Apparemment, Kyril a un deal en cours avec Saül, quelque chose de magique, certainement. Un formulaire, que c'est donc administratif ! Mais les sorciers eux-mêmes sont comme ça parfois, ce n'est pas pour rien que les contes relatent des épisodes de pactes avec le diable. Au moins, c'est une personne puissante à laquelle Aimée ne peut rien faire. A l'en croire, en tout cas. Un allié face à cette entité qui tournoie autour d'eux telle une sorcière du Magicien d'Oz ? Ce serait une très bonne nouvelle, même si Saül a l'air un peu... comment dire, décalé. Pas plus étrange que n'importe lequel d'entre eux, cela dit. Ils sont une belle équipe, tous autant qu'ils sont !

Par moments, Cresus se demande pourquoi cette Aimée lui fait si peur, mais au fond il sait que cela tient à son propre vécu, à cette souveraine sorcière du Nord auprès de laquelle Tarock n'était qu'un homme de main silencieux et obéissant. Il ne peut s'empêcher de dresser des parallèles, peut-être d'être victime d'une certaine confusion, peur de revenir en arrière, vers un passé qu'il rejette de chaque fibre de son être. Peur de cauchemars qui devraient maintenant être éteints, maintenant qu'il s'en est réveillé... Il a peut-être tort et si c'est le cas, il se tient prêt à présenter des excuses.

"Les loups sont mes amis," dit-il simplement, en adressant un signe de tête à la nouvelle venue. Elle semble enragée, cela dit... il reste sur ses gardes. Il a connu des loups plus calmes et plus sociables.

Ce qui l'inquiète en ce moment, c'est la pensée que Kyril pourrait avoir noué un pacte pour changer son avenir. Il y a quelque chose de mélancolique dans cette solution, un renoncement aux solutions de ce monde, et aux aides que les rencontres pourraient représenter. Et lui - Kyril ne lui a rien confié de ce projet. Il se mordille la lèvre, il ne va quand même pas lui adresser des reproches pour ça, ce n'est pas son genre et surtout, ce n'est pas sa place... Un afflux de sentiments contradictoires le submerge alors qu'elle se fait brusquement plus présente. Il lui adresse une sorte de prière inconsciente, par réflexe. Mais il prend garde à ne pas relâcher sa garde, justement, il est le protecteur de Kyril et il le restera, tant que celui-ci ne le renverra pas.

La femme à l'odeur de loup semble vaciller dans son aura elle-même. Cresus frissonne soudain de l'envie de se métamorphoser, pour la percevoir plus précisément, à l'aide de tous ses sens. Le corps humain est si faible ! Ce corps que l'homme-vautour a veillé, au seuil de la destruction. Etrange image qui danse parfois dans la mémoire de Cresus et l'avertit de sa véritable fragilité.

"Benedikt? Tout va bien ? Reste près de nous. Dara est - comment dire - Il est jeune, tu vois ? Il est ambitieux..." Ils l'ont vu, tous deux, au contact des sorciers du marécage, lors de ces étranges dîners aux ambiances lourdes et aristocratiques où il semblait comme un poisson dans l'eau. "Il ne faut pas que tu lui ramènes n'importe quoi."

Il ne saurait être la proie de la sorcière, n'est-ce pas ? Il est tellement éloigné de tout ce qu'elle représente... mis à part son ancrage dans la terre de ce territoire, à la rigueur. Certes pas un point commun suffisant pour que cette marâtre aux cheveux de feu s'y épanouisse dans toute sa gloire. Et puis, Benedikt aurait gueulé. Quelque part c'était presque plaisant à imaginer, la mise au point constante et fleurie à laquelle elle aurait eu droit.

Est-ce à force de côtoyer un être capable de lire dans les pensées et de détecter tant d'ombres autour de nous que je deviens méfiant à ce point ? Dara veut la fille parce qu'il veut le loup ? Quel loup ? Elle n'est pas louve, cela, je le sais... D'abord je l'ai vue, avide de sang presque autant que lui quand il s'est contraint à ne pas boire, quand elle est redevenue humaine elle était là à tricoler ⁽¹⁾ comme ivre ! Et puis, même si je ne savais pas, en bon oiseau je sens les félins... même sous ma forme actuelle... Les oiseaux et les chats, quelle que que soit la taille de l'un ou l'autre, ça n'a jamais fait bon ménage ! Mais ce n'est pas elle le problème, elle, j'arriverai à la convaincre.

Non, le problème... LES problèmes venaient... De Swamp Domain !

Rien de bon ne pourrait se passer sur les terres Laveau. En bon natif de ce pays étrange je serre avec force dans ma main gauche le petit sac à gri-gri au bout de sa lanière de cuir qui pend à mon cou caché sous ma chemise. Il contient -entre autres choses- une amulette contre-envoûtement... Cresus manque me faire bondir !

  - Bonjour. Bienvenue.

- Kyril Zorkin ? Vous vous souvenez m'avoir appelé ? Dites-moi ?

