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LE TEMPS D'UN RP

La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas

Oskar
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Oskar
Dim 10 Mar - 15:33

Oskar Benedikt Jensen, dit "Ob"
J'ai 32 ans et je vis à Helsinki, Finlande. Dans la vie, je suis chauffeur de maître et je m'en sors bien. Sinon, je suis célibataire et je le vis bien.

Accessoirement, j'ai la faculté de me transformer en ... aigle royal. Mais ne le dites pas, c'est un secret !

O. B. Jensen a écrit:
Le destin dit-on, donne à chaque homme, chaque femme, un être "lié" qui viendra le compléter. Chacun porte une phrase, une marque, qui lorsque cette moitié qui lui est réservée sera croisée, changera de peau pour aller sur la sienne, celle que portait l'âme-soeur venant orner la vôtre.
Depuis la fin des temps, les textes et les légendes rapportent que jamais cette phrase ne disparaît... Parfois, elle change, parfois immuable, elle avoue votre échec à trouver votre double. Si l'on tente de la supprimer, elle renaît, sur une autre partie du corps...
Elle ne s'efface, que lorsque le lien est rompu, lorsque amputé de votre moitié, vous errez entre l'être et le non-être, à jamais solitaire.
Je viens de perdre la mienne, ce qui signifie que Maïween, mon faucon blanc, a disparu. Pourtant, je ne me sens ni déchiré, ni en deuil, j'ai accueilli cette découverte comme l'aveu d'une erreur de la destinée, sinon, pourquoi elle et moi ne serions-nous jamais parvenus à nous rejoindre, remettant au lendemain, sans cesse, nos projets ?
Je suis un homme d'honneur et de devoir, alors j'ai téléphoné, cherché, me suis adressé à tous ceux qui connaissaient mon âme soeur... Elle a non seulement disparu de mon bras, le libérant de toute inscription, mais également de toutes les mémoires ?
Une ébauche de rêve, retournée à la nuit dont elle était sortie ? Etais-je le rêve de l'ombre qu'elle est redevenue ?

Le rêve, encore lui, s'est imposé à moi, brûlé par le feu d'une chevelure et l'incandescence d'une personnalité hors du commun... Le hasard est parfois cruel, à mettre en présence des êtres improbables et fragiles... Elizabeth, croisée déjà trois fois, à chaque fois, sa présence ruine tous les projets de raison et de sagesse que je peux me faire...
Je succombe, je me noie, entraîné par les sirènes d'un espoir insensé ! Je t'aime ! Je t'aime ! Dans ce royaume inaccessible et magique, magnifique et irréel, le rêve, je partage avec toi une intimité que le réel nous interdit !


@Dreamcatcher

La vie n'est qu'un songe !
Mais je t'en prie, ne me réveille pas.

( Proverbe yiddish )


Mi-Janvier 2024


Avant ce chapitre...:

La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Kotafi11


Recherche un(e) chauffeur de Maître (H/F) à temps plein. Poste à pourvoir au plus vite, basé à Helsinki. Vous faites preuve de rigueur, vous avez le sens du relationnel, vous aimez conduire, une présentation irréprochable et le goût du service.
Le profil recherché:
- Permis de conduire VL (3 ans minimum)
- Carte professionnelle obligatoire -
- Excellente élocution  
- Expérience de la conduite régulière est demandée
- Très bonnes notions d'anglais à l'oral
- Sérieux(se) et motivé(e)
- Le port du costume obligatoire lors du service
- une expérience dans le domaine permettrait un possible réaménagement de la rétribution...
- Logé(e), nourri(e), blanchi(e).
- Travail le week-end possible

Type d'emploi : CDI à Temps Plein
Localisation du poste : Finlande et pays limitrophes.


Rien que de normal ? Hormis le salaire annoncé, environ 30 % au dessus de la norme ? Encore rehaussé si le postulant peut justifier d'une expérience notable ? De quoi réagir, vite et bien. L'agence a spécifié qu'il s'agissait d'un seul employeur, pas de famille ou d'enfants, ni chien ni autre bestiole salissant les sièges, mais une disponibilité constante. La..  personne -dont ils n'ont dit ni le genre ni l'âge, et encore moins le nom- cherche un employé de confiance, elle est riche, spéciale mais plutôt généreuse...

Ça encore, c'est.. classique. Sven mis à part tous mes « maîtres » étaient riches, spéciaux et se figuraient que leur personne méritait une attention et une disponibilité au delà du commun. Certains ont pu entendre raison, je travaille pour vivre pas par masochisme, d'autres... m'ont vu décamper, généralement après leur avoir poliment et calmement fait part de choses entendues ou vues qui pouvaient demander une prime de licenciement à la hauteur de ma discrétion future...

Vilain ? Dans un monde de loup l'agneau se fait dévorer.

J'ai besoin de reprendre du service... Je pense avoir sidéré Elizabeth lors de notre dernière entrevue, à peine remis de ce fichu accident j'étais par moment envahi par une lassitude, la sensation d'une urgence indéfinissable à faire ma vie, comme je l'entendais « avant qu'il ne soit trop tard »... Le médecin qui suivait ma convalescence m'a confié que cela arrivait lorsqu'on frôlait la mort de trop près, que tout à coup on prenait conscience d'en avoir réchappé de justesse et que le sentiment de n'avoir encore « rien fait » submergeait le rescapé. Je ne dirais pas que je n'ai rien fait, déjà j'ai rencontré ma sublime rousse, une reine des fées ou des elfes, sensible, belle comme un feu follet, cultivée, patiente, délicieuse en tout. Je suis tombé amoureux, et ai eu la chance de recevoir autant d'amour que je me sentais prêt à en dispenser. C'est loin de n'être « rien », beaucoup envieraient ma chance, mais ça ne me suffit pas. Difficile à comprendre et donc à éclaircir pour celle que je place avant tous les autres, ma famille y compris et pourtant les dieux savent combien ils comptent pour moi.

C'est que... pour vivre heureux, je dois vivre caché. Et que pour vivre caché -moi- je me montre.

Depuis que j'ai décidé de ma carrière, mes yeux de rapace altier et silencieux voient, mes oreilles entendent, mes cellules grises analysent... Je suis l'ombre que personne ne remarque, et j'en jouis pleinement. J'existe à travers mes observations et mes conclusions. J'observe la race humaine comme j'étudierais des fossiles ou une espèce inconnue. Ils me confortent dans l'idée que le rêve seul peut apporter le bonheur, la plénitude, l'accomplissement...

Alors pourquoi ? Si je suis persuadé que cette vie ne vaut pas mieux ni plus que celle où je me métamorphose et suis à la trace la poussière de fée, pourquoi vouloir la vivre ? Pourquoi rester là où je ne peux pas atteindre mon but ? Parce qu'il me faut des contrastes, violents, pour mieux ressentir.

Je le sais, c'est ridicule...

Je le sais, mais... disons que le ridicule m'est nécessaire, je suis un clown, souvent, dans les spectacles que Bjorn met encore en scène tous les deux ans... J'ai besoin d'être oublié en me mettant en pleine lumière, j'ai toujours été comme ça, la plupart de mes sottises d'enfant et surtout d'adolescent ont été initiées par ce trait de caractère... C'est étrange que je repense si souvent à cette époque, à Budapest, avec une bande de bons à rien tous plus déjantés les uns que les autres, obnubilés par la taille des seins des filles, les jeux vidéos, l'interdiction de boire de l'alcool ou de fumer que la plupart avaient prise en plein déclaration de leur indépendance et qui nous poussait à tousser comme des idiots tenant au bout des doigts des clopes roulées, parfois où le tabac voisinait avec d'autres substances encore moins recommandées- à demi-saoulés par des bières achetées par les plus âgés ou piquées aux parents...

Ensuite...

