Sur le trajet pour les Watson, Glen s’était répété un million de fois comment il devait procéder. Il ne devait pas soutenir son regard trop longtemps, pas échanger trop de blagues, et surtout pas afficher une trop grande complicité. Ça avait l’air facile dit comme ça mais il savait pertinemment à quel point ça allait être compliqué. Pour rien au monde Glen ne voulait se trahir. Ils allaient un jour vivre leur amour au grand jour… mais ce sera un moment choisi. Glen n’était pas prêt. Il lui semblait que Bee ne l’était pas non plus. Il leur fallait un peu de temps, de quoi consolider leur couple avant d’affronter la tempête qui les attendait. Glen était nerveux. Heureusement, il n’était pas trop mauvais pour gérer ce genre d’émotions. Il donnait bien le change. Enfin, c’est ce qu’il pensait. Il avait tout de même pris quelques secondes après s’être garé pour faire quelques exercices de respiration. Et c’était parti ! L’angoisse lui vrillant l’estomac, Glen était finalement sorti de sa voiture pour se rendre chez les Watson. Thalya menait la danse en marchant devant lui. Et qui était là pour l’accueillir ? Lullaby, bien sûr. « Salut ! » qu’il s’était exclamé en forçant le naturel alors que Bee faisait elle-même semblant de découvrir Thalya. Quel énorme sketch. « J’ai réalisé un rêve, j’ai ma chienne ! » Glen s’était débarrassé de son cadeau pour prendre Thalya dans ses bras et la présenter à Noah. L’agent avait manqué de piquer un fard quand sa promise avait lancé une blague à son père au sujet de son célibat. Qui n’était plus puisqu’il avait ramené une copine… Thalya donc. Glen cligna des yeux plusieurs fois avant de dire : « Eh bien, oui… Voilà, ma copine : Thalya. Merci d’arrêter de jouer les entremetteurs Mickaël ! » Au moins il avait réussi à placer ça. Avec un peu de chance, ça passerait. Il avait salué tout le monde et était revenu vers Noah et sa marraine pour lui souhaiter une première fois un joyeux anniversaire.

 

Il a réalisé un rêve, il a enfin l'animal dont il a tant rêvé. S'il ne parle pas de Lullaby, à l'origine de cette réalisation, les mots de  l'homme lui vont pourtant droit au cœur. Elle aime l'idée d'être sa faiseuse de rêves. Elle aime l'idée de le pousser à les accomplir. Si elle n'avait pas pris les choses en main, combien de temps encore Glen aurait-il attendu pour avoir son chien ? Combien de temps aurait-il encore attendu pour le petit sac, le petit toutou, les petits accessoires ? A priori, longtemps. S'il n'avait pas réalisé ce rêve dans les dernières années, il était assez peu probable que d'un coup il se décide dans les mois à venir. Elle aime l'idée de lui avoir permis de réaliser ce rêve et elle espère bien en réaliser tout un tas d'autres avec lui. La belle maison, les enfants, le grand jardin, et toute cette vie de famille simple qu'ils ont déjà évoqué avant même d'être ensemble. Ce ne serait pas bien difficile pour elle de l'aider à atteindre ce rêve là, puisqu'elle nourrit exactement le même. Cette envie de faire leur vie à deux, l'un avec l'autre, de fonder une famille. En passant bien sûr par la belle robe de princesse blanche, immaculé, dont elle rêve elle-même depuis qu'elle est en âge de savoir ce que le mariage est. Peut-être même depuis bien avant ça.

