J'ai 24 ans et je vis où je peux, dans l'Anuire. Dans la vie, je suis fille aînée d'Aymeric Mosse Gawen de Lanasthël, Roi d'Anuire décédé d'une crise cardiaque et je m'en sors bannie du Royaume puisque j'ai convoité le trône.
Valla (Diablo) (c) Kyrie
Spoiler:
La symphorine blanche n'avait pas la physionomie d'un sicaire : groupées en grappes sorores aux tiges de buis pas plus hauts qu'un enfant, elles se présentaient comme de petites poignées de grosses perles duveteuses et immaculées, boules de cotons qui, une fois massées, se désagrégeaient en chair juteuse. Cette chair avait pourtant faculté de tuer, ainsi qu'une rancunière petite peste qui tient à faire payer celui ou celle qui chercherait à la détruire.
Mélampe, Titus et deux civils de Valanne étaient missionnés pour récolter ces baies contradictoires alors qu'au château tous s'acharnaient à leur faire gagner du temps. Laisser Malvo se faire capturer pour singer une victoire donnée à la couronne laissait la princesse songeuse. Elle savait ce que le Général missionné faisait à ses prisonniers. Des tortures innommables qui sautaient des deux pieds dans le terrain de la déshumanisation. Il était préférable de mourir plutôt que de finir entre leurs griffes et le destin tragique d'Arthur en témoignait allégrement. Ce pensant, elle glissa dans sa sacoche quelques symphorines au cas où elle se ferait prendre, comme on glisse du cyanure tout contre sa gencive pour échapper à la torture en cas de besoin.
Les buissons de symphorines les amenèrent aux abords du camp qu'elle pénètrerait fin prête pour empoisonner le vin. Efficaces à la cueillette, les paysans de Valanne avaient l'impatience de constamment demander des comptes à Titus ("Qu'est-ce qu'on en f'ra d'vos baies ? Pourquoi qu'on vous écout'rait ? F'rait mieux de s'plier on a pas qu'ça à faire, la guerre. L'champ qu'est assez rude, 'savez.", etc.). Profitant de cette diversion qui filait les nerfs du paladin déjà ouvragés par l'héritière, cette dernière décida de s'approcher du terrain de siège par les hautes herbes. Son petit gabarit s'avachi au profit de buissons touffus dont elle ne laissait rien dépasser.
Des carrioles de denrées et d'armement, dans lesquelles devait se trouver le vin pas encore déchargé, délimitaient le fond du camp. Les chevaux qui n'étaient pas encore désharnachés donnaient des signes de leur fatigue, un sabot sur quatre légèrement relevé comme pour soulager la finesse de leurs articulations. Deux petites balistes - du menu fretin, mais suffisant pour ce qui restait de Valanne - bâchées avaient déjà été tractées et ne laissaient aucun suspens quant à l'objectif de la visite de l'armée Royale, bien décidée à déclarer une guerre ouverte à laquelle ils s'étaient préparés en douce. Plus proche des remparts Valannais trois larges tentes étaient érigées pour abriter soldats, Général et possiblement de l'armement. Tout cela était d'une banalité sans nom, des camps comme elle en avait vus toute sa vie.
Mais plus à l'Est, à l'autre flanc du camp, Mélampe fut interpelée par des cellules de bois. Quoi de plus normal que de prétendre faire des prisonniers lorsqu'on est un Général sanguinaire ? Habituel, certes, mais ce qui surprenait la jeune femme était leur nombre de trois. Nul besoin de cellules individuelles pour torturer des captifs. En particulier, les chevaux laissés à paitre évitaient soigneusement d'approcher les petites structures. Tout laissait penser à des cellules de trappeur plutôt qu'à des geôles de guerrier.
"Princesse ! l'interjecta une voix dans son dos. Vous deviez attendre la nuit avant d'approcher." Elle fit mine à Titus, qui se fit aussi petit que possible pour la rejoindre, de se taire. Une fois côte à côte, elle lui répondit d'un murmure.
"Je pense qu'ils retiennent des animaux. - Oui, c'est courant. On emporte les bêtes vivantes : nul besoin de les porter puisqu'elles marchent, et leur chair ne périme pas. - Je ne crois pas qu'il s'agisse de bétail. Les chevaux en ont peur. - Alors quoi, des chiens ? - On les entendrait japper."
Tous deux ne surent mutuellement pas où ils voulaient en venir. Le silence devenait pesant, toujours moins que l'apesanteur paysanne des cueilleurs ceci dit.
"Navrée pour plus tôt. - J'en ai vu d'autres. - Alors navrée pour tout de suite."
Titus allait l'interroger mais elle sortit du bosquet comme une musaraigne de son terrier. Le soir tombait tranquillement incendiant les cieux de strates rougeoyantes, couvrant d'un voile violacé le camp assombrit par les arbres. Le paladin allait lui emboîter le pas mais il aurait été trop visible dans la clairière, aussi Mélampe savait-elle se faufiler toute embusquée comme on traque le lapin. Elle n'avait pas même pris la symphorine : le vin était encore ficelé dans les chargements de toutes manières, et ce qui l'attirait ainsi, était la découverte de cet animal qu'ils retenaient. En approchant des cages elle fut prise à la gorge par un fumet spécifique qu'elle n'avait jamais senti auparavant, un gaz qui semblait liquoreux au moment où il pénétrait les bronches, les tapissait d'une résine épaisse. Le réflexe de l'héritière fut de tremper un pan de tissu dans l'abreuvoir des chevaux et de s'en couvrir le nez et la bouche. Elle repoussa ainsi la toux qui la prit sévèrement.
Dénudé de son général, le camp était prenable. La plupart des soldats s'affairaient à installer les vivres du dîner qui approchait, démarrer les torches pour la veille de nuit, voire prendre un peu de temps libre à l'abri de toute surveillance despote. Aucun de ces hommes ne s'imaginait qu'entre les murs de Valanne leur Général s'affairait à un combat face à Malvo. Mélampe non plus n'y pensa pas. Elle était rivée sur les enclos renforcés.
*
Elle plissa les yeux sur la pénombre. Hachurée de barreaux, une ombre tassée tout au fond respirait lentement, sifflant l'intimidation de ses glaires. Elle ne l'avait pas encore vue. L'air devenait irrespirable y compris sous le bandeau humide collé au visage de la princesse. Mais il fallait savoir.
"Psst!" Le sang de la bête ne fit qu'un tour. Elle se rua aux barreaux desquels Mélampe eut à peine le temps de se décoller. La créature tentait de faire passer sa large mâchoire dans le cadrillage de la porte dont le bois souffrait mal l'assaut, une bave fumante lui dégoulinant épaissement de la gueule qui s'ouvrait et se refermait en bruits damnés sur des crocs immenses - comment pouvait-elle seulement fermer la bouche sur une dentition pareille ? L'animal ressemblait à un énorme chien coiffé d'une toison d'ours, mais ses pattes avaient l'étalement de celles d'un blaireau, des écailles par endroit seulement, quelques tonsures sous lesquelles pointait une peau boursouflée en excroissances tubéreuses, et son regard avait quelque chose de très humain. On aurait dit que quelqu'un était prisonnier de cet instinct bestial tant la dichotomie entre ses babines retroussées et ses prunelles souffrantes frappait. Mélampe resta interdite. Elle n'avait jamais rien vu de tel, pas même depuis la multiplication des monstres. Elle fut gravée au fer rouge par ces yeux qui appelaient son humanité. Mais avant toute tentative de comprendre, l'agitation des soldats la firent fuir par où elle était venue.
Que venait-elle de réveiller ? Cette chose se trouvait-elle ici comme une arme pour l'affrontement à venir ? Etais-ce là la nouvelle lubie cruelle du Général ? Mais quelles consignes avait donc pu donner Faramond ?
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Jo'
Dim 13 Mar - 18:59
Krah
J'ai une vingtaine d'année et je vis où je peux, dans l'Anuire. Dans la vie, je suis le valet du regretté Adeluvior et je m'en sors pas trop mal mais en deuil.
Ce sont les boyaux tordus d'angoisse que Krah rejoignit Valanne avec Tili et Allen par le chemin derrière la cascade. Ils furent cueillis comme leurs comparses précédemment par des gardes.
"Nan mais c'est pas vrai c'est un moulin aujourd'hui ! pesta l'un. - D'autant qu'on a pas besoin de ça. Vous êtes qui ! Qu'est-ce vous voulez, nom de nom ? - Et surtout, de la part de qui vous v'nez ?"
Ils les menacèrent des pointes de lances. Il n'était plus question de cachot mais bien de les tuer sur-le-champ. C'est alors que Krah leur jeta le soldat émacié. Les deux hommes qui étaient des civils engagés ne le reconnurent pas, mais leur supérieur suffisant remit immédiatement son visage.
"Allen ! C'est pas vrai, t'es revenu !" L'expatrié eu un air suffisamment abasourdi pour que son supérieur s'épanche sur la situation. "Ils sont avec la Reine et je pense qu'il y a du grabuge, mais enfin, qu'est-ce qui t'es arrivé ?" La description des faits suffit à Tili et Krah qui se regardèrent, entendus. "Le cap'taine a des embrouilles !" scanda le premier en se dirigeant sans demander son reste vers les portes du château. Ils n'assistèrent pas davantage à l'ironique émotion des retrouvailles entre Allen qui, vidé de tout, n'exprimait rien, et son chef qui était plus ému de voir revenir une pair de bras sachant se battre que ce soldat là en particulier (dont il ne faisait, du reste, pas grand cas).