Ensuite je me suis mis à fond dans le sport, et vu le résultat j'aurais mieux fait de collectionner les timbres. Mais à toute douleur une récompense est due ? L'aigle est apparu. Et sans l'aigle je ne serais pas moi aujourd'hui. J'aurais peut-être conservé les mêmes amis, serais peut-être resté en Hongrie lorsque mon père a décidé de rentrer en suivant Sven, peu à l'aise avec son successeur ? Je n'ai jamais compris pourquoi ma mère n'a pas choisi de revenir aussi, leur couple allait-il mal ? Une mésentente entre eux me paraît impossible, mais les enfants sont toujours les derniers à voir ce genre de choses... Ma mère est restée, elle revient tous les deux mois environ, pour une journée ou deux, et repart. Parfois, elle séjourne plus longtemps mais pas toujours avec Bjorn, elle visite la famille, les amis. C'est peu important à vrai dire, ils ont la soixantaine, ont eu trois enfants, nous ont rendus heureux et indépendants.

J'en reviens à Elizabeth, un sourire se forme sur mes lèvres et mes yeux brillent... Aurons-nous un jour une vraie vie de couple ? Des enfants ? Moi qui avais en horreur toute forme d'attachement je m'imagine lié à elle pour une longue vie de rêves et de mystères, volant à tire d'ailes dans des ciels toujours plus oniriques. Avoir une couvée d'aiglons élevés à force d'amour et d'histoires folles, surveillés dans leur sommeil par des fées, guidés dans leurs balades par des lutins, pris en main par des elfes sages et farouches pour leurs débuts dans la vie...

Allons donc je rêve ! À deux minutes d'être reçu par cet employeur « riche, spécial mais plutôt généreux » qui annonce d'emblée un salaire très au dessus de la moyenne et exigerait un service en continu ? Il est fort probable s'il est un peu tenace que je n'obtiendrai pas le poste, aucune rémunération alléchante ne peut me faire oublier ma liberté. Les entraves ne sont pas faites pour les oiseaux, à moins d'être consenties véritablement parce qu'on éprouve au moins du respect pour celui ou celle qui les impose ?

Je suis désormais dans un salon meublé à minima. Je ne doute pas du prix des pièces posées là sans aucune discipline, coffre chinois probablement d'époque, fauteuils ultra modernes dans le style scandinave dont les coussins fauves sont mis en valeur par les murs anthracites, tapis persan, authentique lui aussi, fusains au mur, un très grand face à deux petits, rideaux dans les tons de gris, ocre, rouille et bleu... une console en bois peint bleu « jean » vert pâle et crème, russe semble-t-il ? La décoration est spéciale elle-aussi non conformiste, presque provocante, et mes yeux prennent de l'éclat tandis que je vérifie dans un miroir français que je dirais louis XV le nœud de ma cravate, sombre toujours le premier jour...

J'ai le regard fixé sur ma tenue, oublieux du reste. La soubrette dont l'uniforme rappelait plus une hôtesse de l'air que la traditionnelle servante à robe noire et tablier à froufrous m'a dit « Je préviens Madame, veuillez patienter ». Derrière moi, la porte s'ouvre presque en silence, tout ici est feutré, loin du monde, presque un univers comme je pourrais le créer mais dans lequel je perçois une angoisse, une volonté d'écarter les autres... Est-elle la cause de cette rémunération élevée ? Le chauffeur de Madame doit-il aussi lui éviter les rencontres et les promiscuités ?

Et puis j'entends presque un cri, le ton est aussi joyeux qu'étonné !

- Oskar ! Oskar ! Oh je suis si heureuse de te revoir !

La voix est tout à la fois soulagée et ravie, comme une découverte inespérée en ouvrant un tiroir au fond d'une vieille baraque qui n'a jusqu'à présent offert que poussière et toiles d'araignées. Pourquoi cette comparaison ? C'est la première qui me vient, je vois presque la maison... Volte face effectuée je me trouve devant … Aku Pajari, la gamine qui m'a valu un licenciement expéditif mais très rémunérateur il y a … cinq ans ? J'ai été son chauffeur attitré de ses treize ans à l'anniversaire de ses vingt ans, viré parce que je favorisais d'après un père possessif et odieux de « mauvaises fréquentations et des idées subversives » ? Les mauvaises fréquentations étaient un danseur russe fauché en exil du Bolchoï, un mécanicien schizophrène et un médecin légiste issu du prolétariat. Les idées ? Que tous les hommes se valent, riches, pauvres, instruits, ignares, beaux ou moches.  Aku a grandi, vieilli devrais-je dire, elle doit avoir aujourd'hui presque vingt six ans ? C'est toujours une magnifique blonde à la peau presque couleur de neige mais elle a pris de l'assurance. Chauffeur d'Aku ? Au moins je sais à quoi m'attendre... tout, sauf ce que j'envisage.

-  Aku !

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase, elle me bondit dans les bras, j'en suis stupéfait, à la fois de sa spontanéité et de ce contact qu'elle évitait au maximum, allant jusqu'à vomir si un inconnu la frôlait dans une rue...

-  Tu as vaincu tes peurs semble-t-il, à toi je peux dire tout de suite ce qui m'étonne, pourquoi un salaire pareil ?

Ses yeux se voilent, elle fait ce geste que j'ai toujours connu, lançant la tête en arrière tout en se mordant les lèvres.

- Lauri est mort. J'ai épousé Volodya et je l'ai quitté aussitôt, la réception n'était pas terminée.

Le pourquoi qui me brûle les lèvres s'arrête sur un geste et un sourire triste. Il n'y a qu'elle pour résumer cinq années d'absence par une phrase liminaire. Je sais que j'obtiendrai -petit à petit- le récit dans son intégralité, pour l'instant je dois me reformater pour être en mesure de la comprendre. Elle a une personnalité en effet « spéciale » à la limite du génie -ou de l'autisme- une intelligence très au dessus de la moyenne, une paresse tout aussi éxagérée et un sens de la moralité qui m'a toujours fortement heurté. En quoi le fait d'avoir perdu son père et épousé le Russe nécessite-t-il de payer le chauffeur plus que la moyenne ? Pas « un peu » plus, mais clairement bien plus que quiconque exerçant cette profession ne pourrait l'espérer ?

- J'ai tué mon père Oskar et d'aucuns le soupçonnent, des gens qui nous tueraient, Volodya et moi... Et peut-être même toi si tu restes ?

Dans son esprit, je reste, il ne peut en être autrement. Et elle a raison, Aku, c'est presque ma fille malgré notre peu de différence d'âge, je l'ai vu souffrir, se rebeller, sombrer, divaguer... Si elle a besoin d'un chauffeur, ce sera moi. Elle a tué Lauri Pajari ? Je suppose qu'elle l'a fait tuer, se mettant ainsi plus en difficulté encore avec une tierce personne au courant de ce crime ? De n'importe qui d'autre l'aveu m'aurait causé dégoût ou effroi, d'elle... il y a longtemps que je connais les relations qu'elle entretenait avec son père et l'ego déviant et surdimensionné de celui-ci, sans excuser l'acte ou le justifier, ça le rend presque... normal.

Elle a eu l'honnêteté toutefois de me dire que je peux être en danger, comme elle pense l'être, et je dois à Elizabeth de me maintenir en vie !

Plus d'accident d'avion ou de sottise du style. Pour Eli il me faut me protéger, pour elle...

- Où est Volodya ? Tu l'as revu ? Il t'a rejointe ?

Parce que seuls Aku et son danseur peuvent se marier pour divorcer avant même la fin de la cérémonie... J'aimais bien cet homme, il était sans doute aussi sulfureux que ma délicieuse ex et nouvelle patronne, l'un comme l'autre ont de la morale et de la survie une conception propre, mais il dégageait une volonté d'exister et d'arriver à son idéal que je ne pouvais qu'admirer, lui et moi avions cela en commun de vivre nos rêves, chaque minute de notre existence, en tendant vers l'éternité.

