Quand ils étaient ensemble en public, il arrivait à Nate de se demander si l’amour qu’il ressent pour Matt se voyait. D’accord, ils ne se touchaient pas et avaient la même distance physique que deux bons potes… Mais ses yeux, ses sourires, ne trahissaient-ils pas ses véritables sentiments ? Il fallait croire que non. Peut-être parce que personne ne les regardait vraiment… Ou peut-être parce que, bien malgré eux, ils étaient devenus experts dans l’art de dissimuler qui ils étaient quand personne ne regardait. Pourtant Nate n’avait jamais eu l’impression de faire quelque chose de mal. L’amour qu’il a pour Matt est le seul de sa vie qui n’ait jamais été juste et sincère, c’est aussi le seul qu’il ne puisse pas vivre au grand jour. L’ironie du sort. « Je vais tenter un truc… » qu’il avait dit en se dirigeant vers le rayon primeur pour sélectionner quelques légumes. « C’est pas souvent toi qui m’invites ? Ça devrait pas être mon tour de t’inviter ? » qu’il fit remarquer avec sa bonne humeur habituelle. En passant dans le rayon alcool pour aller à la caisse, Nate avait eu un petit pincement au cœur. S’il avait été normal, ils auraient pu arroser un peu leur week-end à deux. A la place, ils tourneraient à l’eau et au café et Nate se demandait dans quelle mesure Matt subissait ça. Ce n’était pas un sujet qu’il voulait aborder pour le moment néanmoins. « Si c’est toi qui m’invites à dîner, je paye les courses. » qu’il avait dit alors en sortant son portefeuille.

- J'ai envie de t'inviter à diner ce soir. Mais un autre soir si tu veux oui.

J'en avais chié pendant longtemps. J'avais été dans la merde financièrement, plus que la merde. J'avais tout perdu à un moment donné. J'étais même arrivé avec pratiquement rien à Los Angeles. C'était la première fois que j'avais un peu d'argent, que je pouvais vivre sans avoir à me serrer la ceinture. J'avais même pu investir et m'acheter cet appartement. A crédit certes, mais dans quelques années j'aurais remboursé le crédit et je serais vraiment chez moi. Personne ne pourrait me mettre à la porte comme l'avaient fait mes soeurs. Alors je voulais profiter de tout ça pour offrir à celui que j'aimais tout ce que je n'avais jamais pu lui offrir.

- Je te laisse payer ok. De toute façon tu as pris trop de légumes, tu vas devoir les ramener chez toi.

Je lui souris, prenant une partie des courses avant de retourner à la voiture avec lui. Je l'aidais à installer les courses avant de me remettre côté passager. Je repris ma carte et la détaillais à nouveau.

- Bon... on n'est plus très loin. Il faut aller par là.

Je lui indiquais la route avant qu'on reparte. Je me concentrais, utilisant à la fois la carte et ce que mon ami m'avait dit pour trouver la maison. Je le fis finalement se garer, avec un sourire, devant une belle maison. Elle était dans un coin isolée, les premiers voisins étant assez loin. On serait à l'abri des regards. On pouvait entendre le bruit des vagues et distinguer la mer derrière celle ci. Je souriais en sortant de la voiture.

- Et voilà notre chez nous pour le week end. Ca te plait?

J'allais récupérer mon sac dans la voiture et une partie des courses qu'on avait acheté. La maison aurait été horrible que ça m'aurait été égal. Nous avions la perspective de passer un week end en tête à tête, dans un petit coin reculé du monde. C'était tout ce qu'il me fallait.

Nate avait hoché la tête, compréhensif. Matt avait galéré toute sa vie. Maintenant qu’il était à l’aise, il avait sans doute envie d’en profiter pour jouir de cette liberté. Nate ne lui en tiendrait donc pas rigueur. Quand il aura assez de recul sur le salon de thé, Nate sera lui aussi content de pouvoir profiter un peu plus facilement de la vie. « N’importe quoi. » qu’il sourit, amusé, à la remarque de Matt sur les légumes. Le contraire aurait été étonnant. Nate paya et ils étaient sortis de la supérette pour ranger les courses dans la voiture. Nate s’était ensuite remis au volant, Matt toujours aux commandes. Ils avaient repris la route et étaient vite arrivés sur les lieux. C’était comme ce que Matt lui avait décrit et si ça lui faisait plaisir, rien ne lui faisait plus plaisir que la perspective d’être seul avec l’homme qu’il aimait. « C’est parfait. » qu’il commenta, un sourire énorme aux lèvres, en aidant son homme à vider la voiture. Avant de commencer à ranger les courses, Nate avait pris Matt dans ses bras. Il avait besoin. Après avoir joué aux bons potes à la supérette, il allait savourer d’être enfin en tête-à-tête avec lui. Il s’écarta pour l’embrasser tendrement et, l’air de rien, il était parti ranger les courses. « Tu veux aller te baigner avant de sortir ce soir ? » qu’il avait demandé alors qu’il rangeait les légumes dans le frigo.