Qu'est-ce que c'est que ce particulier-là ? J'ai conscience que mon regard bleu doit le transpercer pour déterminer ce qu'il est. Zorkin lui aurait demandé de venir ? Mais grand-dieu pour quoi faire ! Le Chien doute lui aussi, il questionne ? Changer l'avenir ? Qu'est-ce que le rouquin sait de son avenir ? Est-ce qu'en plus d'un phénix sorcier il est doué de longue-vue ? Je le mate avec une jalousie que je réprime difficilement... Je n'aime pas Kyril Zorkin, c'est... purement animal ! Dara a bu son sang et s'est trouvé empoisonné, les sorciers ne sont pas... comestibles ! C'est comme cela qu'il y a quelques mois désormais il a réussi à entraîner mon … mon quoi ? Partenaire ? Compagnon ? Ami ? Définir ma relation à Dara est compliqué mais ce n'est pas la question et ça ne regarde que nous deux ! Le nouveau venu sent -ou voit ? - Aimée Laveau ! La peste soit de cette femme ! Il a raison, l'air du bayou moite et fétide devient glacial, le spectre rode, il tourne autour de nous, nous inspecte, nous soupèse ? Ça me met tellement en rage que je gueule, oubliant l'anglais au profit d'un sabir que peu doivent comprendre ici ? Aimée sans doute, peut-être le vieux Louis-Marie ? Est-ce que Kyril en est instruit ? Il doit plutôt parler créole qu'acadien, il n'est pas « français » et s'il a appris une langue locale c'est sans doute la plus usitée ? Enfin, pas « français »... C'est un Laveau. Je me fiche d'être compris ! Ma voix forte retentit, les engueulant proprement !

- Qu'est-ce que vous foutez alignés comme un banc de sciaux à badjeuler comme des commères ! Depuis ajeuve elle est là à s'émoyer ! À nous tourner autour ! Au mitan d'nous autres ! C'en est marre de cette épârerie ! Vous n'voyez pas qu'elle essaie d'amiauler son monde pour saisir l'un d'nous ! ⁽²⁾  

Je sens la dame sourire... j'ai un regard de compréhension de l'étranger, il parle acadien lui ? Sinon, la seule chose j'en ai peur qui soit passé c'est que je  gueule comme un putois. Pour changer ? Cresus n'a rien compris mais il approuve semble-t-il ? Pourquoi ? Parce que lui aussi sait qu'elle est là et qu'elle est dangereuse ? La fille bleue attend, elle me suit des yeux ? Elle semble prête à venir avec moi ou je ne sais plus lire dans les cœurs à défaut des pensées ? Mais il y a tant de non-dits encore, tant de choses à expliquer ? La présence de ce Saül, ce que Kyril veut changer -en admettant qu'on puisse changer quoi que ce soit au destin ?- ce que cherche Aimée, encore que ça, c'est assez aisé à imaginer ?

Et puis... qu'est-ce qui fait qu'on est là ? Tous les cinq ? À portée de vue de la grande maison mais encore dans le marécage ? Cresus colle Kyril, ça c'est presque normal, il s'est érigé gardien du gamin, mais cette Mary sur laquelle ledit Kyril jette des regards inquiets ? Et le brun là avec sa tenue improbable ? Et moi... pourquoi Dara veut-il le loup, quel loup ? Celui qui a soustrait le gamin roux à sa famille ? Père et fantôme d'aïeule ?

Saül a un sourire... Kyril paraît surpris. Je ne sais toujours pas ce qu'il comprend au juste, et je m'en cogne ! On ne joue pas avec la vie ! On ne joue pas avec le destin ! Même si l'on est sorcier, en moi, c'est la terre qui parle, l'air, le feu de l'existence ! Jamais je ne me suis senti si proche de mes racines ! Le vaudou est une abomination tel qu'ils le comprennent, parce que c'est du vaudou non qu'ils veulent pratiquer ? Celui de l'ombre ? Celui qui altère ce monde et l'autre ? En quoi cela me surprend-il tant d'un Laveau ?!

- Changer l'avenir c'est … désembourrer le présent de la vie ! Même au bord de la crevaison on doit pas jouer avec ça ! ⁽³⁾  

Dire que je suis furieux, et prodigieusement inquiet est presque trop simple... J'ai comme un pressentiment de catastrophe imminente ! La détentrice du souffle froid passe, s'arrête un bon moment sur moi, je la sens éviter prudemment Kyril qui l'a vaincue, j'ai presque l'odeur de son dégoût auprès de Cresus, esclave libéré d'un homme qui -d'après ce que j'ai entendu dire- lui a servi de réceptacle avant d'être … brûlé vif par son petit-fils ? Après avoir fait comme un bond en arrière en approchant de Saül, elle lèche le sang et la crasse de la fille aux cheveux bleus, comme subjuguée...

- Putain de marde ! Ça fait gorziller ! Tu vas-tu haler tes bottes d'ici Sorcière !⁽⁴⁾  

Elle rode, tourne, marque l'arrêt, renifle comme le ferait un chien de chasse devant un gibier de choix ! Je réentends Cresus dire à propos de Dara.

  - Benedikt? Tout va bien ? Reste près de nous. Dara est - comment dire - Il est jeune, tu vois ? Il est ambitieux... Il ne faut pas que tu lui ramènes n'importe quoi.

