Les joues de Glen avait pris des couleurs à l’évocation de ses sentiments naissants. Certes, c’était tout nouveau mais Dieu savait à quel point l’agent pouvait être sûr de lui cette fois. Il le sentait jusqu’au plus profond de son être : cette fois, c’était la bonne. S’il prenait son temps, c’était uniquement pour éviter la tempête de l’annonce de son couple chez les Watson. Il ne savait pas encore à quelle sauce il allait être mangé. Pour l’heure, Mickaël avait l’air tout simplement ravi d’apprendre que son ami était en couple et heureux. Il ne remarquait donc pas la nervosité de Glen qui pouvait de toute évidence être confondue avec une certaine forme de pudeur. Et, pudique, il l’était aussi en temps normal. Mais, pour la première fois, il avait envie de crier son amour au monde entier sans pour avoir le droit le faire. Quand Lullaby était revenue, l’inconfort de Glen s’était renforcé. Elle avait demandé de quoi ils parlaient et son père ne s’était pas gêné pour s’exclamer : « Glen vient de nous avouer qu’il s’est trouvé quelqu’un ! » Glen lança un regard légèrement paniqué à Lullaby, une seconde seulement, avant de reporter son attention sur son ami. « Mais ce petit cachotier refuse de nous donner même son prénom… » Glen s’était retenu de se mordu les lèvres de nervosité, sa jambe s’était mise à trembler sous la table néanmoins. « Vous comprendrez. En temps et en heure. » Et ça, c’était pas totalement bizarre comme remarque ? Glen ferma les yeux le temps de se concentrer et força un sourire amusé. Pourvu que ça passe. Les frites passent sous son nez et Glen s’en servit quelques unes, incapable de s’imaginer y toucher pour autant.

"- Mais vous êtes encore là-dessus ?" rit la demoiselle en essayant de masquer son trouble. "Il l'a dit en arrivant, tu te fais vieux papou !" tente-t-elle de plaisanter. "Quatre pattes, deux petites oreilles poilues, une petite truffe humide et de grands yeux brillants, à tomber par terre, tu ne t'en souviens pas ?"

Masquer le trouble comme elle peut, essayer de sauver la mise. Glen qui affirme qu'ils comprendront plus tard et la demoiselle qui se raidit. Est-ce que ce n'est pas un peu trop curieux comme propos ? Est-ce qu'ils ne risquent pas de se rendre compte de quelque chose ? Comme la tablée semble surtout se soucier du repas et de leurs estomacs, cela semble passer pour cette fois et Bee retrouve un souffle qu'elle n'avait pas remarqué avoir retenu jusqu'ici. La jambe de Glen qui tremble sous la table, en revanche, attire son attention et elle glisse une main sur son genou en espérant atténuer cette anxiété qu'il manifeste, l'apaiser peut-être, même si le contact reste fugace. Un simple moyen de rappeler discrètement que tout va bien se passer et qu'elle est là. Tant qu'ils sont ensemble... Qu'est-ce qui peut vraiment se passer de terrible, après tout ?

Lâchant son genou et jouant avec Noah , elle attrape son téléphone, tapant rapidement un sms pour lui. De quoi le rassurer, peut-être. Elle espère. Peu importe ce qui arrive, je suis là. Je serais là. Tout va bien se passer. Je t'aime.

Se prêter une relation avec sa petite chienne, ça lui allait parfaitement bien. Glen aurait préféré éviter que son ami ne découvre qu’il s’était engagé dans une relation. Si ça avait été avec quelqu’un d’autre que sa propre fille, il se serait fait un plaisir de livrer des détails… Mais là, le silence était de mise et il sentait ses entrailles se renverser à l’idée de révéler son secret. Ses nerfs étaient mis à rude épreuve et il ne doutait pas que Lullaby vivait la même chose. Pour clore le sujet, Mickaël s’était contenté d’un clin d’oeil complice avec son agent et Glen remercia le ciel qu’il ne continue pas sur cette lancée. Il avait sans doute remarqué sa gêne et ce n’était pas à son avantage. Finalement, son stress finit par se manifester par le tremblement de sa jambe. Il sursauta légèrement en sentant une main sur son genou mais il n’eut pas besoin de baisser les yeux pour savoir que c’était Bee et ce simple contact le réconforta : ça allait aller. Ils s’aimaient et pouvaient tout surmonter, pas vrai ? Glen avait senti son téléphone vibrer dans sa poche et il n’avait pas su s’empêcher de sourire en découvrant le sms de Lullaby. Je t’aime aussi. Plus que tout. qu’il avait alors répondu, un sourire visiblement très niais sur les lèvres puisqu’un commentaire, toujours de la même réponse, ne tarda pas à lui être fait : « J’ai hâte de savoir qui te fait sourire comme ça ! » Glen avait relevé la tête de son téléphone, le rangeant rapidement dans sa poche. « Euh… Oui… » qu’il balbutia alors que Mickaël reprenait déjà : « Non, vraiment, ça me fait chaud au coeur de te voir comme ça. Tu le mérites. » Ah, s’il savait…

