J'ai 35 ans et pas vraiment envie de te donner mon CV comme ça, alors va chier. T'as de la merde dans les oreilles ?
Je la regardais attentivement avant de poser mon regard sur TARS qui flottait toujours autour de nous. Est-ce que j’étais en train de câbler ? Est-ce que l’émotion des derniers jours venait me frapper au visage pour me faire dérailler une fois de plus ? Est-ce que j’avais rêvé ? Pourtant j’étais persuadé de l’avoir entendu chanter et baragouiner quelque chose à propos de Pandore. Malgré tout ma question semblait profondément l’étonner, et si elle feintait, alors on pouvait lui décerner un oscar pour son acting, car j’avais envie d’y croire. Le fait que je restais là, muet, ne sachant pas si je devais lui en faire péter une, ou si je devais me contenter de simplement sourire comme un abruti. L’histoire avait au moins le mérite de m’avoir coupé l’appétit. À l’intérieur de mon esprit les questions fusaient comme des balles, malheureusement j’étais incapable de trouver les réponses tout seul, mais TARS lui... dans tous les cas je ne pouvais rien demander tant qu’elle se tenait à côté de moi.
— Rien, j’suis fatigué, je crois que j’ai besoin de sommeil.
Et pourtant je ne risquais pas de fermer l’œil, malgré son sourire tout aussi rassurant que charmeur, je n’arrivais pas à me détendre. Intérieurement je savais que quelque chose n’allait pas, jusqu’alors la paranoïa dont je faisais preuve m’avait toujours sauvé le cul et je ne voyais pas pourquoi cette fois-ci serait différente. Quand je la regardais, je ressentais tout un tas d’émotion plus ou moins forte et contraire, et j’imagine qu’elle devait ressentir la même chose de son côté. D’une certaine manière ont été lié à cause de nos corps, un lien pré-construit qui ne s’appuyait sur rien de logique. Au final peut-être qu’elle me faisait soudainement confiance, car ce “lien” entrait dans la ligne de compte. Peut-être qu’une fois cette nouvelle alchimie maitrisée j’allais redevenir le connard qui l’avait tiré hors de son berceau, ou qui avait osé la ramener d’entre les morts pour rendre sa vie encore plus douloureuse. Je ne pouvais pas dire quand, mais je savais que ça finirait par me retomber au coin de la gueule à un moment donné.
— Non non... je... laisse tomber. Conditionnement militaire, manque de sommeil, ça fini par jouer sur les nerfs.
Je sortais une explication bidon en essayant d’avoir l’air convaincu moi-même par mon explication brumeuse, ce qui soyons clair ne l’était absolument pas.
— Ouais, bien sûr, mais pas... ce soir ? Ce matin ? J’ai aucune idée de l’heure qu’il est.
D’une pression du pouce, le rail du siège s’activa pour me faire reculer, puis pivota pour me laisser sortir. Quitte à cogiter, je préférai le faire ailleurs, néanmoins, certaines questions ne pouvait pas rester sans réponse.
— T’es vraiment sûre de toi ? Loin de moi l’idée de vouloir remettre en doute ta volonté, mais tu as de quoi refaire ta vie là. T’es pas obligé d’apprendre à te battre, t’es pas obligée de savoir comment d'énuquer un type avec tes cuisses... Est-ce que ta vraiment envie de vivre cette vie-là Ethel ? Corps augmenté ou non, rien ne t’oblige à devenir comme moi, comme Pandore, ou comme n’importe quel autre augmenté du protocole Cole qui a mal fini. Peut-être qu’au fond je ne voulais pas la voir gâcher sa vie. Un nouveau corps, une nouvelle vie... pourquoi devenir simplement tout ce qu’elle refusait d’être jusqu’alors ? On était les méchants après tout, pour quoi vouloir nous rassembler ? Les choses semblaient m’échapper, peut-être que j’étais trop fatigué pour comprendre, ou tout simplement trop con.