Je reviens à l'anglais pour dire d'une voix morte...

- Cet endroit est maudit ! La terre est souillée ! L'air empeste la mort imposée autant que le repos refusé aux défunts ! C'est un mauvais vaudou ! Une aberration !

Furieux j'arrache de mon cou la lanière de cuir qui retient mon amulette, la violence de la traction défait le nœud mais m'entaille la couenne d'un trait sanglant ! Maudite sorcière ! Le Chien a raison, je ne peux pas laisser cette chose entrer dans la Bleue ! Dara la veut elle pas Aimée ! Je me jette entre Mary et le froid, comme je peux, s'interposer entre du visible et de l'invisible c'est ardu ! Je brandis le petit sac comme un prêtre chrétien brandirait sa croix sous le nez d'un diable ou d'un hérétique ! Que l'autre punaise de coven aille hanter ailleurs !

Faisant appel à des souvenirs si vieux j'en appelle à la terre et au vent ! Il me faut balayer cette engeance !

Lancer de dés : Réussi, Benedikt arrive à repousser Aimée qui n'entre pas en Mary (désolé @dreamcatcher si tu as réfléchi à la possession de ta nénette)
Echoué, non seulement elle possède Mary, mais elle lui colle un coup de semonce à déterminer plus tard.

Note de l'auteur : les dés sont des pourris !

(*) tricoler : tituber
(2) banc de sciaux : banc sur lequel étaient placés les seaux d’eau qui servaient aux différentes tâches, notamment à l’entretien dans la maison
Qu'est-ce que vous fichez alignés comme un banc de sciaux à bavarder comme des commères ! Depuis tout à l'heure elle est là à inspecter ! À nous tourner autour ! en plein milieu de nous autres ! C'en est marre de ce bazar ! Vous voyez pas qu'elle essaie d'amadouer son monde pour saisir l'un d'nous !
(3) - Changer l'avenir c'est … déballer le présent de la vie ! Même aux portes de la mort on doit pas jouer avec ça !
(4) Putain de merde ! Ça fait flipper ! Vas-tu te casser d'ici Sorcière !

Note de l'auteur : Avec mes excuses, j'ai trouvé de l'acadien du Canada, celui de Louisiane est légèrement différent, mais à Swamp Domain, Benedikt revendique son sang : la Louisiane, c'est pas que le créole et le vaudou !

City of the Dead:

Elle n'aimait pas les autres : le fait s'était tricoté aux fils d'un vécu sordide, devenant une sorte d'exégèse forgée envers ses semblables et dont la lâcheté notoire arrangeait bien ses petites affaires avec elle-même. Ainsi, dans le fatras de ses pires souvenirs, il y en avait un qu'elle exécrait particulièrement, inscrit dans cette année pourrie de pensionnat pour orphelins : subir la présence d'étrangers, de gens réunis en un groupe au-delà d'une seule personne. Elle ne comprenait rien à ce qui se tramait avec ces types qui semblaient tous se connaître. Elle aurait du s'en cogner le coquillard mais voilà, son idée de parler au Benedikt l'obsédait proportionnellement à ce putain de lien d'âme sœur dont elle ne parvenait pas à se défaire ! Pourtant, son instinct lui intimait de se tirer et vite, avec pour conséquence le risque de perdre l'ultime opportunité de peut-être se débarrasser de Valravn. Pas question !

Cet olibrius d'un autre âge...Il a dit quoi déjà ? « Saül Wanderee, retoucheur de temps de classe exceptionnelle. » Rien que ça ! Son chapeau camouflait sa caboche grosse comme un melon d'eau ! Et ce serait Kyril qui l'aurait « appelé » ?! « Il est cinglé le rouquin ! » pensa t-elle entre deux expirations lui jetant un œil dubitatif. Un retoucheur de temps ? De classe exceptionnelle ? N'importe quoi ! C'était quoi ce délire de tarés ? Sa tête ne lui revenait pas, encore moins sa manière de s'habiller bien qu'elle s'en fichât au plus haut point mais qu'il aille au diable ! Tout ça l'ennuyait, retardait sa délivrance !

D'un geste machinal, toujours campée sur ses deux pieds, elle s'appliqua durant quelques secondes à se frotter les mains pour enlever le sang qui en séchant, la démangeait légèrement. Elle n'avait qu'une envie, parler au vautour et se tirer. Quitter ce lieu qui puait...le maléfice. Le seul qui trouvait grâce à ses yeux, -enfin, façon de parler- était l'autre métamorphe à quatre pattes qu'elle avait humé de loin. Il paraissait « gentil » sachant que ce genre de qualités étaient soigneusement calculées afin d'en tirer avantage n'est-il pas ! Kyril mis à part, elle ne croyait pas en la bonté humaine. Bref, elle allait...

- Méfiez-vous Saül Wanderee, Aimée cherche un hôte !