Il affirme avoir sa copine et demande à Mickaël de ne plus jouer les entremetteurs. Si ce dernier n'écoutera pas forcément, Thalya n'étant qu'un chien et la propension de Glen à plaisanter étant légendaire, Lullaby note au moins l'effort de son amoureux pour lui épargner des conversations désagréables au cours du déjeuner, conversations qu'elle a déjà trop endurées par le passé et qu'elle lui a demandé, dès le départ, de lui éviter à l'avenir, au moins le temps qu'ils puissent apprendre à se connaître. S'il n'est plus question de ça désormais, la phase de découverte étant passée, il n'en reste pas moins qu'elle n'a guère envie d'entendre son père venter encore les mérites de l'une ou l'autre de ses collègues qui irait "parfaitemeeeent" avec l'agent. Elle est donc reconnaissante envers Glen de tenter ainsi de contrer toute proposition au moins aujourd'hui.

"- Ah ! Damn god ! Comment vont faire toutes ces célibataires en détresse que tu comptais lui refourguer !?" tente de plaisanter Lullaby avant de porter son attention sur Noah, comme il s'agite entre ses bras. "Tu veux la caresser petit chat ?" demande-t-elle avant de regarder Thalya, puis Glen. "Il peut ?"

Bien sûr, là jeune femme sait parfaitement que Thalya est douce comme un agneau et qu'elle ne ferait de mal à personne, d'autant plus que Noah n'est pas du genre à torturer les animaux, mais comme elle n'est pas supposée connaître déjà l'animal, elle préfère demander, jouer le jeu. Prudence vaut mieux aujourd'hui.

Il n’y avait pas que le rêve d’avoir un chien que Glen avait réalisé mais c’était le seul dont il pouvait parler ici. Et encore. S’il avait eu Thalya, c’était uniquement grâce à Bee. Seul, il ne serait pas lancé. Il avait beaucoup trop peur de ne pas avoir assez de temps à lui accorder… Et finalement, il se prenait le temps. Faut dire aussi que Thalya le suivait partout grâce à son super petit sac et qu’elle ne prenait de toute façon pas beaucoup de place. Elle avait aussi l’avantage de lui sortir la tête du travail des fois. C’était vraiment chouette. S’il avait su, il l’aurait fait avant. Et grâce à elle, Glen donnait le temps : plus besoin que Michael ne joue les entremetteurs puisqu’il avait la femme de sa vie. Lullaby, donc, mais pour les autres, il leur laissera penser qu’il parle de sa chienne. Il ne s’était pas attendu à ce que sa chère et tendre rebondisse sur le sujet pour venir interpeller directement son père à son tour. Pfiou. Glen devait respirer fort pour ne pas trahir son trouble. Il avait envie de rougir. Est-ce qu’il rougissait ? Grand Dieu, pourvu qu’il ne soit pas en train de rougir. Vite, il lui fallait une diversion. Heureusement, Noah qui caresse Thalya en était une. « Oui, bien sûr ! » L’agent laissa le petit garçon flatter la petite chienne avant de l’installer dans son sac de transport. « T’as vu, c’est un chien portable ! T’en avais jamais vu des comme ça, hein ?! » que Glen s’était amusé en poussant la démonstration jusqu’à faire quelques pas devant le clan Watson qui ne manqua pas d’éclater de rire. Oui, c’était risible. Mais Glen kiffait, il fallait s’y faire. « Alors, il souffle combien de bougies ce grand garçon aujourd’hui ? » que Glen avait demandé une fois les rires passés. Il s’était promis de ne pas rester trop près de Bee et pourtant, c’est comme s’il ne pouvait pas s’en empêcher.
 

Donner le change, faire comme si de rien était, ce n'est pas ce qu'il y a de plus simple, Lullaby le réalise au beau milieu du hall d'entrée de chez ses parents, alors qu'elle éprouve bien du mal à ne pas être complice avec Glen. Ils en ont trop facilement et trop rapidement peut l'habitude. Il faut dire que l'alchimie entre eux est si évidente qu'elle ne sait pas comment elle a pu passer à côté pendant des mois, ni comment les autres font pour ne pas s'en appercevoir. Peu importe, car leur aveuglement général sert ses intérêts.