J'étais entrain de déposer les affaires dans la cuisine, m'apprêtant à les ranger dans le placard quand je sentis ses bras venir m'enserrer. Je me laissais faire avec plaisir, me blottissant contre lui. Je ne l'avais pas assez vu ces derniers temps, j'étais en manque de mon Nate. C'était tellement frustrant d'être en public avec lui, de ne pas pouvoir le prendre dans mes bras et l'embrasser devant tout le monde. J'avais conscience que c'était déjà mieux qu'autrefois, quand nous devions voler un week end de temps en temps, mais ça ne restait pas assez à mes yeux. Ca ne pourrait jamais l'être.

Je le laissais se détourner après m'avoir embrassé. Je le regardais faire en souriant avant de venir le rejoindre pour l'aider à ranger.

- Je pensais me baigner après le restaurant. Un petit bain de minuit...

Un vrai bain de minuit d'ailleurs. Le genre de bain qu'on prenait complètement nu. J'avais beaucoup de temps à rattraper avec mon homme et je comptais bien en profiter.

- On pourrait aller se balader un peu en ville, chercher le restaurant où on a envie d'aller diner. Je commence à avoir sérieusement faim je t'avoue.

Je ris doucement en disant ça. Il allait certainement me répondre que j'avais toujours faim. Mais j'étais levé depuis un moment, la journée de tournage avait quand même été assez longue. L'heure du diner se rapprochait sérieusement. Je préférais aller diner avec lui et profiter ensuite de notre baignade tous les deux, sans personne pour venir nous déranger.

J'attendis qu'il ait terminé de tout ranger pour aller me coller contre lui, le prenant dans mes bras.

- Ou on peut aller au restaurant demain. Passer la soirée ici tous les deux. Diner ensemble. Aller se baigner ensuite... Moi tout me convient.

Du moment qu'on était ensemble...

Le contact de Matt avait terriblement manqué à Nate. C’était étrange. Depuis qu’ils avaient commencé à se fréquenter, Matt lui avait toujours manqué. C’était jamais assez. Sans doute parce qu’ils ne pourraient jamais vivre comme un couple normal. Et, d’un autre côté, ça lui permettait de profiter encore plus de ce moment. Tous les deux. Loin des regards. C’était tout ce que Nate pouvait rêver et s’il avait totalement le choix, ils ne vivraient que comme ça. En finissant de ranger, Nate écoutait Matt et ses projets pour la soirée. Très vite, il avait récupéré Matt dans ses bras. Il profitait de lui, de son odeur, et laissait bercer par sa voix. Il avait donc mis du temps à répondre, trop absorbé par l’amour qu’il lui portait. « Allons chercher ce restaurant. Quand il fera totalement nuit, on pourra aller se baigner… Personne nous verra comme ça. » Même s’il n’était pas vraiment sûr qu’il y ait grand monde tard dans la nuit pour les voir de toute façon. « Je devrais me changer, non ? » qu’il avait dit en référence à sa chemise un peu froissée par la route. Il y a des choses qui ne changeaient pas.  

Je souris alors qu'il venait me reprendre dans ses bras. Je n'aurais jamais cru être un jour ce genre d'homme. Avant de rencontrer Nate, j'avais pensé que je finirais ma vie seul. Peut être que j'aurais pris une femme, mais surtout pour m'aider à la ferme, avoir des enfants qui prendraient ma suite à ma mort. Je ne me voyais pas être du genre romantique, à finir par aimer follement une personne au point d'avoir besoin de sa présence chaque jour à mes côtés, d'être détruit, brisé si je ne l'avais pas. Mais je vivais tout ça avec Nate. Et je me surprenais à sourire bêtement quand il avait des gestes comme celui ci, qu'il me prenait dans ses bras. Je me sentais heureux, plus que je n'aurais jamais imaginé l'être.