...mais elle demeura sur place, interloquée par cette nouvelle lubie de Kyril. De quoi parlait-il ?! Grimace à l'appui, elle tapota son index sur sa tempe lui signifiant de loin que ça ne tournait pas rond là-dedans ! Certes, évoquer cette Aimée avait provoqué la bouche en cœur du mec habillé en papy du XVIIIème siècle, et depuis un froid bizarre s'était abattu littéralement tout autour mais pour autant, cela justifiait il ce pataquès!

-...formulaire EHR012-L1c2a... Et Crésus qui précisait que les loups étaient ses amis ? « Mais je ne suis PAS une amie du loup !  » Hurla t-elle en silence. Elle ne pigeait rien, commençait à sérieusement s'énerver.

-Kyril, il se passe quoi là ?!

Dents serrées, la voix mauvaise quoique dépassée. Elle ne voulait s'adresser qu'à lui mais le Chien le collait comme une tique. « ça commence à me chauffer » grommela t-elle pour elle-même.

Et cette gelée de gueux qui la congelait avec l'impression soudaine qu'une gangue épaisse et givrée enserrait son bras! Et le Ben qui se mit à baragouiner ! Levant légèrement les sourcils, elle le regarda presque amusée. Il avait du coffre le bougre !  « ...désembourrer... » clama t-il. Ça ressemblait à « débourrage » ce qui la ramena une fraction de seconde près de son cheval. Qu'est-ce qui lui prenait au grand blond?!

Un bref instant, elle se demanda honnêtement pourquoi elle s'obstinait avec autant de...bêtise à vouloir coûte que coûte sécher cette glu d'âme sœur ? Après tout, le malheur et toute la cohorte qui allait avec, elle connaissait par cœur. Un de plus un de moins... Mais elle n'eut guère le temps de s'appesantir sur sa réflexion. « Cet endroit est maudit ! La terre est souillée ! L'air empeste la mort imposée autant que le repos refusé aux défunts ! C'est un mauvais vaudou ! Une aberration ! » Benedikt continuait de péter son plomb ? Tant et si bien qu'il arracha un truc de son cou, se posta devant Mary, le brandit devant lui, le visage furieux. Pour le coup, elle se mit à pouffer.

-Mais ça va pas !!! Qu'est-ce que...


Je ne vois plus rien ! Je n'entends plus rien ! KYRIL ! KYRIL ! Tout est noir ! NOIR !

Tu n'es pas seeeule 

L'outre-autre tombe est EN MOI ? NOOON !

AAAH Ah ! AAAH ! AH !

Elle rampe, diabolique
S'immisce, sardonique
Décortique, machiavélique

ELLE VOIT !
NON ! NON ! DÉGAGE!

Elle tire le fil ignominieux depuis le début. Tu sanglotes et elle ricane ! Elle t'enserre dans ses serres d'os et de poussières !

NE ME DÉTERRE PAS ! Par pitié...Par pitié...

ELLE TE HANTE !
NE ME DÉTERRE PAS !

Et les frôlements du spectre susurrent l' Effroyable...NON ! NON !

ELLE TE HANTE ! Bien sûr petite chose
LAISSE MOI ! LAISSE MOI !

Tu échoues !

AAAH Ah ! AAAH ! AH ! Regarde petite chose, elle t'attennnd

-Maman ?

Les images défilent en flashbacks. Visions ? Hallucinations ? Méditations ? Cette étrange musique...

À l'extérieur, rien ne laissait transpirer le combat insinué. Bras ballants, les yeux fixes et sans éclat, le corps de la fille s'était affaissé à genoux puis sur les talons. La tête tombante sur sa poitrine, elle demeurait parfaitement immobile, insensible à la pluie tiède qui s'était mise à tomber. L'averse dissolvait l'hémoglobine poisseuse de sa peau.

-Maman ? La silhouette lui sourit, douce, aimante.

AAAH Ah ! AAAH ! AH ! C'est pitoyable, tu es pitoyable ! Inintéressante bestiole!

Lascive, voluptueuse, dévoreuse Aimée.

Va ! murmure Aimée.  SUIS LA  !

Bien sûr qu'elle la suivra, la FOLIE.

Aimée Laveau s'évapore brutalement de cette carcasse décidément bien trop fadasse dont elle se lasse très vite. Mary en tombe dans les pommes, s'échoue sur le sol dur. Par réaction au froid intense qu'elle a subi, elle a de la fièvre, beaucoup de fièvre. Sous ses paupières, les globules roulent dans tous les sens. Son cerveau délire. Sa raison, ensommeillée, l'abandonne à la vésanie...




Des syllabes incompréhensibles s'échappaient de ses lèvres nerveuses. Le cœur battant, secrètement, l'aliénation passagère lui donnait d'aimer.