Portant son attention sur Noah, Bee le laisse caresser l'animal non sans avoir d'abord demandé à Glen s'il pouvait me faire, faisant comme si elle ne le savait pas. Et l'homme plaisante en montrant le sac et la petite Thalya dedans. Un chien portable, dit-il, en faisant rire tout le monde, comme il défile avec le sac sur l'épaule. La situation est improbable. Et touchante, en même temps. Bee est heureuse de lui avoir offert ça. De lui avoir permis ça.

"- Tatie sait quoi commander au papa noël pour toi hein..." dit-elle pour Noah comme il est tout excité par la présence de l'animal, désireux de lui faire des caresses et des papouilles.

"- Six ans ! Tout ça tonton !"

Il montre sa petite main potelée et le coeur de Bee vrille dans sa poitrine. Ce n'est pas la première fois que Noah appelle Glen tonton mais cette fois ça lui fait un effet particulier. Parce que maintenant, l'homme l'est vraiment, en quelque sorte. Ils ne sont pas mariés, bien sûr, mais ça ne change rien.

"- Je me disais bien que tu étais un grand garçon, Tatie a du mal à te porter !" affirme la jeune femme en embrassant sa tempe pour masquer son trouble.

"- Qu'ils sont mignons regardez moi ça. Le chien, l'enfant..." plaisante Philipp en faisant se raidir sa cadette, sans qu'il ne finisse verbalement sa phrase. Mais elle lit sur ses lèvres "un vrai petit couple". Elle espère qu'il n'a rien vu, rien compris, qu'il ne fait que plaisanter. Bien sûr que ce n'est qu'une blague. C'est forcément ça, avec lui.

Glen allait avoir besoin d’alcool pour survivre à cette journée. Il y a de l’alcool à l’anniversaire d’un petit de six ans, non ? Glen espérait bien que oui mais il n’en était pas si sûr. Quoi que. Est-ce que c’était une bonne idée que de risquer d’être pompette ? Sûrement pas. Déjà en étant parfaitement sobre il avait peur de se compromettre… Mon Dieu. Il avait déjà des migraines à devoir réfléchir autant. Pour le coup, Glen avait fait ce qu’il savait faire de mieux pour parer à tout ça : faire rire tout le monde. Et ça marchait plutôt bien. Il était au centre de l’attention mais pas pour des raisons trop sérieuses. Ce qui n’empêchait pas Glen d’avoir eu besoin de se mordre l’intérieur de la joue pour s’éviter de sourire niaisement en entendant Bee parler de prendre un chien à Noah. Franchement. Qu’est-ce qu’elle ferait pas pour ce petit bonhomme ? Et puis la vision de son amoureuse avec ce petit garçon, c’était… Trop. Juste trop. Glen se demandait bien comment il avait pu croire qu’il réussirait à se tenir. Tous les éléments étaient réunis pour qu’il se trahisse. « Waaaaaw ! Six ans ! Quel grand garçon ! Tu vas pouvoir passer le permis alors ?! » Glen ébouriffa du bout des doigts les mèches de cheveux de l’adorable garçonnet avant d’être foudroyé sur place par la remarque du frère de Bee. Ok, cette fois, Glen n’avait pas su s’empêcher de rougir. Il essaye tant bien que mal de camoufler son trouble. « Arrête ! Tu vas rendre jalouse Thalya alors qu’on commence à peine notre lune de miel ! » que Glen avait fini par protester, cachant tant bien que mal son trouble derrière une vanne dont il avait le secret. Puis il avait continué en se tournant vers la petite chienne : « L'écoute pas ma chérie, il n'y a que toi. »  Ou presque.