Krah et Tilli, voulant rejoindre le trône où ils suggérèrent très justement que les négociations avaient lieu, tombèrent sur le petit groupement qui tentait d'échapper à un affrontement direct. Le Général était un excellent reître mais une boucherie d'hommes à hommes en terrain ennemi lui donnait de moins bonnes issues qu'un affrontement à l'habituelle déloyale, entre déploiement faramineux de troupes et projectiles bien envoyés de derrière une protection. Malheureusement pour lui, il fut donc dans l'impasse lorsque les deux acolytes se plantèrent sur son chemin, trop mauvais combattant pour rivaliser avec ne serais-ce qu'un des hommes, mais suffisamment importuns pour laisser à Malvo le temps de les rattraper. Nonobstant, le combat restait très déloyal en défaveur du renégat - mais peut-être étais-ce là qu'il souhaitait se rendre ?
Toujours était-il que Tili était déterminé à s'allier à son capitaine et Krah à racheter les dettes qu'il avait envers la ville.
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Houmous
Dim 29 Mai - 22:04
Malvo
J'ai 39 ans et je vis en Anuire. Dans la vie, je suis mercenaire des Impavides et je m'en sors de moins en moins bien. Je suis un rescapé, quelqu'un qui avait de l'importance.
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Malvo, l’arme au clair, n’attendit pas plus longtemps que dame Vergile ne se calme. Il poussa violemment la porte entrouverte qu’avait décidé de prendre sa proie pour rejoindre ses hommes de main. Le chaos était absolu dans les couloirs, en proie aux domestiques et soldats perdus, portant armes et victuailles en diverses directions du château. De ci de là, les scènes indiquaient et perdaient l’observateur qui cherchait à suivre la piste des fuyards. Ici, une tapisserie représentant la révélation de la première reine d’Anuire, Armélie Lanasthël, se voyait outragée du renversement d’une carafe de vin ensanglantant ses pieds alors qu’elle marchait sur les flots de la mer intérieure. De là, un majordome se trouvait étalé de tout son long, se tenant le ventre, bousculé par quelque homme en arme qui lui avait causé une sérieuse blessure au passage. Passant la tête dans un autre couloir, à un croisement, Malvo vit plusieurs soldats se rejeter la faute quant à leur incapacité à avoir arrêté le fuyard et son escorte.
La vie était ainsi faite qu’à chaque victoire alliait son revers, Malvo s’en doutait et vit le maudit chien de général loyaliste s’enfuir à un croisement et fut à nouveau pris pour l’ennemi par les soldats qui s’en allaient à sa suite. Combattants valannais qu’ils étaient, stupidement braves, ils voulaient accomplir le dessein de Vergile en lui ramenant l’infanticide. Il ne leur en voulait pas mais ne pouvait se permettre de perdre plus de temps à combattre quelques badauds lorsque de puissants mercenaires se faisaient la malle dans le même temps. Il poussa une des épaisses portes de bois massifs qui hantaient à intervalle régulier le couloir et continua tant qu’il le pouvait au milieu des chambres et autres cuisines en suivant un trajet qui pourrait lui permettre de les rattraper à un moment ou un autre. Poursuivre quelqu’un dans un environnement si chargé et peuplé que celui-ci n’était évidemment pas chose aisée mais le faire sans même avoir le moindre visu relevait de l’impossible. Cela dit, pour un paladin qui possède la foi, rien n’était impossible. Chaque fois qu’un doute lui venait, il cherchait du regard la douce lueur d’un feu qui pourrait le guider. Chaque fois, il savait par où passer sans hésiter. Au bout de quelques longues minutes exténuantes, la Flamme se saisissait de sa gorge, lui signifiant l’épreuve de foi qui l’attendait de l’autre côté de la dernière porte par laquelle il pourrait se dérober plus longtemps.
De l’autre côté, il trouva un hall vidé de tout sujet et encore exempt de l’impureté du condamné si ardemment recherché. La gargouille, à l’autre bout de la pièce, qui regardait en sa direction avec un sombre ricanement le frappait dans ses convictions comme les Prystes, insultant sa foi et son idéal. Cherchant de droite et de gauche rien ne parut lui permettre de mieux comprendre où l’Eternelle souhaitait le voir porter ses pas. Il approcha, en désespoir de cause, d’une meurtrière pour constater de ses propres yeux avec effroi qu’il avait failli à sa tâche. (nom) arrivait au pont-levis et l’un de ses hommes venait d’ailleurs en abattre la lourde herse pour couvrir leur fuite et couper la route de toute poursuite. Le sang tourna dans la tête de Malvo rapidement et il réalisa qu’il avait renversé un porte-torche en fer d’un grand coup d’épée. Au point où il en était, le paladin enfonça la porte de la tour où il se trouvait pour avoir accès au chemin de ronde des gardes. Il en renversa plus d’un en passant rageusement sur la corniche et arriva au-dessus du pont levis qui descendait lentement sur son axe pour permettre la lâche sortie de son nouvel ennemi auto-désigné. De rage, il grimpa un pied et l’autre sur un créneau, observant une dernière fois le soleil dans son levant avant de bondir sur la petite troupe.
Malvo se laissa aller à un dernier regard dans le soleil. L’astre ardent à son zénith lui rappelait des jours meilleurs. Rarement, son âme se perdait dans les vagues des songes mais en cet instant, face à une mort imminente, il lui parut à propos de laisser sa main sentir à nouveau les doux cheveux de sa fille, autrefois si petite. Le doux parfum des fleurs de sa demeure, portée si élégamment par sa femme, emplissait à nouveau ses narines. Il lui parut même entendre au loin être appelé alors qu’il se laissait basculer le vide dans un dernier acte de foi envers sa manière de la vivre. Sans hésitation aucune, chassant le chagrin de son cœur, il retomba de tout son poids sur son épée, en poussant un ultime cri de guerre.
- Que pourfende la Flamme !
Mort ? Une douleur emplissait pourtant encore sa poitrine. Allait-il vivre l’éternité en ayant l’impression que son torse se déchirait ? Un soupir muet échappa à son contrôle, se muant en un gémissement pathétique. Rouvrant les yeux, il constata l’ampleur de son erreur. Une fois encore il avait échoué. Le cadavre méconnaissable à ses côtés ne pouvait être le général Byrne, c’était un grand gaillard assurément si l’on en croyait les jarrets qui gisaient, ça et là, ensanglantés. Pourquoi ne l’avaient-ils pas achevé ? Il soupira et tenta de se relever pour simplement sentir une pointe de lance glacial irradier dans toute sa poitrine. Un petit cri surpris lui vint, accompagnant le malaise instinctif d’une poignée de côtes brisées. Peut-être allait-il réellement en mourir ? Il se pencha sur le côté qui n'avait qu’un peu été épargné pour tenter de se relever sur ses genoux. Il rampa alors tant bien que mal, dans la douleur démente et une lenteur plus que guidée par l’utilité la plus élémentaire. Arrivant aux côtés de celui qu’il avait littéralement détruit, il s’appuya sur la garde de son arme pour tenter de se relever à grand peine. Tant bien que mal, il essaya de tirer l’arme du cadavre mais réalisa dans une souffrance misérable qu’il ne pouvait en ce moment même plus compter que sur un seul de ses bras. Les alertes de son corps n’avaient pas été entendues alors elles se rappelaient sans vergogne à son bon souvenir. Plus qu’exténué, il se laissa lentement glisser pour reprendre son souffle, le visage couvert d’un sang mêlé.
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Jo'
Mar 31 Mai - 18:56
Mélampe Hildegarde Gertrud de Lanasthël
J'ai 24 ans et je vis où je peux, dans l'Anuire. Dans la vie, je suis fille aînée d'Aymeric Mosse Gawen de Lanasthël, Roi d'Anuire décédé d'une crise cardiaque et je m'en sors bannie du Royaume puisque j'ai convoité le trône.
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A son retour auprès du paladin, Mélampe était blême.
"Vous êtes insensée ! Vous auriez pu vous faire capturer, lui somma-t-il. - Vous devriez voir ce qu'ils cachent, murmura-t-elle la voix étranglée de ce qu'elle venait de voir. Des monstres. Aux yeux d'hommes."
Titus la dévisagea pétrifié : l'expression défigurée de la princesse ne permettait pas le doute quant à la gravité de ce qu'elle avait vu. A l'horizon, le soleil partait se lover derrière les arbres, il serait bientôt temps de s'insérer dans le campement pour le farcir de symphorine.
"On devrait s'en servir, finit-elle par larguer. - Quoi ? - Ce sont des bêtes terribles, il suffit de s'en approcher pour se sentir suffoquer, avec des crocs immenses et une force faramineuse. Si on les libérait dans le camp en fermant durement la herse de Valanne, elles ne feraient qu'une bouchée de Byrne et compagnie. - Vous n'y pensez pas ! Si votre description est fidèle, il vaut encore mieux Byrne que ces créatures en liberté. - Mais réfléchissez enfin ! Si nous relâchons ces choses et restons derrière les murs du fort nous ne risquerons rien."
