S’il était mignon à cinq ans ? Nate imaginait que oui, il avait du mal à être objectif à son sujet. Ce n’était néanmoins pas ça qui l’avait fait sourire. S’il souriait, c’était parce qu’il était agréablement surpris. Quoi qu’il fasse ou dise, Matt semblait toujours voir le meilleur en lui. C’était doux, réconfortant. « C’est ce que ma mère disait. » qu’il avait soufflé en plongeant dans les yeux si bleus de Matt. L’espace de cet instant, tout s’était évanoui autour de lui. Il ne voyait plus la foule en bas, ni la vue que lui offrait la grande roue. Il n’y avait plus que Matt et pour un peu, il l’aurait embrassé sur le champ s’il ne s’était pas mis à parler. « Ça n’arrivera pas ça, tu sais. Je serai toujours là. Je… Je saurais pas quoi faire d’autre. » Et Nate n’avait alors absolument pas conscience que sa promesse s’annonçait difficile à tenir, voire même carrément impossible. Il pensait naïvement que les choses pouvaient rester comme ça, qu’ils continuerait leur bout de chemin dans la clandestinité tranquillement. Quelle erreur. La roue achevait son tour, la discussion avait eu le don de reconnecter Nate à la réalité. Il avait hoché la tête avec une moue concernée quand Matt lui avait confié qu’il détestait devoir se cacher, qu’il voulait juste être avec lui. Ça aussi, Nate le comprenait que trop bien. Tellement que ça lui renversait le coeur. « Je sais… Je sais. » qu’il avait dit en reprenant une distance raisonnable lui aussi. Personne ne pouvait surprendre si ce n’est qu’un regard déplacé entre eux. Ils étaient descendus de l’attraction et Nate avait regardé la foule autour d’eux en se demandant si c’était vraiment grave s’ils se tenaient la main. Est-ce qu’ils risquaient de simples regards de travers ? Ou alors des insultes ? Des menaces ? Nate n’en savait absolument rien parce qu’il n’avait jamais vu un couple de même sexe en dehors de celui qu’il formait avec Matt. Il soupira. « Toujours partant pour les photos ? » qu’il avait demandé en réfrénant la furieuse envie qu’il avait encore eu de tenir sa main.
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On pouvait se promettre qu'on ne se perdrait jamais, j'avais la forte impression que ça finirait par arriver quoi qu'on en dise. Je ne pourrais pas continuer à rester ici si tout s'effondrait. Qu'est ce que je ferais? Je ne pourrais pas trouver de travail dans la région, pas alors que tout le monde serait au courant. Et partir dans quel coin du texas? Ca serait la même merde partout. Je ne pouvais pas me rapprocher de lui. Je le verrais beaucoup trop souvent en compagnie de sa femme. Ca serait insupportable. La seule solution serait de partir et partir de préférence dans un endroit qui ne soit pas aussi fermé qu'ici, un endroit où j'aurais une chance d'être moi même. Et ce n'était pas au fin fond du texas que ça arriverait.

Je descendis de la roue et le suivit dans les rues de la fête. Je restais à nouveau à bonne distance de lui. Ce gouffre que je sentais entre nous et que je détestais. J'avais soudain hâte de pouvoir rentrer chez moi, pour être vraiment avec lui et ne plus être obligé de jouer cette mascarade de normalité.

Je haussais doucement la tête alors qu'il venait me demander de faire des photos. Je le suivis dans le photomaton et m'installais à côté de lui. Je me forçais pour lui faire les photos qu'il m'avait demandé même si j'avais horreur de ça. Je ne savais pas sourire ou du moins pas sur commande. Je ne pouvais pas me coller à lui, pas faire comme les couples qui s'embrassaient sur les photos. Je restais juste figé à côté de lui, laissant l'appareil nous prendre, une mascarade de plus.

Je quittais finalement la cabine et le laissais récupérer les photos sans y jeter un oeil. Ca ne m'intéressait pas. Je ne voulais pas avoir cette comédie sous les yeux. J'aurais voulu l'avoir lui et c'était tout.