Noah est un grand garçon, c'est vrai. Il a déjà six ans, sa marraine n'arrive pas à s'y faire et quand Glen parle du fait qu'il va bientôt pouvoir passer le permis, Lullaby se raidit. Bien sûr, ce n'est pas pour tout de suite. Mais elle réalise, en même temps, que c'est seulement pour dans dix ans. Dix ans, ça lui semble beaucoup trop proche. Quand son neveu a-t-il autant grandit ? À quel moment a-t-il autant poussé ? Il lui semble qu'elle n'a pas vu le temps passer et que c'était hier encore qu'elle le tenait dans ses bras pour la première fois. Pour le coup, elle en pleurait. Ses yeux sont déjà humides. Bientôt, Noah lui demandera des conseils pour draguer des filles, lui confira ses premiers amours, ses premiers émois. Bon sang, elle n'est vraiment pas prête pour ça. Ce n'est encore qu'un bébé pour elle, mais c'est déjà un grand garçon. Son cher et tendre a parfaitement raison.

"- Il a encore le temps !" affirme Bee, un peu pâlotte, en venant déposer un nouveau baiser sur la tempe de son neveu. "Marraine n'est pas prête pour le permis, ni pour les premières soirées et petites amies !"

Bon sang, son cœur va vriller. Et c'est d'autant plus vrai que son frère juge bon de la taquiner en raison du fait qu'elle se tienne aussi proche de Glen, un enfant entre les bras alors que l'homme expose sa petite chienne. S'il ne dit pas tout haut sa pensée, la jeune femme n'a aucun mal à le lire, ou le deviner, sur ses lèvres. Un petit couple... il vient de les qualifier de petit couple. Seigneur. Est-ce qu'elle a laissé paraître quelque chose ? Est-ce que d'une manière ou d'une autre, elle se serait trahie aux yeux de son grand frère ? Il ne lui semble pas avoir dit quoi que ce soit qui puisse le mettre sur la voie mais, qui sait ? L'alchimie est à ce point évidente qu'il aurait pu l'apercevoir lui aussi, n'est-ce pas ? Elle cligne des yeux en essayant de trouver une réponse adaptée et c'est Glen qui la fournit, en affirmant que Thalya allait être jalouse, avant de se tourner vers la petite chienne pour assurer qu'il n'y avait qu'elle. Une diversion rondement menée et Philipp laisse tomber. Au moins pour le moment. Il taquinera encore sa sœur plus tard, autrement, ça ne fait aucun doute.

"- Et si on allait porter un toast pour ce petit bonhomme hein ?" propose la demoiselle pour changer de sujet et, en même temps, parce qu'elle doit bien avouer qu'elle aurait bien besoin d'un verre de vin, là tout de suite. Elle n'est pas encore sûre de ne pas chercher à se noyer dedans.

Glen n’avait pas pu s’empêcher d’avoir un sourire attendri devant la réaction un peu paniquée de sa promise. Ça n’avait duré que quelques secondes mais il avait eu cet air béat qu’il a à chaque fois qu’il se rend compte à quel point il l’aime. Quand il s’en était rendu compte, Glen avait manqué de se mettre une gifle. Il l’avait fait mentalement. Quel con. Franchement. Faire semblant le temps d’une journée, ça ne devait pas être si compliqué, non ? Le mieux, c’était peut-être de se tenir éloigné d’elle. Mais ce n’était pas si simple. Dans une fête d’une plus grande ampleur, ça passerait mieux inaperçu. Mais là ? C’était Glen, Lullaby… et sa famille. Juste ça. Il commençait à se dire qu’il aurait mieux fait de dire qu’il était malade. Pour le coup, il s’était totalement retrouvé à court de mots. C’était rare de décontenancer Glen. D’ailleurs, Bee était la seule à savoir le faire. Heureusement, Glen avait très vite retrouvé ses moyens et avait fait une blague dont il avait le secret pour détourner l’attention d’eux. Ça avait l’air de fonctionner. Pour le moment. Combien de temps allait-il réussir à faire diversion comme ça ? « Quelle bonne idée ! » qu’il n’avait pas su retenir quand Lullaby avait proposé un toast. Elle avait l’air d’avoir autant besoin de lui d’un verre.