Je n'ai jamais eu -moi- à en éliminer les cauchemars...

Jamais jusqu'alors. Malgré la diversion faite par l'apparition d'Aku, j'ai toujours cette impression de n'être nulle part là où je devrais être ? Je vais devoir à nouveau consulter ce toubib en Norvège, combien de temps ce stupide accident va-t-il impacter ma vie et mon humeur ? À me faire douter de tout, sinon d'une chose, c'est un obstacle à surmonter et j'y parviendrai, il le faut.

Pour Elizabeth.

Pour nous.


Et le son de « nous » prononcé par mon inconscient pourtant diablement conscient de ce qu'il pense me réchauffe le cœur. « Nous », c'est un avenir, c'est un but tangible et pourtant... féérique.

Je ne peux vivre le rêve qu'en survivant dans la réalité.

Du moins, je le pense ?

De nouveau l'assurance qui m'a toujours caractérisé s'estompe...

La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Rzove-10


La musique...:



Prendre son envol
et tout oublier

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Ven 29 Mar - 12:46
La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Daria10
Elizabeth Van Sechtelen
J'ai 28 ans et je vis à Helsinki, en Finlande. Dans la vie, je suis comédienne de théâtre et je m'en sors avec un sentiment d'exil. Et puis...Il y a LUI qui m'empêche de me suffire. Je le vis sublimement.


Le comte et la comtesse Van Sechtelen s'aimaient comme l'on pouvait s'aimer dans le milieu aristocratique. Quelques années plus tôt, leurs familles respectives avaient œuvré avec soin pour que leurs progénitures se rencontrent, s'apprécient. De rallyes en rallyes, des affinités se liaient, les jeunes tricotaient et fricotaient ensemble. Ces deux-là finirent par se marier, encouragés par leurs proches très au fait des avantages de porter un nom prestigieux.
Mais Madame pécha par excès. Grisée, lassée et délaissée depuis trop longtemps par son époux, elle succomba à ce bel amant d'un soir. Renversée sur le bureau d'ébène, elle se laissa aller comme jamais, noyée au creux d'un ventre en feu et assoiffé.

1994

Au sourire de la Lune, elle naquit presque sans bruit. Ne pleura pas. Ses grands yeux ouverts s'arrêtèrent quelques instants sur l'aube de cette grande vie qu'on lui offrait. Il paraît même qu'elle avait souri...
Elizabeth, fruit d'une adultère éphémère. Si jeune et déjà, elle voyait les anges.
Le secret de son origine fut férocement gardé. On l'éleva comme il se doit, telle une descendance de rois. Par chance ou par destin, l'enfant maudit se révéla excellente élève, douée pour les études. Elle aurait pu être promise à une brillante carrière mais sa passion brisa les aspirations familiales. Comédienne ! Ce n'était pas un métier, encore moins un avenir, tout juste un passe temps d'original et ce, chez les autres ! Pas dans le milieu ! Alors, d'une manière subtilement hypocrite et joliment perfide, on la bannit définitivement du clan familial. On ne l'aima pas l'enfant de "l'accident". Le manteau infâme de la Bienséance la revêtait comme une lèpre. Alors, au fil des années, elle développa une sensibilité à fleur de peau. Elle devint différente.HPE diagnostiqua le rapport du spécialiste.

Un.
Deux.
Trois.

Le bruissement du rideau qui se lève.
Arrêt sur scène.
Les secondes ralentissent.

Elle ne voit plus ici. Ses ailes se déploient délicatement
L'audace d'une extravagance
Le chant d'un songe
L'insolence de l'irréalité

Le théâtre. Le RÊVE.

Et puis cette rencontre. Un chauffeur de maître. Un être à part. Ob. Celui qui la comprend. Celui qui résonne. Celui qui rêve avec elle. Les clartés de Là-bas se mirent à resplendir les éclaboussures d'un sublime amour. Un feu douillet valsait tout autour, les écailles de Lune voletaient. Projetée dans une dimension parallèle. Aveugle et sourde à la réalité. S'imprégner de l'éternité. Rêver à deux, à l'Absolu, à l'Infini. Enfin! L'exil n'est plus!

Eli avait deux cœurs : l'un ici, l'autre...L'autre... ? Non, vous ne saurez pas. Vous ne pouvez pas comprendre.

La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Ob411013

avatar :Daria Sidorchuk
copyright:️ Ma pomme


Elle s'est arrêtée
Elle est de lumière
Rêveuse
Son cœur
Comme le cri d'une étoile
A rebondi sur la terre
Le souffle de l'éternité
Collé
Contre son âme
offerte

***

Elle s'était longtemps habitée, presque rien
Habitée de racines et de sang débordant le hurlement des lucioles.
Exil,
Épinglée sur la terre.
Quand l'amour se balançait au bout d'une corde, au bout du boyau tendre de l'abandon, quand, dans le tout d'elle, se tranchaient les lumières de l'espoir, quand la soie de la solitude voilait les nuits et les jours de l’enfant rêveuse, quand la mer houlait de ses yeux incompris, quand sa vie n'était plus que désert.
Plus rien
Que le tic-tac du temps qui passait, alors elle comprit qu'il fallait aimer aimer aimer
Sans mesure
À l'infini
À l'absolu
Aimer aimer aimer...

Toi qui passes
L'âme bien vêtue de tous tes Toi
Dis-moi que tout va bien
Dis-moi que tu vas bien
Dis-moi que nous allons bien
Deux vies en une serrée à danser sur les battements de nos ailes
Tu es beau
Tellement beau
Mon fantôme danseur d'amour qui rêve le jour sur le fil du songe- funambule
Qui rêve la nuit entre les bras du vent et le ventre des étoiles
Tu ne sais pas
Que je te vois
Tu ne sais pas
Comme je te vois
Mais je n'aurais pas pu si tu ne m'avais pas vue.

Suis-je revenue de ce monde que je ne quitte pas ? De ce monde qui ne me quitte pas ?
Où se cache le vrai ?
Suis-je là ?
Es-tu là ?
Sommes-nous là ?
Je me noyais dans les clous d'argent du noir incandescent
Ton absence me crucifiait sur la tôle du ciel
Mes yeux s'exauçaient sur le sel brûlant
Et je pensais...oh comme je pensais...
À toi
À ta peau


***

Valravn, Simon... Des territoires réservés, clandestins qu'elle ne partageait avec personne. Avec personne. Elle ne pouvait pas faire autrement, ne voulait pas.

Elle raffolait
Des secrets
Des mystères

Lui dire qu'un chaman inuit l'enseignait ? Qu'elle avait aidé un suicidaire paumé à la mémoire effacée ? Elle ne doutait guère de sa compréhension, de son respect face à ses choix mais quel intérêt de lui partager présentement ? Il aurait fallu expliquer des profondeurs et des douleurs qu'elle n'était pas prête à dévoiler. C'était elle la souveraine de sa petite cave souterraine. Elle seule.

Ainsi, elle et Lui se vivaient, chacun chez soi. La situation leur convenait pour le moment, pas plus, pas moins, le chahut de l'âme et du cœur appréciant les espaces de solitudes. Elle le soupçonnait d'avoir eu une vie de butineur avant leur rencontre, il suffisait de remarquer les regards en long que lui jetaient les filles. Elle n'en disait rien, s'amusait à faire comme si de rien n'était, lançait un clin d'œil léger à certaines d'entre elles qu'ils croisaient dans leurs balades. L'Adonis ne se rendait compte de rien -du moins aimait elle à le croire- ni de ce petit sourire affiché, discret, qui se pointait parfois. Savourer le privilège d'enlacer la taille d'une œuvre d'art.

Le nid d'aigle, -ce qui n'était pas peu dire !- chez Bjorn avait représenté une opportunité incroyable de retrouvailles. Seuls en plein cœur d'une nature sauvage, seuls à voler... Là-bas.