S'il y a une chose qui semble assez évidente avec la journée d'aujourd'hui... C'est que leur petit secret n'en sera pas un très longtemps. Bee voit difficilement comment la chose serait possible, à moins qu'ils ne se croisent plus chez ses parents tous les deux, ce qui semble assez impossible. Elle passe forcément assez souvent pas la demeure parentale et Glen est régulièrement invité par ces derniers. Généralement, quand elle l'est aussi. Il serait assez difficile pour l'un comme pour l'autre de s'éviter, alors, ou de refuser ces invitations qui leurs sont faites. Les Watson s'étonneraient sûrement des soudains refus de Glen et ces soupçons leurs permettraient peut-être de mettre le doigt sur ce qui leur échappe encore, sur ce que les deux amoureux cherchent à ce point à cacher. Non, il semble difficile de garder le secret plus de quelques semaines, quelques mois. Mais ils s'emploieront pourtant à le protéger et, s'il advient que les Watson découvrent la vérité... Hé bien, ils aviseront à ce moment là. Ce qui est sûr et certain, c'est que la belle sera là pour son amoureux. Pour le soutenir si les choses n'évoluent pas au mieux. Elle sait que la situation ne joue pas vraiment en leur faveur à ce niveau là et que, si ses parents sont ouverts d'esprits, ils ne le sont peut-être tout de mêle pas suffisamment pour bien prendre la situation. Seul l'avenir le leur dira.

Il semble répondre à son message comme son téléphone vibre sur ses cuisses et la blonde doit se faire violence pour ne pas attraper rapidement son cellulaire. Ce serait bien trop intriguant qu'ils soient sur leur téléphone tour à tour. Elle s'abstient donc, glissant même l'appareil dans le sac à main pendu sur sa chaise. Elle aura tout le loisir de lire et répondre plus tard mais, pour le moment, ils ont encore un rôle à jouer. Encore des preuves à dissimuler.

Le dessert, enfin, se présente à table avec ses bougies et elle s'autorise un regard en direction du quadragénaire alors que l'heure de leur libération semble approcher, puis rend toute son attention à son neveu qui souffle sur le gâteau pour en éteindre toutes les bougies d'un coup, déclenchant les applaudissements de sa famille tout autour, réveillant brusquement Thalya aux pieds de son maître. Bee esquisse un sourire en la voyant gratter alors la jambe de Glen. Noah, toutefois, retrouve rapidement toute son attention alors qu'elle porte son verre à ses lèvres.

"- TATIIIIIIIIE tu viendras dans la piscine avec moi après ?" demande l'enfant, ses grands yeux brillants d'excitation alors qu'il a déjà du chocolat tout autour de la bouche. "Toi aussi tonton Glen ?"

Et c'est là, précisément, en entendant Noah appeler Glen tonton, comme toujours pourtant, que Bee a le plus l'impression de s'étrangler aujourd'hui, avec sa gorgée de champagne.

Glen faisait tout son possible pour rester concentré sur l’objectif : écourter au plus vite ce moment et rentrer chez lui. Où Lullaby le retrouverait. Ils pourraient ainsi refaire la journée ensemble, parler de leurs nombreux moments de malaise, et surtout boire du vin sans la crainte de déraper. Il était bien tentant de se réfugier dans l’alcool pour mieux gérer ce moment délicat mais si Glen savait une chose, c’est qu’il ne voulait pas risquer de se désinhiber de trop. Déjà comme ça. Combien de faux pas, combien de maladresse ? Il était assurément mauvais à ce petit jeu. En même temps, il n’avait jamais été un bon menteur et encore moins un bon comédien. Enfant, il rougissait à chaque fois qu’il essayait de couvrir une de ses bêtises et finissait bien vite par avouer la vérité sans même qu’on ne la lui demande. Comment est-ce qu’il avait pu penser que ça pourrait bien se passer ? Qu’il allait savoir ruser pour ne pas les trahir ? Le dessert arrivait. Dieu merci, toute l’attention était focalisée sur ce dernier et surtout sur le petit garçon qui allait souffler ses bougies ce soir. Glen appréciait cette quiétude. Son coeur battait de nouveau à un rythme normal et il arrivait même à savourer le moment. Parce qu’il l’aimait beaucoup, Noah, par la force des choses. Et il aimait penser que la réciproque était vraie. D’ailleurs, il en avait régulièrement des preuves et si, en temps normal, elles lui faisaient toujours plaisir, il se serait bien passé de celle-ci. Lullaby. Tatie. Glen. Tonton. Tous les trois dans la pisicne. Il l’avait l’impression de rougir à vue d’oeil et il se détestait pour ça. « Euh… J’ai oublié mon maillot de bain, désolé mon grand. » Et voilà qu’il décevait son petit garçon préféré le jour de son anniversaire. Quelle horreur. « Mais la prochaine fois, promis, on jouera aux requins dans l’eau. » qu’il se rattrapa en essayant de chasser au mieux sa gêne.