Malgré moi, j’avais écouté les paroles de l’IA, et je sentais déjà venir la connerie. Avant même d’essayer, c’était déjà une mauvaise idée. Cette saloperie à souvenir c’était une machine à fantasme, on espérait tous revivre les meilleurs moments... Sauf que l’esprit humain ne fonctionnait pas comme ça. Si notre cerveau avait la capacité d’enfouir certain passage de notre vie, ce n’était pas pour rien, c’était un mécanisme de défense, une façon de nous protéger pour ne pas devenir taré. Cette saloperie de machine à souvenir venait forcer le mécanisme de défense, l’action était tout aussi conne que forcer l’ouverture d’une zone de quarantaine après l’utilisation d’une arme biologique. J’avais vu suffisamment de personnes stables et saines d’esprit prendre un sacré coup dans la gueule en revivant des choses que leur esprit avec enfouit pour de bonne raison. J’étais pas médecin, ni psy, mais je n’avais pas besoin de sortir de quinze ans d’étude de médecine pour savoir que la psyché d’Ethel avait sacrément ramassé ces derniers temps.
— Si ma parole, et mon expérience ont une quelconque valeur, je déconseille fortement les souvenirs. Les souvenirs, ça compte, mais si ton petit cerveau en a enterré quelques-uns, c’est pour ton bien. Cette machine... c’est une aiguille qui vient fouiller dans ta matière grise, et crois-moi quand je te dis qu’elle n'est pas là pour te rappeler les bons moments. Écoute pas cette saloperie volante, elle te vendrait les valeurs du gouvernement si tu lui demandais. Si tu ne me crois pas, demande-lui en quoi consiste le protocole Cole, j’veux bien parier que sa version sera très différente de la mienne.
Je fis quelques pas, quittant définitivement le cockpit, je tournais légèrement la tête pour couler un regard dans sa direction.
— Crois-moi, c’est pas une bonne idée.
Invité
Ven 19 Jan - 14:53
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Haphelros
Sam 20 Jan - 9:32
Elias
J'ai 35 ans et pas vraiment envie de te donner mon CV comme ça, alors va chier. T'as de la merde dans les oreilles ?
Le trajet jusqu'à ma chambre me sembla durer une éternité, était-ce à cause du regard qu'elle portait sur moi, ou est-ce que ce tas de ferraille volant était plus grand que je ne le pensais… Difficile à dire, et au fond je n'avais peut-être pas envie de connaître la vérité.
Tout compte fait je n'étais peut être pas aussi différent qu'un humain standard, si on faisait un récapitulatif j'étais qu'un type brisé se cachant derrière l'image du porte-flingue qui suivait les ordres sans se poser de question, car c'était pour ça que j'existais. Cette grande silhouette de l'exécuteur était un véritable rempart contre le monde extérieur, muraille que le sourire de la jeune femme mettait parfois à rude épreuve. Je secouais la tête pour chasser son visage de mon esprit, même si tout compte fait j'aurais préféré penser à elle. Comme tous les autres, j'étais passé de fléau de l'humanité à sauveur, j'aurais pu y croire, entendre de ça de la bouche de quelqu'un que j'avais extirpé de son foyer ça faisait… chaud au cœur ? C'était un mot très important pour moi, malgré ça je savais qu'il était le résultat d'un sentiment de lien profond, couplé à une histoire qui n'était pas encore complète. Est-ce que je devais parler du reste ? L'histoire c'était fini de manière un peu abrupte, et peut-être qu'avec l'émotion elle ne l'avait pas remarqué, mais moi je connaissais la vérité.
J'avais épaulé l'arme et abattu une personne plus d'une fois, mais je mentirais en disant que seuls des coupables se sont retrouvés face à la bouche du canon. Pandore, moi ou n'importe quels autres soldats augmentés du programme Cole, nous étions des meurtriers au même titre que le docteur Ackermann était un savant fou à qui l'on avait filé des gamins pour donner libre cours à ses expérimentations. Sous couvert de l'armée, il avait pu faire tellement de choses… tellement de mal… Mais comme tout homme, Ackermann n'était pas immortel, il était mort « tragiquement » durant le vol inaugural d'un nouveau prototype de navette. Officiellement cela avait été annoncé comme un malheureux accident et d'une certaine manière que je pense que tout le monde y croyait fermement, l'avantage quand explose en se crachant, c'est qu'on ne retrouve jamais rien.
