«S'ouvrir hein ? Je ne crois pas être très doué pour m'ouvrir a ce genre de choses, mais pourquoi pas, ça pourrait toujours être intéressant. » A force de rencontrer de nouvelles personnes et voyager souvent, Edwin avait pu développé une certaine curiosité pour le monde et ce qui s'y trouvait. Comprendre comment les choses fonctionnaient et découvrir plus. Peut-être qu'avec l'âge il avait perdu un peu de cela, mais qui sait, il pourrait essayer.

Le maudit s'intéressa a ce qu'elle lui confia ensuite sur la magie, essayant de lui transmettre ce qu'elle vivait, ce qu'elle était. «Une déesse hein ? » dit-il pensif. Edwin n'avait jamais cru qu'en ce qu'il pouvait voir, la magie, les malédictions, toutes ces choses il les connaissait, mais une déesse qui veillait sur ses enfants ? Il 'y croyait pas. Tout comme le destin auquel certains humains accordaient tant d'importance.

«Vous étiez des gardiens ? Je comprends... d'une certaine façon. » Oui, il pouvait comprendre cette idée, même si la valeur et l'importance qu'elle accordait a sa forêt était sûrement différent. Tout comme la douleur qui y était associé.

Penser a Eld le mettait encore au prise avec ses ombres, qui se mirent à dégager cette légère chaleur, et de déployer cette tentation auquel il serait si facile de céder...

Edwin termina sa bière au moment où Lyn se mit soudainement a crier. Il la regarda avec une certaine surprise. Était-elle déjà euphorique ? Cela lui semblait impossible, et pourtant... Un rire finit par s'échapper des lèvres d'Edwin, qui passa une main sur ses yeux en secouant la tête. «Un jour il va vraiment falloir que je t'explique ce qu'ils veulent dire. » Il se leva, déposant quelques pièces sur la table pour le repas et le service. «Aller viens, je t'emmène dans la chambre avant que ton état empire. »

– Oh ! Tu as ri ! m'exclamais-je de surprise. Ta lumière est belle quand tu souris, ajoutais-je tout en souriant à pleine dent.

Je le suivis alors jusqu'à l'étage. Dans l'escalier, je me saisis du tissu de sa chemise pour l'arrêter. Et, affichant un air des plus sérieux, je lui demandais.

– Que veulent dire ?

Plus tard, nous arrivâmes dans la fameuse "chambre". Encore une chose que je ne connaissais pas. Dans la forêt, nous avions bien des abris, mais cela ne ressemblait en rien à ces bâtisses pleines de pièces différentes. Nous dormions à même le sol, ou dans les arbres sur des couchettes suspendues… Aussi, lorsque je vis un lit pour la première fois, je dû paraître bien stupide.

– C'est quoi ?

«Eh bien, au moins tu as l'alcool joyeux au bout d'un verre, c'est bien. » Dire qu'un simple rire, a peine dévoiler, la faisait sourire autant. Il se demandait comment elle faisait pour vivre les choses ainsi. Elle était certainement triste et dévasté, mais elle continuait de sourire et d'essayer de prendre soin de lui. Est-ce parce que sa perception du temps était différente ? Quelle finirait par perdre ce sourire au fur et a mesure qu'elle sentirait la solitude ? Il ne le souhaitait pas pour elle.

Sous quelques sifflements qu'il ignora, Edwin monta a l'étage, accompagné de Lyn qui le stoppa dans leur course. Il se tourna vers elle. Elle n'avait vraiment aucune conscience des sous-entendus... «L'homme de tout a l'heure et les blagues des autres... ils parlent de relations intimes. » Il fit une brève pause, ne sachant même pas si le concept de intime lui parlait. Encore plus sans sentiment dans cette optique.

Edwin continua, ouvrant leur chambre et vit alors un seul lit double. Visiblement ils n'avaient pas entendu sa demande. Il déposa leurs affaires dans un coin et fur surpris par la demande de Lyn. «C'est un lit. Les humains dorment dessus. C'est plus confortable que le sol. Enfin, ça dépend des fois. Et ils n'en ont pas mis un séparé... » il prononça cette dernière phrase en grommelant. Une nouvelle nuit au sol ne le changerait pas, mais il aurait bien aimé profite un peu de la nuit.

Alcool joyeux … Pourquoi disait-il cela ? Est-ce que mon humeur pouvait réellement être dictée par une simple boisson ? Peut-être… Même si je doutais fort qu'une si petite chose puisse réellement influencer ma nature . Mon prénom, par exemple, Ildilyntra signifiait "l'enfant qui rit"... Si l'on m'a nommé ainsi, ce n'est certainement pas sans raison.