Dissimuler la vérité était loin d'être ce qu'il y avait de plus simple et, si elle avait put s'en passer, si elle avait pu ne pas avoir à cacher quoi que ce soit à sa famille, Lullaby aurait sans doute choisis de tout annoncer. Mais elle n'était pas la seule concernée, pas la seule impliquée dans cette histoire et cette décision ne lui appartenait pas. Elle ne pouvait pas décider de outer leur relation comme ça, pas sans être sûre que Glen y soit prêt. Et elle sait qu'il ne l'est pas. Il est évident qu'il ne l'est pas. Et elle peut comprendre. Quoi qu'il arrive, ils seront toujours sa famille. Elle sera toujours leur fille, leur sœur. Mais lui ? Lui, il pourrait perdre une importante amitié. Pas seulement le contrat avec Mickaël Watson, un parmi tant d'autre dans sa clientèle, dont l'impact sur sa carrière serait sans doute très limité. Mais pour ce qui est de l'amitié entre les deux hommes... Bee sait que tout ça risque d'être compliqué. Et ils sont trop jeunes, trop frais, pour vouloir s'encombrer d'un tel poids avant d'avoir eu le temps de profiter un peu de leur amour naissant.

Elle n'a qu'une envie, celle de fuir. De rentrer chez Glen et refaire le monde ensemble autour d'une bouteille de vin, fuir la sociabilité pour n'être plus qu'avec lui, ne plus avoir besoin de faire attention. Mais elle sait aussi qu'elle ne peut pas se le permettre. Parce qu'aujourd'hui est un jour spécial pour l'homme le plus important de son existence, à savoir le petit Noah installé juste à côté d'elle et qui demande à pouvoir se baigner ensuite, demandant à sa tante, à ses oncles, de venir avec lui. Et lorsque Glen refuse, l'air aussi désolé qu'il l'est vraiment, le petit visage de Noah se voile légèrement. Suffisamment, pourtant, pour que sa tante sache qu'il ne lui sera pas possible de prendre la poudre d'escampette. Alors elle oublie le terme par lequel il vient d'appeler Glen et elle fait glisser l'enfant sur ses genoux, fourrant son nez dans ses cheveux, s'enivrant de l'odeur de son shampoing pour bébé.

"- La prochaine fois on appellera tonton Glen avant pour lui rappeler de penser à son maillot, d'accord chéri ?" souffle-t-elle avant de déposer un nouveau baiser sur sa tête. "Et pour aujourd'hui, bien sûr que je vais y aller avec toi, petit chat." souffle Bee avant de déposer un baiser sur le sommet de son crâne. "Et tonton Ethan aussi. Pas vrai ?" lance-t-elle pour son frère.

Elle regarde vers son aîné, sans vraiment lui laisser le choix, cherchant à changer les pensées de Noah, ne pas le laisser réfléchir encore au refus de Glen dont elle devine être la raison. Et que peut-il y avoir de pire que cette sensation de contribuer à la déception de son neveux ? Rien, assurément. C'est une impression désagréable, qu'elle n'a jamais connu jusqu'ici, mais qui torpille son cœur et lui fait pincer les lèvres en même temps qu'elle se promet de tout faire pour ne plus jamais être la cause de la disparition de ce sourire sur les lèvres de son petit chat.

"- Tatie t'aime fort." souffle-t-elle contre son crâne en déposant un nouveau baiser sur celui-ci, le pressant fortement contre elle en ayant passé un bras autour de sa taille, son autre main s'étant posée sur le genou de Glen de nouveau, comme pour apaiser la culpabilité dont elle le sent déborder autant qu'elle.  