Officieusement, le sujet 52 était parvenu à se glisser dans la navette et une fois celle-ci en l'air, il avait tout bonnement éliminé l'entièreté de l'équipage, sans compétence de pilotage il précipita la navette droit vers le sol, s'assurant ainsi de partir avec panache. Pourquoi ? Tout simplement, car malgré le nombre de victimes, le programme Cole n'en restait pas moins un succès. Des morts il y en avait eu, mais cent soldats augmentés avaient plus de valeurs que mille hommes ordinaires. Même si la Grande Guerre semblait pointer le bout de ses ogives, il était tout de même question d'organiser une deuxième rafle d'enfant afin de travailler en secret sur la deuxième génération, celle qui viendrait nous remplacer. 52 refusa qu'une telle chose produise et il préféra se sacrifier plutôt que de laisser d'autres enfants subir ce qu'il avait vécu, ce que nous avions vécu.
J'avais retiré mes vêtements pour me glisser dans mon lit. Malgré la fatigue je peinais à trouver le sommeil, parler des souvenirs avait fait remonter pas mal de merde à la surface, le genre de chose que j'avais enfouis pour les bonnes raisons. Ackermann… Je pouvais presque sentir ces putains d'aiguilles chirurgicales percer ma peau pour y injecter tout un cocktail de saloperie qui devait soi-disant renforcer ma musculature, mais qui quelques heures plus tôt avait littéralement bouffé de l'intérieur celui que j'avais considéré comme un ami. Il y avait aussi cette assistante, plus âgée que moi, elle assistait à l'opération, son rôle était principalement de me maintenir en place en cas de problème. J'étais terrifié à l'idée de mourir et intérieurement la haine me faisait détester tout ce qui n'était pas comme moi. Au dernier moment, juste avant que l'opération commence et qu'on m'injecte les nanobots, j'ai dévié une des aiguilles pour lui enfoncer la jambe, je refusais de crever seul.
Quinze ans plus tard, j'entendais encore ses cris, elle était comme moi, innocente, là au mauvais endroit et elle en était morte.
Premier meurtre.
Je virais cette foutue couette pour me redresser, c'était tout bonnement impossible de dormir, dormir avec les morts et les cris de douleur… J'avais… j'avais besoin d'elle ? Après tout nos corps semblaient se détendre lorsque nous étions à proximité, une histoire d'hormone et de phéromone d'après les scientifiques, puis si je peinais à trouver le repos elle devait être dans le même état. Je quittais ma chambre pour aller la retrouver, j'imaginais qu'elle devait encore être près de la baie, je ne savais pas encore comment j'allais amener la chose…
Ethel tu… voudrais bien dormir avec moi ? C'est professionnel, hein… Tu sais, on a besoin d'une certaine proximité pour être « bien »
C'est sûr qu'avec ce genre d'explication et une bonne moustache j'aurais pu passer pour le prédateur par excellence, tant pis, j'allais bien trouver une manière de l'inviter. Sauf qu'une fois devant la baie, personne, malgré ça je pouvais encore sentir son parfum, enfin l'odeur qu'elle dégageait. Elle avait dû rejoindre sa chambre elle aussi, jugeant qu'un lit serait plus confortable qu'un angle de mur. J'ai donc rebroussé chemin, retournant dans la zone de repos, m'arrêtant quelques instants devant la chambre que je pensais occupée par la belle.
Un soupir résigné et je me glissais dans ma propre chambre, cherchant du bout des doigts la chaise qui n'était plus l… Dans le silence je percevais nettement le bruit d'une respiration, visiblement… on avait un besoin commun que j'avais encore du mal à expliquer. Je contournais le lit pour m'allonger de l'autre côté, puisque visiblement ma « partie » était occupée, heureusement pour moi elle ne dormait pas encore en étoile de mer. À peine sous la couette je sentais déjà l'effet de notre proximité faire effet… Ma respiration se calquait sur celle de la belle endormie et alors que je pensais presque fermer l'œil, voilà que le petit orbe bleu de TARS apparaît au-dessus de ma tête.
— Dame Ethel me fait vous dire que si vous la touchez pendant son sommeil, vous allez…
— Vous allez quoi ? Je ne suis pas un acteur du 21e Siècle jusqu'aux dernières nouvelles.
— Je sens votre rythme cardiaque se synchroniser avec le sien et vot…
— Si tu la réveilles, tu te débrouilles avec.
Invité
Sam 20 Jan - 11:55
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Haphelros
Sam 20 Jan - 13:58
Elias
J'ai 35 ans et pas vraiment envie de te donner mon CV comme ça, alors va chier. T'as de la merde dans les oreilles ?