Matt était devenu distant d’un coup et Nate se demandait bien ce qui avait pu provoquer ce changement chez lui. Leur discussion sur leurs peurs respectives ? Il n’en savait trop rien et, au milieu de tous ces gens, ils n’avaient pas vraiment la liberté d’en parler. Alors le mieux, c’était de ne faire comme si de rien n’était. Jouer un jeu, Nate était devenu plutôt fort pour le faire. Il s’était laissé modelé à l’image que les autres avaient de lui, juste pour être… normal. Et le plus ironique dans tout ça, c’est qu’il n’y était jamais parvenu. Il n’avait jamais été normal et il ne le serait jamais. Mais il savait faire semblant de l’être et, ma foi, pour sa survie c’était plutôt pas mal. Matt avait accepté pour les photos, pour autant il n’avait pas l’air ravi du tout de les faire. Pas l’ombre d’un sourire sur son visage et bien que Nate gardait la face, il commençait à avoir du mal à le faire. Peut-être qu’ils feraient mieux de rentrer ? Peut-être qu’ils n’avaient rien à faire dehors ensemble ? C’était lui qui avait récupéré les photos qui étaient sorties du photomaton et il n’avait pas pu s’empêcher de se pincer les lèvres en découvrant le résultat. C’était mieux que rien mais, franchement, elles étaient tristes à mourir ces photos. Il soupira en les glissant dans la poche intérieure de sa veste. C’était précieux… si précieux. Ce serait peut-être bien les seules photos qu’il n’aurait jamais de lui, d’eux. Et Matt n’avait même pas daigné y jeter un oeil. « Tu te sens de marcher encore un peu ? » qu’il avait demandé, prévoyant, en pensant à sa jambe sans doute encore fragile. Ils pourraient peut-être s’éloigner un peu de la foule, c’était peut-être tout ce monde qui mettait Matt dans cet état. De sa poche, Nate sortit son paquet de cigarette et en offrit une à Matt. Il ne savait pas vraiment ce qui se passait mais, de toute évidence, il avait bien besoin d’un petit remontant.
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- Non non ça va ne t'en fais pas.

Elle me lançait légèrement mais c'était un peu normal je supposais. J'avais perdu l'habitude de marcher comme ça. Je passerais le week end tranquille à la maison ensuite. Je n'avais pas grand chose de mieux à faire de toute façon que de rester seul enfermé chez moi.

Je récupérais la cigarette avec plaisir avant de retourner marcher avec lui. Ca me permettait au moins de m'occuper un peu les mains. Je n'avais plus l'air bizarre à marcher les bras ballants. Je marchais un instant en silence avec lui avant de me retourner vers une attraction.

- Voyons si je sais toujours tirer à la carabine?

Je lui souris doucement avant d'aller prendre un fusil pour jouer. Il y avait bien longtemps que je ne m'en étais plus servi, depuis que j'avais quitté la ferme de mon père en réalité. A l'époque j'étais obligé de tirer régulièrement pour faire fuir les bêtes sauvages qui auraient pu venir s'en prendre à nos animaux. Mais c'était une époque qui était loin derrière moi maintenant.

Je me concentrais avant de tirer. J'enchainais les tirs réussis non sans un minimum de fierté. Je n'avais pas perdu la main. Je récupérais l'ours en peluche rose avant de le tendre à Nate.

- Tiens... pour ta fille.

Je lui souris doucement avant qu'un cri strident ne vienne m'interrompre.

"Matt!!! Tu es sur pied!! Mais depuis quand?"

Je me forçais à sourire en voyant ma voisine Sally venir s'approcher de nous.

- Depuis aujourd'hui seulement.

Je restais un instant mal à l'aise. C'était le pire scénario qui pouvait se produire. Il fallait que je tombe sur ma voisine qui m'avait demandé en mariage pendant que j'étais avec mon amant. A chaque fois que je pensais que ma vie ne pouvait pas être plus désastreuse il fallait qu'un truc comme ça arrive pour me prouver que oui ça pouvait être encore pire.

