J'ai 24 ans et je vis où je peux, dans l'Anuire. Dans la vie, je suis fille aînée d'Aymeric Mosse Gawen de Lanasthël, Roi d'Anuire décédé d'une crise cardiaque et je m'en sors bannie du Royaume puisque j'ai convoité le trône.
Valla (Diablo) (c) Kyrie
Elle pénétra une tente dans laquelle une étouffante chaleur régnait. Le feu était particulièrement riche et l'espace restreint, une large écuelle d'eau était presque posée à son contact et libérait une épaisseur humide à en faire fondre les bronches. Une odeur de médecine, comme d'un bouquet floral éthéré, imprégnait chaque peau de l'environnement. Sur une couche bien plus nourrie que celle sur laquelle Mélampe avait dormi, épaisse de fournis rembourrages et vomissant par endroits des plumes de faisan, un vieillard paraissait aussi endormi qu'éveillé. Ses yeux vitreux s'ouvraient entre les plis parcheminant son visage, mais il ne donnait aucun signe de conscience, pas plus qu'il n'eut de réaction à l'arrivée de l'héritière. Quand elle eut finit de s'habituer au changement d'hygrométrie et au voile de vapeurs, elle prit avec hésitation la parole.
"... vous êtes Ulwazi ? - Non !"
Ce n'était manifestement pas la réponse du vieil endormi, mais celle d'une voix plus jeune et vive venue de derrière la princesse. Un Palan, qui pouvait avoir son âge, venait d'entrer dans la tente avec un baquet de viandes et baies et s'installa au chevet du vieillard. Il entama de déchirer la chair avec deux pics en os, son regard lumineux pointant au-delà des brumes et plissé d'un sourire enthousiaste.
"C'est moi Ulwazi, annonça-t-il. Ca c'est mon grand père, Lakos. Tout le monde l'appelle doyen." Puis, très rassurant en la voyant incertaine. "Tu es la nouvelle, n'est-ce pas ? Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ?" Il haussa une fraction de seconde son sourire vers elle mais demeurait concentré sur son ouvrage qu'il poursuivait maintenant au pilon. Il émanait de lui une douceur, des airs irréels parmi les odeurs médicamenteuses, comme si l'angoisse de la tribu lui glissait dessus avec philosophie. Mélampe reprit un peu de contenance face à sa bienveillance.
"En fait, Paruka m'envoie te voir. Apparemment, je fais office remplaçante jusqu'à ce que Nalin se sente mieux, donc j'ai des choses à apprendre." Elle notifia sa plaisanterie d'un sourire enjoignant et fut soulagée de voir son interlocuteur surfer sur la même humeur. Il se leva pour prendre une cuiller en bois et se mit à mélanger la mixture qui, grâce aux baies, avait rendu suffisamment d'eau pour se liquéfier. "Quelle ascension fulgurante, brocarda-t-il à son tour. Regarde sous les nattes tressées."
Mélampe suivit son regard pour identifier l'endroit et s'exécuta tandis qu'Ulwazi s'était mis à nourrir le doyen - qui, de fait, ne dormait pas. La mastication était imperceptible dans sa bouche édentée, et il semblait que c'était davantage l'accumulation de cuillerées de bouillie qui poussaient les précédentes dans son oesophage, qu'une déglutition en bonne et due forme. La princesse reconnut dans ce corps en déclin celui dépendant de son frère mais détourna son attention sur ce qu'elle venait de dénicher : des dizaines de liasse de peaux réunies par de la corde. Était représentée sur la première face de l'un d'elles une chose difforme aux multiples mâchoires et des yeux dans le dos, mais l'héritière se heurta à une difficulté dès le titre.
"Il y a un problème Ulwazi. - Je t'écoute. - Je ne sais pas lire ton alphabet."
*
Après le nourrissage du doyen, le jeune homme consentit à l'accompagner dans ses lectures. Ils sortirent de la tente pour laisser au vieillard le repos qui lui était nécessaire et profiter de la lumière cristalline de la fin de matinée. Mélampe eut plus de facilités à détailler son visage, légèrement plus mate que ceux des autres Palan qu'elle avait rencontrés, quelques boucles ébènes rebondissant sur son front, et des pupilles profondément noires qui exprimaient toute la lueur qu'elles absorbaient. La finesse de son visage s'angulait légèrement à la mâchoire et aux pommettes réhaussées par un sourire entier.
"Qui a écrit tout ça ?" Plusieurs livres inégaux s'étalaient sur la natte devant laquelle ils s'étaient installés. Une bonne dizaine, aux dimensions diverses et bigarrés, montrant que leur rédaction s'étalait sur quelques années. "Moi ! répondit-il d'une candeur simple. Lakos était conteur lorsqu'il pouvait encore parler. Quand sa locution est devenue difficile, je me suis rendu compte qu'il y aurait des choses qui se perdraient si on ne les inscrivait pas quelque part."
La princesse contempla l'idée que la plupart des personnes ici ne lisaient pas, et aperçut dans le brin de nostalgie de sa voix, l'effort vain de préserver l'identité de l'homme dont la flamme s'éteignait au fil des jours. Elle n'insista pas.
"Je ne connais rien des Palan, j'ai quelques notions du bestiaire des environs mais je suis totalement ignorante sur les raksis." Il hocha la tête comme pour lui-même et ouvrit le même ouvrage que celui qui avait interpelé Mélampe dans la tente. Il lui expliqua - tour à tour de mémoire et en lui présentant les illustrations - que nul ne savait à quoi ressemblaient ces créatures "au naturel", mais qu'elles étaient capables d'agencer leur apparence comme il leur plaisait en absorbant leurs proies. Si on leur connaissait des formes humanoïdes plus ou moins monstrueuses, rien ne les exemptait de voler des morceaux de tout être organique, si bien que - et un dessin issu des souvenirs de Lakos l'exposait - certains portaient des oreilles animales ou encore des écailles. Pour une raison inconnue, ils semblaient néanmoins plus inclinés à chasser le Palan - et peut-être les haks. Probablement que l'assimilation était plus aisée. "Ces créatures nous échappent parce qu'on ne peut pas les approcher et qu'elles semblaient avoir disparu depuis longtemps. Les autres bêtes de la montagnes, nous savons y faire. La différence des raksis tient au fait qu'ils sont ... civilisés." Les similitudes avec les prystes semblaient s'épaissir, chaque horreur profitant d'atouts différents - les premières capables de ressusciter leurs guerriers, les seconds protéiformes.
"Comment ont-ils disparus ? questionna naturellement Mélampe, qui s'entretenait avec lui davantage pour trouver comment débarrasser les montagnes des bêtes que pour le folklore. - Les Manas les ont combattus et repoussés grâce à l'Alun, mais le fait est que nous ne nous sommes jamais sentis en sécurité." Ulwazi déroula une large peau sur laquelle il avait peint les silhouettes en caravane de Palans voyageurs. "Les Anciens disaient que les raksis ne cessaient jamais leur traque. Que le seul moyen de les distancer était de ne jamais s'arrêter. Alors nous avons des générations durant suivi les vents." Ce pan de leur histoire reconnectait avec ce que Mélampe en avait entendu dans ses jeunes années. "Pourquoi vous être arrêtés, alors ? - D'après mon grand-père, les Palan ont été gênés dans leurs migrations. Certaines tribus descendues des hauteurs pour suivre les zéphirs du Sud avaient été confrontées au monde des haks. Voyant ce qu'ils en faisaient ... ils ont pris peur. Ils sont remontés dans les hauteurs pour veiller sur les territoires sacrés. Ils se sont dispersés dans les altitudes, tous animés d'une volonté de garder ce qui leur était cher d'un adversaire qui, à l'époque, leur semblait pire encore que les raksis. - Je suis prête à parier qu'on n'aurait pas cherché à vous dévorer, pourtant, ironisa l'héritière. - A ce moment, les Palans qui avaient connu les raksis étaient morts ou presque, le danger devait leur paraître moins pressant que celui que représente ta race."
Les yeux de Mélampe se perdirent sur le travail d'Ulwazi. Tout se défilait en camaieus de rouge et de noir, teintures de charbon qui ne devait pas manquer au vu des multiples feux qui assuraient leur survie, et quelques décors carmins de cochenilles écrasées. "Comment faire pour les tuer ? - La viriale leur est toxique, ils en sont terrifiés, c'est pourquoi on s'assure de se terrer en des endroits où elle est plus abondante. Mais très honnêtement, je ne crois pas que ça change grand-chose. Nous ne sommes pas des guerriers, nous les Palans. Nos Manas sont fortes du blizzard mais soyons réalistes : nous n'en mènerions pas large face à un groupe de raksis suffisamment équipés pour le combat, surtout dans une caverne." Par "équipés", il entendait bien sûr agglomérés de quoi tuer. "Toutes les autres tribus ont peut-être disparu. Si ça ne tenait qu'à moi, je dirais que nous devrions marcher, quitte à se confronter aux haks. A quoi serviront nos autels une fois que tout le monde sera mort de toutes façons ?"
L'affliction se lisait enfin sur ses traits jusqu'alors rêveurs et concentrés pour l'exposé, et une anxiété passablement révoltée emplissait sa voix. Mélampe se tut parce qu'elle n'avait rien à ajouter, son regard oscillait dans les yeux d'Ulwazi qui observait avec amertume la représentation de ses ancêtres voyageant.
*
Puisque Nalin lui avait demandé de s'investir et de veiller sur la tribu, l'héritière participa aux expéditions de chasse des Palan. Récemment, les créatures étaient perturbées et la faune si déséquilibrée que les chasseurs devaient descendre bas pour abattre leur pitance. Ils ne rentraient bien souvent qu'avec des lièvres et des martres, des mets insuffisants pour résister au blizzard persistant qui fouettait la caverne autant qu'il la protégeait des attaques de raksis. Plus rarement, ils remontaient avec des caprins qui leur duraient parfois deux jours - la force des Palan tenait en leur capacité à survivre dans les climats les plus hostiles, capables de préparer et digérer les carcasses jusqu'au cartilage. Conformément au protocole instauré par la chamane, ils restèrent groupés.
