Faudrait croire qu'après des années sans réelles nouvelles , je n'en aurai plus grand chose à faire de Rose. Que je me contenterai de lui rire à la gueule quand elle me proposerait de parler , de lui dire d'aller se faire foutre. Mais , évidémment, je n'ai rien fait de tout cela. Je l'ai juste regardé droit dans les yeux , et lâcher un "ok on peut discuter autour d'un verre".
En gros.
Tous les films que je m'étais fait , tout ce que je voulais lui balancer...Nada. Ceci dit , j'ai ce soir , au Rainbow pour me rattrapper.

On a repété des heures durant avec le groupe car on a une nouvelle batteuse. Fallait vérifier qu'elle puisse tenir la cadence d'un concert , ne pas être éclatée au bout de cinq chansons , éventualité qu'on a croisé plusieurs fois ces derniers mois , et qui commençait sérieusement à nous désespérer , surtout Gabe et moi.
Depuis que notre batteur nous a laissé tombé , pour des raisons justifiables mais quand même chiantes , on a galéré pour le remplacer. Aujourd'hui , on dirait que c'est enfin bon.

J'ai pris le temps de me changer avant notre...notre quoi d'ailleurs.
Discussion , rencard ?
Je refuse d'appeler cela un rencard , même si ça peut y ressembler. J'ai toujours mon style punk , vêtements qui n'ont guère changé depuis l'adolescence , une fois mon univers découvert , je ne l'ai plus quitté. La seule chose que je change régulièrement , c'est la couleur de mes cheveux , bleu , roses, verts , blonds...Bref.
Sans oublier la chaîne que je porte toujours autour du cou , souvenir de Léo mon jumeau mort quand on étaient encore gamins , la mère partie avec lui. J'aime pas m'attarder sur ses souvenirs , ça me fout le cafard , mais en portant la chaîne qui appartenait à mon jumeau , j'ai parfois l'impression qu'il est encore un peu à mes côtés.

5 minutes avant l'horaire convenu avec Rose , je sors du Rainbow pour m'en griller une.
Ouais je sais. Mauvaise habitude.
Cancer du poumon tout ça.

Je fume largement moins que quand j'étais adolescente , mais le fait est qu'arrêté complètement me semble impossible. Ou que j'en ai pas envie , que l'idée de mourir jeune a toujours été dans un coin de ma tête , sans que j'en ai grand chose à foutre.
Je prends le temps de fumer celle-là , peut-être pour évacuer le stress que je ressens à l'idée de cette conversation. Je reprend mon portable. J'ai dépassé l'heure , mais pas de messages de Rose. Je jette mon mégot dans une poubelle , et retourne dans le bar , la cherchant des yeux.

Ok.
Pas là.

Je prends un bonbon à la menthe de mon sac avant de me foutre sur une banquette bien en vue , histoire qu'on se loupe pas. Je joue sur mon portable , jusqu'à ce que Dana rapplique. Notre nouvelle batteuse. On discute de tout et de rien , je lui confirme la bonne impression laissée , et je remarque que le temps défile.
J'suis déçue. Même si j'aurai dû me douter qu'elle viendrait pas...

Ah.
Voilà qu'elle débarque , et qu'elle s'impose en plus. Je ne me gêne pas pour l'a regarder d'un air froid , l'a détaillant de haut en bas , avant de lâcher un discret soupire.

"Rose je te présente Dana notre batteuse." , la jeune fille comprends vite qu'elle est de trop , elle est pas conne , et se lève pour partir. Elle me sourit , expression que je lui rends avant de tourner mon regard vers Rose. "Je crois que ça va." , je réponds doucement , ne sachant en réalité pas vraiment comment me comporter avec elle. Surtout depuis que j'ai découvert qui elle était réellement. "T'es au courant que t'as quand même 20 minutes de retard ?" , je lâche un petit rire ironique , avant de m'emparer de la carte , on est dans un bar après tout. "Le boulot vraiment ? J'ai comme un doute Rose...Pourquoi tu me regardes comme ça d'ailleurs ? Si quelqu'un devrait être vexé , ce serait plutôt moins je crois. , alors fais pas l'imbécile merci." , je lui fais remarquer , un sourcil levé.

Je me montre sûrement un brin agressive c'est vrai...En même temps , c'est Rose qui a commencé tout ça , et si elle peut même pas se pointer à l'heure...Cela comme tous les secrets , les non-dits , l'abandon depuis des années...
Bien sûr , au fond je suis extrêmement heureuse de la revoir , t'as une part de moi qui veut se jeter sur elle pour la serrer dans mes bras , mais l'autre part , celle qui lui en veut encore , prend le dessus pour balancer les remarques sarcastiques.