Après ce merveilleux instant de malaise ambiant je me décidais à faire les présentations.

- Nate je te présente Sally ma voisine. Sally, voici Nate un ami qui a gentiment accepter de passer quelques jours chez moi pour m'aider avec ma jambe.

"C'est très gentil à vous. Le pauvre il avait bien besoin d'aide oui."

Elle me regarda un instant mal à l'aise avant de se décider à parler.

"J'ai hésité à passer te voir. Tu sais... après notre discussion. Je ne voulais pas te déranger. Je me doutais qu'avec ta jambe tu devais avoir besoin de repos mais... J'étais sérieuse Matt. Et ma proposition tient toujours si.. si tu veux qu'on en parle..."

Merveilleux... elle ne pouvait pas faire pire que de me parler de ça maintenant, en plein milieu d'une foule et surtout devant Nate. J'avais réussi à ne pas lui en parler, à faire comme si rien ne s'était passé entre elle et moi. Mais maintenant, il allait certainement se poser des questions, ça ne faisait aucun doute. Et comment j'allais faire pour gérer ça moi? Comment est ce que je pourrais lui dire, sans le blesser, qu'une femme m'avait demandé en mariage?

- On peut en parler à un autre moment? Ailleurs qu'au milieu d'une foule.

Je lui fis un petit sourire gêné. Je n'avais aucune envie qu'elle vienne me faire une scène là maintenant.

- Je passerais ce week end te voir ok?

"Euh... oui... d'accord.... à ce week end alors Matt."

Je la saluais doucement, la laissant partir plus loin avec son fils. Je soupirais de soulagement l'espace d'un instant. J'avais évité une scène avec elle mais je ne pourrais pas éviter celle qui allait venir avec Nate.

- Tu... tu veux qu'on rentre?

Matt lui assurait que ça allait. Nate était un peu soucieux mais il n’avait pas tellement d’autres choix que de lui faire confiance. Tirant sur sa cigarette, Nate évacuait un peu de son stress. La nicotine avait ce côté positif. Pour ce qui était du négatif, mieux valait ne pas en parler. Il avait hoché la tête quand Matt s’était mis en tête d’aller au stand de tir. Et pourquoi pas ? Si ça le détendait de tirer dans des trucs… C’était assez bluffant, cette manière qu’il avait eu de mettre dans le mille à chaque fois et Nate avait applaudi en riant. « Merci cowboy. » qu’il avait dit en prenant la petite peluche dans ses mains. Penny serait contente. Elle avait bien besoin d’être contente ces temps-ci. Quand il sera rentré, il allait devoir mettre les bouchées doubles pour la contenter un minimum. Au moment où Nate allait ajouter quelque chose de plus, une voix étrangère vint les interrompre. Une femme qui avait l’air de connaitre Matt et qui le regardait d’une manière qui ne plaisait pas du tout à Nate. Malgré tout, il avait souri à son approche parce qu’il savait faire ça, camoufler ce qu’il ressentait réellement. En public en tout cas. En parfait personnage public, Nate avait tendu sa main à la dénommée Sally au moment des présentations et l’avait gratifié d’un sourire radieux. « Enchanté Sally, j’ai beaucoup entendu parler de vous. » Beaucoup, c’était peut-être un peu exagéré mais Nate cherchait à se montrer agréable. Il ne l’aimait d’entrée de jeu pas beaucoup mais il n’avait aucune raison de lui témoigner d’animosité. Enfin, ça, c’était avant, qu’elle ne se remette à parler et qu’elle parle d’une proposition. C’était quoi ça ? Nate se força à continuer de sourire bien qu’il avait envie en réalité de crier. Tout le reste de scène fut tout aussi insupportable mais il avait tenu bon et n’avait plus décoché un mot. De quoi ils parlaient, bordel de merde ? Intérieurement, il fulminait. Il n’avait pas pu s’empêcher de la regarder partir, elle et le gamin, des interrogations plein la tête. Finalement, il se concentra sur sa cigarette. Il évitait le regard de Matt de peur d’y voir quelque chose qu’il ne lui plairait pas. De toute façon, ça n’allait pas lui plaire, il le sentait. « Oui. S’il te plait. » qu’il avait martelé en fuyant toujours Matt du regard. Il détestait l’idée qu’il lui cache quelque chose. Sans un mot, ils avaient regagné la voiture et une fois installés dans celle-ci, Nate lutta pour ne pas questionner Matt. Il ne voulait pas de dispute. Vraiment pas. Il pourrait faire le choix de lui faire confiance, comme il le lui avait déjà demandé mais… Mon Dieu, non, c’était déjà trop tard. « Alors, raconte ? Elle te veut quoi la voisine ? » Sans qu’il ne puisse le contrôler plus longtemps, c’était sorti tout seul. « Je croyais que vous étiez amis, j’ai du louper un épisode je crois bien. » qu’il avait persiflé, un brin mauvais malgré lui.
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On était reparti dans sa voiture. Je sentais l'ambiance se faire pesante entre nous. Foutue Sally... vu la façon dont elle avait parlé c'était obligé qu'il se doute de quelque chose. Ca se voyait dans son regard aussi. Elle s'était faite beaucoup trop aguicheuse. Elle me voulait et ça me mettait tellement mal à l'aise. Je ne voulais pas ça. Je ne voulais pas qu'une femme me drague. Je ne voulais rien avoir à faire avec les femmes. Mais surtout je ne voulais pas que Nate voit ça. Je savais à quel point ça pouvait faire mal de voir l'autre se faire draguer par quelqu'un. Je l'avais endurer à son mariage. C'était beaucoup trop dur à vivre.