Un miracle.

Un « accident ». Aucun langage humain n’était capable décrire ce qui n'existait pas dans la dimension terrestre. Ils avaient plané, tournoyé ailleurs. Ce n'était pas une divagation mais bien une réalité greffée dans une extension inconnue des vivants.

Quelquefois, dans le silence du soir, elle se plongeait dans un état de conscience modifiée qui lui permettait de se souvenir, de ressentir... Le souffle sous les plumes, la sensation innommable... L'absolu de la liberté...L'osmose...

Slow

Lent...:

Ce fut lui, en premier, qui éprouva le besoin de travailler. Il l'en informa entre le fromage et le dessert : « J'ai répondu à une offre ». La fourchette en l'air, elle se figea une poignée de secondes :

-Pardon ?

Sourcils froncés, une inquiétude pointa son nez avant qu'il ne s'explique davantage. Quelque chose le poussait en avant, hors de leurs cœurs, hors de leur chasse gardée. Une nécessité, un appel qui le taraudaient. Abasourdie, elle acquiesça sans savoir, rangea son idée de partir en Inde. Une autre fois...

-Prends soin de toi.

Qu'aurait-elle pu dire ? L'essentiel tenait en quelques mots : qu'il soit heureux, qu'il fasse comme il avait envie.
De son côté, elle retourna à Helsinki, passa des auditions et fut sélectionnée pour une comédie légère aux effets comiques, Nuotin vierestä, « Désaccordé » dirigée par Juha Kukkonen. Les Finlandais raffolaient du traditionnel festival de théâtre en été, profitant à fond des beaux jours. La pièce se déroulera en juin et juillet sur l’île de Suomenlinna dans l'enceinte du château. Elizabeth se réjouissait de son retour sur scène.

Les répétitions avaient commencé. En sortant de l'une d'elles, elle sautilla, dansa quelques pas de joie tout en saluant ses partenaires des deux mains : « Adieu les gens, à jeudi, je vais déjeuner avec mon amoureux ! ». Ça lui valut des sifflements et des blagues bien appuyés qui la firent rire aux éclats.

Il y avait environ un quart d'heure de marche avant d'arriver au point de rendez-vous qu'ils s'étaient fixés pour que Ob passe la prendre en voiture. Une poignée de rues avant d'arriver, elle s'arrêta devant une vitrine en contre-jour, sortit un tube de rouge à lèvres et hop, se peinturlura de rose foncé, en haut, en bas, ferma le tout, dénoua ses cheveux, les fit gonfler. Depuis combien de temps ne s'étaient-ils pas vus ? Deux semaines ? Trois ? Non, déjà ?!

Le palpitant gonflé à bloc, elle songea à ce restaurant prestigieux de souvenirs et d'émotions où il l'avait invitée.

« La lune de ses mains distraites, A laissé choir, du haut de l’air, Son grand éventail à paillettes Sur le bleu tapis de la mer.  Pour le ravoir elle se penche Et tend son beau bras argenté ; Mais l’éventail fuit sa main blanche, Par le flot qui passe emporté…» *


Il avait murmuré les mots jolis, les mots mirages. Son cœur à l'époque était pris et l'effleurement de l'impossible l'avait brûlée dans un silence déchirant, déchiré. Complices éthérés d'une réalité d’errance, elle le revoyait comme si c'était maintenant, grand, altier, raffiné, confidentiel.

Ob
Mon incommensurable
Mon opulence


Appuyée contre un muret à l’angle d’un petit carrefour, elle l’attendit.

* Théophile Gautier, España 1845
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Jeu 11 Avr - 18:16

Aku Irjo Pajari
J'aurais dû être Anu Irja, ce qui aurait rendu à mon genre son intégrité, mais mon père rêvait tant d'un héritier qu'il a massacré mes prénoms en écrivant comme un porc... L'officier d'état civil, lisant Aku en a déduit Irjo, et substitué au F dans la case « sexe » un M... Je suis donc un homme, n'en doutez pas ! Depuis, certains documents ont invalidé cette naissance, mais pas tous, semant un désordre inénarrable dans mon statut social et la perception qu'ont de moi mes semblables... Je suis née le 2 aout 2000 et ai donc  24 ans et je vis à nouveau dans la banlieue d'Helsinki, en Finlande après un court séjour aux USA. Dans la vie, je suis à la tête d'un immense empire fondé par mes ancêtres et qui comprend tous les domaines, de la finance à l'informatique, ayant comme « enseigne : armateur », une vaste entreprise maritime qui va de la construction de bâteaux au transport -marchandises et croisières- et s'étend à bien d'autres activités. Les Pajari ne laissent à personne les domaines « annexes » à leurs intérêts, cela nous vaut d'être en position de monopole à bien des endroits et de contourner fort intelligemment les lois. Je m'en sors parfaitement bien. Ayant hérité de millions légués par ma grand-mère maternelle à ma majorité, puis depuis de la fortune de mon père récemment décédé. Sinon, je suis récemment mariée à un ami jugé indésirable par ma famille et je le vis très bien.



Qu'ajouter ?
J'ai une particularité qui m'a beaucoup dérangée enfant et même plus tard, je souffre d'haptophobie. Je ne supporte aucun contact physique. Je dois me faire violence pour endurer les coiffeuses, manucures et autres couturières dont la fonction est de me rendre belle et irrésistible pour asseoir mon emprise sur « la bonne société », nous oublions le « bonne » entre nous, la gentry est unique, elle est parfaite par son essence même... Danser dans des rallyes ou d'autres réceptions était une torture qui m'amenait parfois à la pâmoison, au grand désespoir des loups aux dents longues qui espéraient -conquérant mon coeur- mettre la main sur la fortune Pajari !
Un seul est parvenu à me faire aimer ses attouchements, aimer tout en détestant, c'est ce qui définit la relation que j'entretiens avec celui qui est désormais mon époux, brisant à la fois les espoirs de mon père et de sa mère, et de nombreux candidats au statut de gendre -et donc héritier mâle- du grand Lauri. Je l'ai choisi pour ses qualités mais aussi pour le supplice qu'il faisait vivre à la branche paternelle des miens : un histrion ! Un danseur ! Fut-il étoile... De plus, né de rien, sans famille présentable -sans famille du tout me semble-t-il hormis un « peut-être » père tout sauf avouable et une mère prostituée, droguée et intelligemment morte avant notre union-. J'aimais à voir le rictus de rage qui rendait laid mon géniteur pourtant cité comme fort bel homme !
Autre petite particularité ? Ma mère est une authentique comtesse suédoise dont la noblesse remonte au XIIIe siècle.
Enfin, cerise sur le gâteau, je me promène à moto ou conduite par un chauffeur de maître, toujours pour éviter les contacts et la promiscuité. Mon premier bolide était une pièce de musée née en 1938 que j'avais nommée Hilde, savourant de « chevaucher » mon ignoble grand-mère paternelle dans une vengeance je l'avoue fort enfantine. Depuis, j'affectionne les sportives et la vitesse.


@Dreamcatcher

La vie n'est qu'un songe !
Mais je t'en prie, ne me réveille pas.