"Pour te préparer ?" , je réplique en ne pouvant retenir un petit rire , légèrement moqueur. "On va dire que je te crois."

Elle est nerveuse , je peux le sentir d'ici. Y'a des signes qui trompent pas. Je le suis aussi , du reste. J'arrête pas de croiser et recroiser mes jambes , comme si j'allais prendre la moindre excuse bateau pour me tirer d'ici. Je ne sais pas comment commencer la conversation , quoi dire.
En réalité , il y a probablement trop de sujets à aborder pour savoir par quoi démarrer et...ah.
Rose fuit déjà.

"Je veux bien une bière. Merci."

Je soupire en la regardant s'éloigner, avant de tapoter nerveusement mes doigts entre eux. Du coin de l'oeil , je remarque qu'elle discute avec Dana. Je ne peux pas entendre ce qu'elles se disent , alors je sors mon portable le temps que Rose revienne avec les boissons. Quand elle est de retour , je range aussitôt mon smartphone , par politesse.

"J'ai un groupe oui. Je chante encore un peu sur certains sons , mais je suis surtout guitariste. Sinon , je bosse dans un magasin d'instruments de musiques , on vent pas assez de disques pour que je puisse vivre du groupe. Ca reste une superbe expérence , on passe de bons moments." , je lui réponds avec un sourire sincère cette fois , le sujet de la musique ça me passionne , alors je m'ouvre facilement. "Et toi alors ? À part faire la justicière , tu fais quoi ?" , je souffle beaucoup plus bas. Autant crever l'abcès directement hein ? Je ne suis pas le genre de femme à tourner autour du pot pour savoir de quoi il en résulte. Je préfère aller directement au fait , mais ça ne veut pas dire que je ne m'intéresse pas à sa vie privée , ou à ce qu'elle fait d'autres.

"Plus beaucoup de contacts c'est peu dire..." , je soupire avant de prendre une gorgée de ma bière , réfléchissant à ce que je pourrais dire , sans me laisser emporter par tous mes ressentiments. "Honnêtement , tu m'as manqué aussi Rose. Même si...dans un sens , j'ai fini par m'y habituer. Ton invitation m'a plutôt surprise. Qu'est-ce qui a changé après tout ce temps ?" , quel a été le déclic pour vouloir me retrouver , tout simplement.

Rose se détend à mesure que Jay aborde sa passion pour la musique. Quelque part, tout n’a pas changé depuis le temps où elles chantaient toutes les deux la pop de l’époque dans la chambre de Jay devant son miroir. Rose n’était pas très douée mais Jay, elle avait déjà son grain de voix et son talent. Savoir qu’elle avait toujours continué et que, maintenant, elle faisait partie d’un groupe n’était pas tant surprenant finalement. C’était son rêve de toujours et elle l’a atteint. Rose reprend confiance en la voyant sourire plus sincèrement et se détendre un peu.

- Félicitations Jay ! Moi, j’ai fini des études d’ingénieur il y a… un an, je crois ? déclare-t-elle simplement, comme si ça n’avait rien de spécial. J’ai quitté la maison familiale après avoir trouvé un job dans une boite de robotique. C’est plutôt calme, ça me permet de m’éclipser tôt et de trouver le temps de me reposer pour cumuler mon… autre job.

Elle se sent un peu pathétique à chercher ses mots pour faire des allusions et éviter de dire les choses telles qu’elles sont. Elle craint forcément que quelqu’un entende quoi que ce soit et, à la fois, de ne toujours pas s’assumer complètement. En s’arrêtant un peu pour écouter autour d’elle, elle remarque à quel point les lieux sont bruyants et ses précautions superflues. Pourtant, elle sait qu’elle continuera à éluder, parce que c’est le deal pour avoir le droit à la liberté. Et forcément, la question principale vient sur le tapis. Elle ne sait pas comment aborder les choses pour ne pas briser le deal qu’elle a fait avec sa mère tout en en disant suffisamment pour que Jay soit satisfaite.