On resta silencieux pendant un moment. Je n'osais pas briser le silence. Je ne savais pas qu'est ce que je pourrais lui dire. J'avais peur de m'enfoncer si j'essayais de parler. Cette soirée avait vraiment été désastreuse. C'était une mauvaise idée que d'aller là. Je m'étais senti mal pendant tout le temps de notre balade sur la roue. Je me sentais mal parce que dés demain il allait partir. On avait fait des photos qui devaient certainement être affreuses. Et maintenant il y avait ça....

Et il finit par lâcher la bombe. Je soupirais alors qu'il venait me demander ce qui se passait. Oui il avait raté un épisode. Mais ça n'avait servi à rien que je lui en parle. Ca n'aurait fait que le faire flipper pour rien. Il n'y avait rien à dire parce que je n'avais jamais prévu d'accepter sa proposition. On avait toujours évité de parler des sujets qui fâchaient, je n'avais fait que suivre cette règle en ne lui en parlant pas.

- Elle m'a demandé de l'épouser... le premier week end où tu es parti. Je suis parti de chez elle pour te retrouver sans lui donner de réponse. Elle n'a pas compris que si je l'évitais depuis ce soir là c'était parce que je ne voulais pas l'épouser. Elle attend toujours ma réponse.

Je soupirais doucement.

- J'irais la voir quand tu seras parti et je lui dirais que je ne peux pas l'épouser.