Quand les hommes présents dans la salle se mettent à siffler en nous voyant grimper les marches de l'escalier, je ne peux m'empêcher de les observer… Leur réaction, je ne la comprenais pas et je comptais bien sur Edwin pour éclairer mes lanternes. Sa réponse ne m'aida pas le moins du monde… Le concept même de "relation intime" m'étant totalement inconnu.

Néanmoins, le voyant continuer à avancer, je décidais de garder mes questions pour plus tard… Découvrant la petite pièce qui nous était réservée, j'eu bien du mal à en saisir l'utilité. Au milieu, trônait un meuble étrange recouvert de tissus et d'une peau d'animal, j'appris que cela s'appelait un lit et que les humains dormaient dessus…D'accord.

– Pourquoi séparé ? demandais-je en m'asseyant sur le lit pour tenter de découvrir ce qu'il y avait de réellement confortable dans ce tas de paille recouvert de linge. C'est… mou.

Je sautillais légèrement, découvrant une sensation nouvelle.

– Peur de dormir avec moi ? Hier, on a dormi sur le même sol pourtant.

Je me jetais alors en arrière, agitant les bras et les jambes comme ces fois où la neige recouvrait le sol en hiver. Non, même là, je ne voyais pas l'intérêt… Alors je me relevais d'un seul bon.

– "Relation intime", ça veut dire quoi ?

Edwin se débarrassa de ses armes, déposant son épée et ses affaires personnelles non loin du lit. Même si le village lui semblait tranquille, des individus mal intentionnés courraient souvent les rues et il était plus simple d’agresser des étrangers que des personnes originaires du village. En général, les voleurs ne s’approchaient pas de lui en le voyant ainsi équipé, tenant trop à leur vie, mais tous n’avaient pas la même conscience du danger, ou trop verser dans l’appât du gain. Il finit par se retourner vers Lyn, qui s’amusait sur le lit. Ainsi, elle ressemblait vraiment à une enfant. « C’est différent pour les humain, de domir dans le même lit et nous dormions séparément hier. » Il croisa les bras essayant de réfléchir un peu à comment lui expliquer ça. Ce fut ce moment qu’elle choisit pour le questionner sur les relations intimes. Edwin perçut de plus en plus à quel point leur culture était différente.

Il s’assit sur le lit, retirant ses bottes, commençant à réfléchir. « Les relations intimes, c’est une façon de dire avoir des relations sexuelles. Il jeta un regard à l’elfe et comprit rapidement que sexuelle n’avait pas plus de sens que intime. Une certaine gêne s’installait. Bon sang, ce n’était pas le genre de conversation qu’il avait avec des gens, encore moins des inconnus… Mais il lui avait bien dit qu’elle devait lui poser ses questions. « Comment t’expliquer… Vous avez bien des enfants ? Comment vous faites ? Sauf s’il naisse par magie… » si c’était le cas, il aurait encore plus de mal à répondre son interrogation… Mais bon, il en doutait puisque les mi-elfe existaient, cela voulait dire que c’était possible entre leur deux espèces.

Je ne voyais vraiment pas ce qu'il y avait de gênant à partager un lit. Il s'agissait simplement de dormir après tout… J'avais l'habitude de coucher aux côtés de plusieurs de mes semblables, plus particulièrement en hiver, lorsque les températures se faisaient plus fraîches. Enfin, s'il n'y avait que ça :

– Je peux dormir sur le sol, si tu veux, dis-je en haussant les épaules. L'habitude.

À l'évidence, les différences entre mon peuple et le sien étaient bien plus nombreuses que ce que je pouvais me l'imaginer. Je le réalisais d'autant plus lorsqu'il parla de "relations sexuelles". Qu'était-ce encore que cette bizarrerie ? Je connaissais les relations amicales, relations familiales voire conflictuelles par moment, mais le terme "relation sexuelle" ne me disait rien du tout. Il dû s'en apercevoir puisqu'il me parla de reproduction.

– Et bien… débutais-je en cherchant les bons mots à employer. Les anciens forment les paires… Puis quand vient le moment, si les anciens jugent le mariage bon, ils autorisent l'accouplement… Une seule fois, un seul enfant…

Pour des êtres vivants aussi longtemps que nous et de manière isolés, les mariages étaient souvent prévus dès la naissance. Il fallait assurer une bonne dilution du sang pour éviter la propagation de certaines tares et le surpeuplement. Ainsi, certains attendaient leur jour très longtemps…

– Je sais pas plus, mon compagnon est mort. Pas accouplés.

