avec quelques photographes bien entendu. Pas pour me faire de la pub à moi, mais pour passer une journée sympa avec les enfants et si on peut les mettre en avant et motiver quelques parents, ce n'est que mieux.

Je souris doucement alors que je disais ça. Je notais qu'il hésitait encore entre le tutoiement et le vouvoiement pour s'adresser à moi. Le tutoiement pour le petit ami de sa meilleure amie, le vouvoiement pour le "patron qu'il pensait voir en moi".

- Par contre arrête de me vouvoyer s'il te plait. On est tous associés dans ce projet je dirais. J'apporte l'argent, mon avocat aussi. Mais toi et Letty vous apportez le plus important, votre temps, votre gentillesse, tout ça pour les enfants. On bosse ensemble. Alors pas de vous entre nous et pas de patron.

Je tendis la main à Letty alors qu'elle revenait s'asseoir finalement à côté de moi. Je la serrais avant de déposer un léger baiser dessus. J'espérais ne pas m'en sortir trop mal au niveau de la rencontre.

- Mais j'avoue être un très mauvais exemple en matière d'adoption. J'aimerais qu'on adopte un bébé plutôt, quand le moment sera venu. Je veux pouvoir tout vivre, tout partager avec toi.

Letty baragouine dans sa barbe. Une photo ? Une seule. Elle allait en mettre partout. Elle n’en avait toujours pas d’ailleurs, d’eux, et ça la dérange. Elle a hâte de pouvoir faire un selfie, qu’il lui autorise. Depuis qu’il avait refusé deux fois, elle ne lui avait plus redemandé. Elle savait qu’il voulait un peu de temps… mais ça ne quitte pas son esprit. Elle avait envie d’avoir le visage de James sur son téléphone …. Et elle n’osait pas prendre une photo qui avait été utilisé d’avant, pour ne pas lui mettre la pression. Elle avait envie d’avoir son visage. Paul pouvait entendre et visualiser le soupir de Letty avant que la conversation ne revienne sur l’orphelinat.

- Les humains sont simples, si on voit que quelqu’un de connu s’intéresse à quelque chose, la plupart des gens vont s’y intéressé. Donc ça sera avec plaisir. Il se peut qu’on augmente le nombre de partenariat si … Si on trouve un certain équilibre.

Si Paul finit par être certain que l’homme n’allait pas les laisser au bout d’un moment. Il ne le croit pas. Il a un bon feeling avec le jeune homme. D’ailleurs … James était peut-être plus vieux que lui. Mais pour Paul, tout le monde était plus jeune que lui, par principe. C’était même étrange parfois mais il n’arrivait pas à voir un homme plus vieux. C’était aussi pour ça qu’il se forçait à le vouvoyer mais qu’à chaque fois, le tutoiement revenait. Quand James lui dit de le tutoyer ça lui enlève un poids sur les épaules, mais ça le fait rougir aussi. L’homme était son patron, de manière officielle en tout cas même s’il ne voulait pas avoir ce statut. Il rougit donc, et détourne les yeux. D’ordinaire, on minimise l’importance des assistants sociaux. On dit qu’ils n’ont pas l’importance de la famille, ou bien de la structure ou du tuteur légal. Oui. Mais non.

- D’accord, fit-il doucement. Je vais essayer ça.

Paul regarde sa meilleure amie revenir… Elle pouvait arrêter de repartir, hein … HEIN ? Heureusement, James avait réussi à l’attraper, comme un pokemon sauvage avec une baie, et elle arrêtait de bouger. Elle lui donnait mal à la tête. Letty fit un sourire à James, puis à Paul pour dire que tout le monde fait bien. Sauf que d’un coup, elle se fige, de la tête aux pieds.

- Pardon ? dit-elle mais plus pour être sûr de ne pas être morte à l’instant, les yeux écarquillaient de peur d’avoir mal entendu.

Paul regarde James, puis Letty avant qu’un sourire se dessine sur le visage  du noir. Il allait se faire touuuut petit dans son canapé alors que Letty était encore en train de d’analyser la phrase.

- Hein ?