- Ecoute, c’est compliqué et je ne peux pas tout te dire, concède-t-elle aussitôt pour planter le décor. Avant, j’avais des obligations qui m’empêchaient de faire certains choix. On m’a forcé la main quand je t’ai quittée, dit-elle à demi-voix, honteuse, avant de boire de son verre pour le courage et laisser le temps à Jay d’entendre et de répondre si elle a quelque chose à rétorquer. Mais maintenant, j’ai fini par me libérer de ces obligations. Ça m’a coûté très cher, ça me coûte encore très cher, mais je n’en pouvais plus et il était temps que ça finisse par arriver. Je veux dire : je ne suis pas juste mon boulot, je suis aussi Rose Clarks et j’ai le droit d’avoir une vie, de tomber amoureuse de qui je veux, ajoute-t-elle en la regardant droit dans les yeux.

Ce serait idéaliste de dire que Rose ne s’était pas habituée à l’absence de Jay au fil du temps, elle aussi. Mais elle a l’impression, à ce moment où elles sont côte à côte et qu’elles arrivent à parler, à percer l’abcès, que leur histoire n’est peut-être pas complètement terminée. Elles ne se sont pas oubliées et l’avenir s’annonce plus radieux que Rose ne l’espérait. Elle voudrait lui prendre la main pour lui faire sentir son cœur qui bat la chamade, ses doutes, ses peurs. Mais, ce moment tant espéré enfin arrivé, elle se sent déjà fière de ne pas avoir fui et d’avoir pu lui dire. C’est un peu égoïste de la faire venir pour pouvoir lui dire sa vérité mais à la fois, elle ne peut pas faire grand-chose de plus. Le tango se danse à deux après tout.

Le tout , c'est de se parler finalement. De recommencer à se connaître , de se détendre , de ne pas trop parler des rancoeurs.
Certes , il faudra forcément briser la glace à un moment ou à un autre , mais je me rends compte que je suis surtout heureuse de pouvoir revoir Rose , d'avoir de ses nouvelles , que ça me réchauffe le coeur :

"Ingénieure ? Tu dois être blindée !" , je réplique avec un sourire en coin , mi moqueur mi envieux. "Tu crées des robots qu vont nous envahir , style Skynet ?" , en espérant que non hein. Mon regard se fait plus perçant à la mention de son "autre job" , me demandant si je devrais demander des précisions , peut-être que c'est trop tôt , trop intruisif , et je n'oublie pas que ce qu'elle fait c'est dangereux , et mon but n'est pas de la mettre dans la merde. Bien qu'elle pourrait le croire de temps en temps , ce n'est absolument pas le cas. "Tu gères pour arriver à tout faire."

Dire que j'ai déjà du mal rien qu'à organiser mes courses pour la semaine hum...Faut croire que quand on a pas le choix , on fait avec , tout simplement. Je remarque que le sujet semble l'a stressée , alors je me dis que je vais m'efforcer de ne pas évoquer sa double vie au milieu d'une foule d'étrangers. Je me croirai presque dans un film à l'allure où ça va...

"J'imagine que ça a un côté rassurant de me dire que tu ne m'as pas laissé tombé volontairement..." , je souffle d'abord prudemment , me sentant bizzare aux mots suivants , presque comme de légers frissons. "Il t'a fallut presque 10 ans pour décider de vivre ta vie comme tu l'entendais ?" , d'accord c'est sûrement bas comme question , la rancoeur qui remontre encore un peu le bout de son nez. Pourtant , je crois que le gros de la rancune que j'ai longtemps ressenti envers sa personne s'est doucement...refroidie. On est des adultes , le tout est de savoir passer à autre chose , même quand le passé fait mal , encore plus quand le futur peut s'annoncer infinement plus radieux.

"Qu'est-ce que tu attends de moi...de nous deux maintenant ?" , je brise à nouveau le silence après avoir réfléchi quelques temps. "Depuis que je connais...ton second job , j'ai compris que la vérité était peut-être plus complexe que ce que j'imaginais de prime abord. J'étais en colère , trahie...mais maintenant je commence à comprendre que tu ne voulais pas me faire de mal. Ca ne règle pas tout , mais ça change beaucoup de choses. Alors , ne crois-pas que je vais te laisser filer à nouveau aussi facilement..." , je termine en prenant une gorgée de bière comme si de rien n'était.