Une équipe s'attelait au relevé des collets tandis que l'autre partait en traque d'un plus gros gibier, et Mélampe fit partie du second groupe qui se dispersait moins - elle était la plus à risque d'être imitée par un raksi. Elle respirait mieux à mesure qu'ils quittaient le pic et le blizzard, et le froid des plateaux paraissait insulaire en comparaison des crevasses caverneuses du sommet. La végétation roide miroitait de givre, les pins comme des émeraudes dressées vers le ciel avec leurs troncs éternels. Par endroit, des arbres morts étaient grignotés par les champignons et les insectes, abrités dans les entrailles sylvestres, qu'une prochaine expédition viendrait probablement récupérer.
Mélampe se révélait être un poids pour l'équipe. Elle qui dans le monde humain chassait comme personne était bien inférieure aux Palans qui, quoique moins sauvages que leur chamane, étaient fait pour cet écosystème - flair perfectionné, corps conçu pour être tapis, et une évaluation des distance plus acérée encore que celle de l'archère. Ils devaient bien souvent s'arrêter, forts de soupirs excédés par cette intruse qui déjà ne faisait pas l'unanimité, alors qu'elle s'empêtrait dans la neige jusqu'au genou. Plus droite et grande, elle pénétrait la poudreuse à chaque pas où les Palan semblaient glisser sur elle.
Au détour d'un sous-bois, le pistage d'empreinte devint néanmoins la source de toute l'attention. Dans la neige fraîchement tombée se trouvaient les traces manifestes de bottes qui galvanisèrent la troupe.
"Il faut rentrer, ou remonter. On ne peut pas rester là, s'angoissa l'un des chasseurs. - C'est largement plus grand que nos pas. Soit c'est un hak, soit ... réfléchit un second. - ... soit c'est un raksi ! Allons-nous en !"
Mélampe demeurait dubitative. Si les raksis étaient capables de se changer en hommes, ils étaient probablement assez futés pour voler leurs vêtements d'où la trace de semelle et non de pied, mais un doute persistait en elle depuis son arrivée. Ne pas avoir vu le cadavre de Malvo, quoique ses chances de survie étaient maigres, la rendait volontiers paranoïaque. Elle s'imaginait tomber sur lui mort ou vif au détour d'un sapin ou le voir ramené comme elle l'avait été entre deux eaux au camp. Au-delà de l'amitié qu'elle lui portait se nichait en lui la perspective d'avoir un conseiller informé et béni lors des futurs affrontements face aux créatures du chaos. Il était essentiel à la réussite du coup d'état et aux difficultés qui pointaient et si la princesse ne doutait pas de sa propre pertinence sur le trône, elle savait cela être tâche plus aisée avec Malvo auprès d'elle.
Ainsi, de voir les marques de semelles de bottes disséminées dans la neige fraîche lui donnait autant d'espoir de le savoir en vie que de tomber sur un raksi prenant sa forme. Elle hésita. Il était hors de question de risquer la survie du groupe en suivant ces marques, mais il était tout aussi exclus de laisser la question en suspend.
"On devrait rejoindre l'équipe des collets et tous remonter, trancha un troisième chasseur."
Chacun acquiesça et se mit en route. L'héritière les rejoint un fraction de seconde plus tard, après avoir pris le temps de graver au couteau la silhouette simplifiée d'une couronne. L'espoir lui était qu'il sache qu'elle était en vie, sans donner d'indication à de potentielles menaces de sa position.
*
Trois jours s'étaient écoulés depuis que Mélampe était dans la tribu et Nalin en convalescence. Elle avait rejoint d'autres expéditions dans l'expectative de retrouver un signe de vie de Malvo, en vain. Elle avait constaté à quelle vitesse la situation des Palans se précarisait et y reconnaissait la descente vertigineuse de son propre royaume. En l'absence de nouvelles manifestations de raksis, elle envisageait de livrer la tribu à son sort et de poursuivre sa propre quête pour laquelle elle prenait déjà du retard. Plutôt que de réfléchir à endiguer la menace, elle se planchait secrètement sur les solutions qu'elle pourrait proposer à Holt pour leur éviter de se faire avoir par les métamorphes - se déplacer en possession de viriale qu'elle avait appris à reconnaître et cueillir, imaginer un signe reconnaissable comme un mot de passe, voire changer d'itinéraire. En parallèle, la princesse surveillait Killik qui, taciturne, suscitait la sympathie de ses pairs mais peu leur compagnie. Il sortait parfois dans le blizzard aux heures les plus froides et on disait qu'il était appelé par les fantômes des siens pour les retrouver. Chaque fois qu'il revenait, on lui faisait goûter la viriale, et il validait son droit de passage. Mélampe le voyait malgré tout d'un très mauvais oeil, mais pouvait assez peu le lui reprocher, envisageant elle-même de tous les laisser sur le carreau. Elle était si convaincue qu'il n'était que question de temps pour les Palans qu'elle décida de se désintéresser des fomentations du boucher.
Au petit matin, une équipe de chasseurs fit pourtant une découverte qui changerait le fatalisme de Mélampe. Une découverte telle que Nalin en fut immédiatement mise au courant, alors que les nouvelles s'échangeaient plutôt à son secret et par le filtre de Mina afin que l'adolescente ne s'inquiète pas trop. Lorsqu'elle arriva dans la tente avec le descriptif de Malvo, la princesse s'anima d'une hâte anxieuse.
"Oui, exactement, acquiesca-t-elle. Dis-moi que vous l'avez retrouvé."
Mort ou vif, le deuil lui était plus évident que l'inconnu.
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Houmous
Mar 18 Oct - 22:00
Malvo
J'ai 39 ans et je vis en Anuire. Dans la vie, je suis au service de la Flamme et je m'en sors bien. Je suis un protecteur qui trouve du sens.
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Malvo constata la chute du saint fort de ses propres yeux. Il put voir aussi les miliciens de l’Ordre et les paladins qui les dirigeaient tomber dans un abîme vorace et insatiable. Les chevaux et les pans de mur d’enceinte ne valaient pas mieux… Il ne savait où cela mènerait mais lui-même avait la sensation qu’il les y rejoindrait tout aussi vite. Les ténèbres s’emparaient du monde dans ce dont il était témoin et cette vision avait quelque chose de terrifiant. Il fallait également qu’il s’avoue que la peur avait encore emprise sur lui, ce qui n’était plus exactement une évidence à ses yeux. Les années de guerre et la lutte contre les monstres qui sortaient de l’éther mystérieux l’avaient rendu insensible à bien des images et idées. Pourtant, il avait la sensation que cela viendrait à changer du tout au tout. Il y avait quelque chose dans ces visions de destruction qui s’emparait de lui à un niveau qu’il n’avait pas réellement soupçonné. Peut-être se voyait-il comme l’une des pierres civilisatrices de ces remparts ? Froid, solide et part d’un grand tout, il s’y comparait aisément et voyait à quel point la chute de l’une pouvait entrainer toutes les autres avec une certaine déconcertation.
Il ne s’avouait pas vaincu. Il avait été un membre éminent et savait qu’il avait la force et la sagesse nécessaire à tout rebâtir même s’il venait à être seul. Et encore, il n’était pas seul car il avait encore Mélampe à ses côtés pour l’aider à tout reconsolider, même en partant de zéro. Son regard ne pouvait se déplacer pour balayer ses alentours et une nouvelle crainte établit son empire sur son cœur. Etait-il réellement seul désormais ? Il ne sentait plus la présence de l’héritière et ne comprit pas d’où venait cette intime conviction que plus personne n’était là. Les images se déformaient sous ses yeux et il réalisa que ce n’était pas le monde qui était en train de sombrer dans une vaste crevasse mais bien lui. Ses yeux n’y voyaient pas clair et pourtant, il réalisait graduellement la situation dans laquelle il se trouvait. Le choc lourd sur ses épaules confirma ses craintes puis les chutes innombrables de matériaux autour de lui. Ramenant son seul bras valide contre lui pour se protéger le visage, ce réflexe lui sauva la vie. Une brique de construction rebondit mollement sur son poignet, le frappant au nez.
Après ce qui semblât une éternité, ses yeux se rouvrirent. Il n’avait pas le souvenir de les avoir fermés. Son visage était étrangement engourdi aussi et l’un de ses yeux ne percevait aucune lumière contrairement à l’autre. Un examen attentif lui apprit qu’il était bloqué dans une position à demi allongée et que son nez avait pas mal saigné déjà. Il n’entendait pas le vent et ne percevait que peu de lumière ce qui le fit réaliser qu’il avait dû tomber dans une faille. Comment cela était-il possible ? Il l’ignorait et se résolut à d’abord trouver le moyen de se décoincer avant de procéder à un examen plus complet de la chose. En secouant un peu les épaules, il put se dépêtrer d’un peu de poudreuse et de débris. Ses yeux trouvaient un peu plus à observer dans cette position. Autour de lui, des choses et d’autres avaient trouvé place et s’étaient installées patiemment en attendant son réveil. Miraculeusement, il ne semblait pas plus s’être blessé que par les contusions dues à la chute et à la pierre qui lui était tombé dessus. Ses orteils, bien que pénétrés par le froid, avaient encore un attrait certain pour leurs mouvements habituels.
Son esprit était embrumé par tant de temps passé dans l’étreinte glaciale de la montagne. Malvo était tenté de se reposer pour reprendre des forces avant d’achever de se libérer des glaces mais il savait aussi que son esprit lui jouait des tours en lui présentant ce genre de désirs. S’il venait à s’endormir, il ne se réveillerait pas et s’il cessait de gigoter, il n’était pas sûr d’être capable de recommencer. L’engourdissement le menaçait de subrepticement lui ôter les dernières forces qui lui restaient. Il serra lentement le poing, constatant que l’infiltration des neiges dans son gant avait eu des conséquences désastreuses pour lui. Il n’avait que peu de mobilité et encore moins la capacité de sentir quoi que ce soit. S’il avait été en pleine possession des moyens, il aurait pu remarquer que plusieurs os de son poignet étaient déjà fragilisés. Il aurait compris que plutôt que de tenter de forcer, il aurait bien fait d’essayer de glisser dans la neige. Il aurait su que plutôt que de tenter d’imposer sa volonté aux éléments, il aurait été avantageux de se lancer dans une patiente et langoureuse danse avec sa roide geôlière.