[@oskar J'avais oublié Ben! Avec mes sincères excuses! Je mérite un gage...Tout ce que tu voudras, ça m'apprendra! ^^]

Ma tête résonne d'accords et de désaccords... Je suis loin en moi, absent presque à ce présent que je ne fais que percevoir ? Qui est-il et qui suis-je ? Modifier mon avenir ? Je pars dans de lointains retranchements, fut-il une époque où je souhaitais modifier mon avenir ? Mais si c'est du passé qu'il surgit, pourquoi aujourd'hui ? Je suis ma pensée, je titube, je trébuche, il semble dire qu'il me connaît bien ? Il y a bien eu un moment oui, où j'aurais pu avoir l'idée de demander une telle chose, mais l'avenir était déjà passé ? C'est quand le premier de mes tortionnaires à l'école est tombé raide mort... Si j'avais pu savoir à l'avance, j'aurais demandé à ce que ça n'arrive pas ? Mais je ne savais pas. Comme je ne savais pas que pleurer sur son corps l'aurait -peut-être- ramené ? Encore que Ben et Cresus -oui, Ben, ce Ben que j'abhorre plus que tout autre- m'ont dit que le « don » n'arrivait généralement qu'à l'adolescence. Si j'avais su, aurais-je refusé mon animal ? Je ne crois pas... il est ce qui me retient à cette vie... il me permet d'envisager justement un avenir sans trop de noirceur, et j'entretiens le secret avec soin pour le préserver.

Le souci c'est que pour « modifier son avenir » il faut en avoir connaissance ! Et que si j'ai bien des pouvoirs je n'ai jamais eu celui de voyance, je ne sais pas de quoi demain sera fait. Même là, avec Aimée qui nous tourne autour, je ne peux que penser qu'elle va choisir un hôte ou tenter de le faire, je ne sais pas lequel de nous -ou laquelle- elle va élire ! Si je me doute qu'elle m'évitera, je lui ai valu des désagréments, comme Cresus d'ailleurs -encore que ? Cresus quand il m'a enlevé lui a ouvert la porte de l'esprit de Tarock, un morceau de choix ! - donc si je suppute qu'elle m'évitera, je n'en suis pas certain.

Saül lui a l'air certain. Son nom me dit vaguement quelque chose ? Il connaît Aimée aussi, l'ai-je connu en tant que « Kyril » ou bien l'âme d'Aimée m'a-t-elle livré son nom... et son apparence ? Simplement, si ses traits me parlent, son genre m'interpelle ?

- Où nous serions-nous rencontrés ? Je suis désolé, en ce moment j'ai des pertes de mémoire...

Son regard change, je jurerais qu'il se fait … suppliant ? Puis soudainement Aimée passe à l'action ! Mary ! Elle s'est engouffrée en Mary comme si ma panthère au cœur entouré de ronces avait besoin de cela en plus de ce lien à Valravn qui l'étouffe ? Elle, si elle en avait eu l'occasion aurait sans doute changé son avenir. Le loup ? Le loup aurait-il choisi d'éviter l'écueil ou se serait-il préparé à se fracasser dessus ? Je l'ignore, la seule chose que j'ai senti de cet homme est une force et une volonté au délà de la norme.

Puis, un nouveau coup de théâtre : Aimée n'aime pas les métamorphes ? Pourtant... elle m'a suffisamment exploré et pompé ma vie et mon énergie ? Est-ce à dire qu'elle ne sait pas les détecter ? Et qu'une fois en eux elle ne parvient en rien ? Tarock ne l'est pas et elle a obtenu de lui plus que de tous ceux qu'elle a élus. Je regarde incrédule Mary danser, en extase, avec sur les traits l'empreinte d'un... amour ?... inconditionnel envers tous ? La stupéfaction doit me couper le souffle. Est-ce le pouvoir de la mort sur elle ? Moi, face au spectre j'ai réagi en m'éteignant, elle... paraît touchée par la grâce ? Je la vois danser, tourbillonner, virevolter, cet sourire béat sur les lèvres et ce regard incroyable qui éclaire son visage ?




L'apparente sidération de Zorkin lorsque je lui annonce qu'il m'a appelé et a rempli ce formulaire-là plus qu'un autre m'amène à douter ? L'état du Contrôleur principal peut-il influer sur ma mémoire ? Des « souvenirs », ou plutôt des bribes de souvenirs, peuvent-ils avoir été fabriqués du fait du magma générationnel qu'ont subi nos instruments ? Le Temps a « sauté » comme le disent vulgairement les humains sans renaissances ? Un pet dans un générateur électrique, un court-circuit, l'anéantissement de millénaires de vie et d'évolution...

Je suis certain que je connais Kyril. Ou plutôt j'ai connu un Rufus à une époque où les Romains se permettaient d'envahir toutes les contrées -et les cultures- à leur portée. Je revois très bien l'homme, l'Initial, il était jeune, un peu plus jeune qu'aujourd'hui. Le « formulaire » dont la forme mais non la teneur a évoluée demandait juste un changement mineur mais non des moindres, la mort-née d'un nourrisson... Un garçon roux habitant sur la rive nord du Pont-Euxin mais qui m'avait dit venir de loin au nord-est de cette région. Comme -naturellement- sa couleur de cheveux avait conduit les gens à le surnommer Rufus, il s'inscrivait en faux et affirmait déjà s'appeler Kyril... La non existence d'un être est importante, même s'il ne s'agit que de deux minutes du temps, il n'aurait pas de descendants, certains ont un avenir non négligeable, j'en avais référé au Contrôleur Central qui lui même avait demandé aux Pairs de statuer... Nos machines avaient traqué le futur de l'enfant non désiré et fini par accepter... Le prix à payer, Zorkin ne s'en souvient pas, est que désormais la mort serait semée par lui et non à sa demande, par nous. De sa nature métamorphe nous avions connaissance, j'ignore qui parmi nos hauts responsables a trouvé divertissant d'adjoindre à un phénix le pouvoir de mort immédiate.

