Chase n’était pas un coureur de jupons. Il ne l’était pas avant la célébrité et il ne l’était pas devenu par la suite. Ce n’était pas un impulsif. Au contraire. Il pouvait être transi d’amour mais mettre des mois à déclarer sa flamme par peur du rejet. Alors que lui arrivait-il au juste ? Quel sort Rachel Everett lui avait lancé ? C’est comme s’il était transformé à son contact. Il brulait d’envie pour elle. Littéralement et ce depuis le premier jour peut-être alors qu’ils étaient sensés être des rivaux. Que restait-il de leur rivalité ? Sans doute plus grand chose. Il la voulait. Elle. Juste elle. Toujours plus d’elle. Pourrait-il seulement en avoir assez ? Elle était sienne. L’espace de ce corps à corps, elle était à lui et Chase n’avait jamais rien connu de plus grisant. Guetter ses gémissements, faire attention au moindre de ses soupirs, c’était sa manière d’être sûr qu’elle prenne au moins autant de plaisir que lui. Parce qu’il n’était pas question d’un coup tiré vite fait dans lequel il ne serait question que de son propre plaisir uniquement. C’était un échange, le point final de semaines de tension. Et, mon Dieu, ce qu’il aimait ça. Chaque coup de rein l’emmenait plus loin encore si bien qu’après plusieurs minutes, il s’était laissé emporter par une jouissance profonde et puissante.

Qu'est-ce qu'ils venaient de faire ? Elle peinait encore à le réaliser. Mais c'était arrivé. C'était bel et bien arrivé. Ils avaient perdus la tête l'un comme l'autre dans un échange des plus grisant, résultant de la tension accumulée ces derniers temps et dont ils n'auraient sûrement pas envisagé, il y a encore quelques semaines, qu'elle pourrait les conduire ici. Mais c'était ce qu'elle avait fait. Et ça avait été délicieusement incroyable. Délicieusement parfait. Plus parfait encore qu'elle n'aurait put l'imaginer ou l'espérer. Le genre de choses que, jusqu'à présent, elle n'avait connu que dans la musique, raconté par des chanteurs de légendes et, bon sang, ils n'avaient absolument pas menti quand à la beauté de la chose.

Le souffle encore court, elle perd une main dans les cheveux de Chase, jouant machinalement entre ses mèches et, s'ils avaient été ailleurs qu'au beau milieu d'une salle privée d'un restaurant, elle serait sans aucun doute resté ainsi jusqu'au matin ou, au moins, jusqu'à ce que le sommeil les emporte. Mais ils sont loin d'être dans le calme d'une chambre et ils savent bien, quelque part, que tôt ou tard, un serveur passera la porte pour s'assurer que tout va bien, qu'ils ne veulent rien d'autre.

Elle y pense, le réalise, comme son bras retombe mollement sur la table et elle pousse un soupir face à ce constat. Mais chier. Fait vraiment chier. Elle a conscience qu'ils ne peuvent pas rester comme ça et, en même temps, elle en crève d'envie, sans pouvoir précisément se l'expliquer. Elle soupire, encore.

"- La prochaine fois, promet moi qu'on sera dans un endroit tranquille." souffle-t-elle alors, les yeux mi-clos, avant de les ouvrir brusquement pour voir le plafond.

Oh bon sang. Est-ce qu'elle venait vraiment d'évoquer la prochaine fois ?

Ce moment paraissait plus irréel que jamais. Perdu entre deux mondes, Chase n’arrivait pas à faire de l’ordre dans ses idées. Il était bien trop secoué encore par ce qu’il venait de ressentir. C’était… incroyable. Bien plus que ce qu’il avait imaginé au moment où il écrivait cette fameuse chanson à l’origine de leur rencontre. Les doigts de Rachel dans sa chevelure blonde lui arracha un frisson. Il aurait aimé rester là. Collé à elle. Ecouter sa respiration ralentir jusqu’à ce qu’elle s’endorme et fermer les yeux à son tour. Mais ils ne pouvaient pas. Pas là. Chase se rendait subitement compte de l’endroit où ils étaient et de comment ça pourrait les compromettre si quelqu’un les trouvait dans une telle posture. Mais qu’est-ce qu’il lui avait pris ? Si ça n’avait pas été aussi exceptionnel, il aurait presque pu avoir honte. Mais il n’avait pas honte. Même pas un peu. Et Rachel n’avait fait que renforcer son sentiment en lui parlant d’une prochaine fois. Une prochaine fois. Dans un endroit plus tranquille. Il frissonna à nouveau. L’idée même de pouvoir remettre ça le plongeait dans une profonde euphorie. « Promis. » qu’il souffla à son tour avant de prendre la décision -très raisonnable mais très difficile à la fois- de s’écarter pour leur permettre de se rhabiller. Une fois un minimum de décence retrouvé, le chanteur avait eu un moment d’hésitation. Puis il s’était lancé. Avec toute la douceur dont il était capable de faire preuve, il avait replacé une mèche des cheveux de la jolie blonde derrière son oreille et avait joint ses lèvres aux siennes. Comme pour montrer son affection au delà du désir qu’il avait exprimé pour elle. « Et maintenant ? » qu’il demanda, conscient de soulever une question qui n'avait sans doute pas de réponse.