( Proverbe yiddish )


Mi-Janvier 2024


Avant ce chapitre...:

La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Kotafi11

J'ai beaucoup de mal à embaucher un(e) domestique et plus de mal encore à m'en séparer... Pourquoi ? D'abord parce que ces gens forment mon entourage, je n'ai eu, pendant des années d'autre présence autour de moi qu'eux. Ma mère, distante autant qu'aimante avait je pense compris que m'approcher trop avait deux inconvénients, même elle ne parvenait pas à m'étreindre, suscitant autant de désespoir que de répulsion quand elle se laissait aller à un geste trop tendre, ensuite... mon père jalousait et écartait tous les autres, son épouse comprise, parce que -son héritier(ère)- je lui appartenais ! Lauri lui ne m'épargnait jamais sa présence, mais, fort heureusement il était très occupé et avait mieux à faire que de pouponner... Ma grand-mère Hilde -sa mère- m'aurait accueillie si je n'avais été si … inabordable ! Ses cajoleries pas plus que ses menaces n'avaient sur moi le moindre effet, Hilde n'aimait pas l'échec et je personnalisais l'un des siens ! Restait la mère de ma mère, mais elle était fort loin et aussi très active, jamais lasse d'entraîner son second mari dans des voyages sans fin. C'est toutefois avec elle que j'ai eu les meilleurs rapports, peut-être parce que justement elle était proche de mon cœur et loin de mon corps. Chose notable, elle insistait pour m'appeler Anu-Irja, et je lui en suis reconnaissante.

Je ne dirais pas que ce dégoût des autres et des contacts m'a aidé à me construire. Des années durant j'ai pleuré, solitaire, de rage, de frustration, de fureur rentrée de ne pouvoir me maîtriser autant que d'un chagrin sincère de m'écarter ainsi ! Cela n'a pas aidé mais ça y a contribué... J'ai appris à vivre seule, à éviter tout effleurement, tout attouchement, sans baiser, sans tendre accolade, comme sans coups ou violence. J'ai appris à avoir en permanence sur moi un arsenal défensif, mental comme physique... Du premier j'ai fait naître une réputation de froideur, de mépris hautain, d'insensibilité, d'abject élitisme qui me faisant écarter des gens jugés inférieurs. J'arguerais que je repoussais tout le monde, du plus humble mendiant dans la rue au prince charmant dans un bal de promo, désireux pour une soirée d'être vu en ma compagnie ! La vierge de glace... comme si j'avais pu ignorer le surnom que mes congénères à l'université -privée et fort chère- m'avait donné ? La vierge de glace, la fille qui te taze si tu approches, qui surprise par une main posée sur son épaule se retourne pour te coller dans les yeux un coup de spray qui t'aveugle ! On m'a laissé à mon supposé mauvais caractère, certain(e)s me taxaient même de maladie mentale... Toujours plus seule je me suis laissé sombrer, j'ai hanté les réseaux sociaux, répandant calomnies, rumeurs malfaisantes, jetant le discrédit sur des êtres certes peu remarquables mais pas si noirs que je les dépeignais... J'ai découvert la puissance de cet outil, et peu à peu, de rumeurs habilement distillées je suis entrée sur des sites, ai fourré mon nez dans des secrets, ai détourné des informations, en ai insufflé d'autres pervertissant des réputations et des vies... Mes études ne témoignent guère de l'intelligence que je peux déployer. J'étais meurtrie, je devenais meurtrière, m'attaquant à des domaines où le moindre grain de sable pouvait coûter une carrière, ou une vie. J'aurais continué... J'ai continué d'ailleurs, mais à moindre échelle et de façon plus ciblée, mais avant cela, j'ai rencontré deux hommes...

Oskar Jensen l'année des mes quatorze ans et Volodya Avdeïev, celle de mes vingt ans.

L'un comme l'autre ont influé directement sur ma vie, mon chauffeur en étant présent, très présent bien que parfaitement correct avec la sale gosse que j'étais alors, le second en entrant sur un coup de générosité dans mon existence ! J'ai toujours pensé que le destin avait parlé le jour où hébergeant pour une nuit un Russe fauché en cavale je ne l'avais jamais chassé bien qu'il me tape sur les nerfs avec sa supériorité slave, son air de tout savoir, ce que je disais être misogynie, et cette volonté de fer qui le poussait à torturer son corps jusqu'au mouvement parfait.

J'ai trouvé en Oskar mon bon ange et en Volodya mon démon... comme dans les dessins animés ou chaque épaule reçoit une petit conseiller, l'un qui te pousse au bien et l'autre à écouter tes pires instincts ! L'un comme l'autre m'ont permis de me construire encore, Oskar en faisant entrer l'humanité et la générosité dans mes actes, chose que jamais on ne m'avait enseignée, en couvrant mes frasques pour me gagner la liberté d'action, en m'absolvant quand j'avais péché... Volodya en m'apprenant à repousser les obstacles, à écraser les barrières, à faire de mon vouloir un but que j'atteindrai envers et contre tout.

J'ai épousé le Russe, et perdu l'autre, mon père furieux que ce type qu'il ne voyait que comme un pantin à mon service se soit permis d'outrepasser les droits -si peu- que lui octroyait sa position.

- Madame ? La « personne » est arrivée

Celle-ci est nouvelle, il a bien fallu, la perle que j'avais trouvée en Californie a strictement refusé de me suivre en Finlande lorsqu'elle a regardé sur internet la position et le climat du pays ! Elle m'agace, je l'ai choisie laide -réflexe adopté depuis que Volodya est dans ma vie- instruite d'une école hôtelière prestigieuse, et son snobisme revendiqué me fait déjà grincer des dents !

- Et bien faites le entrer ! Je n'ai pas de temps à perdre à attendre !

Elle tressaute, elle devra s'y faire... Le salaire octroyé l'est en partie parce que je suis une patronne à la fois exigeante et … souvent désagréable. Toutes s'y sont faites, si elle veut rester elle devra l'accepter, on n'a rien sans mal et supporter mes humeurs garantie à la fois un travail facile -je n'ai pas de désirs inassouvissables même si je demande parfois beaucoup-, bien payé et sûr. Je l'ai dit, me défaire d'une personne en place me cause beaucoup de gêne. Je l'entends marmonner d'un ton acerbe, un chauffeur ! Qu'est-ce qu'un chauffeur ? Elle doit considérer que la femme de chambre personnelle de la maîtresse de maison est bien plus haut placée ? Quelle foutaise, et quelle stupide compétition.

- Madame ?

De dos je fais un geste exaspéré, qu'elle s'en aille, ce n'est pas son entretien d'embauche ! Elle n'a pas la prétention d'y assister ?

Je me retourne lentement, captant au passage dans le miroir une haute silhouette, une chevelure blonde trop longue au goût de beaucoup d'employeurs ? Pourquoi ne les a-t-il pas au moins attachés ? Un costume sombre impeccable, de fort belles mains... Du fond de ma mémoire une image se forme et je fais volte face.

- Oskar ! Oskar ! Oh je suis si heureuse de te revoir !

Si l'autre perruche que je soupçonne d'être indiscrète écoute et surveille elle doit tomber des nues, le tutoiement puis -chose impensable venant de moi- je lui saute dans les bras !

J'ai un sourire de libération ! Pas besoin d'entretien, pas besoin de comédie de la dame et du valet ! Oskar ! Lui aussi sourit, ses yeux brillent d'un bonheur tout paternel, je sais, nous n'avons pas tant de différence d'âge mais je l'ai connu enfant encore et lui était un grand jeune homme, déjà taciturne et rigide pour qui ne le connaissait pas mais aussi original, bienveillant, strict, et... surtout présent !

-  Tu as vaincu tes peurs semble-t-il, à toi je peux dire tout de suite ce qui m'étonne, pourquoi un salaire pareil ?

Je le lâche, reculant de deux pas pour mieux le regarder... A lui, je peux aussi tout dire, sans fard, je sais qu'il entendra et ne jugera pas. Je regarde vers la porte, fermée, mais que je soupçonne d'avoir des oreilles et baisse le ton, l'entraînant vers la baie vitrée.

- Lauri est mort. J'ai épousé Volodya et je l'ai quitté aussitôt, la réception n'était pas terminée. J'ai tué mon père Oskar et d'aucuns le soupçonnent, des gens qui nous tueraient, Volodya et moi... Et peut-être même toi si tu restes ?  