Lorsqu'elle propose d'aller porter un toast en l'honneur de son neveu, Glen remarque que c'est une bonne idée. À vrai dire, elle sait que c'en est une bonne, principalement parce qu'elle a besoin d'un verre, parce qu'elle a besoin de trouver une occupation, quelque chose qui la détourne de lui et, surtout, qui détourne son frère des pensées qui l'animent. Porter un toast permettra de se sortir de cette situation. Avec un peu de chance son ainé pensera à autre chose qu'à l'embêter. Ce sera parfait.

Rejoignant le jardin dans lequel ses grands-parents paternels et maternels sont installés, de même que quelques membres de leur famille proche ayant été invités pour fêter l'occasion en petit comité, la jeune femme tente de se fondre dans la masse et, surtout, d'éviter son cher et tendre. Ce n'est pas si simple, parce que même s'il y a un peu de monde, ils ne sont qu'une vingtaine de personnes réunies dans ce jardin. Pas assez pour qu'elle puisse vraiment ne pas croiser le regard de Glen par moment. Pas assez pour que son regard puisse ne pas être attiré par lui. Mais elle n'est pas sûre que cela changerait grand-chose s'ils étaient une centaine réunis. Son regard serait toujours attiré par lui, parce que c'était toujours comme ça. Comme si ses yeux étaient aimantés à lui.

Comme ils portent un toast, elle évite cependant soigneusement le regard de l'homme, relâchant son neveux pour le laisser courir gaîment, se tournant finalement vers ses grands-parents maternels pour discuter avec eux, s'installant sur une chaise pour être plus à l'aise. Si elle ne fait pas attention à Glen, peut-être qu'elle pourra éviter les situations embarrassantes. Ce n'est pas dit, mais elle peut essayer.

"- Et alors... Quand est-ce que ma petite fille va nous présenter un amoureux ?" demande cependant sa grand-mère, faisant se raidir la demoiselle.

De toute évidence, il sera difficile de ne pas penser à Glen aujourd'hui. Difficile de lutter contre des émotions ou contre son envie de le regarder. Parce que à peine l'homme est-il mentionné, même seulement sous le dénominateur amoureux, qu'elle éprouve le besoin de le regarder, de le voir. Elle se fait violence pour ne pas répondre à ce désir et concentrer son attention sur ses grands-parents.

"- Oh je euh... C'est très récent avec mon amoureux alors... On va attendre un petit peu d'accord mamie ?" dit-elle, ne pouvant se résoudre à mentir totalement à sa grand-mère.

La vigilance de l’ainé de Lullaby ne plaisait pas beaucoup à Glen. Il était au courant des sentiments de Bee à son égard avant même qu’elle les lui confesse. Est-ce qu’il voyait quelque chose de différent ? Est-ce que leur amour sautait à ce point aux yeux ? Quelque part, il ne pouvait pas lui en vouloir. Ils étaient parfaitement assortis. Autant physiquement que mentalement. Glen en avait l’intime conviction maintenant. Alors qu’ils rejoignaient le jardin, Glen chercha la compagnie de son ami. Avoir Mickaël à côté de lui, c’était la manière façon pour lui de se rappeler pourquoi il fallait qu’il soit très discret. Sans compter que ça faisait un moment qu’ils ne s’étaient pas vus et ils n’avaient eu aucun mal à entamer une conversation. Glen était un peu ailleurs, par moment il croisait le regard de Bee, mais Mickaël n’avait l’air d’y voir que du feu. Ils avaient ensuite porté un toast en l’honneur du petit garçon et Glen avait eu à peine le temps d’avaler une première gorgée de son verre que Mickaël avait enchainé : « Tu sais, j’ai bien compris pourquoi tu ne voulais plus de mon aide. Tu as l’air de quelqu’un qui est amoureux. Et me raconte pas que c’est ta chienne. Pourquoi tu nous la présenterais pas ? » Glen avait manqué de s’étrangler avec son verre. Pourquoi il ne la présentait pas ? Parce qu’il la connaissait déjà bien. Très bien. Son cerveau avait fulminé à la recherche d’une réponse pertinente. D’habitude, il mettait beaucoup moins de temps à retomber sur ses pattes. « Je suis donc si transparent pour toi, hein ? C’est avec toi que je devrais me caser, tu me connais si bien ! » L’humour, encore et toujours pour se sortir des plus mauvaises passes.  