- Personne ne nous verra ici. On est suffisamment à l'écart de tout le monde et dans un coin privé.

Je me collais un peu plus à lui, souriant davantage.

- Je t'aurais rien que pour moi sans personne pour venir te mater.

Je l'embrassais doucement avant de me décoller. Je lui souriais toujours alors que je l'entrainais vers sa voiture. Je le guidais pour qu'il nous raccompagne dans le centre ville. On se gara dans un coin, pas loin du centre ville. On descendit de la voiture pour aller se balader. Je n'avais jamais été du genre romantique mais j'aurais aimé pouvoir me promener main dans la main avec lui, pouvoir l'enlacer ou lui voler un baiser. Mais nous ne pouvions pas...

Nous étions entrain de chercher un restaurant quand je la vis, la petite cabine coincé entre deux magasins de prêt à porter féminin. Sûrement que les vendeurs devaient penser que c'était une activité plus pour les femmes que pour les hommes. Mais l'idée me vint en les voyant d'y faire un tour moi aussi.

- On y va? Pour faire des photos toi et moi?

Des photos à l'abri des regards où nous pourrions être nous même, comme un vrai couple. Des photos où je pourrais l'embrasser sans crainte que le photographe ou les gens autour ne prennent mal notre démonstration d'affection.

Nate avait toujours été un tendre. L’affection qu’il montrait à Matt n’avait rien d’étonnant de ce fait. Matt, lui, en revanche, avait fait un long chemin depuis la première fois qu’ils s’étaient vus. Comme s’il avait réussi à l’apprivoiser, Nate pouvait aujourd’hui profiter de lui mieux que quiconque l’ait jamais fait. « Parfait. » qu’il avait répondu quand Matt lui avait dit qu’ils étaient à l’écart du monde et, surtout, dans un endroit privé. C’était malheureux dans un sens mais bel et bien parfait pour eux. « Personne me mate. » qu’il avait répondu dans un rire. « En revanche, toi, la star de cinéma… Tu dois en faire rêver beaucoup. » Et il le pensait. Lui le premier. Comment résister à ce regard hypnotisant ? Ils avaient rejoint la voiture et avaient du abandonner les bras l’un de l’autre. C’était le jeu : pas de rapprochement physique en public. Les conséquences pouvaient être lourdes, Nate en avait déjà fait les frais un jour. Pour rien au monde il ne risquerait que ça arrive à Matt. Dieu sait pourtant à quel point il en avait envie. Être normal… Juste normal. Si seulement. Un peu distraitement, Nate cherchait un restaurant. Il se laissait porter par le moment. Il était bien, rien ne le pressait. L’époque où il comptait les minutes aux côtés de Matt était révolue. Matt était venu le tirer de ses pensées en lui proposant d’aller dans un photomaton. S’il avait été un peu surpris au début, il n’en était pas moins ravi. Il s’était fait une raison et pensait ne jamais avoir de photos de couple mais là, tout à coup, c’était permis. Il avait sourit d’une oreille à l’autre. « Et comment ! » Il avait été le premier à écarter le rideau pour venir s’installer sur le petit tabouret. Quand Matt avait refermé le rideau derrière eux, il l’avait installé sur ses genoux. Il avait ensuite glissé quelques pièces dans la fente en écoutant les instructions de la cabine. « Prêt ? » qu’il avait demandé en préparant son plus beau sourire.

- Je suis loin d'être une star de cinéma. J'ai seulement eu quelques petits rôles dans des films.

Ca me permettait de gagner plutôt bien ma vie, d'avoir un agent maintenant qui me suivait et me conseillait sur les castings à passer. Mais j'étais encore terriblement loin d'être une star comme il le disait. Je n'avais pas la prétention de l'être un jour. Être un petit acteur, pas trop connu me convenait parfaitement. Et je savais que de nous deux le plus beau, c'était Nate. Il avait un sourire qui avait le don de faire craquer n'importe qui. Il n'y avait qu'à voir le nombre de filles qui se retournaient pour lui. Je ne me faisais pas autant draguer que lui et il ne le voyait même pas. Mais j'aimais l'idée qu'il ne prête pas attention aux filles qui tentaient de l'aborder. J'avais du le partager beaucoup trop longtemps avec sa femme. Elle s'était mise entre nous. Elle avait eu le droit de partager sa vie, d'avoir son affection, d'avoir même un enfant de lui pendant que je n'avais rien. Désormais c'était mon tour, il était tout à moi.