J'ai guetté sa réaction, il ne m'a pas déçue, son oui a été donné par ses yeux qui se sont justes à demi fermés... Le contrat est signé, j'ai modifié quelques clauses, l'expérience dans le domaine est acquise je suis bien placée pour le savoir puisque j'ai dû être l'une de ses première « maîtresses », je sais qu'il refusera d'être logé, que les vêtements seront achetés par lui, je lui alloue donc le droit de stationner avec son logis sur mes terres et une allocation de « représentation » généreuse...

Cela dit, on n'achète pas Oskar, ça aussi je le sais. Tout comme moi, c'est un électron libre, épris d'autonomie mais fiable et loyal.

- Où est Volodya ? Tu l'as revu ? Il t'a rejointe ?  

– Je dois le retrouver au restaurant, tu te joins à nous ? Il sera heureux de te revoir.  

Là il me fait non...

- On m'attend, j'ai promis un déjeuner amoureux...  

J'en reste sans voix, Oskar amoureux ? Assez amoureux pour décliner ma compagnie ? Mon sourire éclate, il est rare, mais lui comme Volodya m'ont toujours dit qu'il est beau ! Je ne dis rien, je saurais, j'ai le temps... La femme capable de retenir mon blond compagnon d'enfance attendra, j'ai moi aussi un déjeuner promis. Mais il n'en demeure pas moins que je brûle de curiosité...


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La musique...:





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Oskar
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Oskar
Lun 15 Avr - 18:12

Oskar Benedikt Jensen, dit "Ob"
J'ai 32 ans et je vis à Helsinki, Finlande. Dans la vie, je suis chauffeur de maître et je m'en sors bien. Sinon, je suis célibataire et je le vis bien.

Accessoirement, j'ai la faculté de me transformer en ... aigle royal. Mais ne le dites pas, c'est un secret !

O. B. Jensen a écrit:
Le destin dit-on, donne à chaque homme, chaque femme, un être "lié" qui viendra le compléter. Chacun porte une phrase, une marque, qui lorsque cette moitié qui lui est réservée sera croisée, changera de peau pour aller sur la sienne, celle que portait l'âme-soeur venant orner la vôtre.
Depuis la fin des temps, les textes et les légendes rapportent que jamais cette phrase ne disparaît... Parfois, elle change, parfois immuable, elle avoue votre échec à trouver votre double. Si l'on tente de la supprimer, elle renaît, sur une autre partie du corps...
Elle ne s'efface, que lorsque le lien est rompu, lorsque amputé de votre moitié, vous errez entre l'être et le non-être, à jamais solitaire.
Je viens de perdre la mienne, ce qui signifie que Maïween, mon faucon blanc, a disparu. Pourtant, je ne me sens ni déchiré, ni en deuil, j'ai accueilli cette découverte comme l'aveu d'une erreur de la destinée, sinon, pourquoi elle et moi ne serions-nous jamais parvenus à nous rejoindre, remettant au lendemain, sans cesse, nos projets ?
Je suis un homme d'honneur et de devoir, alors j'ai téléphoné, cherché, me suis adressé à tous ceux qui connaissaient mon âme soeur... Elle a non seulement disparu de mon bras, le libérant de toute inscription, mais également de toutes les mémoires ?
Une ébauche de rêve, retournée à la nuit dont elle était sortie ? Etais-je le rêve de l'ombre qu'elle est redevenue ?

Le rêve, encore lui, s'est imposé à moi, brûlé par le feu d'une chevelure et l'incandescence d'une personnalité hors du commun... Le hasard est parfois cruel, à mettre en présence des êtres improbables et fragiles... Elizabeth, croisée déjà trois fois, à chaque fois, sa présence ruine tous les projets de raison et de sagesse que je peux me faire...
Je succombe, je me noie, entraîné par les sirènes d'un espoir insensé ! Je t'aime ! Je t'aime ! Dans ce royaume inaccessible et magique, magnifique et irréel, le rêve, je partage avec toi une intimité que le réel nous interdit !


@Dreamcatcher

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Mais je t'en prie, ne me réveille pas.

( Proverbe yiddish )


Mi-Janvier 2024


Avant ce chapitre...:

La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Kapell10

Je pense avoir toujours été ce qu'on nomme « honnête homme » et pourtant, lorsqu'Aku Pajari me dit de sa voix à la fois douce -par sa tessiture- et cinglante -par l'intonation- -  J'ai tué mon père Oskar et ... le soupçonnent, des gens qui nous tueraient...  je ne me sens nullement déstabilisé. Est-ce parce que c'est Aku et que je connais le monde impitoyable qui l'entoure et dont elle a fait le sien ? Je suis resté plus de six ans au service de la petite blonde, avec Lauri sur le dos à devoir faire un rapport matin et soir, comme si les nuits de sa fille m'appartenaient ! J'avais cela dit une vision à peu près exacte de ces « nuits », autant que de ses journées... Je me contentais de lui dire : « Elle a bien dormi » ou au contraire « Elle a fait des cauchemars, s'est réveillée, a appelé ». je minimisais les mauvaises nuits et cachais les longues balades nocturnes en solitaire à moto. L'idée qu'il se faisait ainsi de sa fille était qu'elle était forte, inébranlable, intraitable comme lui et ... soumise à ses diktats... Que lui dire des hurlements d'horreur d'une adolescente qui revoit son grand-père mourir, empoisonné, et qui a parfaitement compris ce qui a été fait ? Ou le puits sans fond dans lequel Ossian Svansgard -né de Karin soubrette violée par Nooa Pajari alors mineur- l'avait jetée après l'avoir enlevée par traîtrise, se prétendant victime d'un malaise sur une route de campagne isolée... Elle avait sans hésitation évité à son cousin les ennuis qu'il aurait eu à n'en pas douter si les autorités mais surtout la famille Pajari avait eu connaissance de son identité... L'enlèvement, la demande de rançon, elle n'avait jamais vu son geôlier comment le décrire ? L'enquête close faute de pistes, elle n'en avait pas moins gardé en tête qu'on pouvait l'atteindre... Ossian était resté à portée de vue, disposant d'une rente à défaut du nom de son père, il ne l'avait même pas réclamé quand il avait compris que si la police lui laisserait la vie, Lauri et Hilde eux l'abattraient s'ils le trouvaient. Aku n'en avait pas moins marqué le coup, les cauchemars s'étaient succédés, l'enfermement … ou le fait qu'il l'avait touchée, la manipulant comme une poupée de son pour la filmer et envoyer à ses parents des preuves de sa survie ?

Je repousse ces pensées, c'est là que j'ai fait la connaissance de Volodya, enragé de s'être vu arracher sa bienfaitrice, là aussi que j'ai compris -avant eux- qu'il l'aimait pour elle-même et pas pour son argent... L'amour de Volodya ? Aku semble épanouie...

Les cinq premières minutes du voyage de retour sont tournées vers ce passé étrange et vers ma nouvelle, et ex patronne. C'est devenu une belle jeune femme, elle a la tête sur les épaules, elle l'a toujours eu, mais sa surface parfaite cache toujours les mêmes failles j'en ai peur, Aku n'a aucune notion du bien et du mal, et mariée à Volodya je doute qu'elle l'acquière. Deux magnifiques spécimens humains, deux âmes tourmentées, deux consciences inexistantes. Ni l'un ni l'autre ne voient ce que provoquent leurs actions, leurs prises de position, leur simple présence sur leurs semblables...

C'est curieux, je me sens soudainement une vocation d'ange gardien !

Cinq minutes... C'est tout ce que je leur consacre, je verrai à l'usage, je pars en terrain connu, un peu comme si je retournais dans la Hongrie de mon enfance ? De nombreuses choses auraient changé, mais le pays resterait lui-même. Pour le couple Aku-Volodya, je suis certain qu'ils ont évolué sans déraillement, ni dans un sens ni dans l'autre, fidèles à leur personnalités faites pour l'un comme pour l'autre de beaucoup d'ombres... et donc d'une lumière mise en valeur.