Nate aurait aimé ne rien dire. Il aurait adoré être capable de passer au dessus de ce qu’il venait de se passer, de ne pas demander des comptes à Matt. Il en avait été juste incapable. C’était bien plus qu’une histoire de jalousie. Ce genre de révélations, ça titillait sa plus grande peur : celle de le perdre. Tout était une menace à leur histoire, ou presque. Même la voisine en était une maintenant. C’était dur d’accuser le coup et Nate ne pouvait pas se contenter de fermer les yeux comme il le faisait avec tous les autres sujets qui risquaient de semer la discorde entre eux. Il ne pouvait juste pas. Pas cette fois. Elle l’avait demandé en mariage. A ces quelques mots, Nate s’était glacé de l’intérieur. Une demande en mariage. Rien que ça. Il avait pris du temps à traiter cette information, son cerveau fonctionnait à plein régime mais il avait quand même du mal à assimiler l’idée. Qui faisait ça ? Est-ce qu’elle tenait à lui au point de le demander en mariage, en mettant de côté toutes les normes sociales ? Plus il y réfléchissait, moins il semblait y voir clair. « Pourquoi tu me l’as pas dit alors ? Et puis je suis pas sûr de comprendre… Tu ne veux pas ? Ou tu ne peux pas ? » Dans le rétroviseur, il apercevait l’ours en peluche qu’il avait balancé sur la banquette arrière. Il pensait à Penny, il pensait à sa femme. Il soupira. Est-ce qu’il pouvait en vouloir à Matt de vouloir lui aussi une famille, une vie en apparence normale ? Assurément pas. Il avait fait ce choix lui-même il y a bien longtemps déjà. Et pourtant. « Y’a d’autres trucs comme ça que tu préfères garder pour toi ? Je crois qu’il serait temps de jouer la carte de l’honnêteté, tu crois pas ? » Et sans vraiment le vouloir, son ton s’était fait plus mordant encore. Au fond, il espérait que ce ne soit qu’un mauvais rêve dont il allait se réveiller très vite.
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Et ça finissait en dispute... Moi qui avait tenté d'être le plus rassurant possible. Je m'étais empressé de lui dire que je ne comptais pas l'épouser. Je ne pouvais pas faire ça. Je n'en avais aucune envie. Je n'aimais pas les femmes. Je ne l'aimais pas elle. Je l'appréciais en tant que voisine mais ça s'arrêtait là. Je ne pourrais pas passer ma vie à faire semblant d'être un couple avec elle. Je ne pourrais jamais la toucher. Ce ne serait pas honnête pour elle. Elle méritait de trouver un homme qui l'aimerait vraiment et qui ne se forcerait pas pour être avec elle. Je refusais de lui faire endurer ça simplement parce que ça me permettait d'être normal pour la société.

J'avais pensé être rassurant... mais j'avais bien senti sa colère alors qu'il parlait. J'avais été clair mais il faisait semblant de ne pas comprendre. Et voilà qu'il se mettait à nouveau à m'accuser des pires horreurs, comme si j'étais capable de lui cacher des choses. Je ne lui cachais rien. Les pensées que j'avais, les envies de partir... rien n'était concret. Je ne faisais que me mettre à flipper tout seul. Peut être que mon patron ne se doutait de rien et qu'il me garderait. Il accepterait peut être de me payer ma rééducation. Après tout c'était sa boite qui était responsable de ma blessure, ça serait bien la moindre des choses qu'il ne continue à payer mes traitements. Je ne lui cachais donc rien. Mais j'en prenais quand même plein la gueule.

- Je ne veux pas l'épouser. Je ne l'aime pas. Et je ne me sens pas capable de jouer la comédie toute ma vie à ses côtés juste pour avoir l'air normal. Ca ne serait pas juste pour elle non plus, d'avoir un mari qui ne ressent rien pour elle. Je ne peux pas faire semblant et je ne le veux pas. Alors je lui dirais non.

Je me retenais d'ajouter que moi au contraire de lui je n'allais pas épouser une pauvre femme en lui mentant, que je n'allais pas jouer au mari parfait qui derrière le dos de son épouse allait la tromper avec un mec. J'avais un peu plus de scrupule. Mais ça ne servait à rien que je fasse ça, juste à alimenter un peu plus la dispute. Qu'il s'arrange tout seul avec sa conscience.

- Et je ne te cache rien. Oui il y a des moments où je me dis que je ne pourrais jamais être moi même dans ce trou perdu rempli de gens qui ne nous comprennent pas. Des moments où j'aimerais trouver des gens plus ouverts qui nous acceptent comme on est. Mais j'ai mon boulot ici, toi ta famille alors j'oublie tout ça.

Je me retournais vers lui le fusillant du regard.