Je m'installais sur ses genoux dans le photomaton, souriant de pouvoir avoir ce petit moment rien qu'à nous. Je le laissais mettre les pièces avant de commencer à sourire devant les photos. Puis je me laissais aller à l'embrasser, d'abord un baiser sur la joue avant de l'embrasser vraiment. Je me redressais une fois les flashs terminés pour récupérer les photos. Je les regardais avec un peu d'émotion. C'était la première fois que je nous voyais ainsi. Nous avions vraiment l'air d'un couple. On pouvait voir dans nos regards, dans nos baisers à quel point on s'aimait. Il n'y avait rien d'affreux là dedans, rien que de l'amour. Alors pourquoi ne pouvions nous pas vivre ainsi?

Je lui tendis les photos avec un petit sourire.

- Elles sont très belles. Tu es magnifique dessus.

Matt pouvait se défendre autant qu’il voulait de ne pas être une star de cinéma, aux yeux de Nate il l’était. Il le subjuguait. Après toutes ces années, il lui faisait encore cet effet-là. Il l’idéalisait peut-être mais il était persuadé d’être objectif. « Si tu le dis. » qu’il lui avait alors répondu dans un sourire. Peu importe ce que lui dirait Matt, Nate le verrait toujours avec des étoiles plein les yeux. Et des étoiles plein les yeux, il en avait encore plus alors qu’ils s’apprêtaient à faire leurs premières photos de couple. Ça n’avait peut-être l’air de rien mais, pour eux, ces quelques clichés seraient inestimables. Matt sur ses genoux, Nate se sentait légèrement euphorique. Ce sentiment se renforça alors qu’ils s’embrassaient sous le flash et quand il avait découvert le résultat, il avait manqué de verser une larme. « Regarde comme on est beaux tous les deux ! Je savais pas qu’on était aussi bien assortis. » Et c’était une réelle découverte, une découverte qui le réchauffait de l’intérieur. Nate déposa un rapide baiser sur les lèvres de Matt. Il pouvait encore un peu en profiter tant qu’ils ne sortaient pas d’ici. « On pourrait les faire encadrer et les mettre chez nous. » qu’il rajouta spontanément avant de réaliser qu’il avait parlé plus vite qu’il n’avait réfléchit : « Quand on aura un chez nous, je veux dire. » Il plaça précieusement les photos dans une de ses poches et se leva en entrainant Matt avec lui pour sortir de là. Fini les démonstrations d’affection, ils devaient de nouveau avoir l’air de deux potes. Pour autant, Nate était toujours heureux comme tout. Rien ne pourrait gâcher ce moment.

Je fronçais un peu les sourcils en l'entendant parler de "chez nous". Il avait du remarquer ma réaction car il se corrigea bien vite, parlant d'un futur où ce serait le cas. Je ne savais pas trop comment réagir à ça. Bien sur l'idée de vivre un jour avec lui était plus que tentante. Mais je ne savais pas si j'étais encore prêt pour ça. Rien que d'y penser, ça me donnait le vertige. Nous n'avions jamais vraiment vécu ensemble. Depuis que nous avions quitté le ranch nous n'avions profité que de quelques instants volés ensemble. J'avais même fini par faire une croix sur l'idée de pouvoir un jour être avec lui. Mais il était revenu désormais. Nous commencions une vraie histoire tous les deux ensemble. Alors peut être que oui, peut être qu'un jour nous pourrions vivre ensemble comme un couple ordinaire.

- Un jour peut être oui.

Je lui souris doucement avant de reprendre notre marche dans les petites rues de la ville. Je me tenais assez loin de lui, dans une position toujours aussi frustrante. C'était le jeu malheureusement quand nous étions en public.

Je finis par m'arrêter devant un restaurant de fruit de mer en bord de mer. La vue était sympa sur la mer de l'autre côté de la route. Nous étions sur une petite promenade piétonne bordée de restaurants et de tout un tas de boutiques. Les boutiques commençaient à fermer mais je comptais bien y faire un tour le lendemain pour un peu de shopping avec lui.

Je lui souris en lui montrant le restaurant.

- Comme ça tu ne pourras pas dire que je ne mange que de la viande. On peut manger des crevettes aussi.