Quand vient le moment pour la masse de tomber, et même si Rose a essayé de s’y préparer, sa gorge se serre et son abdomen semble vide. C’est dingue quand on y pense tout de même ! Le corps réagit si fort aux émotions qu’elles peuvent être aussi douloureuses que de véritables blessures. Pour Rose, c’est même plus douloureux encore. Son affection pour Jayna, cette petite pousse délicate, elle a essayé de la protéger des éléments pendant des années. Le souvenir d’un souvenir qu’elle a refusé de perdre qu’importe ce qui arrive dans sa vie. Il aurait été si facile de passer à autre chose, de se dire que ce n’était pas la bonne parce que ce n’était tout simplement pas possible à ce moment-là. Elle aurait pu se convaincre pour continuer à satisfaire tout le monde et ne pas faire de vagues. Mais pourtant, même en cet instant où elle est en train de se faire un peu défoncer, elle sait qu’elle ne pouvait pas faire de meilleur choix. Et elle en obtient la preuve presque aussitôt quand il lui est demandé ce qu’elle veut faire.

 
- Je… sais pas trop… bredouille-t-elle à demi-voix sans trop savoir la regarder dans les yeux un premier temps.
 

Musique:

Et c’est vrai ! Si on lui avait décrit la scène quelques heures plus tôt, elle aurait été incapable d’y croire. Pourtant, elles sont bel et bien là : dans une banquette d’un bar bondé, côte à côte, à parler de leur avenir à toutes les deux, de leur avenir commun. Et le monde tout autour n’a plus la moindre importance parce que Rose sait qu’elle vit l’un des moments les plus importants de sa vie. Du moins, elle en a la sensation très claire. Et elle se déçoit tellement à se sentir défaillir alors qu’elle a enfin obtenu ce qu’elle attendait et que tout se passe si bien. L’émotion lui remonte de ce vide dans son ventre le long de son thorax jusqu’à affluer dans ses cordes vocales. Et la pelote de nerfs lui reste en travers de la gorge alors qu’elle exprime par un geste tout ce qu’elle ne peut dire par des mots.
 
Elle a agi à l’image de ses projets du boulot : mécaniquement, sans réfléchir. La surprise est totale quand elle réalise avoir pris son amie dans les bras et la serrer si fort. Loin de calmer le feu qui brûle ses neurones, elle a l’impression que sa tête tourne encore plus fort, comme la dernière et unique fois où elles se sont embrassées. La réponse de ce qu’elle désire est évidente pour elle mais elle n’ose pas la formuler. De toutes manières, elle sera heureuse rien qu’à pouvoir écouter sa voix et se noyer dans son sourire…
 
-  Je suis tellement désolée, Jay… souffle-t-elle, la voix pleine de sanglots. J’ai tout gâché à l’époque mais je ne t’ai jamais oubliée. Je- je voudrais- Je veux te revoir…
 
Elle continue à la garder contre elle un instant avant de la laisser et de s’essuyer le visage, plus honteuse encore.

Je suis bien obligée de demander à Rose ce qu'elle veut faire désormais. On aurait très bien pu continuer nos petites vies de nos côtés après tout ce temps...Pourtant, quand elle a pu se libérer, faire ses propres choix, elle a choisi de reprendre contact.
Cela me touche c'est certain, mais je ne suis pas certaine qu'on attende la même chose de ses retrouvailles...
Alors, quand elle me dit qu'elle ne sait pas, je grimace quelques peu, haussant les sourcils, avec un petit rictus en coin.

Nous ne serons pas plus avancées si elle ne sait pas. Ce n'est pourtant pas si compliqué : est-ce qu'elle veut qu'on reconstruise notre amitié sur de nouvelles bases, plus saines ou non ?
Ou alors...qu'on tente de construire quelque chose de bien différend, si elle y davantage prête que quand on était au lycée. Je ne lui imposerai rien. Le temps a passé. Mais...maintenant qu'elle est là devant moi, en chair et en os, beaucoup de sentiments sont remontés, de sensations, d'envies.
Je n'ai pas envie que nos retrouvailles se limitent à ce verre échangé.

Je suis vraiment prise de court quand Rose m'attire dans une étreinte.
Je ne m'y attendais pas, ça c'est clair !
Encore moins à ce qu'elle pleure !
Je n'aurai jamais pensé lui proccurer ce genre d'émotions, et je reste un peu bête durant quelques secondes avant de la serrer doucement contre moi à mon tour.
Si ça continue, je vais me mettre à chialer aussi, je sens déjà mes yeux devenirent humides.