J'allais menacer le petit globe bleu lorsque la jeune femme se dressa dans un coup dans le lit, sans avoir l'occasion de réagir, je recevais une main dans la gueule, main qui visiblement m'avait confondu avec un oreiller ou le matelas. Malgré l'envie de notifier sa délicatesse, je décidais de ne rien dire, imaginant qu'elle ne s'attendait pas à ce que je sois si près d'elle… En même temps le lit n'était pas bien grand et nous étions tous les deux de sacré gabarit, avec son mètre quatre-vingt on pouvait difficilement la transporter sur l'épaule comme avec un échantillon peinant à atteindre le mètre soixante.
— Tu ne me déranges pas, t'en fais pas.
J'avais fini par me redresser à mon tour, écoutant chacune de ses paroles avec un profond respect. Comme je l'imaginais, elle avait bien les mêmes soucis que moi, et notre proximité n'était pas un luxe, mais un véritable besoin dont nos corps semblaient avoir besoin. Moi-même j'avais du mal à comprendre, car, malgré mon lien avec Pandore, jamais je n'avais eu ce genre de cauchemar, jamais je n'avais eu tant besoin de cette proximité qui m'avait forcé à parcourir le vaisseau le cul à l'air pour la retrouver. Sur le moment, je mettais cela sur le compte des événements récents, mon esprit devait avoir besoin de se reposer, et là la présence d'une Ethel bien vivante devait l'aider. La version moins sympathique consistait à imaginer les scientifiques apporter des modifications au lien qui devait unir notre duo, peut-être qu'ils avaient rendu les choses plus… présentes ? Peut-être que le manque de proximité se matérialisait par des cauchemars. Malgré les théories, je ne pouvais tout simplement pas lui avouer, dans ces moments-là je devais être la figure rassurante, celle capable de dire : fait moi confiance, tout ira bien. Si par malheur je lui disais que moi aussi je me sentais mal sans sa présence, elle pourrait penser que je ne comprenais pas tout non plus et donc que me faire confiance serait peut-être caduque.
— On s'apaise tous les deux, ta présence me fait du bien aussi. C'est sûrement le temps qu'une symbiose s'installe entre nos corps, après tout devrait rentrer dans l'ordre.
Je sortais ça de mon chapeau, mais peut-être que je n'étais pas si loin de la vérité… après tout j'avais fréquenté pendant trente ans, j'avais largement eu le temps de m'habituer à sa voix, sa façon de faire, ses gestes, son parlé et même la douceur de sa peau… Avec ce nouveau corps, c'était trente ans d'alchimie qu'on foutait par la fenêtre et qu'on devait totalement refaire, et encore, mois j'avais la chance de comprendre deux ou trois, Ethel de son côté… c'était plus complexe. Finalement ce n'était peut-être pas une question de scientifique taré dans un laboratoire, mais bien de temps et d'habitude.
— Si c'est ce que tu veux, alors tu n'auras plus jamais peur de qui que ce soit.
Est-ce que j'avais vraiment envie de dire ça ? D'une certaine manière, non… Mais je voulais être rassurant, si elle voulait apprendre à se battre, j'étais sans aucun doute le plus apte, mais… moi j'avais eu droit à un entraînement spécifique afin de tout gérer au mieux, Ethel n'avait pas cette chance.
Comme dans un film cliché je l'ai senti se recoucher et pivoter dans le lit, tirant avec elle une bonne partie de la couverture, augmentée ou non, certaines choses ne changeaient visiblement pas avec la féminité. D'ici quelques heures je l'imaginais bien se mettre en diagonale.
Finalement je m'allongeais à mon tour, passant doucement un bras qui se voulait protecteur par-dessus son buste, m'assurant que la couette serait une barrière physique entre nos deux corps. J'espérais sincèrement pouvoir la protéger de tout et de toute manière je voyais à présent cela comme une mission, rien de mal ne pourrait lui arriver tant que je serais capable de respirer. D'une certaine manière j'allais être une sorte de garde du corps, du moins jusqu'à ce qu'elle juge ma présence comme ennuyeuse ou inutile, ce qui finirait tôt ou tard par arriver.
— Je serais toujours là, tu peux compter sur moi.
Ai-je fini par souffler doucement tout en étant sûr qu'elle m'entendrait. Doucement je pouvais sentir le calme me gagner, c'était… reposant, je ne dormais pas et pour la première fois depuis de longues heures j'avais vraiment l'impression de reposer, grâce à elle.