Les larmes lui montaient aux yeux alors qu’il était presque libre. Sa main s’était murée dans une sourde douleur qui attendait son heure. Mais maintenant qu’il était presque libre, il avait la certitude que cette heure surviendrait. Il observa ses jambes et remarqua qu’une planche de charpente était tombée à proximité pour glisser sur lui par la suite. En se remuant frénétiquement, il acheva son évasion. Simplement s’appuyer sur lui pour se relever dans son inconfortable enchainement de couches de vêtements prouvait ses craintes sur la douleur qui s’était saisie de sa main. Avec le lever du soleil, la scène se dévoilait, plus irréelle que ce qu’il avait cru percevoir jusqu’ici. S’il avait pu s’attarder sur cet enfer de restes du refuge qui avait failli ne pas lui laisser la vie sauve, il aurait remarqué surtout cette superposition entre la bâtisse et le gel incontrôlable qui régnait sur la région qui se faisait à grande vitesse.
La progression était parfois peu aisée dans ce goulet d’étranglement mais étrangement, cela n’était pas désagréable. Le paradoxe d’être entouré de glace et de s’y sentir plus au chaud que sur les plaines battues par les vents se fit sentir à mesure qu’il avançait. Loin de s’en amuser, Malvo était plutôt focalisé sur le fait de trouver quelque chose pour se réchauffer. L’idéal aurait été de pouvoir faire un feu, la perfection aurait été de retrouver son épée égarée dans la chute.Aussi étrange que cela puisse paraitre, les différents effets provenant du relais de montagne s’étaient éparpillés sur une longue distance autour de lui. Il retrouva, côte à côte, une partie d’un cheval à côté de la vieille casserole en fonte dans laquelle ils avaient cuisiné les lapins de Mélampe. Il parut que la bête avait eu moins de chance que lui. Elle avait été arrachée en deux par une plaque de tuiles arrachées par l’avalanche. Malvo n’avait pas le temps de s’y attarder. Il préleva quelques morceaux qu’il pourrait emmener avec lui et cuire à un moment ou un autre s’il avait de quoi faire un feu.
Son voyage troglodyte ne cessa pas de sitôt. Malvo finit par retrouver son arme piégée dans un peu de glace et dut bricoler une torche pour réussir à l’en décoincer. Le bois ne manquait pas, à vrai dire, mais en avoir du suffisamment sec pour déclencher un feu s’avéra plus complexe qu’il ne l’avait escompté. Heureusement, une boite à amadous qu’il avait préparé pour le trajet servit son usage. De mémoire, Malvo ne se souvenait pas d’un feu qui soit plus agréable que celui-ci. Même si la glace fondait graduellement et que l’assise sur laquelle il s’était posté était de plus en plus glissante, il s’y sentit particulièrement bien. Dans cette attente, il avait toute la largeur nécessaire pour repenser à des choses et d’autres. La vision du cheval se superposait, malgré ses meilleurs efforts, à une vision de Mélampe. Défaite par la violence de la tempête et des éléments, son chemin se terminait ici-bas, sans espoir de connaitre son véritable terme. Quelques chapitres trop tôt, elle succombait sans avoir mis la main sur le trône et sa vengeance…
Lorsqu’enfin la glace commença à craquer, il put lui reprendre des mains l’épée. Sans elle, il n’était nullement question de secourir l’héritière et moins encore de survivre à cette nouvelle épreuve. Malvo avait conscience et acceptait pleinement le fait que sa vie ne tienne qu’au fil de cette lame. Il poussa un léger soupir de soulagement en la posant sur son épaule et reprit sa route, pareil à toujours. Les lumières du jour s’offraient rapidement à lui et, avec elles, la liberté de pouvoir reprendre sa route sous des cieux plus propices. L’éblouissement de se trouver enfin au dehors rappelait une seconde naissance… Baigné à nouveau dans la lumière de la Flamme, il ne put s’empêcher de sourire légèrement.
Les choses s’entrainèrent les unes les autres rapidement comme elles le font toujours dans les régions montagneuses. Un signe, une main tendue, comme sortis de nulle part et présents depuis toujours. Sous le regard implacable des ancêtres, il observa cette silhouette encapuchonnée lui montrer une nuée de glace. Il ne savait d’où ceux-là sortaient ni s’ils étaient amis ou non, mais il remarqua l’impassibilité de la posture de l’homme. Il n’aimait pas cela, mais Malvo n’avait le choix. Il brandit son arme avec la ferme intention de s’en servir si l’homme ne stoppait pas la chose qui rampait sous la neige. Le plus dur était pour lui l’attente. A la distance qui les séparaient, il savait que la chose ne fondrait sur lui qu’après une bonne minute et qu’il ne devait pas s’impatienter. Perdre patience aurait été la pire chose : c’est ce qui lui avait coûté la vie à Valanne. Perdre sa concentration aurait un prix tout aussi élevé : il perdait des alliés chaque fois qu’il ne faisait pas preuve de la plus grande minutie. Alors, il attendit avec son arme sur l’épaule et une posture de combat alors que le temps se diluait dans un duel qui se conclurait en une seule frappe. Il n’y aurait pas de mêlée, de cris de rage ou de déchainement de violence, il n’y aurait que la victoire et la mort de l’un d’entre eux.
Lorsqu’enfin la neige sous ses pieds se mit à trembler, il savait que le temps était venu. Alors, il ferma les yeux pour pouvoir se jouer de cet adversaire invisible. Et au moment où le sol vibra une dernière fois, il abattit son bras d’une vengeance implacable. Le coup porté, il resta un long instant en silence et immobile pour apprécier de la qualité de son geste. Il avait senti son arme rencontrer la chair mais dans une mesure qu’il ne connaissait pas. Le corps qu’il avait entaillé, il aurait du le trancher et son arme aurait dû en ressortir presque propre. Au lieu de ça, il était là, face à une créature agonisante, le corps à demi sectionné et respirant à grand peine. Son arme n’avait cessé sa folle ondulation, frémissant encore et toujours de ne pas avoir vaincu comme il l’avait entendu. Pour réparer l’erreur et la clore, il approcha et frappa à plusieurs reprises la faiblesse qu’il avait créé, jusqu’à faire d’une chose deux. Son ouvrage fini, il releva le regard pour découvrir une plaine désertée et l’absence du mystérieux guide de la créature. Il soupira à nouveau et prit le temps d’observer ses alentours pour continuer à marcher dans les congères avec le feint espoir de tomber par le plus grand des hasards sur celle qu’il avait juré de protégé.
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Jo'
Ven 21 Oct - 12:19
Mélampe Hildegarde Gertrud de Lanasthël
J'ai 24 ans et je vis où je peux, dans l'Anuire. Dans la vie, je suis fille aînée d'Aymeric Mosse Gawen de Lanasthël, Roi d'Anuire décédé d'une crise cardiaque et je m'en sors bannie du Royaume puisque j'ai convoité le trône.
Valla (Diablo) (c) Kyrie
Dans le secret de la tente de Nalin fut présenté à Mélampe le charnier qui avait été retrouvé. Devant son incompréhension, on la renseigna sur ce qu'elle était en train de voir : une partie découpée d'un raksi difforme. Dans la peau pointaient chaotiquement des globes oculaires, des fibres musculaires et autres caillot de sang, et l'héritière comprit alors que si on l'avait questionnée sur son ami, ce n'était pas parce qu'on avait découvert ses restes, mais ceux de sa victime. Nul doute qu'un homme qui parvint à abattre une telle ignominie devait être un soldat de renom. Dès lors, la princesse regretta de n'avoir pas suivi les traces de ses pas durant la chasse de la veille.
Mais elle pouvait faire autrement désormais. Il fallait qu'elle le retrouve. Au-delà de sa survie, sa quête portait sur la certitude, celle qu'il soit ou ne soit plus. La carcasse du raksi posait plus de questions qu'elle n'apportait de réponses et Mélampe ne supportait plus de manquer de contrôle.
Elle fit volte face et s'en retourna à la tente de Paruka afin de préparer des affaires d'excursion - Nalin, qui avait deviné ses intentions, tenta de l'en dissuader mais se trouva prisonnière de sa santé et dû s'astreindre à sa couche ; Mina s'en rendit comme souvent porte-parole et poursuivit l'héritière pour la raisonner. Au-delà de la survie de la jeune femme, il s'agissait de ne pas risquer la vie des Palans en attirant un raksi chez eux ou en laissant connaître leur position. "Fais-toi accompagner, au moins, finit-elle par implorer."
La princesse faillit en rire. L'autarcie de la malade et sa bienfaitrice était si épaisse qu'elles étaient ignorantes au climat toujours tendu entre la hak et les palans. En dehors des quelques bonnes âmes franches qui l'accueillaient plus volontiers, Mélampe rencontrait surtout un décalage culturel, physique et politique. Le fait qu'elle ait été choisie, l'étrangère, pour veiller sur le fonctionnement de la tribu avait rendu ses membres d'autant plus hostiles à sa présence. Et les commentaires désobligeants sur son inefficacité à évoluer dans le climat neigeux n'arrangeaient rien. Globalement, hormis quelques caractères atypiques, le village se passait d'elle ou s'en méfiait. Un rictus moqueur arqua ses lèvres. "Dis-moi Mina, qui dois-je emmener ? Qui serait prêt ici à risquer sa vie dans une excursion pour chercher un homme qui n'est pas des leurs ? Un second hak, qui plus est, qui aurait survécu à l'Alun ?" Sortir pour chercher de quoi substanter la tribu était une chose, mais poursuivre les chimères d'un potentiel ennemi probablement mort, il fallait être réaliste : personne n'était près à se sacrifier. Personne ?