Me restent vingt-cinq minutes... Mon sourire se forme, mes yeux brillent ! Elle, n'a pas dévié non plus mais le chemin de traverse qu'elle suit est bien plus intéressant ! Elizabeth musarde, au gré du rêve et de son imagination... Elle emprunte un sentier, tombe en arrêt devant un embranchement, l'odeur des fleurs l'attire à droite ou à gauche... C'est ainsi que je me la représente, jeune fée puissante mais pleine de fantaisie, d'originalité, d'invention, non frivole ou irresponsable mais curieuse de tout et passionnée.

Je l'ai appelée « Reine des Elfes » dans cette auberge où nous avons passé quelques heures vécues comme presque une vie, à nous découvrir, à nous creuser, bloqués par la neige... C'est peut-être impropre, les Elfes s'ils sont superbes et doués d'une magie sensuelle et précise sont aussi réputés hautains et peu empathiques. Elle est « Reine des Fées », le cœur ouvert et offert à tous ceux qui pensent le mériter ! Je me souris dans le rétroviseur... Si les filles que je levais, de préférence ni très intelligentes ni très jolies pour ne pas succomber à leur charme, dans les bars ou les hôtels me voyaient aujourd'hui, elles auraient du mal à imaginer que ce type passionnément amoureux est le dragueur impénitent qui leur proposait une nuit, juste une, parce qu'il n'était que de passage...

J'ai loué une table en bord de mer, ce restaurant où je l'avais emmenée le premier jour, après m'être fait rabroué comme un malpropre parce qu'elle en voulait au monde entier de s'être blessée... Déjà derrière sa colère j'avais perçu sa beauté, pas uniquement celle de son visage et de son corps, elle aboyait parce qu'elle souffrait ! Qu'elle était diminuée et que sa force de femme indépendante et autonome refusait la pitié, fière, tenace, pleine d'humour quand finalement elle a pris la mesure du traitement qu'elle me réservait et que je feignais de ne pas remarquer !

Je suis ridicule ? J'aime. J'aime non comme j'ai aimé les « autres » celles avant Elle que j'ai pu « envisager »... J'essaie d'imaginer ce qui se serait passé si j'avais accepté une de ces unions « de raison », parce qu'une compagne est raisonnablement accessible et compatible ! Quelle horreur !

Je réclame la déraison ! Je l'assume.

Amoureux d'Elizabeth ça n'aurait jamais dû arriver...  mais c'est. Pourquoi le refuser ? J'ai essayé, j'ai voulu la « libérer de moi », étais-je sincère ? N'avais-je pas plutôt la volonté de rester -moi- l'électron libre que je me voulais ? En tout cas, quelle qu'en soit la raison -réelle ou avouée- nous avons souffert, tous les deux, et j'ai cédé ! La vie n'est pas faite pour se torturer et encore moins torturer l'être aimé... J'imagine un Cupidon farceur qui met en scène Ruy Blas, à notre époque, et ouvre ainsi les portes du Rêve !

Car le rêve est tout un univers, et pour l'explorer, il ne faut pas de limite... Il est éternel et ceux qu'il accueille le deviennent.

Je vois arriver le carrefour où nous nous sommes donnés rendez-vous, à quelques minutes de la salle où elle répète, juste assez loin pour décourager les curieux qui voudraient savoir « qui » si elle a parlé d'un rencard. Je n'ai pas vu passer le temps, je doute d'avoir vu grand chose de la route, j'étais en pilote automatique, avec mon expérience du métier j'ai la prétention de penser que je serais sorti de ma rêverie s'il l'avait fallu ! D'ailleurs, garant la Volvo sur le bord du trottoir, les feux de détresse clignotant pour prévenir les autres usagers, je sors de la voiture, lui ouvre cérémonieusement la porte arrière, un discret sourire amusé aux lèvres, m'inclinant légèrement, et je referme la portière tandis qu'elle s'assoit ! Ce faisant, je me revois faire les mêmes gestes tandis que brandissant une béquille elle me crie « Hey vous là ! Garez-vous plus loin j'attends un taxi » !

- Madame a passé une bonne matinée ? Nous allons toujours au restaurant ?

J'ai parodié ma voix professionnelle, mais je n'y tiens plus.

- Je t'aime. Tu le sais je suppose ? Pas de contrordre ? On va se remplir la panse en bord de mer ?

Je me remets en route, il nous faut quelques minutes d'une conduite souple et silencieuse pour nous garer devant le restaurant, je sors à nouveau pour lui ouvrir, moins cérémonieux...

- Oh, Monsieur Jensen, Mademoiselle Van Sechtelen, je le regarde, lui comme la plupart des employés de restaurant de cette classe n'a pas eu besoin que je réserve à nos deux noms, il l'a reconnue ! - Nous avons un petit souci, la personne qui a pris votre réservation a commis une erreur, la table 4 était déjà retenue... Cela vous gêne-t-il d'être plus en retrait ? Un peu plus loin de la baie vitrée ?

Instinctivement je regarde la véranda vaste et sobrement décorée,  désignée comme « salle 2 », une jeune femme blonde y attend sagement sirotant un cocktail fruité, à la table que je souhaitais...

Aku !

Des yeux je cherche Volodya...

Ne pouvaient-ils pas trouver un autre restaurant ? Cette table est la nôtre ! Je m'attendrais presque à revoir sur la plage la statue de femme de sable... conservée là pour nous deux.


La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Tumbl231000La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Bendah12000La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas 4full-10


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Dreamcatcher
Sam 1 Juin - 21:23
La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Daria10
Elizabeth Van Sechtelen
J'ai 28 ans et je vis à Helsinki, en Finlande. Dans la vie, je suis comédienne de théâtre et je m'en sors avec un sentiment d'exil. Et puis...Il y a LUI qui m'empêche de me suffire. Je le vis sublimement.


Le comte et la comtesse Van Sechtelen s'aimaient comme l'on pouvait s'aimer dans le milieu aristocratique. Quelques années plus tôt, leurs familles respectives avaient œuvré avec soin pour que leurs progénitures se rencontrent, s'apprécient. De rallyes en rallyes, des affinités se liaient, les jeunes tricotaient et fricotaient ensemble. Ces deux-là finirent par se marier, encouragés par leurs proches très au fait des avantages de porter un nom prestigieux.
Mais Madame pécha par excès. Grisée, lassée et délaissée depuis trop longtemps par son époux, elle succomba à ce bel amant d'un soir. Renversée sur le bureau d'ébène, elle se laissa aller comme jamais, noyée au creux d'un ventre en feu et assoiffé.

1994

Au sourire de la Lune, elle naquit presque sans bruit. Ne pleura pas. Ses grands yeux ouverts s'arrêtèrent quelques instants sur l'aube de cette grande vie qu'on lui offrait. Il paraît même qu'elle avait souri...
Elizabeth, fruit d'une adultère éphémère. Si jeune et déjà, elle voyait les anges.
Le secret de son origine fut férocement gardé. On l'éleva comme il se doit, telle une descendance de rois. Par chance ou par destin, l'enfant maudit se révéla excellente élève, douée pour les études. Elle aurait pu être promise à une brillante carrière mais sa passion brisa les aspirations familiales. Comédienne ! Ce n'était pas un métier, encore moins un avenir, tout juste un passe temps d'original et ce, chez les autres ! Pas dans le milieu ! Alors, d'une manière subtilement hypocrite et joliment perfide, on la bannit définitivement du clan familial. On ne l'aima pas l'enfant de "l'accident". Le manteau infâme de la Bienséance la revêtait comme une lèpre. Alors, au fil des années, elle développa une sensibilité à fleur de peau. Elle devint différente.HPE diagnostiqua le rapport du spécialiste.

Un.
Deux.
Trois.

Le bruissement du rideau qui se lève.
Arrêt sur scène.
Les secondes ralentissent.