Elle se retourne pour regarder James. Il vient de dire quoi ? Comment ? Hein ? Elle papillonne des yeux. Elle n’est pas sûre d’avoir bien entendu. Peut-être que, comme sa grossesse nerveuse, elle était en train d’halluciner. Elle avait dû fumer trop d’herbe de Provence, ou quelque chose comme ça. Elle papillonne des yeux. Ne remarque même pas qu’il y a quelques larmes qui coulent. Hein ?

- Tu veux … adopter ?

« Avec moi ? » C’était stupide, mais elle avait besoin d’un temps pour se dire que James voulait faire d’elle une maman. Son cerveau était en surchauffe alors qu’elle se penche pour cacher sa tête dans son cou. Elle savait que Paul attendrait que la vague d’émotion passe. Elle avait dû se battre, pour chacune de ses relations, pour leur demander d’avoir un enfant. Parce qu’elle ne voulait pas le faire dans leur dos… et lui… Lui venait de lui proposer d’être la mère de l’enfant qu’il adoptera ? Hein ? C’est ça ? Elle n’avait jamais autant la haine de ne pas pouvoir tomber enceinte alors qu’elle avait trouvé un homme qui aurait bien voulu la faire tomber enceinte. Elle avait envie de se frapper, de frapper toutes les personnes qui étaient responsables de cette situation. Surtout elle.

Paul se leva avec le moins de bruit possible et prend un verre pour aller le remplir en silence. Il fait un sourire à James. Un sourire entendu. Ce genre de larmes, qui coulait maintenant contre le cou de James, c’était le genre de larmes qu’il acceptait avec gratitude. Il laissa les amoureux seul et rejoins la cuisine avant d’envoyer un message à Lisa. Un simple « Je t’aime ». Il ne lui disait pas assez, bien qu’il lui dise plus souvent que la plupart des hommes.

Dans le salon, Letty était toujours en train de se coller à James en pleurer sans trop de bruit. Elle ne sait pas quoi dire alors qu’elle enroule ses bras autour de son cou… et elle ne dit rien. Rien du tout. Elle pleure et essaie de se calmer avant de se reculer. Elle l’embrasse doucement, avec beaucoup de tendresse et d’amour.

- Je t’aime, souffla-t-elle. Et tu es fou de me dire ça comme ça.

Elle le réprimande doucement, mais les larmes avaient cessé au moins. Elle ne s’attendait juste pas à une évocation si claire de leur … futur ? Ensemble. Elle ne pensait pas que James accepterait d’adopter, pour elle, pour eux… fin, elle n’y avait même pas pensé, parce qu’elle reste pauvre … mais avoir un enfant avec lui, ça serait la plus belle chose qui puisse lui arriver dans sa vie.

Elle se figea, me regardant choquée suite à ce que je venais de dire. Je m'étais à peine rendu compte de ce que j'avais fait. C'était sorti si naturellement. Nous ne nous étions jamais posé pour en discuter elle et moi. Nous avions tellement d'autres choses à construire et vivre ensemble avant de nous lancer dans une procédure d'adoption. Mais ça me semblait logique que de faire ça avec elle. Je voulais des enfants et je savais qu'elle aussi. C'était impensable pour moi de ne pas passer le restant de ma vie avec elle. Je comptais bien la demander en mariage un jour. Passer le reste de ma vie avec elle et fonder une famille. Et vu ses problèmes de santé, nous serions obligé de passer par l'adoption. C'était évident pour moi.

Je remarquais que Paul venait s'échapper discrètement, nous laissant un peu d'intimité alors qu'elle me regardait toujours en état de choc.

- Désolé... c'est sorti tout seul. Mais pour moi c'est évident. Je veux passer le reste de ma vie avec toi. Je veux fonder une famille avec toi. Et je sais que tu rêves d'avoir des enfants. Donc l'adoption c'est un peu inévitable pour nous il me semble. Je pense qu'on n'aura pas de problèmes le moment venu. Je veux juste que ce soit un bébé. Donner le biberon, changer les couches... j'ai envie de vivre tout ça. C'est ma seule condition.