"Moi, je viendrai." Attiré par l'agitation, Ulwazi décida d'intervenir, tout sourire. "Je ne servirai à rien si on se fait attaquer mais au moins je sais rentrer de la montagne." Mina ne pouvait plus objecter grand chose et Mélampe se satisfit de cet acolyte comme caution.
*
Il marchait d'abord cinq bons mètres devant elle puis, voyant qu'elle s'enterrait presque dans la neige, il ralentit le pas. Le vent était bas et discret ce jour leur permettant de parler, ce qu'ils firent tant qu'ils avaient une vue dégagée sur les environs. Par la suite, dans les noeuds forestiers coulant les menaces, il leur faudrait se taire.
"Alors, à quoi ressemble notre rescapé ? - Il a une longue barbe et des cheveux sombres, un bras en moins, et il est plutôt grand. - Tu veux dire, plus que toi ?"
Mélampe se fendit d'un éclat de rire aussi surpris qu'amusé. L'absurdité de la question dans la comparaison des gabarits du paladin et de la princesse dévoilait la méconnaissance des palans sur les humains, mais elle ne s'en moquait pas pour ainsi dire - elle riait de l'idée qu'on puisse l'estimer comme une référence de grande stature. Le jeune homme le comprit de bonne foi et se gaussa de lui-même avec elle.
"Mélampe ? - Mh ? - J'ai un millier de questions sur ton monde."
L'héritière manqua de s'illustrer en glissant sur du givre, quant à Ulwazi, il avait abandonné de sa candeur à des airs plus contemplatifs. Elle y perçut des projections qu'elle aurait elle-même entrepris à sa place. Auprès de la bienveillance brute de Paruka et des médisances de ses collègues de chasse, la princesse avait compris que le jeune homme évoluait en décalage avec le reste du groupe : le dos toujours courbé sur sa peinture, opposé à la sédentarité et par extension aux décisions de Nalin qui portait en elle tout un sacre, peu capable de confectionner des armes ou de chercher pitance, et un caractère guilleret et solitaire aux antipodes de codes de communication et d'interdépendance des Palan Palan. Il s'en retrouvait plus proche des ancêtres nomades qu'il idéalisait que des pairs qui vivaient avec lui. Ayant encore eu l'occasion d'échanger ces trois jours sur la civilisation Palan, il apparaissait à Mélampe que seuls la terreur de l'inconnu et le besoin de veiller sur son aïeul le retenaient dans les hauteurs. Pour l'heure, il s'était montré sur la réserve quant aux questions qu'il posait sur les bas-reliefs, qui se résumaient surtout à des histoires de paysages et animaux, et la jeune femme appréhendait qu'il cherche à politiser ses investigations. Le fait d'être enfin isolés, ou la réalisation auprès d'elle que les haks n'étaient pas (tous, du moins) ces dangers qu'on prétendait qu'ils soient, l'avaient probablement incité à s'ouvrir davantage sur ses perspectives d'avenir.
"Pose toujours, invita-t-elle s'agrippant à des buissons robustes qui tenaient nus dans la neige. - A quoi ressemble la vie des haks ? Leur environnement ? - Eh bien, ma vie ne ressemble pas à celle des autres haks. En fait les humains vivent tous très différemment. Il y en a qui meurent de faim et de maladie, et d'autres qui se rendent justement malades de trop manger."
Cette observation le laissa pantois, il s'arrêta et se tourna vers elle estomaqué, puis toujours absorbé par sa réflexion, revint quelque peu sur ses pas pour l'aider à extirper son pied d'une prison neigeuse. Alors qu'elle s'agrippait à son bras tout en se déracinant, la question redoutée vint enfin de son visage soucieux.
"Mais qui es-tu et qui cherchons-nous ?"
Elle soupira et hâta son pas comme de l'espoir de prendre de la distance avec lui, mais il ne lâchait rien et la héla plusieurs fois en vain. Il n'obtint de réponse qu'après un rappel de bienséance. "Je risque ma vie avec toi dehors, j'ai le droit de savoir !" Elle s'impatienta parce qu'elle l'appréciait et détestais renier cette identité pour laquelle même elle avait été déchue. Si elle avait pu faire preuve d'un semblant de légèreté depuis leur départ, elle ne se détachait pas de l'ombre qui s'appesantissait sur elle et que la tournure de la conversation invoquait. Malvo était-il vivant ? Allaient-ils mourir à sa recherche ? Que dira Holt de sa proposition à attaquer Faramond ? Son père était-il fier d'elle ? Que faisait-elle encore ici alors qu'elle ignorait où en étaient ses alliés de l'autre côté de la frontière ? Comment se déroulerait le passage des montagnes dans le sens retour, et possiblement avec des hommes ? Elle serra les dents, soudain obscure.
"Ecoute, si Nalin apprenait quoi que ce soit de mon identité ou des raisons de ma présence ici, elle se méfierait de moi et je ne peux pas me le permettre. On cherche mon ami, c'est tout ce que tu as besoin de savoir. Je ne t'oblige pas à rester, tu peux tout aussi bien remonter dans la montagne. Qu'on le retrouve ou pas, demain matin je partirai de toutes façons."
Elle reprit la route mais fut arrêtée par ses mots.
"Je veux venir avec toi."
Elle se retourna, miroir d'Ulwazi plus tôt, légèrement plus avancée sur la descente que lui et proprement interloquée. Qu'un Palan quitte pour la première fois en plusieurs générations ses hauteurs, même Mélampe appréhendait la dimension de cette décision qu'il justifia.
"La place de Nalin est auprès de l'Alun et du temple mais ce n'est pas la mienne. La stagnation pousse mon peuple dans le précipice et il faut bien que l'un de nous tente autre chose. Je ne sers à rien ici, c'est ma seule chance de nous venir en aide. Mais si je pars seul, j'ai peur que les haks me tuent parce que j'ai ... ce physique." Il ponctua ses mots d'une gestuelle faisant allusion à ses dents. L'héritière allait répondre sans trop anticiper le choix de ses mots lorsqu'elle fut interrompue par la main du Palan plaquée à sa bouche afin de la silencier. Elle s'accroupit à son exemple et observa dans sa direction pour voir en contrebas l'ombre d'un homme. Ils s'étaient laisser distraire et s'étaient rendus flagrants, aussi, celui qu'ils observaient se tourna vers eux.
Mélampe crut d'abord halluciner : l'ombrage de cheveux longs et d'une barbe qui le couronnaient de crinière lui étaient au moins aussi familier que sa forme amputée d'un membre et compensée par une épée sensationnelle ; elle se gonfla d'un soulagement ensoleillé en le reconnaissant avant de se rappeler les stratagèmes des raksis.
Puisque les deux jeunes gens étaient repérés, ils décidèrent de se relever et d'approcher, mais l'héritière banda une flèche en direction de la tête du suspect. Il fallait s'assurer de l'identifier et elle était tendue d'une sensation étrange de le menacer tout en étant troublée de la réjouissance de le voir, si c'était lui, en vie.
"Malvo j'espère que c'est vous mais je dois poser la question. Comment s'appelle votre fille ?"
Elle savait qu'il n'en parlait que très peu et qu'un raksi déguisé en âme en peine n'aurait jamais réussi à lui arracher cette information.
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Houmous
Mer 16 Nov - 13:14
Malvo
J'ai 39 ans et je vis en Anuire. Dans la vie, je suis au service de la Flamme et je m'en sors bien. Je suis un protecteur qui trouve du sens.
copyright: aenaluck
Malvo continua à toiser un long moment la position d’où venait la voix de Mélampe. Avec ces créatures change-formes, il valait mieux être prudent pour éviter d’être pris en traitre. Cela dit, le fait que soit mentionnée sa fille l’inquiétait un peu. Et surtout, ça le frappait en plein cœur. Il ne se souvenait même pas l’avoir mentionnée. Elle n’avait jamais quitté ses pensées mais jamais elle n’avait passé le seuil de ses lèvres, de peur qu’elle n’en disparaisse à jamais. Certes, il y avait eu l’incident avec Titus mais il l’avait empêché de prononcer le nom… A sa connaissance, Mélampe n’avait pas connaissance du nom de Lanaël alors il s’étonnait que cela soit la chose vers laquelle elle se tourne pour vérifier son identité. Il soupira en posant la main à sa hanche pour essayer de distinguer dans l’ombre ce qu’il pouvait et vérifier avant de dire quoi que ce soit. Forcément, il n’y voyait rien à part une forme sombre et statique.
- Ma fille s’appelait Lanaël ! s’écria-t-il avec force écho, la poitrine serrée. Elle s’appelait Lanaël mais j’aimais l’appeler Lana…
Sans attendre qu’on l’y invite, il se contenta alors d’avancer dans l’ombre pour découvrir ce qui se cachait à son regard. S’il s’avérait que ce n’était pas Mélampe qui l’attendait là, il prendrait son arme et se débrouillerait pour réparer la méprise et l’injure au plus vite. Mais malgré l’étrangeté de la situation, il n’arrivait pas à s’ôter l’espoir stupide que Mélampe l’attende réellement en haut de la corniche glacée. Quand il parvint à remonter un peu la pente, en enfonçant ses lourdes bottes dans la neige, il remarqua que c’était bien sa protégée qui lui faisait face. Il ne put s’empêcher de ressentir une surprise absolue malgré qu’il se soit persuadé du début qu’elle survivrait très bien de son côté. Cela dit, les quelques derniers jours n’avaient pas dû être cléments avec elle. Elle ne portait pas les mêmes vêtements que ceux dans lesquels il l’avait vue pour la dernière fois, dans le relais, et son équipement semblait réduit à peau de chagrin. Loin de se soucier de quoi que ce soit d’autre, il avança jusqu’à sa hauteur pour la prendre à son bras et la plaquer contre sa poitrine. Malgré tout ce qu’il aurait pu prétendre, la peur qu’elle ait quitté cette terre le hantait. Qu’aurait-il fait si elle n’avait pas été là, dans ces montagnes, à l’attendre ? Comment aurait-il pu continuer à avancer en sachant que les fils du destin avaient été défaits et que la marche du monde était maintenant brisée ? Heureusement, il n’en était rien et il en était heureux. Il se rendit finalement compte que ses gros doigts pleins d’engelures grattaient la nuque de la jeune femme de manière importune alors il cessa et parut faire comme si de rien n’était.