La mâchoire du chevalier s'étala d'une crispation soucieuse. La raison lui intimait de demeurer loin de ces bêtes du diable mais la situation n'avait rien de raisonnable : le plan initial - offrir une victoire à l'armée Royale, voire un prisonnier en la personne du volontaire Malvo, afin qu'ils festoient et s'empoisonnent au vin - était aussi bancal que risqué. Au loin, ils entendirent le pont-levis s'activer et Titus s'égara à observer pour lui-même : "Ca a dégénéré là-bas." Mélampe n'eut guère besoin de plus d'arguments pour s'affranchir de l'accord de son protecteur. "Nous n'avons plus le temps de leur donner de fausses victoires, ils vont finir par s'en arracher une pour de vrai."
Elle s'élança vers le camp à nouveau, rejointe cette fois par le paladin qui congédia du même temps les deux fermiers Valannais chez eux. Puisqu'il ne pouvait manifestement pas briser l'entêtement de l'héritière, il préféra encore pouvoir veiller sur elle.
*
Il lui lançait des regards intimidants depuis l'autre côté de la table. La princesse avait alors treize ans, souffrait mal les corsets et dîners mondains où elle ne rêvait que de prendre part aux conversations mais était condamnée au silence. Son père lui avait appris à se méfier du Général Byrne qui se nourrissait allègrement de l'inquiétude qu'il soulevait.
Lorsqu'il fut demandé aux femmes de quitter la table pour que les guerriers échangent politique, Aymeric demanda à sa fille de demeurer pour qu'elle se familiarise avec les tenants et aboutissants de réunions informelles comme celles-ci. Le voile de la mondanité levé, l'effrayant personnage orienta l'échange à dessein vers ses pratiques de mises à mort.
Il la regardait droit dans les yeux alors qu'il détaillait le son des os sur les roues de torture. Lorsqu'il mentionnait la couleur des sclères des noyés. Le parfum de la chair brûlée. Les glaires des empoisonnés. Le Roi n'était pas un féru de ces méthodes mais force était de constater qu'elles pouvaient être utiles. Il souhaitait surtout que Mélampe assiste à ces récits pour s'y préparer et pour s'assurer qu'elle reconnaîtrait et s'éloignerait toute sa vie des hommes comme celui-ci.
Spoiler:
La seconde infiltration du campement s'avéra plus périlleuse. Devant les manifestes imprévus auxquels faisaient face le Général et sa milice proche, les soldats entraient en effervescence, se tâtant de choisir entre être réprimés pour avoir laissé Byrne mourir en murs ennemis, ou pour avoir lancé un assaut qui n'avait pas été ordonné. La dureté de la hiérarchie plongeait les hommes dans l'inaction tandis que la peur des punitions leur sciaient les jambes. Dans le doute, ils s'armaient tous solidement, découvraient les balistes, et s'agglutinaient autour des cages fatidiques dont les créatures incarcérées étaient alors bien réveillée et mugissantes. Larvés à l'abri des regards, Mélampe et Titus se virent parcourus d'un frisson mortuaire depuis les reins jusqu'à la nuque. Le paladin sut rien qu'à les entendre que ces bêtes n'avaient rien du bestiaire commun en Anuire. Dans leurs rugissements jappés se mouvait un timbre humain qui semblait reluire d'agonie.
"C'est une mauvaise idée. - Chut ! Byrne n'est manifestement pas là, c'est notre chance."
Encore fallait-il libérer ces choses sans se faire empaler par les soldats effrayés de leurs propres monstres, et sans finir dévoré.
"J'ai besoin d'une diversion. Occupez les hommes, je me charge de ces choses. Simplement ... tâchez de courir vite une fois qu'elles seront dehors. - C'est de la folie. - Nous sommes trois et un groupuscule de soldats pas entraînés face au Général le plus sanguinaire de l'armée de mon père ... de mon armée. C'était de la folie dès le départ."
Titus soupira. S'armant de son glaive, il s'élança sur les hommes au devant des bêtes et saigna le premier par sa taille. Un second lui arriva de front et il traversa sa gorge d'une estocade violente alors que deux autres se ruaient sur lui depuis la distance. Il les approcha pour libérer l'espace devant les cages, tenta un large coup horizontal qui fut malheureusement freiné par sa douleur au foie, et égara son épée dans le bras de son adversaire. Incapable dans cette position qui lui brûlait le flanc de récupérer son arme fichée dans la chair du soldat hurlant, il aurait été frappé de plein fouet par l'assaut du deuxième, non sans l'intervention de Mélampe qui lui ficha une flèche dans la tête sans trop d'effort à cette distance. Elle en profita pour faire tomber les deux archers de la tour de guet, et regagna les herbes pour s'évanouir du paysage.
Titus récupéra sa lame et changea son fusil d'épaule. Il mobilisa son côté gauche dans lequel il avait moins de technique mais davantage de force, saigna un nouvel adversaire de biais, traversa le plastron d'un autre à la faveur de l'aiguisage d'orfèvre réalisé par l'Ordre sur son arme, décapita un troisième. Il se dirigea vers l'extérieur du camp en voyant Mélampe se hisser au-dessus des cages pour en ouvrir les portes sans se trouver sur le chemin des bêtes. Les vapeurs fulminantes lui arrivaient au visage, corrosifs, et elle retint tant bien que mal sa respiration tout en soulevant le loquet qui retenait le premier animal prisonnier. Heureusement pour sa faible force, le monstre ouvrageait la porte depuis des heures voulant s'échapper, et profita de la moindre fragilité pour en éventrer l'ouverture et se déverser au dehors.
A cette vue, tous les chevaux partirent à triple galops, emportant avec eux le matériel auquel ils étaient attachés : carrioles, ravitaillement, pieds de tentes, la silhouette du camp qui avait mit la journée à se sculpter fondit sous la phobie destructrice des canassons. Le monstre, lui, ne fit pas de quartier. Il déchiquetait les hommes qui s'en approchaient pour l'enfermer à nouveau, en faisant des confettis d'une facilité sidérante. Des lances se fichèrent dans son encolure qui ne semblèrent pas l'arrêter malgré un flot de sang violine qui en sortait et, au sol, faisait pourrir l'herbe. Mais l'animal n'était pas éternel et un des soldats eut la bonne idée de l'incendier. L'huile répandue dans sa toison s'alluma comme un feu de joie et ses hurlements coulèrent vers ceux d'un homme au bûcher.
Voyant que son atout était sur le départ, Mélampe ouvrit la voie aux deux autres qui ne firent pas davantage de sentiments. En quelques temps, le campement avait été mis à feu et à sang, de larges étendues fanées étant témoins des coups portés aux bêtes, et des cadavres lacérés ou grossis d'asphyxie pointant la supériorité animale. Lorsque les hommes de Byrne furent tous ou presque décimés, il ne restait pour proie que Mélampe et Titus. Si cette dernière avait eu l'opportunité de se hisser sur un arbre, ce n'était que pour mieux voir que le paladin était livré à lui-même au milieu d'un terrain à plat, deux de ces animaux se hâtant à ses trousses.
La princesse hésita à intervenir - après tout, elle considérait sans rougir que sa vie était la plus importante, considérations d'Anuire entendues - mais elle ne put contenir le remord d'avoir été à l'origine de cette boucherie. Elle décocha une flèche qui, à cette distance, ne parvint pas même à traverser la peau de l'animal. Fort heureusement, la diversion suffit à éveiller une remontrance entre les deux animaux qui s'élancèrent d'un affrontement terrifiant. Leur salive fumante perforaient leurs peaux qui se répandaient en sanglantes coulées de mort, leurs dents pénétraient la chair aux endroits où les excroissances de peau semblaient prêtes à rompre telles des bubons et ultimement, une des créature finit par mourir. Le spectacle était d'une violence si inconcevable qu'ils figèrent l'héritière.
La créature alors se retourna. Le Général Byrne avec ce qui semblait sa garde amoindrie approchaient le camp et s'étaient enfuis de Valanne, pour mieux rejoindre atterrés leur repère dilacéré. Ils tenaient Malvo en joug.
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Houmous
Lun 20 Juin - 21:42
Malvo
J'ai 39 ans et je vis en Anuire. Dans la vie, je suis mercenaire des Impavides et je m'en sors de pire en pire. Je suis un rescapé, quelqu'un qui avait de l'importance.
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Soulevé par l’arrière du col et mené prestement jusqu’à l’enceinte du camp, Malvo n’avait désormais plus le choix. Au milieu des fumeroles de cadavres et des carcasses de tentes, force était de constater que le plan avait dû par largement dévier. Risquant une œillade de droite et de gauche, ses alliés se dérobaient à son regard quoi qu’il en soit. Il eut un ultime soupir de soulagement alors qu’on le lâcha à genoux, sentant le fer une fois de plus se porter à son épaule contre sa gorge mais plus la brûlure d’une douleur innommable là où il s’était écrasé sur son pommeau. Le soleil blafard de fin de journée le baignait peut-être pour la dernière fois. Ses forces l’avaient abandonné et de toutes manières, il était épuisé d’avoir dû combattre des années jusqu’à se mettre en cet état.