Elle ne peut pas mentir à sa grand-mère, ce n'est pas possible. Pas en la regardant dans les yeux. Alors Lullaby choisit de dire une demie-vérité. C'est vrai qu'avec Glen c'est encore très récent. Suffisamment récent pour qu'elle attende d'en parler. Et si ça avait été un autre que lui, avec qui elle aurait été depuis si peu de temps, elle aurait certainement attendu, également, pour le présenter à sa famille. Bien sûr, elle aurait attendu d'avoir un peu plus de certitudes. Ici, ce n'était pas ce qui l'empêchait de présenter Glen à ses proches, évidemment, mais elle n'était pas obligé de le révéler. Et puis, au-delà de la peur d'en parler à la famille de Bee, ils voulaient aussi attendre un peu, garder leur histoire pour eux, pour l'instant, pour en savourer tranquillement les prémices. Après tout, elle disait la stricte vérité. C'était récent. Cela viendrait, bien sûr, mais plus tard. Elle ne dit juste pas quand, ne le sachant pas elle-même. Quand ils en auront le courage, sûrement.

Elle tourne la tête vers son père et Glen lorsqu'elle entend ce dernier parler de se caser avec le premier homme de sa vie, ce qui lui fait lever un sourcil. De quoi est-ce qu'ils peuvent bien être en train de parler, tous les deux, pour que Glen dise ça ? Est-ce que c'est sérieux, dans le sens où il essaierait de noyer un poisson quelconque ? La jeune femme essaie d'analyser le moindre indice que leurs expressions peuvent lui apporter. Elle sait qu'ils jouent un jeu dangereux, qu'ils sont comme deux funambules sur un fil, entouré de ces personnes qui les connaissent si bien et ne doivent pourtant rien deviner de ce qui les anime.

"- Qu'est-ce que vous racontez encore comme bêtises ?" demande-t-elle en se donnant un air nonchalant, désintéressé, comme si elle n'était pas inquiète.

Une paire de main la saisissant sous les bras, son attention est cependant rapidement détournée par Ethan qui ricane en beuglant pour appeler Philipp à l'aide, tandis que leur cadette se débat. Elle connait trop bien ses frères, question d'expérience, pour ne pas savoir que ses aînés, ou au moins l'un d'eux, préparent un sale coup. Et c'est en entendant la mention de la piscine qu'elle comprend les intentions d'Ethan, se débattant de plus belle, comme si elle avait la moindre chance de s'en sortir.

"- Mais laissez donc votre sœur tranquille !" plaide sa grand-mère.
"- ETHAN !" résonne la voix de sa mère. En vain.
"- Attend, attend, mon téléphone !" lance-t-elle comme Philip l'agrippe à son tour pour aider leur frère à la jeter à l'eau.

Le téléphone posé approximativement sur la table, ils la rapprochent de la piscine et la balancent en comptant jusqu'à trois avant de l'y jeter en riant, fiers de leur blague, tandis que Noah tape dans ses mains devant la scène. Remontant à la surface, elle nage vers les escaliers pour sortir de la piscine, essuyant son visage d'un revers de la main avant de lever ses deux pouces en l'air à l'attention de ses frères. Vraiment très malin. Elle aurait vraiment dû choisir une autre tenue que cette robe blanche. Bien sûr, avec le soleil ça sèchera vite mais en attendant, ses cheveux et sa robe lui collent à la peau dans une sensation plutôt désagréable.

"- La prochaine fois prévenez moi de venir en maillot sous la robe, hein."
"- Mais c'est beaucoup moins drôle si t'es prévenue !" objecte Ethan.