- J’ai installé mon campement dans une grotte proche d’ici. Allons-y pour nous raconter nos périples respectifs, suggéra-t-il. J’ai l’étrange impression d’être observé et suivi depuis un moment déjà…
Malgré son grand sourire aux lèvres, il prit le temps d’observer les alentours du mieux qu’il pouvait pour simplement remarquer les silhouettes des arbres danser dans la brise hivernale. Du haut de sa stature de paladin, il n’avait même pas encore remarqué la présence du palan qui accompagnait Mélampe. Bientôt, elle lui présenta la chose sous le nom d’Ulwazi et en tant que membre du peuple Palan. Malvo était fort surpris que d’autres choses civilisées puissent encore subsister dans ces froides chaines de montagnes. Mais si Mélampe était prête à jurer de son nom que le petit Ulwazi ne tenterait rien de stupide, il était prêt à y croire lui-même. C’était tout de même fascinant : le Palan faisait peut-être moins de la moitié de sa taille et physiquement, on reconnaissait tout de même une ascendance commune aux deux peuples. On voyait ça et là un trait qu’il pouvait réussir à identifier comme humain. C’était d’ailleurs l’une des meilleures raisons de faire preuve de confiance car jamais les monstres ne parvenaient à se camoufler aussi bien. Il subsistait toujours quelques preuves de leur étrangeté… Bien que le petit Palan soit tout poilu et un peu plus animal qu’homme, il fallait avouer que ses réactions, ses regards, n’évoquaient pas une bestialité animale.
Dans les landes enneigées, la solitude ne semblait plus tant imposante qu’elle ne l’avait été. Lorsqu’il était seul, il avait aussi l’impression que l’air était plus frais et moins supportable. Et pourtant, il n’avait pas autant envie que maintenant de prendre du repos. C’était donc ça d’avoir à nouveau quelqu’un sur qui compter et à protéger ? Il retrouvait les sensations qui faisaient de lui ce qu’il était jadis. Il retrouvait la force et la faiblesse de son rôle de protecteur des faibles, ce qui faisait de lui ce qu’il était.
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Jo'
Mar 22 Nov - 18:15
Mélampe Hildegarde Gertrud de Lanasthël
J'ai 24 ans et je vis où je peux, dans l'Anuire. Dans la vie, je suis fille aînée d'Aymeric Mosse Gawen de Lanasthël, Roi d'Anuire décédé d'une crise cardiaque et je m'en sors bannie du Royaume puisque j'ai convoité le trône.
Valla (Diablo) (c) Kyrie
C'était une évidence à s'y refuser des quatre fers : quoique Malvo eût répondu à la question, quoiqu'il eût décidé de faire, fût-ce de les charger, quoiqu'il fût lui-même, un raksi ou toute autre chose encore, Mélampe n'aurait jamais pu décocher cette flèche. Elle aurait pénétré sans ennui son oeil, se serait lovée sans trop de douleur dans sa tête pour l'abattre, et la menace aurait disparu. Mais il lui était physiquement impossible de lâcher la corde qui mettrait fin à ce qu'elle prenait, à tort ou à raison, pour lui. Elle aurait pu se rassurer - "Il a répondu correctement, tu savais bien que c'était lui." - mais elle sentait tout en relief la silhouette de sa faiblesse à faire ce qu'il faut et se trouva pour la première fois de son existence illégitime au trône, puisqu'elle avait faillit au sermon d'insensibilité de son père. Malvo avait initié en elle un sentiment qu'elle ne savait pas dompter et pour cause, elle ne savait pas même le reconnaître.
"Comme c'est drôle, une odeur." Elle s'en était faite la réflexion alors qu'il la pressait contre lui, et qu'elle entendait son soulagement. "On n'a pas idée que ça rassure ainsi."
*
Le refuge de Malvo témoignait de jours difficiles et aux abois, en lisière des landes et de la taïga plus dense, dans une cavité humide dont le froid se voyait chassé par un feu hardi. Les circonvolutions de fumée s'échappaient par l'ouverture béa(n)te de la grotte pour ne pas étouffer une couche sommaire installée plus en retrait. Sur un pic, manifestement, le repas du soir.
Chacun s'échangea son périple : Malvo conta comment les crevasses neigeuses avaient accouché de sa survie et les monstres qu'il avait abattus, Mélampe, sa rencontre avec les Palans Palans et ce qu'elle savait des raksis. Tous deux convinrent qu'il était nécessaire de tirer cette affaire au clair avant de ne serais-ce que songer à demander à Holt de risquer la vie de ses hommes dans les montagnes où rôdaient des monstres dont personne ne savait rien. Mais ils étaient épuisés et grisés de leurs retrouvailles et repoussèrent quelque peu les mondanités stratégiques. Le lendemain, ils iraient rencontrer ensemble Nalin et la princesse se questionnait sur la transparence ou l'opacité qu'elle devait continuer à lui réserver ou non de sa personne.
Au dehors la nuit s'était alourdie sur les paysages les rendant tout à fait impraticables, et la neige qui absorbait les sons du jour semblait les hurler dans le silence lunaire. Le moindre craquement, fût-ce de leur propre feu, installait l'alerte entre les comparses. Chacun d'eux savait, d'expérience plus ou moins proche, la violence d'une terre défavorable aux intrus au cours d'une attaque. Mélampe se recroquevillait nerveusement près des flammes, fondue semblait-il par le froid, toute en os. La lueur contre-plongée du foyer ne faisait que la creuser davantage et tous ses empourprements peinaient à cacher la pâleur de l'héritière. Il fallait croire que la ration des Palan, demi-hommes, et les multiples expéditions dans les glaces avaient fini par l'entamer. Plus elle prenait le froid, plus elle devenait frileuse.
Ulwazi quant à lui, inaccoutumé à sortir du confort de sa tribu, s'était vu assommé par la journée de marche et s'était endormi à même le sol tel un animal. Les deux compères l'avaient couvert et avaient profité de son sommeil pour être plus confidents.
"Je suis navrée d'avoir mentionné ... enfin ... Je cherchais à vous identifier, concéda-t-elle finalement. Vous aviez prononcé son nom lorsque vous étiez convalescent, et j'étais à peu près sûre que même sous la torture, un raksi ne vous aurait pas arraché cette information."
Elle s'en voulut un peu de parler de sa fille en des termes si militaires et de la réduire à un outil de différenciation. Que dit le prénom d'une personne, sinon l'attente de ses parents ? Mélampe était un prénom masculin, inspiré des poètes anciens qui contaient l'histoire d'un jeune homme capable de comprendre les oiseaux, et par eux, de prédire l'avenir. Née femme et noyée d'incertitudes, elle paraissait au contraire tout à l'opposé. En ce soir particulier l'habitait le cafard de se sentir échouer. Elle n'aurait pas réussi à tuer Malvo s'il s'était avéré être un raksi, et elle ne pouvait se l'extraire de la cervelle. Que dirait son père s'il la voyait ?
Elle n'ajouta rien sur les délires comateux du paladin, l'étreinte enlarmée dont il l'avait gratifiée, les cauchemars qui semblaient l'avoir secoués, et encore moins les heures passées à laver son front et à se demander si quelqu'un le ferait en son absence, partie quérir le Sieur Warton. Elle se contenta de maîtriser sa respiration hachée de grelottements en quête d'elle-même.
*
Au lever du jour néanmoins elle s'en trouva les idées bien plus claires : ils allaient rentrer avec Malvo, elle allait exposer toute sa situation à Nalin et les implications qui en découlaient, ils règleraient ensemble le problème des raksis et dans deux jours, ou peut-être moins, ils seraient de retour sur les rails du coup d'Etat. Ils n'étaient pour l'instant pas trop retardés et les choses semblaient poindre lumineusement avec l'aube qui les éveilla. Alors qu'elle empaquetait des affaires, elle faisait l'état des lieux de son discours de persuasion auprès de l'adolescente : comment ce qui risquerait d'advenir pourrait tuer tous les Palans si elle n'accédait pas au trône, comment le peuple humain et le leur pourrait fonctionner si elle recevait leur aide et bien sûr, si elle bénéficierait de la bénédiction de l'Alun pour traverser la montagne avec des soldats. Retrouver Malvo la sortait de la paralysie d'attendre son retour et elle n'hésitait plus à bousculer les choses comme elle avait l'habitude de le faire.
Surtout, elle s'affaira à ne pas repenser à l'émotion qui avait figé ses doigts sur son arc. Ulwazi s'était levé avant eux et était parti, connaisseur du territoire et de ses monstres, faire le plein de viriale.
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Houmous
Jeu 5 Jan - 13:28
Malvo
J'ai 39 ans et je vis en Anuire. Dans la vie, je suis au service de la Flamme et je m'en sors bien. Je suis un protecteur qui trouve du sens.
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Malvo se réveilla avec Mélampe à son côté. Elle s’était assoupie contre lui, probablement en quête d’une source de chaleur. Il ne pouvait pas la blâmer avec la rigueur ordinale des éléments. Il avait fait ce qu’il avait pu, pourtant, en lui faisant le don d’une pelisse qu’il avait pu glaner sur la seule bestiole qu’il avait pris pendant son séjour. Avec son bras unique et son approche plus frontale, il n’avait pas le même talent que Mélampe pour la chasse… Il avait eu le temps de s’en rendre compte lui aussi. Il était loin d’avoir subi autant qu’elle mais il n’était pas au meilleur de sa forme pour autant. Le froid avait rongé ses chairs et avait raidi ce qu’il avait laissé de côté pour son prochain repas. La chaleur du feu était la seule chose qui pouvait le repousser et le faire patienter entre chaque morsure. Ni Malvo ni Mélampe n’étaient faits pour pouvoir fièrement faire front face à cette menace permanente. En comparaison, les petits Palans étaient bien plus adaptés. Leur pelage et leur plus petite taille les exposaient moins durement.