Pour tout le reste je lui laissais carte blanche. Je voulais juste qu'elle soit heureuse. L'enfant pouvait être blanc, noir, asiatique, je l'aimerais tout autant. Ca serait le notre et c'était la seule chose qui comptait.

Je la repris par la main et l'attirais dans mes bras pour l'embrasser tendrement.

- On ferait mieux de dire à Paul de revenir non? On a tout notre temps pour parler de tout ça. De tout ce qu'on doit faire aussi avant de penser à adopter. J'ai un programme assez chargé pour nous deux avant de me lancer dans l'adoption.

Je devais quitter ce fauteuil pour en trouver un plus léger. Je voulais reprendre des forces et être capable d'avoir une vie sexuelle épanouie avec elle. Je voulais qu'on prenne une maison rien que pour nous deux, une maison où se trouverait une chambre d'enfants. Je voulais reprendre ma carrière, retrouver mon groupe et remonter sur scène. Je voulais voyager avec elle et l'épouser un jour. Un programme chargé mais dont j'allais savourer chaque instant.

Non, Non. Il n’avait pas à s’excuser. Sa demande –qui n’en était même pas une mais une affirmation- était bien mieux ainsi. Direct. Sans hypocrise. Sans langue de bois. Elle était sorti parce qu’elle était dans le cœur, et que ça avait débordé … et ça la rends encore plus belle. Letty s’accroche à son cou, se cache dans son cou, se demande si elle peut repousser le repas à plus tard pour rester là… Pour elle, il n’était pas nécessaire d’avoir un nourrisson. Elle aimerait tous les enfants de la même manière, qu’importe leur sexe, leur couleur, leur handicap ou leur âge … mais si James voulait un enfant nourrisson … alors elle n’allait pas dire non. Bon dieu, elle serait incapable de lui refuser d’avoir un enfant avec elle. Totalement incapable. Elle se laisse dans ses bras et fait un petit grognement mignon quand James parle de Paul. Ouais. Il est là. C’est vrai. Elle se recule et le regarde avec amour. Elle allait être maman. Et puis, il avait dit il veut un nourrisson, mais rien n’exclus d’en avoir plusieurs, n’est-ce pas ? Elle bride l’idée et la fou au placard de sa pensée. Elle allait être maman. C’était la seule chose qui comptait. Elle ne s’imaginait pas un instant tout ce que lui avait en tête. Tout comme elle était prête à l’aimer et à rester avec lui dans son fauteuil, elle n’imaginait pas plus le futur qu’eux deux. Tout lui allait. Rien n’était grave. Si James ne voulait pas l’épouser, ça ne la dérange pas. S’il ne voulait pas vivre avec elle, ça elle sait que si, pareil. Il n’y avait rien de commun dans leur histoire d’amour, alors elle était prête à tout. Elle se lève, non sans lui avoir fait un nouveau baiser avant de voir Paul arriver avec les assiettes, les verres et les couverts dans les bras.

Letty sourit et va l’aider avant de tout faire tomber. Elle apporte aussi les entrées. Leur stupide salade pour eux et de la soupe rien que pour elle.

- Vous êtes sûr que vous n’en voulez pas ? C’est de la soupe de potiron à la noisette, c’est super bon. Jamais autant que quand je la fais, mais c’est super bon.

Ouais, parler de soupe pour ne pas parler du fait qu’elle allait être maman, mais le sourire radieux sur son visage était claire. Maintenant ou dans dix ans, elle s’en fiche aussi. Mais elle sait qu’un jour, elle le sera. Maman. D’une petite fille ou d’un petit garçon. Elle le sait et Paul sourit aussi en la regardant sourire. Il regarde sa montre.

- Avec tout ça, on va devoir manger rapidement, fit le colosse doucement alors que Letty repart dans la cuisine en baragouinant qu’il manque des arômes dans sa soupe parfaite.

Paul la regarde faire. Ce n’était pas une excuse de Letty pour les laisser seuls, cette fois, mais il décide d’en profiter.

- J’aime Letty, dit-il. Comme ma sœur. Alors, … Même si tu n’es clairement pas comme les autres, sache-le, la faire souffrir c’est m’avoir sur le dos après. Et la plupart n’ont pas apprécié ça.