Promis, la prochaine fois, ils s'assureront de faire ça dans un endroit plus tranquille. Il promet. Ce qui veut dire que, lui aussi, il envisage une prochaine fois. Il sait que ça peut arriver. Il... le veut ? Rachel se mord la lèvre inférieure. Est-ce qu'elle le veut, elle ? Sûrement. Sinon elle ne l'aurait pas évoqué. Sinon, elle ne l'aurait pas mentionné. Mais c'est une drôle de chose et c'est encore plus drôle de le réaliser, sachant ce qu'ils sont, ce qu'ils ont été jusque là. Le sont-ils encore toutefois ? Probablement pas. Cette soirée a totalement rebattu toutes les cartes. Cette soirée a... peut-être même tout changé. Mais elle ne sait pas dans quelle mesure et elle sait que ça la perturbe de ne pas savoir. Apparemment, ça le perturbe aussi et il se pose les mêmes questions qu'elle.

Et maintenant ? Maintenant, elle ne sait pas. Elle ne sait pas ce qu'elle veut, ce qu'il veut, ce qu'ils peuvent faire. Elle croit comprendre mais... Elle ne sait pas si c'est une bonne idée. Elle ne sait pas grand-chose, sinon qu'elle est perdue. Qu'il n'est pas le connard qu'elle a pensé qu'il était et... qu'elle va devoir réfléchir à tout ça, sûrement. Lui aussi. Il va falloir qu'ils en rediscutent, probablement. Elle n'est pas sûre qu'ils puissent décider quoi que ce soit ce soir.

"- Je... n'sais pas." souffle-t-elle sincèrement en le regardant, ses bras se croisant sur sa poitrine.

Elle se sent exposée, elle ne sait pas si elle apprécie ça. Elle sent que c'est le bordel dans son esprit. Que c'est le bordel dans son corps, aussi. Y'a plus rien en place, y'a plus rien comme avant et c'est perturbant, plus que perturbant. Elle ne sait pas vraiment où ils vont, ce qu'ils font... Ni où ils en sont. Et... Elle suppose que tout est trop frais pour prendre une décision.

"- Qu'est-ce que..." elle cherche ses mots. "Qu'est-ce que tu veux ?"

Tout avait changé en très peu de temps entre eux. C’était déstabilisant. Ça s’était manifesté de manière beaucoup trop fulgurante et Chase ne savait plus quoi faire. Il était perdu. Oui, ça avait été incroyable et ce moment partagé allait rester dans sa mémoire sans doute toute sa vie. Mais que voulait-il vraiment signifier ? Etait-ce un coup d’un soir ? Un coup de foudre ? Il ne parvenait pas à faire la part des choses dans ce qu’il ressentait mais une chose était sûre : il n’avait jamais ressenti ça. C’était tout nouveau. Trop nouveau. Pour l’heure, il ne savait pas quoi en faire. Alors quand Rachel lui avait demandé ce qu’il voulait après lui avoir dit qu’elle ne savait elle-même pas, le chanteur était resté un moment interdit. Il avait besoin de réflexion. De solitude. C’était comme ça qu’il appréhendait le mieux ses émotions. « Je ne sais pas non plus. » qu’il murmura après un certain temps, presque gêné de cet aveu. Il ne voulait pas donner l’impression d’avoir profité d’elle. Il n’était pas ce genre d’homme. Enfin. Il ne pensait pas être ce genre d’homme tout comme il ne pensait pas être capable de sauter sur quelqu’un dans un lieu public et sur un coup de tête. Et pourtant, il l’avait fait. Comme quoi. Il se racla la gorge pour retrouver un peu de contenance. « Je crois que c’était très impulsif… Enfin. Une bonne impulsivité mais… Soudain. Tu vois ce que je veux dire ? » Sa maladresse l’exaspérait et avait coloré légèrement ses joues. « On ferait peut-être bien de réfléchir à tout ça ? Et on pourrait se revoir alors pour en parler ? » Parler. Ça pourrait être un bon début. Qu’est-ce qu’il savait d’elle après tout ? Cette idée le rendait mal à l’aise, tellement mal à l’aise qu’il avait fini par dire : « J’ai très envie d’apprendre à te connaitre. » Et s’il avait rougit un peu plus encore, c’est parce qu’il évoquait la plus stricte vérité.