Mélampe se prépara promptement à reprendre la marche. Après tout, que pouvait-elle faire de plus ? Elle devait encore être à échafauder ses plans pour aller rallier leurs futurs alliés outre frontière. Malvo avait tout de même le goût de l’inachevé. Il ne savait pas se résoudre à abandonner ces peuplades solitaires à leurs glaciers et les massacres qui s’ensuivraient immanquablement. Il ne savait pourtant pas comment s’arranger de déraciner le mal qui s’emparait de la région. Durant une large partie du trajet, il s’inquiéta plus de comment aider les petits Palans que de savoir comment reprendre la route vers la cour du Roi Holt. Ulwazi retrouva leur trace au cours du lent périple qui les séparait de la congère collective des Palans palans. Encore une fois, il apporta la preuve des convictions de Malvo en donnant une large collection de baies qu’il suggéra de manger sans attendre pour reprendre des forces. C’est aussi à cette occasion que le petit homme-bête put l’entretenir de comment reconnaitre la viriale et de ses propriétés miraculeuses dans la lutte contre l’ennemi camouflé.
D’ailleurs, ces connaissances purent rapidement être mises à l’épreuve. Dans la lueur aurorale, les torches des gardes ressortaient mal. Pourtant dès que le petit groupe s’approcha suffisamment, l’évidence se fit connaitre. Un raksis était trop occupé à dépecer et débiter l’un des rares cadavres encore visibles pour remarquer leur présence. Malvo tira son arme dans un long soupir. La violence de l’image allait marquer leur petit compagnon, à n’en point douter. Il aurait aimé pouvoir éviter lui éviter cette lourde blessure… Tout ce qu’il pouvait lui offrir, c’était le réconfort d’une vengeance qu’il pouvait constater. Tout d’abord sans émotion, son épée trancha net un des appendices de la créature qui poussa un râle innommable. Avant même qu’elle n’ait l’occasion de répliquer, il enchaina avec d’autres coups plus rapides dans lesquels une juste colère s’exprimait. Lorsque Mélampe s’approcha pour le faire s’arrêter, il réalisa avoir taillé en pièce le raksis jusqu’à ce qu’il en soit peu reconnaissable. Il soupira et plancha son arme à même la glace pour essuyer son front ruisselant. Plus la guerre changeait, plus elle restait pareille à elle-même.
A l’intérieur, tout n’était que dévastation. Même si la tribu a dû pouvoir être avertie de l’attaque par les gardes de l’entrée, ils n’ont rien pu faire pour la protéger. C’était à prévoir après tout. Les différences de gabarit et de capacité offensive ne peuvent pas être compensées par des gardes mal entrainés et nourris, soupira-t-il. Des tentes s’étaient écroulées dans la panique, emplissant l’air ambiant d’une odeur de cuir brûlé. La douceur cristalline et impériale des lieux ne brillait plus que par son éclat brut, naturel et inquiétant. Malvo se tourna un peu sur lui-même en suivant du regard les mouvements de ses alliés pour découvrir les lieux de plus grande importance et s’assurer qu’aucun autre raksis ne risque d’attaquer par surprise en attendant son heure. Finalement, c’est l’inconfort culturel d’Ulwazi qui l’aura sauvé du sort réservé par les monstres des montagnes. Nouveau soupir désabusé.
Malgré toute la désolation des lieux, une lueur d’espoir existait encore. A la manière de tant d’autres, humains comme palans, la tribu s’était sacrifiée pour ce qu’elle possédait de plus précieux : sa jeunesse. Les enfants, entassés dans les recoins des antiques structures de pierre des anciens, dans le temple de la Mana, gémissaient encore de peur en entendant les mouvements du petit groupe venu à leur rescousse. Nalin, malgré ses souhaits de combattre aux côtés des siens, avait accepté de se faire le récipient de leurs espoirs. Avec la mort de tous les autres, elle était devenue la terre dans laquelle la bouture pourrait prendre. Aussi prit-elle ce devoir très au sérieux et observa-t-elle l’entrée du paladin, dissimulée tant bien que mal derrière une Mina lourdement blessée et haletante. Le gigantesque démon s’approcha lentement et elle laissa ses griffes se déployer autant que possible. Elle n’aurait le droit qu’à une unique tentative, réalisa-t-elle, alors elle utiliserait autant que possible la surprise pour l’entailler et l’aveugler. Tel était le plan…
En l’espace d’un instant, les espoirs pouvaient retourner au néant. C’est ce que Nalin réalisa alors qu’elle se fit soulever par la peau du cou. Ses griffes étaient certes tranchantes mais elle avait mal évalué la puissance du raksis gigantesque qui venait mettre à l’épreuve sa foi et sa mission. Elle réalisa en gesticulant qu’il n’avait qu’un seul bras et que cela lui avait suffi pour réduire à l’impuissance. Avec l’énergie du désespoir, les enfants vinrent lui croquer les jambes pour qu’il la lâche, oubliant leur peur pour les instincts les plus primaires mais en vain. Le monstre avait probablement déjà gagné… C’était probablement pour cela qu’il se mit à rire avec une forme de soulagement.
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Jo'
Lun 9 Jan - 17:26
Mélampe Hildegarde Gertrud de Lanasthël
J'ai 24 ans et je vis où je peux, dans l'Anuire. Dans la vie, je suis fille aînée d'Aymeric Mosse Gawen de Lanasthël, Roi d'Anuire décédé d'une crise cardiaque et je m'en sors bannie du Royaume puisque j'ai convoité le trône.
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C'était un spectacle chimérique qui témoignait de la nature du désastre : l'aurore s'était vidée de la violence mais aussi de ses cadavres - les raksis inhalent leurs morts et lorsqu'ils en ont fini, il n'en reste rien. La solitude béante du ciel du matin trouvait jumelle dans le camp dévidé des Palans, quelques volutes de feu éteint exhalaient avec indolence le souvenir de la nuit, entonné aussi par des gerbes de sang orphelines des corps qui les avaient vomies. Dans le calme mortifère, les coups d'épée de Malvo résonnaient comme autant de butoirs élevant l'horreur, faisant frémir tout le corps d'Ulwazi à chaque fréquence - notant la fébrilité du Palan, Mélampe avait invité le paladin à laisser se décomposer en paix la carcasse du monstre. Le vide du camp faisait écho à celui dans le coeur du jeune conteur, qui soudain pris d'un souffle de haste, se dépêcha en direction de la tente de son aïeul.
La princesse quant à elle se dirigea vers les tentes qu'elles avait connues ou occupées - celle de Nalin totalement affaissée en son centre, partiellement brûlée et dont l'humidité serpentant dans les crevasses du plafond de la grotte avait dû éteindre le feu. Elle appelait éparsement les noms de ses habitantes, fouillant du pied les débris sans y trouver de quoi répondre à ses inquiétudes. Elle ignorait quoi faire d'une bataille sans dépouilles - comment les honorer, comment les compter, comment les reconnaître ? Les raksis faisaient fort de ne pas seulement tuer et vaincre, mais d'annihiler le souvenir même de toute existence. Les corps n'étaient pas défigurés, ils étaient volatilisés. Il ne restait que du sang pour toute mémoire que quelqu'un avait saigné là.
Elle s'enquit ensuite de la tente de Paruka quoiqu'elle eût deviné assez bien qu'elle n'aurait pas été du genre à se tapir dans ses appartements face au danger. Celle-ci était moins abîmée, quelques piquets de sa stabilité défaits mais elle était suffisamment raide pour continuer à abriter le grattoir et le baquet à lessive, et quelques peaux encore souillées de leurs chairs témoignant de la surprise de l'assaut. Mélampe eût l'immoralité de voler à la maîtresse des lieux une pair de gants plus épaisse que les siennes et deux cylindres de fourrure à enfiler à ses mollets pour éviter au vent de s'engouffrer entre ses vêtements, ses bottes et ses chairs.
La tente du doyen était à sac, droite et fière, mais les différents onguents étaient éparpillés au sol, les racines suspendues pour être séchées effritées sur toutes les surfaces, et les productions encrées d'Ulwazi disparues. Sur le couchage en revanche dormait toujours le doyen, vaquait son esprit dans une allure de mort qui en faisait paradoxalement le plus vivant du camp. Probablement qu'à l'article du trépas, il n'aurait été que mauvais pour les raksis de s'en nourrir, et que le mal qui rongeait les cellules du vieillard leur aurait fait peur s'il venait à être bu en leur sein. Ulwazi se précipita à son chevet pour s'assurer que la carcasse de son grand-père parvenait tout de même à faire entrer et sortir de l'air, et le voyant tout à fait exempt de blessures ou coups, se rasséréna. Il essuya du front parcheminé du malade la bouillie de baies qui lui était tombé sur le crâne depuis un mortier renversé.
Lorsque Mélampe acheva ses excavations vaines des restes de tentes, elle s'en retourna finalement au temple Mana depuis lequel le rire de Malvo l'appela comme une invitation à se réjouir. Elle vit postée à l'entrée son imposante stature clairsemée de petits êtres teigneux acharnés à ses jambes, et Nalin qu'il élevait depuis la peau de la nuque et dont une terreur désespérée se lisait sur le visage, et soupira le soulagement de voir des âmes encore vivantes ici. Se faufilant par le flanc réduit d'un bras de Malvo, l'héritière se précipita au chevet de Mina dont elle aperçut la douleur dans l'obscurité des pierres. Du même temps, elle vit Malvo qui reposait la Mana et ne porta plus trop d'attention à ce qu'ils s'échangèrent.