- Qui que vous soyez, montrez-vous ! Nous avons votre assassin et nous lui infligerons les pires douleurs avant de l’abattre si vous ne venez pas à nous !! beugla l’un des hommes de Byrne, toujours en maintenant sa hache fermement contre Malvo. Bon, on t’abattra quand même s’ils viennent, maugréa-t-il malgré tout, d’une honnêteté crue.
Le silence pesant longuement sur la scène, il commença à décoller la lame pour la poser sur sa propre épaule, préparant sa frappe. Tout à coup, un bruissement dans les buissons fut remarqué et bientôt une forme bestiale et monstrueuse en accoucha. La créature, se mouvant comme un chien ou un singe sur quatre pattes, soufflait d’un air mauvais. Son œil vitreux se tourna vers la petite équipée et son otage avant de rugir. On sentit dans son cri la rage et l’animalité transpirer mais aussi et surtout comme un appel, similaire à la plainte d’un nouveau-né. Une vague d’hésitation, voyageant avec le son, les fit se stopper un temps suffisamment long pour qu’ils renoncent à abattre le paladin. Ils devaient certainement se figurer qu’il mourrait bien assez vite aux mains du monstre. Ils brassèrent donc en fuite en direction des quelques chevaux qui n’avaient pas été massacrés, emportés ou échappés dans la cohue générale de l’assaut intestin au camp.
Malvo, une fois de plus, était livré à lui-même. Désarmé, lourdement blessé et abandonné à son sort, il n’avait aucune chance de survie face à l’abomination qui s’élançait face à lui. Peut-être s’était-il décidé qu’il était enfin temps ou peut-être avait-il enfin saisi ce que cela signifiait de bientôt rejoindre le froid dans lequel s’étaient plongé sa petite famille. Peut-être observait-il avec satisfaction la fatalité qu’il s’était échiné à préparer depuis si longtemps mais il sentit comme le temps se suspendre. La course de la bête et l’épaisse écume qui virevoltait en surface de son gouffre facial, les feuilles interrompues dans leur valse aérienne et la fuite prochaine des fichus barbares qui voulaient achever Valanne une fois pour toute se mêlaient à tant et tant d’images diverses vomies par les affres du temps, comme une épiphanie funèbre.
Les idées se faisaient et se défaisaient aux frontières de son esprit conscient, messages déments d’une idée de la divinité qui transcendait la douleur de son corps meurtri. Contre toute attente, il se releva sur ses deux jambes, le crâne saturé d’une souffrance sourde et aveugle qui ne lui laissait aucun répit. Il ne jouissait d’aucune force et plus que son corps, c’était son esprit qui le portait en ce moment même. Dans l’Ordre, on lui avait appris à dépasser ses limites et ces leçons s’avéraient enfin être bien plus payantes qu’il ne se le serait jamais figuré. L’immondice approchait face à lui, le rejetant dans des souvenirs vifs et saisissants des armées de la Pryste. Une grande lassitude s’était emparée de lui, détrempant la colère qui en permanence l’animait, aussi se préparait-il à l’impact au lieu de tenter de courir tête baissée. La chose approchait à grands pas. Il savait qu’elle bondirait sur lui dans à peine quelques battements de cils. Maintenant que son regard troublé pouvait se poser sur le monstre, il perçut le fluide violine qui s’écoulait de ses plaies. Elle ne semblait plus si invincible maintenant qu’il réalisait qu’elle pouvait saigner, comme tout être. S’il était en meilleure forme, il aurait pu la vaincre.
Et puis, il y eut la chute. Tout s’était accéléré considérablement. Alors qu’il pouvait sentir l’odeur souffreteuse, les poils hirsutes et asséchés et les yeux d’une âme vidée de sens, la douleur revint, plus puissante que jamais, régnant sur son corps affaibli. La situation était bien sûr mauvaise dès le début mais elle devint critique en à peine une fraction de seconde. L’improbable mâchoire en récif de granit, comme un piège, se referma sur son bras, manquant d’en briser chaque os instantanément, elle n’y manquerait probablement pas avec un peu plus d’insistance, la lourde patte qui se posait sur son bas ventre pour le maintenir en place et, dernier signe du malheur, sa silhouette qui éclipsait le vol sacré du soleil au-dessus de sa petite personne.
La dernière image qu’il perçut avant de perdre pied avec la réalité était celle d’un jet de pourpre sur sa toile bleuâtre. Il se sentit soudainement comme posé sur un glacial nuage qui le portait vers le monstre gigantesque qui avait pris l’empire sur les cieux. Ses bras, incontrôlables, s’agitaient comme autant de tentacules poulpesques, cherchant chaque faiblesse dans le roc qui lui fit face. Le contact d’une chaude matière pulpeuse le rassurait autant qu’elle l’apaisait. Enfin, il y eut cette maudite toux qui le contracta dans ce paysage aérien, l’envoyant aux quatre coins du camp et bien au-delà et alors des vagues successives de couleurs effacèrent le tissu de la réalité qu’il ne déchiffrait déjà plus.
Un dernier soupir, un dernier crachat et il put enfin se reposer, probablement pour des années, des siècles, des éons, aux côtés de l’étrange flamme dans laquelle nulle ne doutait de voir une animation intelligente. La tête se tournant sans que quoi que ce soit ne la suive, dans un sursaut semblable à une chute, il reprit conscience, la vie offerte par la Flamme dont il s’était pourtant détourné.
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Jo'
Jeu 30 Juin - 11:03
Mélampe Hildegarde Gertrud de Lanasthël
J'ai 24 ans et je vis où je peux, dans l'Anuire. Dans la vie, je suis fille aînée d'Aymeric Mosse Gawen de Lanasthël, Roi d'Anuire décédé d'une crise cardiaque et je m'en sors bannie du Royaume puisque j'ai convoité le trône.
Valla (Diablo) (c) Kyrie
La bête triomphante se détourna de Titus pour mieux guigner les chairs du groupuscule qui arrivait. Chacun se suspendit, amarré au tempo de la créature dont l'être torturé hésita cruellement, mais lorsqu'elle rugit d'un gémissement d'enfançon, les lâches oublièrent leur prisonnier et caletèrent vers les quelques chevaux restants. Le paladin et l'héritière, quant à eux, se ruèrent d'où qu'ils étaient vers leurs préoccupations respectives : Titus fusa ainsi en direction de Malvo sur lequel la créature venait de fondre, et Mélampe banda son arc pour désarçonner Byrne sur sa monture.
*
"Et Byrne ?"
La voix de Vergile sonnait comme un couperet. Mélampe se renfrogna.
"Echappé."
*
Elle abandonna à leur sort les deux paladins face à l'animal et se concentra sur le Général. Elle s'échinait à faire en sorte que ces pertes signifient quelque chose pour Valanne, d'apporter une victoire franche, elle s'élançait vers l'objectif pour que cette bataille provisoire ne puisse pas accoucher d'une autre plus meurtrière encore. Quel était intérêt d'avoir dépeuplé le camp ennemi si Byrne pouvait réquisitionner des forces armées et recommencer le mois suivant ? Non, sa mort aurait été un signal fort que Valanne était capable de faire face et que, même sans ses hommes, elle ne perdait rien de sa superbe. C'était aussi un moyen pour Mélampe de s'établir la sécurité d'un point de chute solide, car l'alliance avec Vergile ne signifiait plus grand-chose si cette dernière n'avait plus que des ruines et des affamés à proposer.
La flèche perça la croupe de la jument que chevauchait Byrne et la fit ruer. Le Général chuta de sa monture qui continuait à tourner sur elle-même, élançant ses sabots en arrière comme pour se débarrasser d'un prédateur perché sur son dos, crocs dans la peau. La scène força les trois autres chevaux à se décaler de quelques pas ce qui ouvrit une voie royale pour les tirs de Mélampe, mais Byrne abaissa sa visière et elle ne put en atteindre la fente à cette distance, aussi, en désespoir de cause, parvint-elle tout de même à toucher sa cible dans l'interstice de son armure au niveau de l'aisselle. Ce fut assez de temps pour qu'un des hommes se mette entre le Général et la ligne de vue de l'archère, puis qu'un second le hisse sur son propre cheval. Ils livrèrent la jument à son angoisse et partirent au triple galop à travers les bois.
*
Un homme arriva dans le petit salon pour annoncer la fin de la procédure. Mélampe et Vergile, retranchées pour discuter des événements, rejoignirent la chambre du convalescent.
"Cet imbécile, persifla Vergile. S'il n'était pas intervenu, j'aurais pu saigner ce porc dans mes propres murs."
Malvo était étendu sur une couche des chambres d'invités de marque, le bras réduit jusqu'à l'épaule. Une énorme contusion mal contenue par des bandages lui barrait le plexus et s'étendait, gonflée et violacée, sur tout son buste. L'épaule droite qui était blessée auparavant avait vu ses pansements changés. La haine de Vergile venait qu'elle reconnaissait dans ce corps amputé et agonisant les débuts de la fin de son propre fils.
"Croyez-moi, c'est pour le mieux qu'il soit intervenu, tempéra Mélampe observant la scène avec distance. Byrne est trop bon combattant et bien entouré. S'il vous avait attrapée ..." Elle se tut considérant ce qui aurait été réservé à l'attention d'une femme par les hommes de ce sanguinaire.