J'en conclus donc que pour les humains, il n'y avait donc aucun mal à s'accoupler sans autorisation préalable. Chose que je trouvais, évidemment, très étrange…

– Ils voulaient faire bébé avec moi ? demandais-je, surprise.

Edwin se tourna à demi vers l’elfe, qui semblait toujours découvrir le lit. Leur mode de vie était si différent… malgré qu’il soit un vagabond et dorme régulièrement dehors, il ne regrettait pas une nuit dans un lit, quand bien même celui-ci était loin d’être le plus confortable. Une nuit plus tranquille et avec moins de danger, quand bien même il restait sur ces gardes dans des endroits comme celui-ci. Au vu de sa vie, l’elfe n’avait certainement jamais eu à trop s’inquiéter. Il haussa pourtant légèrement les épaules. « Non, tu peux dormir dans le lit. Enfin, si tu veux. » Si elle préférait dormir au sol après tout, puisque cela semblait plus attirant pour elle. Ce serait sûrement lui le plus perturbé par la situation…

La curiosité de l’elfe – et leur différence culturelle – allait peut-être devenir problématique. Edwin se rendit compte qu’il serait bien plus à l’aise sur un champ de bataille qu’à discuter concept relationnel avec Lyn. Il l’écouta parler de la façon dont son peuple avait de concevoir… l’amour ? Enfin, ça n’avait rien d’amour visiblement, même pas de plaisir. « Désolé, pour ton compagnon… » Lui dit-il, détournant le regard. Elle ne semblait pas très toucher par cela, autant que pour la perte de son peuple. La vie des Alèns semblait bien rigide, dirigé et ordonné. Pas étonnant qu’elle ne saisisse si peu de choses chez les humains au finale.

Edwin ramena les yeux sur elle. « Eh bien… dans un certain sens on peut dire ça… Disons que chez les humains, avoir un bébé n’est pas le seul but. On prend aussi du plaisir dans ces moments. parce qu’il fallait l’admettre il en faisait partit. Et on… s’accouple souvent sans avoir envie de faire d’enfant. Juste pour le plaisir. » Cette discussion était lunaire… Le genre que certains pouvaient peut-être avoir facilement, mais, si Edwin restait calme, il avait la soudaine envie de partir assez vite.

– Lit, sol… pareil pour moi, dis-je en haussant les épaules.

Il n'y avait pas de raison d'en faire toute une affaire, il s'agissait simplement de dormir. Mais puisque cela semblait déranger Edwin, j'évitais de lui proposer de partager la couche… De ce que je compris, ce genre de chose ne se faisait pas chez les humains.

Mes questions aussi semblaient le gêner… Pourtant, il m'avait bien dit de l'interroger si je voulais comprendre quelque chose… Ce que je faisais sans retenue… Mais, visiblement, cela le dérangeait. Pas par ennui, non… Plutôt pour une raison que je ne compris pas à ce moment-là.

– Il est avec la déesse maintenant, dis-je en soupirant lorsque il se montra désolé pour la perte de mon compagnon. Il va bien.

En tout cas, c'était ce que Elaënthiel, l'ancien, avait affirmé après la cérémonie du guide… Et penser cela, me permettait aussi de relativiser un peu. Sa mort avait été douce, les portes lui étaient donc ouvertes… Contrairement aux autres. Je dus chasser mes sombres pensées afin de me concentrer sur les explications d'Edwin…

– Je vois, rétorquais-je simplement, voyant qu'il lui devenait difficile de parler de ce sujet. Merci de m'avoir expliqué.

Quelles créatures étranges ces humains… Mais en même temps, cela me permit de comprendre pourquoi ils étaient aussi nombreux à fouler cette terre.

– Navrée pour la… gêne, lançais-je avant de récupérer une couverture pour le coucher sur le sol.

Après tout, nous avions tous deux besoin de repos, alors autant le laisser tranquille… Le pauvre, je devais être très fatigante. À dire vrai, je devais même ressembler à une enfant pour lui… Un tout petit enfant qui a encore tout à apprendre. Afin de lui offrir un peu de tranquillité, je lui tournais le dos et fermais les yeux.