Il ne sait pas, lui non plus. Après la passion et la folie, les voilà perdus à ne pas savoir ce qu’ils veulent, à ne pas savoir quelle est la suite, quelle peut être la suite. Il faut dire que leur bagage n’est déjà pas des plus légers et que leurs groupes se détestent. Pour de mauvaises raisons, mais les faits sont là. Leurs groupes et leurs fans, d’ailleurs. Et les choses entre eux ont changé si vite qu’ils en sont déstabilisés. Elle veut croire que n’importe qui le serait. Que n’importe qui, à leur place, ne pourrait pas agir autrement.

Elle déglutit, cherchant ses mots, cherchant à analyser ses pensées mais… Elle ne peut pas le faire, pas avec lui qui la regarde comme ça, surtout. Elle ne peut pas mettre de l’ordre dans ses idées, dans ses pensées, pas comme ça. Pas si son regard continue de la déstabiliser. Pas alors qu’elle a encore envie de sentir ses lèvres sur les siennes et peut-être même sur tout son épiderme.

”- Ouai…” souffle-t-elle. ”Très”

Pour être soudain, ça l’avait été. Ils s’étaient littéralement jetés l’un sur l’autre après tout, le tout avec le risque d’être aperçus, parce qu’ils n’avaient pas fait ça en privés mais dans un lieu public, oubliant toute retenue, toute prudence. Soudain, c’était le moins que l’on puisse dire. C’était le minimum à en dire. Et ils avaient peut-être besoin de réfléchir à tout ça, tout ce qui s’était dit ici comme tout ce qui s’y était passé. Ce serait bien, en effet, pour espérer pouvoir se dégager de leur situation, pour espérer pouvoir bientôt savoir ce qu’ils veulent.

”- On pourrait…” elle souffle, cherche ses mots, bute sur ces derniers. ”Tu… tu fais quoi dans.. je sais pas, deux semaines ?” demande-t-elle. ”On pourrait se revoir et… réfléchir d’ici là ?”

Le moins que l’on puisse dire, c’était que Chase était déstabilisé. Tout ça, ce n’était pas dans ses habitudes. C’était un grand romantique doublé d’un timide, à la base. Il passait des mois à mourir d’amour sans rien oser dire, finissait par en faire des chansons et si la fille était encore là, alors seulement une histoire d’amour pouvait commencer. Les coups d’un soir, les aventures sans lendemain, ça ne lui était quasiment pas arrivé. Il aimait connaitre les personnes qu’il fréquentait. Est-ce qu’il connaissait Rachel ? Il avait l’impression. D’une certaine manière. Mais c’était tellement superficiel et il ne se reconnaissait pas. Elle lui avait littéralement donné des ailes et rendu plus entreprenant que jamais. Et c’est sans doute parce que c’était totalement nouveau et très soudain en plus que Chase ne savait absolument pas quoi en penser. Il était dans le flou. Bien sûr il avait trouvé ça génial mais qu’est-ce que ça signifiait exactement ? Il n'en savait rien ou peut-être bien qu’il avait trop peur de savoir. Il avait détourné le regard quand elle avait précisé que ce n’était pas soudain mais très soudain. Est-ce qu’elle allait penser de lui qu’il était un serial lover ? Un mec qui a pour habitude d’enchainer les conquêtes aussi rapidement que ça ? Ce serait une très mauvaise interprétation mais il comprendrait qu’elle se fasse cette idée-là de lui. Et puis il avait relevé les yeux quand elle lui avait proposé qu’ils se revoient dans deux semaines. Il n’avait aucune idée de son agenda à ce moment précis mais ça ne l’avait pas empêché de s’empresser de dire : « Oui ! » Et, gêné de son enthousiasme très mal dissimulé, il avait repris : « Je veux dire… C’est une très bonne idée. On réfléchit et… On en reparle. » Maladroitement, il avait tenté un petit sourire.

Pour le moment, ils avaient besoin d'être au calme et de pouvoir repenser tranquillement à tout ça avant de faire ou décider quoi que ce soit, sûrement. Elle est trop perdue, de toute façon, pour vraiment parler de tout ça à chaud. Elle a besoin de recul, d'analyser ce qui s'est passé, de comprendre ce qui lui est arrivé. Elle a besoin de pouvoir faire le point sur la situation, besoin de pouvoir mettre des mots sur tout ça, avant d'espérer pouvoir en parler avec lui et décider de la suite. Parce que, pour le moment, elle ne sait pas répondre à cette question. Elle ne sait pas ce qu'il y a après. Elle ne sait pas ce qu'ils font maintenant. Elle se pose la question, elle aussi, mais son esprit refuse encore d'y répondre de manière cohérente, restant plongé dans une sorte de brume duveteuse.