- Voilà... tu connais tous mes odieux secrets. Je t'avais juste caché la demande pour ne pas te faire souffrir et éviter qu'on se dispute. Mais je n'ai jamais envisagé un seul instant d'épouser cette femme!!

Nate se serait bien passé d’une autre dispute. Vraiment. Ça faisait juste beaucoup à gober d’un coup. Son départ demain, la fin d’un mois qu’il avait passé en continu avec Matt, sa vie de famille catastrophique… et ça maintenant ? Une demande en mariage ? il y avait de quoi être chamboulé. Matt avait beau lui dire mot pour mot qu’il ne l’épouserait et qu’il ne l’aimait pas, ça ne parvenait pas à calmer l’inquiétude qu’il ressentait au plus profond de lui. Et puis est-ce qu’il rêvait ou est-ce que Matt venait de décrire précisément sa situation personnelle ? Evidemment qu’il le faisait, évidemment qu’il était au dessus de tout ça, lui. Il avait serré le volant entre ses doigts. Il avait beau faire appel à tout le sang froid dont il était capable de faire preuve, il ne parvenait pas à redescendre. Il avait envie de fermer les yeux, d’oublier tout ça. Seulement il avait une voiture à amener à bon port et ce n’était pas le moment donc de se permettre une telle introspection. « C’est bien le problème que tu me l’aies caché, Matt… C’est bien le problème. Si tu me l’avais dit, on aurait peut-être pu en rire. Peut-être. Je l’ai appris de sa bouche à elle, tu vois. Comment tu veux que je le prenne bien ? J’aurais jamais su sinon. » Doucement, l’idée qu’il n’ait aucune envie d’épouser cette femme -ni aucune autre- faisait son bout de chemin dans son esprit. Il le croyait. « Et puis de quoi tu parles au juste ? Des gens plus ouverts ? Ça te vient d’où cette idée ? Depuis quand t’as besoin des autres ? » Ça faisait beaucoup de questions d’un coup et Nate commençait à s’en vouloir de réagir aussi mal. Il soupira en assénant un petit coup dans le volant. Avec un peu de chance, ça l’aiderait à se calmer. Ou pas.
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- Bien sur que non tu n'en aurais pas ri!!!

Je le connaissais. Je savais très bien qu'il n'aurait pas ri. Il l'aurait mal pris. Il venait de rentrer d'un week end avec sa famille et j'avais très bien qu'il allait mal. Moi même je n'étais pas bien à ce moment là. J'étais épuisé et j'avais terriblement mal. Ce n'était pas le moment de parler de ça et je ne voyais même pas comment on aurait pu en rire. J'avais bien vu l'ombre de la jalousie passer sur son visage la première fois que je lui avais parlé de ma voisine. Il se retenait à chaque fois que j'en parlais mais je voyais bien qu'il n'aimait pas que je parlais d'elle, de savoir qu'il y avait une femme aussi proche de moi. Alors que se serait il passé si je lui avais dit qu'elle voulait m'épouser? Ca aurait fini en dispute également.

La solution ça avait été de ne pas en parler. Ce n'était pas comme si il avait eu besoin de le savoir. Ca n'allait rien changer à sa vie vu que je ne comptais pas l'épouser. Il n'y avait rien entre elle et moi et il n'y aurait jamais rien. Pas de quoi en faire une discussion.

- Il n'y avait rien à dire. Elle m'a demandé ça mais je ne comptais pas l'épouser. Je ne voulais pas t'embêter ou te faire souffrir avec ça. Tu as déjà assez de soucis comme ça sans que je rajoute une demande en mariage à la con par dessus. Surtout que je n'ai jamais envisagé un instant de l'épouser.

Je soupirais à la suite de son discours, haussant vaguement les épaules.

- J'y pense des fois, dans des moments comme ce soir. Quand on se balade dans la fête. Je me dis que j'aimerais bien être avec des gens comme nous, ou du moins des gens qui nous comprennent. Ca ne t'arrive jamais à toi? De pouvoir être toi même sans avoir peur d'être jugé?