Une fois qu’ils n’étaient plus ensemble. Pendant, il laisse Letty faire. Après, il se venge. Il était un colosse, après tout… Sauf Gordon avait eu le temps de passer dans les mailles du filet, mais c’est parce que ce lâche s’était enfui là où Paul n’avait pas l’argent pour aller le chercher. Sinon… Il aurait au moins eu un nez cassé. Ce qu’il aurait mérité. Paul n’avait su les détails sur la vie sexuelle de Letty qu’une fois qu’il était trop tard… mais il avait un bon feeling avec James, alors se fut un sourire qui étira ses lèvres … pas un regard noir comme d’ordinaire.

Letty finit par se remettre de ses émotions et on reprit notre repas. Elle savoura sa soupe, insistant encore une fois pour qu'on en goûte. De mon côté, je préférais rester à vie dans mon fauteuil que d'en manger. Bon c'était faux, si j'avais eu le choix, qu'on m'avait dit qu'en mangeant un bol de soupe je pourrais retrouver l'usage de mon corps, je l'aurais bien entendu fait. Mais ça je ne lui dirais jamais. Je préférais continuer de la taquiner sur mon dégoût des soupes.

Letty était partie raler après sa soupe pas parfaite, ça m'apprendrait tiens à lui en prendre une chez un délicieux traiteur, quand Paul en profita pour jouer les grands frère protecteurs. Je lui souris doucement en l'entendant.

- Je pense qu'on a assez souffert elle et moi, pour le reste de notre vie. Maintenant tout ce que je veux c'est profiter avec elle. J'ai de la chance de l'avoir trouvé. Sans elle... je serais mort à l'heure qu'il est. Je lui dois tout. Alors tout ce que je veux maintenant, c'est la rendre heureuse. Et si je la rends malheureuse, je te laisserais me refaire le portrait sans problème. Je l'aurais mérité.

Après ça le reste du repas se passa tranquillement. On discutait de tout et de rien. On se dépêchait quand même un peu, la visite du local nous attendait. Il ne fallait pas non plus qu'on soit en retard.

Une fois terminé j'aidais à débarrasser avant d'aller rejoindre l'extérieur et le mini van qui permettait de me transporter. Ce fauteuil était encore beaucoup trop gros pour se plier et me permettre de m'asseoir dans une voiture ordinaire. Je devais monter à l'arrière grâce à une rampe. J'avais l'impression d'être un cheval qu'on chargeait dans son van. Bientôt ça aussi ce serait terminé...

Je descendis une fois arrivé, la suivant dans son fameux local.

- J'ai hâte que tu me montres cet endroit. Je pourrais t'imaginer plus facilement quand tu seras au travail toute la journée.

Cet endroit était important pour elle, alors il était important pour moi. Je voulais pouvoir faire partie de sa vie, dans les bons comme dans les mauvais moments. Je voulais partager ses moments de réussite et celui ci en faisait partie.

Bon, la soupe ne manquait pas tant de sel que ça … mais quand on avait passé une semaine a essayé de trouver des excuses pour s’éclipser, c’était naturel de le faire. Mais la soupe manquait tout de même de sel. Parce qu’il en fallait toujours un peu, et que les gens faisaient parfois l’erreur de ne pas en mettre du tout pour que ça passe. Elle entend la menace de Paul, et ça la fait sourire. Parce qu’elle sait que ses ex étaient paniqués à l’idée de se retrouver contre l’homme…Mais pas James. Non, pas lui.

Paul sourit doucement. Il n’avait pas besoin de répété qu’il le mériterait James semblait le savoir, et ça l’apaise un peu. Gordon avait réagit en disant qu’il était ceinture noir en krav maga. Ou une connerie comme ça. N’en déplaise aux sportifs du monde entier, quand on avait un adversaire plus grand et avec des mains capables d’écraser des visages, on perd. Ceinture noir, argent ou or. Paul sourit un peu, il tapote d’un doigt contre la table et finit le repas sans le menacer. Non. Il l’aime bien. Même si ce n’était pas compliqué, en réalité d’être apprécié par Paul.