Cela, c'est ce que contient MA mémoire ? Une rencontre avec un adolescent en l'an 118 ? Mais lui l'ignore ? « Des pertes de mémoire » ? pourquoi diable aurait-il plus de « pertes de mémoire » que moi ? En fait, je pensais retrouver ici Tarock, ce Tarock qui- Aimée accueillie bien malgré lui, mais peut-être s'en est-il satisfaisait finalement dans la mesure où il approchait de connaissances jusqu'alors loin de sa portée ?- s'est retrouvé parachuté dans un autre monde où une blonde aussi pulpeuse que tumultueuse a brisé l'écoulement du temps, avec l'aide de son propre fils, sorcier malgré ses dénégations ?

Regardant la fille danser, libérée de ma vieille ennemie, je gratte de l'ongle ma tablette, refusant d'admettre qu'en face il n'y a plus que le néant ? Je demande une réinitialisation de ma personne ! Que mes souvenirs soient réels ou supposés, ils enfreignent ma capacité à mener ma mission à bien !

J'attends, obnubilé par les pas de ronde de la femme aux cheveux bleus... Les traits et la fonction de l'homme qui la suit du regard, surpris, celui qui a dit « être l'ami des loups » si je ne me trompe, me reviennent comme un boomerang retardé par une anomalie temporelle ! Le valet de Tarock ! Comment est-il là si son maître n'y est ? L'autre, celui qui porte les cheveux longs et se change en oiseau est un Jensen, ce sont des change-peau depuis des siècles. Je suis en fait en territoire connu, les Tarock, les Laveau, même les Jensen... Reste... Elle ?

Puis... avec une lenteur qui me révulse, une réponse arrive sur mon écran, mon but est désormais fixé.

Spoiler:

La musique:

Qu'est-ce qui se passe ? Tout s'est accéléré soudain. Les deux présences féminines ont fusionné. La transformation de Crésus s'amorce malgré lui. Ses oreilles sont dressées noires et velues sur les côtés de sa tête encore visiblement humaine, au milieu de laquelle brillent des yeux incandescents de créature nocturne, et ses crocs semblent chercher à surgir hors de sa mâchoire. Un claquement de dents, et il parcourt la scène d'un regard vif, ses mouvements soudain accélérés. La fibre même de ses muscles se tend visible et saillante sous sa peau, qui se hérisse dans l'attente d'un ennemi.

Mais il n'y a pas de quoi se battre. Il s'efforce de rester calme : c'est une situation de détresse et de protection. Il n'est pas en détresse, donc il doit jouer son rôle de protecteur. Kyril, Ben, leur présence à ses côtés cristallise son attention. Les autres sont des dangers possibles mais pour l'heure, ils semblent surtout en difficulté. Eh bien, ce pauvre Monsieur Laveau est toujours en difficulté dès qu'il s'agit de son ancêtre ingrate, cette revenante qui ne revient qu'au terme d'une vie d'efforts de sa part et qui ne semble pas lui accorder un instant d'attention. Il vaut mieux qu'il reste en-dehors de l'équation.

Les silhouettes les plus proches, et les plus incontrôlées, pour le moment, ce sont la femme qui danse et ce pianotement sur un clavier dont Crésus ignore tout.

"Ben, calme-toi, ça ne va pas faire l'affaire. Aimée a testé la possession de cette femme. Tu comprends ? C'est une victime. Comme moi."

Il hésite encore un peu à la soulever dans ses bras. Son odorat perçoit les signes physiques de la panique. L'entité tournoie-t-elle encore dans le fond de sa conscience ? Il entend cogner son coeur, surmené par ces quelques instants de lutte intérieure désespérée. Elle est en état de choc. Il ne peut pas la laisser à terre, ses beaux cheveux répandus dans la végétation des marais... Ha, il se fera toujours avoir par les beaux cheveux.

"Il faut qu'on l'aide," affirme-t-il en se relevant, la portant dans ses bras. "Il lui faut du calme. Elle a découvert, disons, la cuisine locale, et elle n'était pas prête... On peut la conduire là où tu m'as soigné ? S'éloigner de cet endroit, ça ne nous fera pas de mal."

Il a peur, lui aussi. C'est encore une peur qu'il arrive à maîtriser, mais elle trouble son jugement et il ne se fait pas confiance pour prendre la meilleure décision.
Ciel et Terre ! Faites que Crow soit en sécurité. Les forces profondes sont en éveil. Comment vont-ils s'en sortir, face à des adversaires qu'ils ne peuvent pas percevoir avant qu'il soit trop tard ?

"Viens avec nous, ne reste pas seul ici," lance-t-il à Saül, qui semble si vulnérable à son tour. Une proie nouvelle, que l'entité spectrale apprendra vite à attaquer par ses points les plus faibles, dès qu'elle se sera familiarisée un peu avec son fonctionnement.