"Mélampe, derrière toi, le raksi, ... entama la jeune femme que l'anémie privait d'autre émotion que la peur. - Où es-tu blessée ?" Mélampe parcourait son corps des mains pour y trouver la trace de sa douleur, et la palan finit par vagir comme pour lui indiquer d'où pleurait la plaie.
La princesse déchira l'étoffe épaisse de Mina à l'endroit où elle se tortillait de souffrance et constata sous les côtes qu'une large entaille avait été faite par des griffes dans les muscles. A sa bouche, un filet de sang s'échappant sous une dent tordue confirmait qu'elle avait dû être malmenée par un raksi avant que son peuple ne lui vienne en aide, au péril de sa vie. Elle remonta légèrement ses jambes pour soulager la tension sur sa plaie et tenta de la nettoyer avec de la neige. Lorsqu'elle y vit plus clair, elle constata que les berges de l'entaille n'étaient pas trop éloignées et se rasséréna un peu.
"Avec du fil de pêche, tu serais rafistolée en deux temps, souria-t-elle pour calmer Mina qui se laissait aller à la crainte désormais qu'elle trouvait un peu de réconfort."
Elle se tourna alors vers Nalin.
"Comment c'est arrivé ?"
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Houmous
Ven 24 Fév - 20:55
Mana-Nalin
J'ai 16 hivers et je suis de la tribu Palan-Palan. Dans la vie, je suis la plus jeune Mana.
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Nalin observa longuement le géant qui accompagnait Mélampe. Elle avait pensé lui faire honneur en l’accueillant et pourtant, c’était maintenant qu’elle réalisait que Mélampe devait avoir un haut statut pour être suivie d’un géant pareil. L’homme qui lui faisait face et qui la reposait lentement, puisque c’était ainsi qu’ils étaient appelés, était doté d’un physique improbable. Il était très grand sur pattes, les petits n’ayant visiblement pas pu l’escalader au-dessus du jarret pour s’attaquer à ses points faibles. Il n’avait qu’un bras mais d’une force phénoménale à voir comment elle avait été désemparée de se faire soulever sans effort. Même Mélampe, pourtant grande et pleine de ressources, ne pouvait pas démontrer une telle puissance. Elle comprit mieux les rires de la jeune femme lorsque sa force avait été remarquée et félicitée. Elle remarqua les marques de son visage et la rudesse de ses traits. Ce devait être ce que l’on appelait un guerrier dans les tribus de plus grande importance. Les petites tribus comme la sienne n’avait pas le luxe d’avoir plus que quelques chasseurs-cueilleurs mais elle avait entendu parler de la manière dont les grandes tribus réglaient leurs différends territoriaux, notamment pour les terres sacrées proches de l’Alun ou les bois de la vie. Des êtres, dont l’ensemble de l’existence se construisait autour de combats rituels et des innombrables entrainements qui les y amenaient, se chargeaient de régler ces problèmes sous le regard de l’Alun. Oui, c’était ainsi qu’il devait avoir perdu son bras : lors d’un combat d’honneur, par la volonté de ses dieux.
Malvo toisa un peu la petite chose qui lui faisait face. Elle ressemblait un peu à Ulwazi qui faisait route avec eux, mais d’une autre manière lui différait. Elle était plus poilue et moins semblable à l’égarement d’un humain dans des hauts plateaux. Quelque part, elle lui rappelait plus une sorte de petit glouton à la fourrure pâle et aux traits partiellement humains. Cela dit, malgré son animalisme, son regard dégageait quelque chose de profondément humain, à la manière des prêtres de la Flamme qui découvraient encore les Mystères. Comme Mélampe lui parla, elle devait être également douée de parole. Il était impatient de la voir expliquer quelque chose ou se défendre de cette agression mais il réalisa bientôt que la meilleure manière de lui permettre d’y venir était encore de la relâcher au milieu de sa grosse dizaine de petits louveteaux. Dès qu’elle fut libre, elle eut un mouvement de recul, se mettant entre lui et les petits qui la collaient. A voir la vitesse de ses réactions, elle devait être impressionnée et intimidée. Pourtant, elle ne laissa rien paraitre de cela dans sa manière de s’adresser aux sauveurs.
- Mmh… Merci d’être venue à notre secours, Mélampe, mais je crains que tu sois arrivée trop tard, commença-t-elle, amère envers la situation. Je vais t’aider à sauver Mina mais il faudrait que tu dises à ton géant de compagnie de ne pas attaquer mes petits.
Elle croyait sincèrement que Malvo n’était pas réellement doté de conscience et qu’il s’agissait plus d’une créature pareille à un homme sur laquelle Mélampe aurait autorité. Un monstre qui ferait ce qu’elle dirait sans y rechigner peu importe l’ennui ou l’horreur de la tâche requise. Comme il se recula un peu avec un air amusé, le doute l’assaillit. Elle cherchait dans le regard de la membre honoraire de la tribu quoi que ce soit qui pourrait la rassurer. Elle sembla y parvenir étant donné qu’elle laissa ses petits libres pour aller regarder de plus près Mina. Aussi, elle prit le temps de réfléchir avant de répondre à la question en s’acquittant de sa part des soins de Mina.
- Ils sont arrivés en pleine nuit. A ce que j’ai compris, ils avançaient en se cachant dans la neige et en remuant le corps d’un chasseur d’une autre tribu pour tromper notre vigilance. Malheureusement, serra-t-elle le point sur le fil de pêche, les gardes n’ont pas écouté ce que je leur avais dit et se sont approchés pour inviter le palan à venir se réchauffer au coin du feu ainsi qu’il est de coutume de le faire pour nous. Les monstres se sont alors déchainés et attaqués à toute âme qui vive sous la protection de l’Alun. Du reste… tu peux t’en douter.
Malgré sa réserve à laisser l’émotion poindre dans son récit, il y avait quelques pointes de regret qu’on ne pouvait pleinement ignorer. Elle soupira un peu, jetant un coup d’œil vers l’entrée de la grotte, craignant ce qu’elle y verrait une fois qu’elle s’y rendrait.
- Que comptez-vous faire avec votre… ami ? se risqua-t-elle à demander une fois qu’elle put détacher son regard de la porte. Vous allez fuir la région ? Je pense que… Je pense que je pourrai suivre la piste qu’ont laissé les raksis qui nous ont attaqués. Oui, je pourrais nous y mener et vous pourriez y mettre un terme…
La palan et le paladin échangèrent un long regard, se jaugeant l’un l’autre pour voir s’ils pouvaient se faire confiance ou s’ils allaient balayer cette négociation avant même qu’elle n’ait eu le temps de démarrer. Ils ne virent que des choses qu’ils comprenaient et qu’ils reconnaissaient alors il ne fut pas question, de leur point de vue, d’éviter d’avoir cette discussion houleuse. Mélampe en serait seule juge finalement, mais le paladin et sa puissante arme avaient leur propre désir qui coïncidait avec les objectifs de la prêtresse. Tous les yeux se tournèrent donc dans une seule direction, même les petits imitaient ce qu’ils pouvaient voir. Ils ne semblaient pas complètement tout comprendre mais ils avaient eu l’habitude d’apprendre par l’imitation…
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Jo'
Ven 10 Mar - 11:10
Mélampe Hildegarde Gertrud de Lanasthël
J'ai 24 ans et je vis où je peux, dans l'Anuire. Dans la vie, je suis fille aînée d'Aymeric Mosse Gawen de Lanasthël, Roi d'Anuire décédé d'une crise cardiaque et je m'en sors bannie du Royaume puisque j'ai convoité le trône.
Valla (Diablo) (c) Kyrie
Spoiler:
La princesse retenait la mère Palan qui se tordait douillettement sous l'aiguille de Nalin, rivant ses épaules d'un bras et retenait ses jambes serrées de l'autre. Elle s'était doucement amusée de la perspective de la mana au sujet du paladin en voyant que lui-même n'en prenait pas ombrage, et une communication tacite s'était établie entre eux tandis que les bords de la plaie se rejoignaient sur les muscles de Mina. Mélampe écoutait avec attention le récit de l'attaque mais se vit suspicieuse de la tournure qu'avaient pris les choses. Des jours qu'elle avait passés parmi les Palan, leur vigilance était infaillible et même croissante, la présence d'une hak et la possibilité d'un autre vagabondant entre les sastrugas ajoutant à leur peur. D'autre part, la fatigue et le désespoir de ne plus voir aucun de leur espèce en vie auraient pu les pousser à l'imprudence. L'héritière maintint un silence songeur.
Nalin découpa le fil de ses dents, y fit un noeud sec qui acheva de sécuriser la béance des côtes de sa sujette, et Mina se détendit presqu'aussitôt. Les louveteaux la rejoignirent bien vite pour lui prodiguer les soins de l'âme tandis que tous se concentrèrent sur la proposition à demi-mots de la mana. Mélampe comprenait que dans la consternation de voir son peuple décimé, une fuite en avant, guerrière, s'imposait dans l'esprit de l'adolescente - mais pister derechef les raksis pour venger les palans, ou pour mettre un terme à leur menace du reste, tenait du suicide. Comme on en attendait souvent d'elle, l'héritière dû apporter une réponse peu passionnelle et inspirée mais détestablement fataliste.
"Nous n'allons rien faire du tout en l'état, commença-t-elle. Nous avons des enfants, des blessés, et il est hors de question d'exposer Malvo seul face à de tels adversaires. Quant à moi, je ne peux décemment pas me permettre de me mettre davantage en danger."
Elle égara son visage sur Mina et les petits, puis le roula jusqu'à l'entrée de la grotte, où elle savait quel carnage régnait et dans lequel Ulwazi semblait encore batifoler. Si ç'avait été la solution la plus efficace, elle ne pouvait se résigner à laisser ce peuple qui l'accueillit en péril, cette si jeune cheffe de clan qui l'avait touchée livrée à elle-même, cette race enfin qui peut-être s'éteindrait totalement si ces derniers représentants venaient à mourir, et dont on avait encore tout à découvrir. Les palans étaient doués de capacité à souffrir et raisonner, en cela, ils ne différaient pas des humains. Mélampe soupira. Voilà qu'elle pensait à quelque chose qui n'aiderait pas ses projets et qui faisaient appel à un sentimentalisme désintéressé avec lequel elle se trouvait toujours plus inconfortable.