Elle tira une chaise et se posta au chevet du paladin, regardant sans détour la vie lutter en lui.
*
Titus affrontait tant bien que mal - plutôt mal que bien - le monstre qui déchiquetait le bras de son ami. Il s'affairait à le repousser plutôt qu'à l'abattre, bien incapable esseulé d'en faire plus. D'autre part, l'espoir d'occire Byrne évanoui, l'héritière quitta son perchoir sylvain pour enduire sa flèche d'huile et de feu auprès des restes du campement, enfin décidée à leur venir en aide. Elle visa avec adresse l'une des cloques de chair tendre qui pointait sous la toison et les écailles, et l'enflamma d'une douleur âpre. La créature se tordit alors follement, découvrant son jabot, que Titus éventra. De la poche s'échappa tout le fluide caustique de l'animal qui partit ronger la terre, et une nouvelle estocade dans l'entaille déjà béante permit au paladin de percer sa gorge. Il dût cependant se débarrasser bien vite de ses gantelets et canons d'avant-bras qui commençaient à se consumer par le sang.
Les deux acolytes se réjouirent peu de la disparition du monstre et s'épuisèrent plutôt à ramener la carcasse de Malvo en lieu sûr.
*
"Il avait le sternum brisé et un bras mutilé comme nous ne l'avions jamais vu depuis ... depuis le retour de Monsieur." Le médecin faisait allusion à Arthur allongé dans ses appartements, l'infection bien plus profondément ancrée dans ses lambeaux - il apparaissait évident qu'il avait été un amuse-gueule pour le même genre de créatures. "Un mucus nauséabond collait aux tissus et brûlait au contact alors on a décidé de sectionner le membre pour faire une plaie propre."
La victoire était en demi-teintes : Byrnes et ses hommes avaient tous été repoussés, leurs créations mortuaires retournées contre eux puis abattues, le message était passé au Royaume que Valanne n'était pas une proie facile. Pourtant rien ne semblait accompli. Le Général s'était échappé sans mal, la cité était toujours aussi appauvrie, et le projet de coup d'Etat de Mélampe prenait un nouveau coup alors que son élément le plus téméraire soupirait peut-être ses derniers instants.
"J'espère qu'il ne finira pas comme ..." La princesse avait parlé pour elle-même et s'arrêta avant de prononcer son prénom, mais son manque de tact congédia Vergile d'un pas heurté à l'extérieur. Le médecin quitta la pièce à son tour et Titus s'entretenait toujours avec Krah, Tili et Lodeth. Seule avec Malvo, la princesse sembla retransposée dans la prison de Pontblanc où elle observait avec solitude ce corps de guerrier charbonner à se réparer.
Cela plutôt que ne rien faire, elle épongea son visage sillonné de sueurs froides avec l'eau et les linges à disposition. Elle avait manqué la mort de son père mais s'il devait en être ainsi, elle serait aux premières loges de la sienne.
---
Un homme assez jeune, favoris roux aux tempes et un chapeau bouffant sur la tête, entra dans la salle du trône escorté d'un garde. Une tunique ocre lui tombait à mi-cuisse renforcée de cuir sur des jambières similaires et il semblait brinquebaler d'un pied à l'autre avec nervosité. Sur le siège souverain se trouvait Ulrich dont le regard était toujours affublé de néant - à ses côtés : la Reine mère et le Maréchal plus en retrait.
"Des nouvelles du siège, Votre Majesté. Quelques chevaux sont revenus, encore harnachés pour certains, mais pas d'hommes. Et pas de signe du Général Byrnes. - Et les Bêtes ? répondit Faramond en lieu et prince du nouveau Roi. - Rien. - Disposez." Cette fois, c'était la Reine qui exigeait.
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Houmous
Dim 10 Juil - 23:18
Malvo
J'ai 39 ans et je vis en Anuire. Dans la vie, je suis mercenaire des Impavides et je m'en sors de moins en moins bien. Je suis un rescapé, quelqu'un qui avait de l'importance.
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De toute sa vie, Malvo s’était rarement posé des questions sur son destin. Enfant, il fut envoyé au culte du Feu Eternel car il en allait ainsi pour les derniers nés. Par la suite, il avait suivi les enseignements et les séminaires sans rechigner parce que c’était là ce qui était attendu de lui. Une fois devenu un paladin car, alors, convaincu de sa foi, il était jeune, fort, intègre et tant et tant de choses que l’on recherchait. Il avait mené la guerre sur les créatures impies qui hantaient les recoins les plus sombres du royaume sans jamais douter. Ni leur apparition soudaine, ni leurs pointes de comportement « étrangement humain » ne l’avaient fait se détourner des canons des saintes écritures. Il avait fait face plus de fois qu’il ne pouvait s’en rappeler. Lorsqu’il rencontra Elena, il répondit à ses attentes, se figurant que là était la volonté du Feu. Ils eurent un enfant, et les choses changèrent alors du tout au tout.
Reprenant lentement conscience, Malvo se trouvait face à un gigantesque feu à la teinte ocre et dorée. D’autres que lui, d’une nudité sacrée, marchaient lentement, dansant et virevoltant au rythme des lentes flammèches qui s’animaient dans le réceptacle. Il se redressa et constata qu’à son tour il s’était retrouvé face à son créateur. Par instants, la fascination indescriptible qu’entrainaient immanquablement les motifs lumineux, poussa l’une ou l’autre de ces incarnations éthérées à venir faire le don de leur existence à cette formation collective. Il se redressa et, instinctivement, se joint à la danse, comme tout autre autour de lui.
La première fois qu’il avait tenu la chair de sa chair dans ses bras, il l’avait fait à contrecœur. Le temps et son existence avaient gravé en lui cette idée qu’il détruisait toujours et ne protégeait jamais. Non, jamais, lors de ses missions, il n’avait réussi à sauver qui que ce soit. Les villageois le chassaient souvent pour ne plus voir l’épée à son côté, signe de mauvais augure. Les enfants plantaient des clous dans son ombre, pensant l’empêcher de continuer à abattre les créatures de l’ombre qui, chaque fois, revenaient plus nombreuses et hargneuses. La petite chose, semblable à toutes autres de ces petites choses, ne tenait pas correctement dans ses grandes mains calleuses, à son grand dam.
« Donne lui un nom » fit la flamme, selon une voix par longtemps oubliée déjà. Malvo secoua la tête, son regard se perdant à nouveau dans les circonvolutions divines. Son esprit s’embuait lentement, enivré de la consomption de sa propre existence, le ramenant à l’état de l’énergie primordiale qu’il était avant. Par sa propre annihilation, la paix lui était apportée. Quelle pouvait bien être l’importance de… quoi que ce soit qui en avait avant qu’il ne commence cette communion ultime. Le stade de la croyance était de loin dépassé car il s’agissait là du témoignage de la majesté du grand brasier qui s’offrait à lui. Bien chanceux il était de pouvoir observer la divinité de la flamme de ses propres yeux avant de se laisser consumer pour lui offrir sa juste contribution !
« Malvo, ne reste pas planté là ! Donne-lui un nom avant de retourner à tes guerres ! » s’agaça alors la flamme, le tirant de sa transe mystique. Pourquoi lui refusait-on le salut qu’attendait son âme ? Il n’attendait que de pouvoir rejoindre ce néant depuis ce qu’il ressentait comme une éternité alors pourquoi le lui refusait-on maintenant qu’il y était ? Malvo se secoua la tête, se sortant graduellement de sa rêverie. Son bras gauche avait été pris dans le bucher spirituel et dans un effroi incontrôlable, il le sentit disparaitre, en entrainant avec lui les sensations auxquelles il présidait. Il se regarda et sentit, impérieusement et impulsivement, des rivières de larmes s’ouvrir de son visage. Pourquoi devait-il encore souffrir des plaies mortelles maintenant qu’il n’était plus que par son âme immortelle ?
« Fais attention à ne pas la laisser tomber, idiot ! Tu dois prendre soin d’elle comme de la plus précieuse de tes églises ! » prévint la voix avec plus encore de fermeté. Ces dernières paroles achevèrent de relier toutes les visions et Malvo tomba à genoux. Avec sa dernière main disponible, son dernier bras en état, il serra contre son épaule la petite chose qu’il avait guidé au monde. Toujours sans rien y pouvoir faire, il laissa se vider ses larmes sur la petite chose. Ses doigts se libérèrent les uns des autres pour mieux la tenir contre lui alors qu’il laissait s’enfouir son nez et son cœur meurtri dans le cou de sa protégée.
Musique:
« C’est déjà mieux… Malvo, comment veux-tu l’appeler ? Je sais que tu as déjà choisi son nom dans ton cœur, laisse les mots sortir… » s’adoucit la voix, approchant d’eux deux. Il se laissa asseoir lentement en regardant la petite chose hors du brasier. La main, naturellement, retrouva ses caresses d’une tendresse routinière et intense. Voyant les deux ambres de son visage curieux, il essuya les siens avant de prononcer quelques mots difficilement intelligibles : « Lanaël… Elle s’appelle Lanaël… ».