Il a vraiment du mal à la comprendre. Entre Aimée et Crésus, une opposition directe s'établit avec le passage du temps, un peu plus à chaque nouveau détail de son comportement qu'il découvre. Elle rit quand il a envie de pleurer, elle enrage quand il sent son coeur s'emplir d'espoir, elle est bâtie à son encontre et pourtant, leur intérêt s'est fixé sur le même oiseau de vie et de mort, Kyril, le prince de la grande réconciliation entre tous les extrêmes.

Et l'espace d'une seconde, alors que la forme humaine reprend le dessus, il se surprend à imaginer ce que serait leur fusion - elle et lui, ce qu'ils pourraient accomplir pour amener Kyril à réaliser son plein potentiel. Ne travailleraient-ils pas dans la même direction, dans ce seul contexte, elle par ambition, lui par amour ? Non, il ne faut pas imaginer ce genre de chose, c'est dangereux.

S'éloigner ? Emmener la fille bleue loin d'ici avec Cresus ? Mais si elle vient, il est à parier que le rouquin s'imposera, pour ne pas quitter son « amie » ? Découvrir Zorkin dans le rôle du soutien -qu'il soit physique ou moral- me fiche un coup, pour moi, cet individu ne peut-être que maléfique... Je sais que je suis partial et injuste, il a donné énormément pour soigner le chien maudit tandis que moi, je me contentais de surveiller et d'administrer les « remèdes ». Là encore, Marge est intervenue, cette Marge qui serait morte après une visite de Dara ?

Comment ai-je réussi, moi qui hait la sorcellerie, la magie, sous toutes ses formes même les plus bénignes me trouver embarqué dans un tel foutoir ?

Car à y réfléchir une fois montés tous les cinq dans le véhicule -le brun s'est lui aussi engouffré derrière, puisqu'il est serait venu à la demande de Kyril- j'essaie de poser calmement la situation ? J'avoue que le calme n'est pas trop ma nature, je suis prompt à gueuler et à m'émouvoir, certes. Il arrive toutefois, dans des cas d'extrêmes urgences, que je puisse me contenir : quand j'ai trouvé Dara par exemple, hébété à regarder un cadavre exsangue, à demi-nu, les vêtements déchirés par une courte lutte, je suis allé à ce qui me semblait l'essentiel ? La victime était morte, le sang dégoulinait encore des lèvres de son agresseur, la terre était marquée de griffures qui donnaient à penser que Dara, en mode … vampire ?, avait même cherché à empêcher le sol d'absorber le liquide salvateur.

Parfois, j'y repense et me dis que ce jour-là, je devais avoir pété un câble...

Quel homme sensé dans cette situation irait secourir le monstre qui vient de tuer un pauvre jeune officier de l'armée américaine, fut-il lui-même bidasse ? Le réflexe « naturel » aurait été de rester à distance, d'appeler les secours en jurant que non, je n'étais pas fou, j'avais sous les yeux un type qui avait vidé entièrement sa victime de son hémoglobine ! Au lieu de cela, j'ai attrapé Dara, l'ai enveloppé dans la bâche que j'ai toujours dans mon coffre -au cas où je ramènerais un truc salissant, comme si ma pauvre bagnole devait être préservée dans l'état où elle est et avec son grand âge...- et entraîné « Viens ! Si tu ne te casses pas ils vont t'enfermer ! »... Je l'ai emmené chez moi, l'ai douché longuement jusqu'à ce que plus une trace ne soit visible. Quelques heures plus tard, j'ai fait un passage éclair à la laverie pour foutre ses fringues dans une machine, à une heure où tous les péquins habitués de l'endroit seraient en train de manger ou devant un match, à moins qu'ils baisent ? Baiser dans mon quartier n'empêche pas le match cela dit... Il se laissait faire, sonné, avec un regard de chien blessé... Il n'est retourné à sa caserne que la semaine d'après après qu'on ait bien révisé notre version commune : je l'avais trouvé divaguant, perdu, blessé dans le bayou, il n'avait rien pu expliquer, parlant d'une « chose » peut-être une bête... Pourquoi je pense à cela là, tout de suite ?

Dans la voiture, on a un homme qui n'en est peut-être pas un et dit avoir été appelé -d'on ne sait où- pour modifier l'avenir, un oiseau de vie qui est sorcier de mort, une fille qui vient d'éjecter un fantôme comme on collerait un uppercut à un type qui a en tête de vous violenter, et s'en ressent, absente... Un chauffeur de maître qui s'est il y a quelques mois changé en chien-garou pour enlever un sorcier hanté par un spectre, et moi...

Une équipe que n'importe quel humain normalement constitué ferait interner, ou tuer par tir à vue... Parmi nous, quatre peuvent changer de peau et devenir des animaux, le cinquième est... A vrai dire, je ne souhaite pas savoir ce qu'il est ! Je suis venu à la demande d'un jeune homme qui vit en plumant des joueurs de poker parce qu'il lit dans leur esprit, et qui se remet en forme en vidant de son sang n'importe quelle bestiole, humains compris ! Si je formulais cela, je ne ressortirais jamais de la cellule capitonnée où on m'enfermerait !