"Voilà ce que nous allons faire. Nous avons pris suffisamment de retard sur notre route, exposa-t-elle à l'intention de Malvo d'abord. Il nous reste deux jours de marche avant de descendre la montagne, et encore un jour pour arriver à destination. Nous allons fouiller le camp et empaqueter ce que nous pouvons de vivres, de viriales et d'équipement et nous mettre en chemin."
Puis se tournant vers Nalin.
"Je te propose de venir avec nous et de plonger avec les tiens dans le monde des haks. Ce sera terrifiant et vous n'y serez pas en sécurité, mais ici sois certaine de mourir." Puis pour tempérer sa froideur. "C'est le mieux que je puisse faire."
Elle décida de lui laisser un moment de réflexion à partager avec les survivants, lorsqu'au même moment Ulwazi apparut dans l'antre. Son visage témoignait d'une expression étrange partagée entre le déchirement de voir la presque-fin de son espèce et la réjouissance de constater que les personnes les plus importantes à ses yeux - son aïeul et lui-même, disons-le - avaient survécu. Non pas qu'il n'était pas atteint par le destin des siens, mais une affliction démesurée aurait sonné feinte tant le décalage culturel qui le séparait de son propre peuple l'en isolait totalement. Et s'il était heureux de voir Nalin sur ses deux pieds, il nourrissait une sorte de rancoeur à constater que ses idées nomades les auraient tous sauvés, idées contre lesquelles Nalin s'opposait tantôt pour honorer l'Alun, tantôt pour retrouver des palans d'autres tribus. Un mélange de peine, de soulagement, de colère et d'orgueil se contredisaient ainsi en lui lorsqu'il annonça d'un ton perturbé : "Le doyen est en vie."
Mélampe ne put retenir une impatience. "... allons bon." La nouvelle n'était manifestement pas pour la réjouir et elle incita Malvo à quitter la grotte avec elle d'un regard entendu. Laissant les palans entre eux, elle exposa sa position au paladin.
"Lorsque nous arriverons à la première grange, nous prendrons un chariot et un âne et nous les y cacherons. Avec la tension constante qu'a suscitée la levée des monstres, j'ai peur qu'ils nous prennent pour des contrebandiers d'espèces nouvelles, ou qu'ils cherchent tout simplement à les abattre." Elle se recroquevilla les bras croisés sur sa poitrine à la fois fouettée de froid et plongée dans sa réflexion. "Et lorsque nous serons chez Holt ..." Regard concentré, posé sans le voir sur les volutes d'un brasier éteint au loin. "... eh bien, j'aurai le temps d'y réfléchir sur le chemin."
Elle soupira. Non, les palans ne rendraient pas les négociations plus simples - et les laisser livrés à eux-mêmes dans un monde dont il ne peuvent pas même espérer deviner la teneur serait les condamner. Autant les laisser ici, perspective que Mélampe avait donc déjà essuyée.
"Quant au vieillard, il ne survivra pas dix mètres dans les congères dehors, observa-t-elle. Ulwazi va vouloir qu'on l'emmène, c'est inhumain." Elle contempla la tente de Lakos comme une pustule dressée et vulgaire au milieu des autres démontées. "Je serais tentée d'abréger ses souffrances ..." Elle considéra la chose. Tuer de sang froid un innocent sans défense ni animosité, pouvait-on le faire pour un meilleur bien ? Mais elle remis la réflexion à plus tard.
"Commençons par récupérer tout ce que nous pouvons. Avec un peu de chance, le froid aura pris cette décision pour moi d'ici le départ, proposa-t-elle enfin."
"Le plus clair de mon temps, je le passe à l'obscurcir" - Boris Vian
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Houmous
Lun 27 Mar - 13:34
Malvo
J'ai 39 ans et je vis en Anuire. Dans la vie, je suis au service de la Flamme et je m'en sors bien. Je suis un protecteur qui trouve du sens.
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Malvo contempla la situation de Nalin avec toute l’ironie qu’elle comportait. S’enterrer et se cacher d’un ennemi pour au final qu’il nous encercle et qu’aucune échappatoire ne reste. Se faire massacrer pour ne permettre qu’aux plus vieux et aux plus jeunes de survivre. Être la dirigeante d’un peuple composé d’enfants et de nourrisson, une bouture de racines timides. Être la dirigeante légitime de son peuple et devoir s’en remettre entièrement à une héritière désargentée et dépossédée du pouvoir. Comment ne pas remarquer combien le sort s’était acharné sur elle ? Comment ne pas sentir la moindre empathie face à ces circonstances fatales ? Il souffla l’air chaud de ses poumons pour l’observer geler lentement alors que Mélampe faisait son laïus habituel de froide gestionnaire. Mais malgré tout ce qu’il entendait, il savait son tiraillement. Comment pouvait-elle sauver les Palans de l’extinction ? Elle ne le pouvait pas et contre tout bon sens, elle s’était lancée dans des promesses intenables. Traverser les champs de givre ne serait pas chose aisée avec des blessés dans une charrette et une foule de marmots dans les pattes. Il en serait encore pis s’ils avaient à croiser le fer contre les raksis à nouveau. Et pourtant, quand elle parlait de les emmener jusqu’à Holt et peut-être ruiner tout ce qui l’avait menée jusqu’ici, tout paraissait juste. C’était la première fois qu’il l’entendait parler de cette manière. Pas réellement, c’était la première fois qu’elle se comportait comme une véritable dirigeante, une véritable Reine. Elle prenait des décisions difficiles depuis toujours mais maintenant, elle le faisait avec une certaine sagesse et un panache remarquable. Elle ne se souciait pas des risques et se concentrait uniquement sur la cause qui l’animait. Et en ce moment, leurs causes concordaient : Elle, celle d’une vision de son Royaume et de ses sujets, lui, celle d’un monde unifié contre sa plus grande menace. Il hocha doucement de la tête à mesure qu’elle réfléchissait et qu’elle s’exprimait sur ses plans.
- Mélampe. Prends garde de ta rationalité, souffla-t-il simplement en prenant doucement son arme pour l’emmener dans les futures tâches dont ils s’acquitteraient avant le départ. Les plus grands combats sont remportés quand les cœurs battent à l’unisson et non par la raison d’un seul homme aussi brillant soit-il. La Flamme jamais ne s’éteint dans le firmament et dans l’esprit des Hommes. Et à les regarder, fit-il en se tournant vers les quelques Palans qui commençaient à s’activer, il n’y a aucune raison de croire qu’il en soit autrement pour eux. Alors, cherche en toi et en eux de quoi les faire quitter cette fichue montagne tous ensemble.
Il rapporta son arme à sa ceinture et passa à hauteur de Mélampe pour la tapoter sur l’épaule, satisfait. Tirer les deux petites choses qu’étaient Mina et le doyen ne représentait en rien une épreuve pour le vieux paladin. Il avait la certitude que quelques jours encore, il pourrait avancer en se passant de sommeil et de véritable repos. Ainsi allait la vie lorsque les soldats se trouvaient en terrain hostile… Mais la petite Nalin, encore affaiblie par l’usage des herbes divinatoires comme il avait pu l’apprendre de Mélampe, n’était pas en état de marcher plusieurs jours durant sans marquer de halte substantielle. Ajouter à cela la somme des enfants qui ne devaient pas être habitués à arpenter les alpages rendrait certainement le voyage plus lent que pouvait le prévoir la princesse.
Malvo prit le temps de faire l’inventaire des effectifs pour être certain d’avoir l’ampleur des moyens humains… ou plutôt palans, en tête. Il y avait une vingtaine de marmots d’âge variable. Il était difficile pour lui d’estimer leurs capacités. Pourraient-ils tenir la longueur ? Du reste, il y avait Ulwazi qui semblait très capable, Mina blessée, Nalin affaiblie et le vieux doyen qu’il faudrait forcément supporter. Si une fuite s’avérait nécessaire, il serait nécessairement sacrifié quoi que puisse en penser son descendant. Toujours dans cette idée, il convint avec lui-même qu’il vaudrait mieux supporter aussi Mina et, dans une moindre mesure, Nalin. Les laisser s’économiser pendant le plus clair du trajet garantissait de pouvoir compter un peu plus sur elles s’il venait le besoin de se défendre ou de courir.
Mais pour pouvoir les emmener l’esprit tranquille, il faudrait une charrette comme l’avait mentionné Mélampe. Et faute de cela, les trainer sur un radeau ou plutôt un traineau de fortune. En en parlant avec Ulwazi, qui semblait parmi les mieux éduqués du camp, il découvrit qu’ils fabriquaient parfois des sortes de luges pour les chasseurs cueilleurs et cette ancienne caste de voyageurs qui allaient et venaient entre les différentes colonies de Palans. Ces derniers, n’existant désormais plus, n’avaient plus la moindre utilité de tels outils. Alors, il fut aisé d’en disposer trois pour pouvoir mener plus facilement les plus faibles au fil des congères. De plus, avec l’expérience de Nalin et d’Ulwazi, il était possible de définir un itinéraire qui évitait les neiges les plus malléables. S’embourber dedans serait certainement la meilleure manière de se retrouver rattrapés par les raksis.
Fort de ces différentes idées en tête, il commença à méthodiquement défaire les différentes tentes pour en rassembler les armatures de bois, des morceaux des tissus et de les arranger sous forme de petits paravents sur les traineaux. Il voulait pouvoir abriter le groupe et former un camp rapidement si cela s’avérait nécessaire. Le souvenir des nuits passées sans le moindre abri, le vent mordant profondément dans ses chairs, l’avait marqué. L’idée, un peu erronée malgré tout, que les petits Palans souffriraient des mêmes maux que lui, avait fait son chemin… Il savait que d’autres s’occupaient des provisions et de moyens de protections contre les raksis dont ils avaient le secret.