Pour tout un tas de raison, Glen n’était pas à l’aise avec le mensonge. Pourtant, il était bien capable d’hypocrisie et de stratégie dans le cadre de son travail. Mais dans sa vie personnelle, entouré des gens qu’ils aiment le plus au monde, c’était mission impossible. Il laissait ça aux acteurs qu’il avait pour clients quoi que ça lui serait utile de savoir jouer la comédie lui aussi. Sauf qu’il ne savait pas et qu’il sentait qu’il perdait ses moyens. Le coup de grâce, ça avait été de devoir mentir au petit garçon qui fêtait son anniversaire aujourd’hui. Ça devait bien être la première fois que Glen lui refusait quelque chose. D’ordinaire, il accomplissait volontiers toutes les lubies de Noah et éprouvait beaucoup de plaisir à le faire. Il détestait l’idée de se priver d’un bon moment avec lui et encore plus celle de lui faire de la peine. Mais se retrouver dans une piscine avec Lullaby ? Non. Impossible. Il allait se faire griller en deux secondes chrono si ce n’était pas déjà le cas et il ne pouvait pas faire ça. Il en allait de son amitié avec Mickaël. Et puis… c’était la famille toute entière de la jeune femme qu’il risquait de se mettre à dos s’il ne faisait pas les choses dans l’art. C’était une décision sage que de mentir pour ne pas y aller mais c’était une décision lourde à assumer et qui confortait Glen dans l’idée qu’ils n’arriveraient pas à maintenir le secret beaucoup plus longtemps. « Je suis plus tout jeune tu sais, j’oublie déjà tout… » qu’il tenta de blaguer en espérant détendre l’atmosphère. Glen contempla ensuite la marraine et son filleul alors qu’ils se câlinaient. Il n’avait pas su retenir un petit sourire attendri malgré la drôle de pesanteur qu’il sentait dans son coeur. Dans cette petite bulle, la main de Lullaby sur son genou avait été la chose la plus naturelle qui soit. Le quarantenaire n’avait d’ailleurs pas hésité à joindre sa main à la sienne, réconfort dont ils avaient tous les deux grandement besoin. Glen n’avait songé au caractère déplacé de son geste que lorsqu’il avait senti le regard insistant de Philipp sur lui. Et, incapable de dire s’il avait vu ou pas, il s’était retiré en rougissant. « Je vais sans doute plus tarder, j’ai euh… du travail. » qu’il balbutia, visiblement perturbé, à l’attention des adultes présents à table. Oh oui, il était plus que temps que Glen s’en aille.

Lullaby ferme les yeux, laissant ses narines être envahies par le parfum du shampoing pour bébé avec lequel sa belle-sœur continu de laver les cheveux de son fils, sa main restant posée sur le genou de Glen pour le soutenir dans ce moment où elle sent qu'il ne se sent pas forcément bien, où elle sent sa culpabilité qui se mêle à la sienne. Bon sang, ils ne pourront jamais tenir ce rythme trop longtemps mais, au moins pour aujourd'hui, au moins maintenant, ils doivent garder la face. Garder le cap. Ce n'est pas le moment d'annoncer la nouvelle et encore moins sur une bêtise. Ils doivent en discuter, ils doivent voir ensemble comment ils comptent faire, comment ils veulent gérer la chose. Ils ne peuvent pas tout laisser au hasard. Ils ne peuvent pas simplement fermer les yeux et attendent que la vérité soit découverte. Cette journée révèle ce qu'ils savaient déjà, au fond. Elle révèle ce qu'ils savaient déjà devoir faire et qu'ils voudraient pourtant repousser autant que possible.

"- Tu dis au revoir mon poussin ?" souffle Bee pour son neveu lorsque l'homme à ses côtés évoque le travail pour trouver une échappatoire.

Bee se relève, portant l'enfant, essayant d'agir avec autant de naturel que possible pour dire au revoir à l'homme en déposant un baiser sur chacune de ses joues, lançant un "à la prochaine" sur l'air d'un "à tout à l'heure" tandis que Noah tend les bras vers l'homme à la recherche d'une étreinte, collant sur sa joue un baiser baveux, bruyant, dont il a le secret et qui le fait rire, de même que sa marraine.

"- Allez... On va mettre ton maillot petit monstre ?" dit-elle en posant l'enfant par terre, le suivant rapidement, disparaissant avec lui dans la maison en laissant à l'homme tout le loisir de prendre la poudre d'escampette tranquillement.