- Tu crois que c'est prudent, là où on t'a soigné ? Et puis, qu'est-ce qu'on va faire d'elle ? Dara voulait la voir, je ne sais pas pourquoi ! Qui est-elle ?

De Selmann qui conduit mes yeux sont allés sur Kyril sur le siège passager, la fille est entre nous, le « Retoucheur de temps » et moi, à l'arrière. Elle a l'air à la fois épuisée et perdue dans ses pensées, c'est pour ça que j'ai interrogé le roux, et pas l'intéressée, parce que qui mieux qu'elle pourrait se présenter ? Saül, l'étranger change graduellement d'apparence, de manière très lente et à peine perceptible...  Plus je le fixe, et plus il devient... femme ?

Non ! Je suis en train de rêver ! Moi, Benedikt Jensen, adepte du pragmatisme le plus débridé, je fais un cauchemar ! Rien d'autre !

Et puis, du siège passager, une fois presque enfantine questionne l'homme assis à la droite de ma voisine

- Qu'ai-je demandé à changer ? Puisque j'aurais fait une demande ? Pouvez-vous me le dire ?

Je ne laisse pas le temps au dingue de répondre - Personne ne peut RETOUCHER le temps ! Puis, je prends conscience que j'ai dit ça à un oiseau... dont les larmes chassent la mort ? Comme modification du temps, on fait difficilement mieux qu'annuler un décès ? Ma voix est nettement moins assurée quand je répète puis supplie presque - Personne ne peut retoucher le temps ? N'est-ce pas ? C'était une blague de mauvais goût ?

Dans la grosse berline au moteur silencieux, il me semble désormais qu'on entend battre les cœurs et tinter les neurones... Non, franchement ! Je suis prêt à accepter que des hommes soient aussi animaux, ça, je le vis quotidiennement... que des fantômes reviennent déranger les vivants -peut-être parce qu'eux les ont également importunés- en Louisiane, tout le monde l'accepte ? Même, que des êtres comme Laveau, Tarock et Aimée existent !

Dara...

C'est déjà plus sujet à caution, mais s'il n'est qu'un original qui se fait des idées, il simule très bien.

Mais... retoucher le temps !

Enfin ! Soyons raisonnables !

- T'es vraiment sûr de vouloir retourner... là-bas ? Je l'avoue, j'y suis resté le temps nécessaire, mais … j'aimais pas trop les voisins.

Je vois l'entrée se présenter beaucoup trop vite ? Est-ce que ce... je ne sais quoi qui nous accompagne aurait écourté le trajet ou ce sont mes pensées confuses et nombreuses qui ont agi dans ce sens ?

Ma main j'en ai peur se crispe sur le sac à gri-gri...

Mais pourquoi suis-je là ? Cet idiot de Dara m'a envoûté ou quoi !

Baigner dans le gras d'un sentiment, une sensation qu'elle n'avait jamais rencontrée ni éprouvée... Le froid glacial s'en était allé de ses artères et de ses os dès qu'Aimée l'avait quittée. Elle flottait désormais entre des mondes qui n'existaient pas.

Des lumières dansent, se collent et se décollent. Des saveurs se meuvent et se meurent. Un papillon, un éclat, une opalescence...Cette musique qui n'en est pas une...Une voix ? Maman ? Papa ? Elle n'est pas elle, il n'est pas lui. L'opulence de victuailles enchantées... Un nid immense, façonné de parois moelleuses et de couleurs impossibles, se déplace sur des nuages aux formes extravagantes.

Mary et sa carcasse béatement suspendue ; là ? Ici ? Nulle part et partout. Mary et son esprit encendré ; comment ? Depuis toujours.

Elle l'entend ! Elle se défend !

L'Ironie acide susurre, Mary hurle ! :

Spoiler:

Elle reprit conscience encore vaseuse de la possession, le crâne imbibé par les voix envahissantes. Ouvrit les paupières. Bercée par le ronron du moteur...La tête affalée sur l'épaule de Benedikt... Le corps mou, étrangement usé.

Tu es tombée Mary ! Si bas ! Si haut !

Scratch de secondes. À peine...quatre ? Une pulsation pour chacun présent dans cette caisse trop étroite ?

Elle se redressa brutalement, gifla le Ben dans la foulée.

-Me touche pas ! Me touche pas ! Gueula t-elle, désorientée, paniquée.

Malade.

Une nausée lui tortilla le ventre, elle lâcha des « ah » d’écœurement avant de rejeter une grosse galette sur les jambes de Saül, éclaboussant la banquette, le tapis, le siège avant.

Tout s'était passé très vite. S'essuyant la bouche, elle se cala contre le dossier, vidée, croisant les bras pour ne pas effleurer la présence de l'un et de l'autre.

Elle vit enfin Kyril, réalisa que c'était Crésus qui conduisait.

-On va où ?! Bougonna t-elle à leur intention.

Ça puait dans la voiture ! Alors elle eut un sursaut, s'excusant bêtement à la cantonade :

-J'ai pas fait exprès.

*Atteinte à l'intégrité d'un cadavre