La voie de son cœur s’était entrouverte alors qu’il prononçait, pour la première fois depuis, ce nom. Dans un soupir accompagné des mêmes sanglots, il continua un long moment à caresser cette petite chose perdue dans les abimes du temps et des regrets. Il ne réalisa pas non plus ne plus être dans un rêve alors qu’il tenait de manière similaire Mélampe, en lui disant à quel point il était désolé. La scène, curieuse et imbitable pour elle, se poursuivit de longues minutes avant qu’il ne retourne à une inconscience plus sereine. La lutte n’était pas terminée mais la Flamme s’était manifestée dans son existence pour lui offrir un soutien unique dont l’immense majorité des prêtres ne pouvait que rêver… Nul doute était qu’il s’agissait d’un délire mystique de mourant mais alors qu’il perdait connaissance et disait une dernière fois le nom de ses errances, il n’était pas difficile de comprendre de quoi retournaient ses songes agités.
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Jo'
Lun 11 Juil - 11:41
Mélampe Hildegarde Gertrud de Lanasthël
J'ai 24 ans et je vis où je peux, dans l'Anuire. Dans la vie, je suis fille aînée d'Aymeric Mosse Gawen de Lanasthël, Roi d'Anuire décédé d'une crise cardiaque et je m'en sors bannie du Royaume puisque j'ai convoité le trône.
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Mélampe avait grandit sans contact. Sa mère avait refusé de l'allaiter et elle avait grandit au sein d'une nourrice qui ne la portait pas plus qu'elle ne lui caressait la tête ou la berçait. Ses parents ne la cajolaient pas : sa génitrice fuyait toute proximité avec cette enfant qu'elle avait fait par devoir et qui l'avait maudite - née fille, il faudrait réitérer l'expérience dans l'espoir d'avoir un héritier, ce que la Reine prenait pour une rivalité avant même que Mélampe ne prononce ses premiers mots. Quant à son père qui avait beau être prompt au conseil, il lui refusait toute sensiblerie paternelle. Il était plutôt formateur que parent.
Il y avait les enfants des domestiques, peut-être. La fille de la gouvernante à qui elle faisait des tresses, le petit du palefrenier avec qui ils jouaient à la bagarre dans la fange, et vers ses treize ans, le garçon du maître d'armes dont elle avait tenu la main avec émoi. Très vite néanmoins ses premiers sangs s'échappèrent d'elle et, devenue bonne à marier, le protocole - qui lui empêchait toute proximité avec ses pairs par ailleurs - acheva de l'éloigner de ses amis de basse-cour. Depuis, elle n'avait asservit son corps qu'aux contacts de la guerre : entraînement, chasse, et plus tard dans son exil, le combat pour sa vie.
Aussi lorsque la stature de Malvo fondit sur elle crut-elle d'abord qu'un accès de délire le poussait à la tuer. C'aurait été, tout du moins, moins troublant.
Le bras rescapé du paladin l'enserra poing fermé, son échine se courba sur elle et son visage fouilla le creux de sa nuque pour y enterrer le flot de ses larmes. Elle l'aurait repoussé si l'hématome de son sternum n'était pas si visible, elle se serait extirpée si elle n'avait pas eu peur de dérouler les bandages avec elle, elle aurait peut-être crié si elle n'avait pas eu honte qu'on les trouve ainsi. Ce n'était pas tant une répulsion pudique qu'un sentiment de panique qui l'habitait, une panique pleine face à l'inconnu, une panique bien inférieure à son saut dans le vide en s'échappant de Pontblanc. Comme si un nouveau membre lui poussait sur la tête. Comme si, en réalité, elle découvrait un sens. Le toucher d'un genre nouveau.
"Malvo qu'est-ce qui vous prend ? articula-t-elle les yeux rivés au ciel, convaincue que regarder en face tout cette peau qui la pressait aurait été pire."
Il délia son poing et cette fois sa main grande ouverte se déployait dans ses cheveux, maintenant son visage contre lui. La gorge de la princesse était moite des pleurs du mercenaire, elle sentait sa barbe gratter la ligne de sa propre mâchoire, se crut épouser les reliefs de ses cicatrices visibles comme intérieures. Toute la peine du monde de ce corps et de cette âme s'enroulaient autour d'elle.
Il la décolla enfin et planta ses yeux dans les siens - il était flagrant qu'il était toujours délirant - pour articuler d'un souffle transit : "Lanaël ... Elle s'appelle Lanaël ..." Mélampe crut d'abord qu'il prononçait avec erreur le nom royal - Lanasthël - puis se ravisa, repensant à sa conversation avec Titus au sujet de la mort de sa famille. Et malgré tout le remord que portait l'étreinte de Malvo, ce qui frappa la princesse, c'était l'amour dont elle s'était alourdie. L'amour paternel le plus pur, dévoué et esseulé, auquel elle ne servait que de petite idole de remplacement de l'objet réel perdu. Un amour vibrant qu'elle ressentait - mais qui ne lui était pas destiné. Quelque chose se brisa en elle qui chassa l'angoisse d'être serrée et elle le laissa puiser en elle ce dont il avait besoin.
Après un court instant et le voyant se détendre, elle se pencha pour l'allonger et se retira sans accroc de ses bras assoupis. Elle sortit de la chambre du malade étranglée d'une réalisation brûlante. Son père était fier d'elle, il lui faisait confiance. Mais elle n'était plus si sûre d'avoir été un jour aimée par lui.
"Princesse !"
Elle s'effraya comme rarement : c'était Titus qui la hélait du couloir, venu visiter son ami. Il la toisa avec curiosité en la voyant si songeuse.
"Comment va-t-il ? - Il s'est endormi. - Je devrais le laisser se reposer. Tout va bien ? - Ca va. Allez vous reposer, vous aussi. On envisagera la suite au lever du jour."
Et elle s'évanouit au pas de course.
*
Le ciel était myriadé d'étoiles, drap de bleu et d'or étendu au-dessus des remparts vides sur lesquels elle était partie s'isoler. Au pied des fortifications s'élevaient les volutes du campement défait, restes d'incendies ou feus de camps éteints, la paix était fragile et provisoire mais ce silence était bienvenu. Dame Vergile, plus apaisée désormais, la rejoint. L'humeur générale semblait à la douleur, et au soir d'une demi-victoire, chacun cherchait comment positionner ses pions.
"Je sais qu'Arthur souffre, souffla Vergile imitant Mélampe en train de sonder l'horizon. Mais je ne peux pas me résoudre à le laisser partir."
Le silence s'éternisa, l'héritière n'était pas habile pour consoler et elle était plus à l'aise en affaires.
"Je n'ai pas tué Byrne mais nous avons repoussé ses hommes. Est-ce que tient notre marché ? Est-ce que nous avons votre soutien pour le coup d'Etat ?"
Vergile était déçue d'entrer si vite sur ce terrain. Elle capitula d'un soupir, elle aussi immensément seule.
"Tu auras tout ce qu'il me reste. Concrètement, où en es-tu ? - Eh bien ..."
Mélampe s'assit par terre, épuisée par les affrontements de la journée. Elle fut imitée par la souveraine qui ne manqua pas de grâce, malgré le corset serré, pour s'installer.
"Vous avez des fortifications et une route de ravitaillement donc vous nous servirez principalement de refuge. Nous avons aussi le soutien d'Erüne qui a promis de nous fournir en équipement et de faire pression économique sur la capitale au besoin. - Il manque l'essentiel, alors. - Précisément. Nous n'avons aucune force militaire digne de ce nom. Pas une baliste, pas un peloton. Faramond monte les chefs de clans contre les oppositions et démunissent les plus intègres pour qu'ils n'aient plus aucune force de frappe. En arrivant ici j'espérais trouver votre armée vive et volontaire, pour mieux découvrir qu'on vous l'avait arrachée. Il faut que je me dépêche de créer efficacement une résistance avant que tous mes soutiens potentiels ne deviennent comme Valanne ... avec tout le respect que je vous dois."
Mais ils étaient peu nombreux, peu convaincants, et à chaque étape un membre de leur escouade semblait mourir ou mourant, les rendant moins rapides encore. Le Maréchal se créait tranquillement un réseau de fidèles qu'il enrichissait en privant les réfractaires de leurs forces, et chaque jour passé était un jour où Benedict les distanciait. Vergile accueillit la réalité avec la dignité qui lui était caractéristique.
"J'ai confiance en une femme pour fédérer des peuples, observa-t-elle. D'expérience, je peux te dire qu'il n'y a pas grande différence entre gouverner un royaume et entretenir une famille."
Mélampe acquiesca comme d'un compliment. Puis lorsque Vergile s'apprêta à partir. "Je suis navrée pour votre fils. C'était un homme bien." Vergile s'arrêta, contenant une émotion palpable. "Merci Mélampe. C'était aussi le cas de ton père." Et elle partit.
L'héritière s'endormit les pierres des remparts cette nuit-là.
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Houmous
Sam 16 Juil - 19:50
Malvo
J'ai 39 ans et je vis en Anuire. Dans la vie, je suis mercenaire des Impavides et je m'en sors de moins en moins bien. Je suis un rescapé, quelqu'un qui avait de l'importance.
