Toute une vie devant eux pour faire tout ça… Glen avait sourit mais n’était pas sûr d’être d’accord. N’avait-il pas perdu assez de temps ? Ne ferait-il pas mieux de se hâter d’accomplir le plus de choses possibles en dehors de sa très prenante carrière ? C’était là que la différence d’âge se faisait ressentir. Elle était à l’aube de ses trente ans, pleine de promesse. Il avait déjà bien roulé sa bosse à quarante ans tout ronds. Pour ne pas perturber l’ambiance déjà trouble, il se garda cette réflexion. C’était son problème, qui plus est, Lullaby n’avait pas à le porter avec lui. « Paris en amoureux. J’ai presque hâte. » qu’il commenta avec humour en faisant référence à leur besoin de fuite. Et de fuir qui ? Le père de sa chère et tendre bien sûr ! Etrangement, Glen se faisait beaucoup de moins de soucis quant à la réaction de la mère de Bee. A tort sans doute. « Je crois que mon regard sur toi a changé petit à petit… A partir du moment où je t’ai vu comme une personne à part entière plutôt que la fille de quelqu’un. Mais je me voilais la face, je préférais ignorer… cette attraction. Je me rappelle pas d’un moment précis du coup. Et puis quelles étaient les chances que ce soit réciproque ? Je t’aurais plutôt vue avec un mec de ton âge, quelqu’un qui sait faire un compte sur Instagram. » Il avait haussé les épaules. Quelle importance maintenant ? Ils s’étaient trouvés, c’est tout ce qui comptait. Tellement bien trouver que Glen semble enfin pouvoir se défaire des dernières barrières qu’il s’était mises. Ignorant totalement les quelques mots que sa dulcinée bafouille, il prolonge leur baiser en l’attirant jusqu’au plan de travail sur lequel il l’installe. Il y a un côté libérateur à se laisser aller à une telle passion et, en même temps, il craint que ce ne soit pas le bon moment. Il n'avait pas peur que ça dérape, il avait juste peur que Bee ne soit pas d'humeur à ça. Après tout, il ne le connaissait pas sur ce sujet-là et devait encore tout apprendre de ses mécanismes.

"- Mais si nous pouvons visiter Paris sans avoir besoin de fuir, c'est mieux !" remarquer la jeune femme avec un petit rire.

Jusqu'à maintenant elle n'a jamais trop pris le temps de voyager. Elle n'a jamais trop pris de temps pour elle, à dire le vrai. Mais, puisque désormais elle n'est plus seule, ils pourraient peut-être considérer la question de partir voir du monde, du pays. Prendre des vacances bien méritées de temps en temps pour se ressourcer l'un avec l'autre et non pas quand elle a besoin d'organiser un mariage au bout du monde, à ne pouvoir passer du temps ensemble, vraiment, qu'entre deux rendez-vous et préparatifs. Après tout… ils n'ont plus de raison de se plonger à ce point dans leur travail maintenant, même s'ils continuent de le faire, finalement, pour fuir d'autres problèmes, d'autres réalités. Comme celle qu'ils s'apprêtent à affronter d'ici quelques jours en révélant aux Watson qu'ils sont ensemble.

"- Oui, je crois que je saisis…"

Évidemment il avait imaginé qu'elle sortirait avec quelqu'un de son âge. Et elle suppose que tout le monde s'imagine la même  chose. Que personne ne s'attend à ce qu'elle sorte avec un homme qui a 12 ans de plus qu'elle aime. Mais c'est cet homme-là qu'elle aime, c'est cet homme-là qu'elle veut et c'est pour cet homme-là qu'elle se battra contre les préjugés et tout ce qui pourrait essayer de les ternir.

"- J'ai… une idée un peu précise du moment où j'ai compris mes propres sentiments mais… comment c'est arrivé… Je crois que je serai bien incapable de l'expliquer."

Pour elle aussi ça avait probablement été progressif jusqu'au moment où la vérité lui avait éclaté au visage. Elle se souvient encore parfaitement de ce moment-là. Ça avait été un choc. Une angoisse. Elle s'était sentie foutue et puis… Elle avait essayé de passer à autre chose avant de comprendre que ça ne servait à rien, que ça ne serait jamais possible. Que ça ne passera pas.

Il l'attire jusqu'au plan de travail et elle sent son cœur qui s'emballe comme il l'a fait asseoir dessus, l'embrassant encore et encore. Une étape à passer avant de parler bébé, qui n'a rien à voir avec ses parents… Elle presse ses cuisses l'une contre l'autre, se mord la lèvre entre deux baisers. Quatre ans qu'elle n'a rien connu de semblable, pas le moindre petit début de quoi que ce soit. Alors c'est suffisant pour mettre tous ses sens en éveil.