L’idée de la laisser dormir au sol le dérangeait, mais il se rendait compte que pour Lyn c’était différent. Ses valeurs lui avaient enseigné tout autre chose et il aurait préféré dormir au sol que d’imaginer Lyn le faire. Alors qu’elle, elle se fichait bien de savoir où elle dormait. Peut-être qu’elle aurait été plus à l’aise et mieux dormir en étant dehors qu’en étant ici. Il aurait voulu insister pour échanger, mais quelque chose lui disait qu’elle ne céderait pas. « Tu peux dormir avec moi si tu veux. » Ce n’est pas comme s’il n’avait jamais partagé le lit avec quelqu’un. Ce serait différent, mais supportable, ce n’est pas comme si elle tenterait quoique ce soit.

Quand ils abordèrent le sujet de son compagnon perdu, elle sembla… apaisé en quelque sorte. Peut-être n’était-il pas mort avec les autres elfes cette nuit ? Tant mieux pour elle si elle y voyait de l’apaisement. Il ne dit rien également sur le concept d’amour, très différente entre les races, même avec d’autres elfes. Les Faëls particulièrement semblaient très éloignés de leur cousin Alèns, à tel point qu’il se demandait si, à part les oreilles et le lien avec la nature, ils étaient de la même espèce.

L’elfe le remercia pour avoir répondu ainsi à ses questions. Il l’observa un instant, sachant bien qu’il était loin d’avoir répondu à toutes les questions qu’elle pouvait se poser sur les relations humains, qui devaient lui sembler aussi étrange que les relations des Alèns pour lui. « Tu n’as pas besoin de t’excuser. Je t’ai dit que je répondrais à toutes tes questions. C’est juste que… ce n’est pas le genre de sujets qu’on aborde entre humain. Mais continue de poser des questions si tu en as si ça t’aide à nous comprendre. Ne te soucie pas du reste. » Il ignorait s’il était suffisamment clair et rassurant pour elle. Il considérait que Lyn n’avait pas à prendre en compte ses sentiments, surtout sachant qu’il était son seul point de référence pour le moment. Et, si elle restait un peu parmi les humains, il valait mieux qu’elle le questionne plutôt que de faire de mauvaises rencontres…

« Et… tu peux dormir avec moi si tu ne te sens pas à l’aise. Il peut y avoir du bruits parfois. Enfin bref… » Après cela, il finit par s’allonger sous la couverture, les yeux posés au plafond. Il ne tarderait pas à s’endormir, comme toujours, plus encore sachant que les deux dernières nuits n’avaient clairement pas été reposante. Son sommeil restait léger, réflexe de toute une vie et d’une vie sans lieu refuge.

Malgré son invitation à le rejoindre et le ton rassurant qu'il avait employé, je décidais de rester sur le sol. Je ne voulais pas le déranger. Il en faisait déjà beaucoup et je voyais bien que ma présence exigeait des efforts supplémentaires. Néanmoins, malgré la fatigue, le sommeil tarda à venir … Au son de sa respiration, je compris qu'Edwin s'était endormi, tant mieux. Pour ma part, je restais là, les yeux grands ouverts, à ressasser les derniers événements. Être enfermée ici n'aidait en rien… Les bruits de la forêt me manquaient… À la place, j'entendais des rires, quelques sons étouffés, des gémissements provenant de la chambre d'à côté… Les humains sont des êtres bruyants…

Quand le sommeil vint finalement m'étreindre, ce ne fut que pour me renvoyer des images de flammes consumant le grand arbre que je regardais fixement. Des hurlements résonnaient dans mes oreilles… Du sang coulait dans ma main… Celle qui tenait une toute petite close dorée et brillante…

J'ouvris brusquement les yeux… j'étais en nage et ma marque me brûlait plus vivement. À l'évidence, il s'agissait d'un cauchemar, même si je ne pouvais expliquer les brûlures… Je me redressais sans bruit, à pas d'elfe, pour aller ouvrir la fenêtre. J'avais chaud… Très chaud. Je retirais donc la plupart de mes vêtements, gardant simplement la fine chemise d'Edwin. Je m'en sentis un peu mieux… Mais malgré tout, l'effroi et le malaise restaient là, ils m'enserraient le cœur, l'estomac. Je resserrais mes bras autour de moi, simulant une étreinte réconfortante… En vain, évidemment Ma seule chaleur ne suffirait pas à m'apaiser… Alors, en veillant à rester discrète pour ne pas le déranger, j'allais rejoindre Edwin dans le lit, me roulant en boule juste à côté, mon dos contre le sien. Cherchant ainsi un semblant de réconfort.