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Comme en perdition dans un long lac obscur, Malvo se perdit dans les affres du temps et de l’espace aux grés de sa foi et de sa santé vacillante. Il était complètement entouré d’une eau thermale, dissout dans un grand tout. Quelques émanations lumineuses lui signifiaient que la flamme ne l’avait pas quitté et qu’elle n’était pas loin de lui. Une fois qu’il eut la force de le faire, il se redressa dans une posture de nage et observa à ses alentours les immensités dans lesquelles se happait son regard. Deux pôles s’offraient à lui, l’un extrêmement lumineux et relativement proche, tandis que l’autre restait interdit et lointain, dérobé. Les myriades de couleur qui coulaient de l’un se ternissaient et disparaissaient au fil de leur avancée vers l’autre, qui les dévoraient. Le début et la fin de tout ce qui était, avait été et serait. Redoublant d’attention, il remarqua ne pas être seul à dériver lentement vers l’immense obscurité froide à l’horizon. Ainsi allait la vie, étendue par chacune de ses extrémités.
- Je dois retrouver Lanaël… fit-il, toujours dans l’idée de la mission sacrée dont il songeait avoir été investi en tête.
Il se mit à nager et nager, se remuant comme un beau diable dans l’immense pataugeoire informe qui l’entourait. Rien n’y faisait : il devait se rendre à l’évidence de ne pas être capable de remonter le flot de cette gigantesque rivière. L’épuisement le guettait et il sentait ses membres s’endolorir à vive allure. Après tout, il n’était pas un excellent nageur et le sacrifice de son bras à l’éternelle l’handicapait lourdement dans ses mouvements. Passé un certain point, la panique eut raison de lui car il avala à plusieurs reprises de travers l’épaisse mélasse dans laquelle il baignait, perdant plus rapidement encore ses moyens. Son corps s’alourdissait et bientôt sa tête ne parvenait plus à trouver la surface pour y puiser le souffle vital.
Encore une fois, la mélancolie des regrets enserrait son cœur, l’empêchant de battre des jambes par la même. Il n’avait rien pu faire pour Lanaël et Elena lorsqu’il en était encore temps. Il n’avait pas réussi à réformer l’Eglise pour la remettre sur la voie des justes, non plus. Il n’avait pas même trouvé dans son âme la force de pardonner à son ami Titus d’avoir été écrasé par le dilemme, alors qu’il le savait souffrir tout autant de la situation. Il n’avait pas tenu sa parole vis-à-vis de tant et tant de gens qui comptaient sur lui et pour lui… Ni Bastes n’avait revu son fils vivant, ni Adeluvior la lumière du jour, ni même ses amis de la compagnie des Impavides n’avaient échappé aux geôles de Pontblanc. Son inaction et ses choix étaient tant et tant de choses qui venaient le hanter par le biais de mille ombres aux doigts accusateurs. Peut-être valait-il mieux abandonner finalement ? Une pensée l’en empêchait cela dit. La petite Mélampe comptait encore sur lui pour l’aider à reprendre son trône et sauver son peuple. Il ne pouvait se résoudre à tout abandonner dès lors que quelqu’un comptait encore sur lui.
Musique:
La lueur qu’il produisait s’intensifia à mesure qu’il pensait les perspectives s’inverser. Les mains des ombres qui le tiraient de par le fond commencèrent à glisser sur lui alors que la résolution arrivait graduellement. Il était trop tôt encore pour abandonner et son voyage sur les flots était loin d’être terminé. Il entendit derrière lui les grognements râleurs de la chose des profondeurs qui voulaient se saisir de lui pour se nourrir de ses errements et l’ignora, regagnant la surface. Dès lors qu’il y arrivait, à la limite de l’étouffement, il chuta verticalement hors de l’eau pour atterrir sur un sol sec et solide. Après une longue quinte de toux dans laquelle il régurgitait l’épais liquide qui l’avait noyé, il remarqua être revenu au même endroit que précédemment. La Flamme, encore, dansait avec ses nombreux fidèles appliqués. Il toussota à nouveau en se remettant sur ses jambes pour progresser vers l’éther ocre. Surprenamment, sa résolution de continuer à avancer sans laisser qui que ce soit tomber le protégeait de la brûlure qu’il avait ressenti auparavant. Peut-être qu’en abandonnant derrière lui une partie du mal qui le rongeait s’était-il aussi délesté d’un combustible qui aurait détruit son âme dans cette ordalie. Embrassant la chaleur réconfortante de la Divinité, il approchait de son centre, toujours plus entouré d’un or cuivré et vibrant.
- Malvo, tu ne pourras jamais être réellement un paladin ! fit la flamme, joyeusement, toujours sous les traits de sa femme. Tu es un zélote certes, un croyant armé de l’espoir et du souffle divin, mais pas un cynique guerrier. Même les prêtres de l’histoire gravée et leurs tatouages jalouseront tes accomplissements pour l’Eglise tant ils seront importants… Alors, n’oublie pas de ne jamais laisser s’éteindre ta foi ! Un jour, tu seras le héraut de la Flamme, j’en suis sûr !
Il se laissa aller à une posture de prière devant le pied de l’immense majesté de cette incarnation. Elle semblait l’encourager avec une immense douceur. Il se rappela des premiers temps où il s’était retrouvé confronté aux miracles et qu’il avait commencé à abandonner le doute et l’hésitation. La douce caresse de celle qui avait accouché de l’humanité se faisait sentir sur les pestiférés , les infirmes et les blessés, allégeant leur fardeau avant de les rappeler à elle pour qu’ils partent le sourire aux lèvres. Elle donnait la force de continuer à faire face aux épreuves à ceux qui le souhaitaient ardemment. Ses dons étaient subtils pour la majorité des croyants mais ceux qui étaient convaincus n’étaient jamais laissés en marge, dans la joie comme dans la souffrance. Elle n’était pas un guide mais un compagnon, une présence qui aidait à se reposer sur le chemin.
Ses yeux s’ouvraient lentement, touchés par la grâce d’une ambre visible qui se noyait dans son iris brun. Dans la pièce n’était à nouveau que Mélampe, assoupie suite à une veille trop longue. Portant l’une de ses mains à son visage, il constata, à la pousse de sa barbe, le long temps qu’il avait passé à se soumettre aux exigences métaphysiques de sa récupération. Un simple regard vers son autre bras confirmait la certitude qu’il avait bel et bien perdu une part de ses chairs… Regardant tristement, un sourire apaisé apparut malgré tout sur sa face.
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Jo'
Lun 18 Juil - 11:42
Mélampe Hildegarde Gertrud de Lanasthël
J'ai 24 ans et je vis où je peux, dans l'Anuire. Dans la vie, je suis fille aînée d'Aymeric Mosse Gawen de Lanasthël, Roi d'Anuire décédé d'une crise cardiaque et je m'en sors bannie du Royaume puisque j'ai convoité le trône.
Valla (Diablo) (c) Kyrie
La rosée épaissie au bord de ses cils l'avait éveillée aux aurores et elle s'était mise au travail sans tarder, conjurant l'empreinte que les pierres avaient lui semblait-il laissée dans les os.
Elle traversa les couloirs tapissés de sommeils de Valanne jusqu'à arriver à sa salle d'archives où elle s'appropria des cartes du Royaume, un large annuaire cadastral relatant les généalogies des souverains qui s'étaient succédés aux contés, duchés et autre territoires locaux trôna à son tour sur la table d'études. Elle plancha plusieurs heures tandis que son équipe était accueillie en salle à manger aux étages et il fut bientôt l'heure qu'ils entendent leur cheftaine.
Elle les rejoignit donc sur le tard, débraillée par sa nuit au grand air et l'échine pliée sur les documents, et entonna les directives. Ses yeux prenaient le temps de se poser sur chacun de ses acolytes comme elle avait vu par cent fois le faire son père.
"Tout d'abord j'aimerais vous féliciter pour hier. Il est difficile de se réjouir étant donné l'état de Malvo mais enfin nous avons repoussé une offensive de Byrnes sans troupe entraînée ni armements lourds. - A ce propos ..."
Krah avait interrompu la princesse pour lui détailler ce qu'ils avaient appris d'Allen et elle fit immédiatement le lien, validé par Titus, entre les exaction commises dans les douves d'Anuire et les créatures qu'elle avait déchaînées hier : Faramond avait-il le pouvoir de créer des bêtes à tuer des soldats réquisitionnés ? Par quel moyen ? Furent-ils les seules victimes ? Etais-ce seulement envisageable ? Et étais-ce là la raison de la multiplication des monstres dans le Royaume ? Mélampe décida de remettre à plus tard ces angoisses : quoi qu'il en soit de ces abominations, cela ne changeait rien à leur infériorité martiale et numérique, et c'était là l'urgence.
"Nous avons besoin d'agir vite : le Maréchal dépeuple tous les clans fédérés belliqueux et il arme fervemment ses alliés. Pour l'instant c'est surtout par mesure de précaution, mais si Byrnes rentre au Royaume et lui apprend que j'étais sur les lieux de la riposte, alors nous aurons à nous défendre d'autant plus activement qu'il se préparera à un véritable coup d'Etat. - Que proposez-vous ? demanda très justement Titus. - Que l'on se sépare pour recruter."
La nouvelle ébranla quelque peu l'assemblée. L'héritière sut leur devoir une scolie.