Glen se sentait minable. D’abord, il mentait à tout le monde. Ensuite il faisait de la peine à Noah et maintenant il partait comme un voleur. Il détestait ça. Les gens autour de lui ne méritaient pas ça. Il se sentait idiot. Il n’aurait pas du penser qu'il était capable de gérer ça. Il ne l’était de toute évidence pas. Contenir tout l’amour qu’il ressent pour Lullaby Watson était impossible, encore moins parmi tous ces gens qui les connaissaient que trop bien. Il aurait aimé repousser le moment de l’annonce autant que possible, par peur de décevoir un de ses plus fidèles amis, mais il devait voir la réalité en face : ce n’était pas envisageable. Et devant cette réflexion, Glen n’a qu’une envie maintenant : écourter le supplice. Il n’en pouvait plus, il avait l’impression d'avoir tout donné aujourd’hui. Dans les bras de sa marraine, Noah vient saluer Glen qui prend et rend avec plaisir son étreinte. Sacré petit bonhomme. Il lui tardait d’avoir des enfants, encore plus quand il passait du temps avec Noah. Petit signe de la main, sourire de façade pour ne pas montrer sa peine, et Glen parvint à s’extirper du repas familial. Sitôt arrivé dans sa voiture, il soupire à s’en fendre l’âme. C’était moins une.
De retour chez lui, il avait de suite trouvé le chemin d’une bonne bouteille de vin. Juste un verre. Puis deux en attendant Lullaby. Il avait fait les quatre cent pas dans son salon, organisant ses pensées pour mieux les exposer à sa bien-aimée. Il avait rarement été aussi sérieux et, pour cause, il s’apprêtait à prendre une décision qui allait changer leurs vies pour de bon. Il ne s’agissait pas que lui. Bee comptait énormément dans la prise de décision, son bonheur était plus important encore que celui de l’agent. Et puis, enfin, il avait entendu toquer. A peine la porte ouverte, il avait attrapé la blonde dans ses bras pour l’y serrer. Son verre de vin posé sur la console de l’entrée, une main dans ses cheveux blonds, l’autre dans son dos. Sans un mot ensuite, il s’était écarté pour la mener jusqu’à la cuisine et lui servir un verre de vin. Une fois fait, il avait dit d’une voix décidée : « Je ne ferai plus jamais ça. »

Elle le sait, ils ne vont pas pouvoir reculer bien longtemps. Ils ne vont pas pouvoir jouer la comédie pendant des semaines, des mois. Ils n'en seront tout bonnement jamais capables. Comme elle ne sera pas capable de le regarder fuir chaque fois, le priver de moment qu'il apprécie, pour ne pas risquer d'être découverts. Elle ne peut pas faire ça. Ils ne peuvent pas faire ça. Elle y pense alors que la journée se termine et tout au long de la route qui la ramène non pas chez elle mais chez Glen, se garant à deux pas de son domicile. Elle ne sait même pas, dans le fond, comment elle a pu arriver jusque là.

Sortant de la voiture, elle rejoint rapidement la porte du quadragénaire, toquant à celle-ci pour rapidement voir cette dernière s'ouvrir sur la silhouette de ce dernier qui s'empresse de la prendre dans ses bras, la tenant contre lui quelques minutes dans une étreinte silencieuse, la jeune femme ayant passé ses bras autour de lui et se contentant de rester immobile à sentir sa présence, sentir leur amour. Après cette journée riche en émotions, ça fait du bien. Plus de bien qu'elle ne pourrait ni ne saurait le dire. Comme si cette étreinte pouvait chasser les frustrations, le stress, de ces dernières heures.

Il la fait entrer dans la maison et elle le suit jusqu'à la cuisine, acceptant sans aucun mal le verre de vin qu'il sert et lui propose, qu'elle porte rapidement à ses lèvres en même temps qu'il affirme qu'il ne fera plus jamais ça. Elle comprend. Elle comprend parce qu'elle non plus, elle ne veut plus avoir à faire ça, ni avoir à lui imposer les dispositions qu'il a dû prendre aujourd'hui pour protéger leur secret. Mais elle sait aussi qu'ils ne peuvent rien dire tout de suite, pas dans l'immédiat.

"- Moi non plus."

Elle frictionne ses lèvres l'une contre l'autre en avalant une nouvelle gorgée de son vin, semblant pensive après son propos, réfléchissant aux options qui s'offrent à eux. Et ils n'en ont pas beaucoup, en réalité, si bien qu'elle finit par poser son verre sur la table et soupire en le regardant sérieusement.

"- Y'a leur anniversaire de mariage dans deux semaines. On peut leur dire une fois que ce sera passé ? Y'aura pas mal de monde donc on ne devrait pas risquer grand chose, surtout que l'attention sera sur eux. Normalement ça devrait mieux se passer." elle pousse un soupir. "On est pas à la même table, en plus."

Et elle le sait très bien, puisque c'est elle que ses parents ont chargé d'organiser la fête.