Il semble penser que se donner le temps de réfléchir à ce qui est arrivé avant de revenir l'un vers l'autre et discuter de tout ça est une bonne idée, aussi elle lui adresse un sourire, l'empressement de l'homme étant évident, avant qu'il ne tente de nuancer son propos. Elle hoche la tête. Ils réfléchissent et ils en reparlent. Dans deux semaines. Elle ne sait pas encore exactement quand mais... Ils trouveront bien un moment pour s'accorder, d'ici là.

"- On... On s'tient au courant pour trouver une date, ou tu sais déjà quand tu serais dispo pour qu'on parle de tout ça ?" demande-t-elle sans être sûre de son propre emploie du temps sur ce coup-là mais songeant qu'elle se rendra disponible pour ça, tout simplement. Le plus tôt sera sans doute le mieux, pour discuter de tout ça.

A la question de Rachel, Chase fit l’effort de se contrôler cette fois. Hors de question d’avoir l’air de nouveau empressé. Ça lui avait demandé des efforts mais il avait su mettre un peu de distance histoire de ne pas la faire totalement flipper. Après une petite pause où il fit mine de réfléchir, il se racla la gorge pour dire : « On peut dire dans deux semaines tout pile, même heure, même endroit ? A moins que tu préfères faire ça chez moi ? Ou chez toi ? » Mon Dieu. Lui qui voulait avoir l’air détaché, voilà qu’il parlait de se voir dans la sphère très privée de leurs domiciles. Il s’infligea une claque mentale avant de reprendre : « Ce n’est pas toujours simple de trouver des endroits où on est incognito. » Et c’était la plus stricte vérité, ce n’était que pour ça qu’il lui proposait qu’ils se voient dans un lieu privé et il espérait qu’elle allait le croire. Pour rien au monde il ne voudrait lui donner l’impression de n’être intéressé que par ce qu’elle pouvait lui offrir dans un lit. Chase n’avait à ce moment précis pas beaucoup de certitudes mais il était bien persuadé d’une chose : ça ne se réduisait pas à une partie de jambes en l’air. Il l’admirait. Il ne devait pas être le seul d’ailleurs. A ce moment précis, il n’avait pas pu s’empêcher de penser à tous ces gens qui devaient eux aussi admirer Rachel. Et de tous ces gens-là, combien d’entre eux rêveraient d’obtenir ses faveurs comme il l’avait fait ce soir ? Ça lui donnait le tournis. Tant et si bien qu’il avait préféré rejeter cette pensée au plus loin dans sa tête et se concentrer sur la réponse qu’elle allait lui donner.

Dans deux semaines tout pile même heure et même endroit, à moins qu'elle ne préfère le voir directement chez elle ou chez lui. Ce serait beaucoup plus intimiste. Il est vrai que trouver des endroits pour préserver leur anonymat n'est pas des plus simples. Leur logement personnel permet, au moins, de préserver la rencontre à peu près secrète. Sauf si, bien sûr, des paparazzis les surprennent à se rendre chez l'autre. D'un autre côté, dans un restaurant, il y a des témoins qui peuvent se montrer indiscret et révéler l'information. Rachel n'est pas encore sûre, d'ailleurs, que leur rencontre du jour ne soit pas rapidement divulguée. Il faudra qu'elle vérifie Twitter, tout à l'heure. Dans l'immédiat...

"- Peut-être que nous pourrions nous voir chez toi ou chez moi, ce serait peut-être plus discret. Je ne sais pas encore si nous pouvons faire totalement confiance au personnel, ici..."

Et puis si jamais ils devaient dévier de nouveau, ils seraient bien plus tranquilles dans l'intimité d'un foyer qu'au beau milieu d'une salle même privatisée d'un bar ou restaurant, mais elle essaie de chasser rapidement cette pensées. S'ils se revoient, ce sera pour parler, pour mettre les choses à plat, pour essayer de mettre des mots sur ce qui s'est passé, sur ce qui leur arrive, pas pour se perdre plus encore qu'ils ne le sont déjà, pas pour en rajouter. Mais en auront-ils la force ? Si la passion les prend comme elle l'a fait aujourd'hui... Rachel se pince les lèvres, sans oser partager cette pensée.

"- Chez moi si tu veux. Incognito. Attention aux paparazzis."