"Nous avons besoin de soldats à équiper pour Erüne, des hommes à armer à Valanne, ce avant qu'ils ne soient tous appelés à la capitale et potentiellement ... transformés, ou pire. Titus, Krah, vous aviez entamé les discussions avec Bastes avant de venir me libérer de Pontblanc, vous savez comment faire."
Les dénommés contemplèrent ce souvenir lourd de la mémoire d'Adeluvior qui avait été le principal négociateur de ces arrangements.
"Je vous ai fait des feuilles de routes."
Krah était destiné à partir vers l'Ouest où il avait pour instruction de convaincre le Sieur Marvin, un homme qui aimait peu l'autorité et qu'Aymeric, ambitieux de tirer le meilleur de chaque homme, avait pu dompter à force de dérogations qui le laissaient peu ou proue agir comme bon il l'entendait. Nul doute que l'autorité totalitaire que menait Benedict devait lui sortir par tous les pores, et l'opportunité qu'il coopère était d'autant plus grande que, de fait, moins de considérations légales le tenaient en respect - si les traités n'avaient pas tous encore été modifiés. Mélampe avait choisi d'y envoyer le benjamin du groupe parce qu'elle savait que Marvin serait sensible au champ des possibles qu'offre le jeune âge et à la naturelle désinvolture qu'il affichait. Les deux hommes étaient railleurs et volubiles et ils ne manqueraient pas de s'entendre.
Quant à Titus, il partirait avec elle vers le Sud mais après une journée et demi de route commune ils bifurqueraient. Le paladin se rendrait vers le Sud-Ouest où le très pieux Duc Nolmën régnait. "Il essaiera de se tenir à l'écart de tout cela parce qu'il ne cherche rien d'autre que la tranquillité, mais si vous lui parlez des monstres qu'ils tentent de créer, alors il se sentira investi d'une mission divine. Vous êtes un homme de foi, je suis certaine que vous saurez le convaincre." Quant à elle, elle se dirigerait au Sud-Est, où le Comte Warton, qui était un homme de raison, se laisserait peut-être convaincre.
"Vous, adressa-t-elle à Tili et Lodeth, je ne vous demanderai pas d'abandonner votre capitaine." Elle avait bien conscience qu'ils étaient là pour Malvo et non pour elle ou le coup d'Etat. "Restez ici et rendez-vous utiles à Valanne. Si Malvo souffre trop ou qu'aucun espoir de guérison ne se profile, vous êtes des hommes pragmatiques, vous prendrez la bonne décision."
*
Mélampe avait retrouvé ses marques et sentait son bassin épouser le roulement du dos de son cheval. Monter avait quelque chose de reposant malgré la sensation saillante de la selle limant son séant, les températures étaient clémentes, préservées dans l'écrin de forêt interminable qu'ils traversaient avec Titus ; la promenade aurait été une délivrance si elle n'avait pas été accompagnée des pensées noires que ternissait leur futur orageux.
"Vous ne m'avez pas dit." La voix de la princesse brusqua Titus concentré sur les bruissements de la canopée. "Dit quoi, princesse ? - Quelle dette vous avez envers mon père."
Il soupira. "Allons-y ..." Le bruit des sabots cadençaient son récit.
"J'avais à peu près votre âge et j'étais boulanger lorsque j'ai rencontré le Roi. J'étais en prison, j'attendais de me faire exécuter." Mélampe l'interrogea du regard : c'était l'un des hommes les plus droits qu'elle avait rencontrés et elle se questionnait sur le genre de crime qui aurait pu mettre Titus en cette situation. Il ne tarda pas à l'éclairer. "J'étais amoureux d'une fille de bonne famille, elle l'était de moi. Mais elle devait épouser celui que son père avait choisi pour elle et ce n'était évidemment pas un vulgaire commerçant." Il contempla son souvenir avec tendresse. "Je l'ai enlevée. - Quoi ? - Nous nous sommes mis d'accord et elle est partie avec moi, mais toutes les autorités de la région s'étaient mis en branle alors on n'est pas allés bien loin. Elle est retournée auprès de son époux et j'ai été condamné à mort pour l'affront. - Que vient faire mon père là-dedans ? - Il était en visite, ils lui ont montré les geôles, et au hasard, c'est à moi qu'il a demandé ce que je faisais là. J'ai tout simplement raconté ce qu'il s'était passé, il a rit grassement et m'a épargné en échange de mon engagement dans l'Ordre du Feu Eternel."
L'héritière souria de découvrir à la fois une facette de Titus et de son père. Finalement, c'était peu pour le Roi, mais voilà que le paladin offrait sa vie entière à honorer sa mémoire en aidant sa fille à accéder au trône. Titus avait quelque chose d'héroïque et portait bien sur lui l'épée prestigieuse de l'Ordre. Le lendemain, leurs routes se séparèrent.
*
"Vous tombez très bien ! s'exclama Warton en l'accueillant à sa table. J'avais envoyé des hommes vous chercher, Princesse, parce que vous voyez je n'ai jamais cru à ces histoires d'hystérie. Eh bien ils sont rentrés bredouilles mes enquêteurs. - Des histoires d'hystérie ? - Moui, entama-t-il avec légèreté et la bouche pleine, Anuire a fait savoir qu'il vous avaient congédiée pour votre propre bien, que vous iriez en sécurité dans un refuge thermal ou que sais-je. Ca ne vous ressemblait pas."
Elle hésita un instant sur cette nouvelle : ils l'avaient faite passer pour folle. Elle comprenait mieux les réticences de certains à la suivre sans preuve de sa bonne foi. Elle se réconforta néanmoins en réalisant qu'elle faisait face au premier gouverneur qui paraissait d'emblée être un allié quoique son air détaché attisait sa suspicion.
"Pourquoi m'avoir faite chercher ? - Eh bien, on ne va pas se mentir, le Maréchal est un régent catastrophique. Tenez, prenez du vin, servez donc à mon invitée un peu de notre terrine, là, goûtez ça vous allez adorer ! C'est un fermier du coin qui- - Comte Warton s'il vous plaît, j'apprécie votre hospitalité mais je suis dans une situation délicate."
Sa distraction la harassait.
"Bien sûr." Il emplit sa bouche d'une nouvelle rasade de vin pour faire descendre son fromage. Malgré cet appétit, Warton était plutôt svelte. Probablement les élucubrations de son esprit vagabond et toujours volatile qui le faisaient fondre. "Eh bien donc, ce n'est pas l'homme de la situation. Je pense que vous, vous l'êtes. - L'homme de la situation ? se permit-elle à plaisanter." Il sourit, voyant qu'elle se détendait.
"Mais parfaitement ma bonne dame ! Enfin, moi je ne me mouille pas. Monter une résistance tout seul ? Du suicide ! Vous avez vu ce qu'ils font aux voisins ? Valanne a été complètement dépeuplée. - Je sais, oui. - Enfin bon. J'ai envoyé des gens vous chercher quand j'ai entendu parler de vos prouesses à Pontblanc. L'idée c'était que je vous convainque de faire le sale boulot d'organisation et moi j'retire les mérites !" Il partit d'un rire commerçant.
"Eh bien vous apprendrez que j'ai le soutien d'Erüne et de Valanne. J'ai envoyé des collaborateurs quérir Sieur Marvin et le Duc Nolmën. Concrètement nous avons besoin de tout ce que vous êtes prêt à donner. - Vous pouvez avoir mes armes de jet, toutes, c'est tout. Balistes, catapultes. Elles sont à vous."
C'était une grande nouvelle. Mais le problème demeurait : toujours pas un homme pour manipuler cette artillerie. Warton sembla anticiper la question.
"Je ne vous donne pas mes gens : les catapultes ça se remplace, mais pas des vies. Et je ne veux pas qu'on signe quoi que ce soit qui pourrait prouver que je vous ai fait don de ça. En ce qui me concerne, j'ai démonté mon artillerie et c'est tout. Je ne veux pas de problème avec Faramond, au cas où vous vous louperiez. - Et si je réussis que voulez-vous en échange de votre aide ? - Rien, vous me rendrez mes affaires, c'est tout."
Et il leva sa coupe comme pour trinquer. C'était presque trop beau pour être vrai.
*
Elle revint une semaine plus tard de son périple. Elle ne causa à aucune âme, ne croisa personne, s'emmitoufla dans la nuit. Le portier la prévint que sa chambre était prête mais ce n'était pas là qu'elle se rendait. Elle retournait voir Malvo. L'avaient-il tué finalement ? Avait-il succombé tout seul ? S'était-il réveillé ? Et sinon, fallait-il poursuivre sans lui ? Elle aurait aimé qu'il soit réveillé pour lui annoncer les bonnes nouvelles qu'elle amenait avec elle, mais elle ne trouva que Lodeth endormi sur la chaise à son chevet.
Elle l'éveilla doucement et chuchota pour ne pas déranger le malade.
"Savez-vous si les autres sont revenus ? - Non mam'zelle z'êtes la première. Comment qu'c'était ? - Ca s'est bien passé. Allez vous coucher, je vous remplace."
Il s'exécuta et elle prit sa place. Elle ressentait un bout de foyer auprès de Malvo sans qu'elle ne parvienne à se l'expliquer. "Ce serait le bon moment pour ouvrir les yeux, remarqua-t-elle en fermant les siens."