"Eh...eh..ça va. Ca va ok ?", je me rapproche d'elle à nouveau pour essuyer un peu ses larmes d'un geste tendre du pouce, accompagné d'un sourire. "Je sais que tu as fait ce que tu as pu à l'époque. C'est fait, c'est passé, on ne peut plus revenir dessus. Autant...autant se concentrer sur le présent, tu ne crois pas ?", c'est sûr, ce n'est pas simple, moi-même ayant eu beaucoup d'amertume par rapport à tout ce qui s'est passé, mais si je continue de me focaliser dessus , notre amitié sera réellement brisé à jamais...Et ce serait franchement con, alors qu'on a là une occasion de réparer tout ça ! "On se voit là...Et on pourra se revoir dans les jours à venir. Et la semaine prochaine...et quand tu veux Rose. T'inquiètes pas. Maintenant que tu es revenue vers moi, je te laisse plus filer si facilement !", j'ajoute enfin avec sincérité, un sourire en coin, un petit clin d'oeil en prime...

Quand Rose repense à cette soirée de leurs retrouvailles, ce n’est plus si irréel que ça paraissait sur l’instant. En vérité, ça semble même être assez lointain maintenant. Les SMS qu’elles ont échangé depuis, les discussions jusqu’à pas d’heure, ça lui donne l’impression que tout a toujours été comme ça. Chaque chose est bien à sa place : elles, l’une à côté de l’autre, bien tournées en face à face pour ne pas en perdre la moindre miette. Pourtant, ça doit bien faire deux ou trois semaines qu’elles essaient de caler un rencart. Enfin, un rencart, pas vraiment. Elles essaient surtout de se revoir, c’est mieux dit comme ça pour le moment, non ? Et, malheureusement, comme on peut s’y attendre : l’agenda d’une super-héroïne hyperactive comme Pink Iris laisse peu de place à Rose Clarks… C’est le deal, après tout ! Et Jayna s’est montrée plus que compréhensive d’ailleurs. Pourtant, Rose n’a pu s’empêcher de courir dans tous les sens pour essayer de faire survenir l’opportunité le plus tôt possible. L’accalmie. Un braquage de banque avec la police en galère ? Considérez les criminels sont déjà en cellule ! Une alerte à la bombe dans la gare ? Pas une fenêtre ne sera soufflée sous sa garde ! Des relargages de produits chimiques dans les égouts de la ville ? Non non, pas de ça à L.A. !

Et puis, vient finalement un jour où elle est dispo. Son contact dans la police, un ami de longue date qui est aussi dans la confidence, Jimmy Garrighan, est au courant qu’il ne peut compter sur elle ce soir. La police ne pourra compter que sur elle-même mais, à la fois, Pink Iris a été si omniprésente ces derniers temps que personne n’oserait même oublier de payer son ticket de parking. Alors, elle part l’esprit tranquille avec son déguisement de Rose Clarks. Enfin, sans tenue de super-héroïne quoi ! Elle avait bien noté dans son calendrier que ce soir Jayna jouerait et chanterait. Elle avait eu l’air déçue quand elles s’étaient dit que Rose ne pourrait être là. Elle serait aux anges en la voyant n’avoir d’yeux que pour elle, au milieu de la fosse.

Enfin, ça c’était le plan. Mais honnêtement, jamais Rose n’aurait cru que Jay ait autant de succès avec son groupe. Allait-elle vraiment la remarquer au milieu de tous ces visages inconnus ? L’aurait-elle assez marquée pour qu’elle recherche son visage inlassablement même lorsqu’elle n’est pas censée être là ? Quelque part, elle s’en veut d’avoir cette pensée parce qu’elle ne veut pas la rabaisser ou se sentir supérieure. Non, Rose a toujours eu une admiration débordante pour Jayna. C’était déjà le cas avant et elle craignait ne pas retrouver ces sensations et ces sentiments en la revoyant après tant de temps. Et elle n’a pas été déçue. Jayna est bien plus qu’elle n’était à l’époque de leur adolescence. Non seulement, c’est la même personne qu’elle a connue, mais en plus, elle a grandi pour devenir quelqu’un de véritablement adorable et tellement touchant d’une manière qu’elle ne saurait expliquer ! A mesure qu’elle y réfléchit et qu’elle voit la foule se masser au pied de la scène pour le spectacle de ce soir, c’est elle qui prend de plus en plus la pression. Et si elle avait l’air ridicule et désespérée à toujours la suivre comme ça ? Et si elle lui en voulait de faire comme ça lui chantait au lieu de la prévenir ?

Dès que les lumières commencent à s’éteindre, il n’y a plus tous ces punks aux crètes multicolores qui discutent avec leurs amis en collier et bracelet à pointes. Il n’y a plus que cette lumière sur la scène et les premières notes de guitare qui commencent à sonner au travers de toute la pièce. Rose oublie tous ses soucis. Il ne subsiste que le spectacle.