Ils finirent le repas, et rejoignent le local. Se garant dans un parking à proximité, Paul prévient qu’il faudra demander au propriétaire le droit de laisser les voitures de leurs usagers se garer. Letty affirma du chef et se pencha pour embrasser James, avant de réaliser l’avoir fait spontanément et vérifia qu’ils étaient seuls.

- Je t’enverrais des photos, si ça peut te faire plaisir.

Ils avancent ensuite pour se retrouver devant un portail une devanture. Letty avait trouvé cet endroit super joli. Vraiment super jolie. Le portail était un grand portail dans un style un peu asiatique dépassé … et avec de jolie arabesque dessus. Le bâtiment était carré, présentant une cours qui aurait très bien pu admettre une grande statue de James. Pour le moment, il n’y avait rien de bien joli. La femme qui leur fit faire le tour leur représenta rapidement les lieux comme s’ils ne le connaissaient pas. La cour avait le droit à une salle qui serait celle d’attente, et plusieurs bureaux aérés. Il y avait même une très grande salle. Qui serait la zone de jeu pour les enfants. Paul et Letty expliquaient les envies à James en même temps de la présentation, jusqu’à ce que la femme leur remette les clés et disparaisse. Une fois parti, Letty était bloqué sur un grand mur qui court le long des couloirs.

- Je vais mettre des photos partout.
- Il ne faut pas que ça soit oppressant.
- Je vais en mettre partout. Et sans demander à James elle s’assit sur ses genoux en mettant sa tête dans son cou, j’ai trop d’idée de décoration, mon cerveau va exploser.
- Il faudrait déjà prévoir une entreprise pour le revêtement des sols… vue la devanture, je pense que laisser un petit style asiatique serait sympathique.
- En effet, tu en penses quoi James ? J’avais aussi pensé faire une salle avec un faux paysage de mer avec des papillons bleus. Comme aux Maldives.

Je descendis une fois arrivé à leur local. Je les suivais, écoutant en silence tout ce qu'ils racontaient. Je n'étais qu'un invité ici. Ce n'était pas à moi de prendre cette décision. C'était eux qui allaient travailler au quotidien ici. Il fallait un endroit où ils se sentiraient à l'aise, un endroit où les enfants et les familles pourraient se sentir en confiance.

Je hochais doucement la tête alors que Paul parlait de la décoration. Comme je m'y attendais, Letty ne voulait pas se défaire de son idée de foutre des photos de moi partout. A défaut d'avoir une immense statue de moi, elle voulait se faire plaisir avec des photos. Sauf qu'il en était bien entendu hors de question. Je ne voulais pas me mettre en avant. Je ne donnais pas de l'argent pour ça. Je le faisais pour elle, pour qu'elle puisse venir en aide aux enfants comme elle rêvait de pouvoir le faire à nouveau.

- Je suis plutôt d'accord avec Paul. Je verrais bien une déco asiatique, quelque chose d'assez épuré et zen. Il faut que les gens se sentent bien en entrant ici. La déco Maldives, je verrais plus ça pour notre chambre.

C'était un souvenir qui n'appartenait qu'à nous. Nous avions vécu des choses fortes là bas. Cet endroit m'avait changé à tout jamais et c'était grâce à elle. Mais ça n'avait rien à voir avec l'association qu'elle était entrain de monter. Ce n'était pas leur histoire, c'était la mienne. Elle n'avait pas sa place pour moi dans cet endroit. Je ne voulais pas m'étendre sur le sujet en public. Nous en parlerions tous les deux plus tard. J'espérais qu'elle comprenne ma démarche.

- Et un mur de photos ça peut être une bonne idée. Des photos de beaux moments avec les enfants, de la future journée qu'on pourrait organiser à l'orphelinat. Mais pas des photos de moi bien entendu. Ca ne doit pas être un endroit à la gloire de James, mais un endroit pour les enfants.

Je lui souriais doucement, espérant qu'elle ne prenne pas mal mon refus. Je pouvais comprendre son enthousiasme et son envie de m'avoir à ses côtés en permanence, d'une manière ou d'une autre. Mais je ne voulais pas être mis en avant ainsi.