"- Chéri…" murmure-t-elle contre ses lèvres. "Dit moi qu't'as c'qu'il faut…"

« Touché. » que Glen remarqua dans un rire qui accompagnait parfaitement celui de sa compagne. La perspective de voir du pays avec Lullaby le réjouissait. Il n’avait jamais vraiment envisagé de prendre autant de vacances avant de commencer à la fréquenter. Désormais, il y pensait plus que de raison. Oh, évidemment, il n’avait pas lâché son boulot. Mais il y pensait. Et il serait capable de le faire dans l’avenir quand l’occasion se présentera de passer du temps à deux. Ce couple, ça changeait ses priorités. Le sujet qu’ils abordaient maintenant était autrement délicat mais fondateur pour un couple. La naissance de leurs sentiments. A demi-mots, Glen évoquait leur différence d’âge et peut-être qu’on pouvait sentir l’inquiétude dans sa voix. Ce n’était peut-être pas un problème maintenant mais, plus tard, qu’est-ce qui lui garantissait qu’il ne soit pas remplacé par quelqu’un de plus jeune ? Et il ne pourrait même pas en vouloir à Lullaby. Ainsi allait la vie, le temps n’épargnait personne. « Je crois que c’est tout le principe de l’amour… » Il avait fait une pause, un sourire tendre sur les lèvres. « Ça ne s’explique pas. » Dieu sait que s’ils avaient pu choisir leurs inclinaisons, ils ne se seraient pas choisis. Avec Michael entre eux, c’était trop de problèmes. Les élans du coeur ne se contrôlaient pas. D’ailleurs, il y a d’autres élans qui ne se contrôlaient pas. Si Glen s’y était toujours refusé, ce soir, une brèche était ouverte et il s’y était engouffré. Ce manège avait duré trop longtemps déjà et alors qu’il découvrait les lèvres de Bee avec les siennes, cette dernière l’avait interrompu pour lui demander s’il avait ce qu’il fallait. Ce qu’il fallait. Oui ! Bien sûr. Glen hocha la tête, l’attirant de nouveau sur la terre ferme pour l’emmener jusqu’à sa chambre. Ce qu’il avait été délicieux ensuite de l’étendre sur son lit, de continuer leurs baisers, de dévier par moment dans son cou… Il n’en oubliait pas pour autant qu’il n’était pas tout seul et, interrompant momentanément baisers et caresses, il souffla : « C’est ce que tu veux ? » Juste un mot et il ouvrait la table basse pour trouver de quoi se protéger.

L'amour, ça ne s'explique pas. On ne choisit jamais la personne dont on va s’éprendre et, si c’était le cas, ils ne se seraient probablement pas choisis, tous les deux. Ils en ont conscience, alors que leur situation est compliquée, qu’il y avait un détail de taille à prendre en compte et à affronter. Oui, s’ils avaient eu le choix, ils auraient certainement choisi quelqu’un d’autre. Ils n’auraient pas pris le risque de semer le trouble dans la famille Watson. En fait, ça ne leur serait probablement même pas venu à l’esprit.

"- C’est vrai." souffle la jeune femme en hochant la tête. "Ça ne s’explique pas."

Et elle ne changerait pour rien au monde ce que le destin lui avait réservé, alors, se sentant parfaitement heureuse auprès de lui, en connexion, même si cela comportait des risques. Il en valait la peine. Elle était prête à les prendre pour lui, pour eux. Et visiblement lui aussi comme il s’accorde de détruire une barrière qu’il avait lui-même placé là quelques semaines plus tôt, se risquant à la toucher comme il ne l’avait jamais fait, à initier un rapport comme ils n’en ont, jusqu’à présent, jamais partagé. Et Lullaby laisse un sourire étirer ses lèvres, répondant avec tout autant d’empressement, s’inquiétant de savoir s’il avait ce qu’il faut.

Il la fait descendre du plan de travail, l’emmenant avec lui jusqu’à la chambre, continuant de l’embrasser en l’allongeant sur son lit, dérivant de ses lèvres à son cou tandis qu’elle se risque à glisser ses doigts sous la chemise de son cher et tendre. Il y avait un long moment qu’elle rêvait de pouvoir faire ça. Un moment qu’elle rêvait du jour où elle se retrouverait dans cette situation avec lui. À vrai dire, cela avait commencé avant qu’ils ne soient en couple, déjà, lorsqu’il nourrissait des fantasmes qu’elle n’aurait probablement pas dû avoir, mais qu’elle avait tout de même. Et savoir que, maintenant, c'était LE moment…

Elle hoche vigoureusement la tête lorsque l’homme s'inquiète de savoir si c’est bien ce qu’elle veut. Évidemment. Évidemment que c’est ce qu’elle veut, alors qu’elle était prête à le lui donner à Santorin, déjà, quand il avait posé les mains sur elle pour la première fois. Bien sûr qu’elle était plus que prête pour ça et qu’elle en crevait d’envie, aussi, après des années d’abstinence, de désir refoulé.

"- Plus que je ne saurais le dire." souffle-t-elle entre deux baisers, ses mains s’employant déjà à déboutonner la chemise de Glen pour l’envoyer un peu plus loin, révélant son torse à sa vue, lui faisant se mordiller la lèvre inférieure. Il était définitivement parfait.