Elle ne voit plus ici. Ses ailes se déploient délicatement
L'audace d'une extravagance
Le chant d'un songe
L'insolence de l'irréalité

Le théâtre. Le RÊVE.

Et puis cette rencontre. Un chauffeur de maître. Un être à part. Ob. Celui qui la comprend. Celui qui résonne. Celui qui rêve avec elle. Les clartés de Là-bas se mirent à resplendir les éclaboussures d'un sublime amour. Un feu douillet valsait tout autour, les écailles de Lune voletaient. Projetée dans une dimension parallèle. Aveugle et sourde à la réalité. S'imprégner de l'éternité. Rêver à deux, à l'Absolu, à l'Infini. Enfin! L'exil n'est plus!

Eli avait deux cœurs : l'un ici, l'autre...L'autre... ? Non, vous ne saurez pas. Vous ne pouvez pas comprendre.

La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas 17087710

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copyright:️ Ma pomme


Table for two

Ses yeux traînaient machinalement sur les passants, les boutiques de l'autre côté de la rue, les voitures qui défilaient...Pigeons et moineaux  picoraient ici et là, battaient des ailes, s'envolaient.. Suivre du regard une plume jusqu'à ce qu'elle s'échoue sur le sol...Quelque part dans un pays d'Europe, près d'un banal carrefour, une fille aux cheveux roux L'attendait. Une goutte d'amour parmi des milliards dans un océan d'humains. Une vibration somptueuse si intense qu'aucun mot ne pouvait la définir. Personne ne l'aimerait jamais comme elle l'aimait. Un seul Ob, une seule Eli sur cette planète et tous les univers innombrables de l'Infini ne suffisaient pas à estimer cet amour-là qui ne possédait aucune mesure. La sensation incommensurable la fit sourire aux anges, l'enveloppa profondément et elle sursauta presque lorsqu'elle le vit arriver. Elle s'avança un peu puis s'immobilisa l'air mutin, l'observant avec insistance derrière le volant. Il possédait une telle prestance, portant le costume avec cette élégance racée des hommes grands et minces. Parfois, elle s'interrogeait sur la manière dont cet homme était rentré dans sa vie. Accident ? Destin ? Fatalité ? La succession des évènements ne leur avait guère laisser de répit. De ce problème dramatique avec l'eau de la ville qui avait contaminé les habitants et flingué sa jambe, le cheminement l'avait conduite à la croisée d'un bitume. Qui ou quoi tirait les ficelles ?

Sérieuse comme un pape, elle se prêta au jeu de la cliente et du chauffeur qu'il imposait avec délices. Prenant un air et une attitude condescendants elle se pencha avec une grâce exagérée et s'assit cérémonieusement ajustant les pans de son manteau sur ses jambes.

- Madame a passé une bonne matinée ? Nous allons toujours au restaurant ?

-La matinée fut excellente et je vous rappelle Oskar, que mes royales obligations ne me permettent pas de modifier mon emploi du temps au dernier moment.

Elle sourit à pleines dents assurée qu'il ne pourrait la voir tandis qu'il s'installait.

-Je t'aime. Tu le sais je suppose ? Pas de contrordre ? On va se remplir la panse en bord de mer ?


-Parlez pour vous très cher. De mon côté je n'ai point de panse mais un estomac joli.

Elle se rapprocha soudain et murmura les lèvres collées à son oreille :

-Tu supposes parfaitement mais redis le encore que nous nous envolions...

Ob, le seul au monde possédant la capacité de comprendre l'allusion et pour cause.  

Elle se recula contre le siège.

-C'est très sympa d'y retourner.

«Mon rêve vous plait-il ? Voler...Être libre, la liberté ultime, plus aucune limite, plus de frontière…Ni entre les territoires, ni entre le réel et l’irréel…»*Elle n'avait pas oublié ses paroles, l'invisible qui s'y déployait, qu'elle avait vu. Il s'était livré à sa manière sans se dévoiler, elle en savait -un peu- plus aujourd'hui sur son être.

« ...c’est… la liberté ultime, sous couvert d’anonymat et d’invisibilité… L’existence grâce à l’inexistence, donc le métier rêvé pour errer entre deux mondes... »*

Errer, se laisser aller...Elle contemplait le ciel bercée par le mouvement de la Volvo. Une autre fois, il y avait longtemps, elle s'était abandonnée à un voyage identique entre terre et nuages, à la même place, avec le même conducteur. Les saveurs de ses rêves se nichaient alors dans une solitude qu'elle affectionnait. Tout avait changé.

Sur cette route revêtue de hoquets de silence, le bruissement de ton amour, l'effleurement de ton sourire, l'empreinte des souvenirs... La chair brûlante de l'instant résonne l'écho de nos âmes : quelque chose en nous ne nous appartient pas.

Le paysage défilait aussi vite que les évènements. Depuis combien de temps sortaient ils ensemble ? Une année ? Deux ? Aucune importance, le temps ne s'écoulait plus comme avant, Eli s'existait dans une perpétuité désormais et rien ne viendrait ôter cette distorsion temporelle dont elle se repaissait à chaque seconde.

Alors qu'il claquait la portière, elle lui vola un baiser.

-Nous avons un petit souci...Cela vous gêne-t-il d'être plus en retrait ? Un peu plus loin de la baie vitrée ?


-Oh non ! Dit elle spontanément. Le charme de cet endroit est de déjeuner face à la mer.

Elle se tourna vers Ob, haussant légèrement les épaules :

- Ce n'est pas grave, sourit elle dans la foulée en lui prenant la main.

Mais au fond, une fine tristesse l'envahit. Ils ne s'étaient pas vus depuis plusieurs semaines et elle s'était tant réjouie par avance de la beauté marine dans laquelle ils se seraient abîmés.

Un entre deux de songes et d'ailleurs volé...


* Oskar dans ce chapitre
Oskar
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Oskar
Sam 29 Juin - 1:39

Oskar Benedikt Jensen, dit "Ob"
J'ai 32 ans et je vis à Helsinki, Finlande. Dans la vie, je suis chauffeur de maître et je m'en sors bien. Sinon, je suis célibataire et je le vis bien.

Accessoirement, j'ai la faculté de me transformer en ... aigle royal. Mais ne le dites pas, c'est un secret !

O. B. Jensen a écrit:
Le destin dit-on, donne à chaque homme, chaque femme, un être "lié" qui viendra le compléter. Chacun porte une phrase, une marque, qui lorsque cette moitié qui lui est réservée sera croisée, changera de peau pour aller sur la sienne, celle que portait l'âme-soeur venant orner la vôtre.
Depuis la fin des temps, les textes et les légendes rapportent que jamais cette phrase ne disparaît... Parfois, elle change, parfois immuable, elle avoue votre échec à trouver votre double. Si l'on tente de la supprimer, elle renaît, sur une autre partie du corps...
Elle ne s'efface, que lorsque le lien est rompu, lorsque amputé de votre moitié, vous errez entre l'être et le non-être, à jamais solitaire.
Je viens de perdre la mienne, ce qui signifie que Maïween, mon faucon blanc, a disparu. Pourtant, je ne me sens ni déchiré, ni en deuil, j'ai accueilli cette découverte comme l'aveu d'une erreur de la destinée, sinon, pourquoi elle et moi ne serions-nous jamais parvenus à nous rejoindre, remettant au lendemain, sans cesse, nos projets ?
Je suis un homme d'honneur et de devoir, alors j'ai téléphoné, cherché, me suis adressé à tous ceux qui connaissaient mon âme soeur... Elle a non seulement disparu de mon bras, le libérant de toute inscription, mais également de toutes les mémoires ?
Une ébauche de rêve, retournée à la nuit dont elle était sortie ? Etais-je le rêve de l'ombre qu'elle est redevenue ?

Le rêve, encore lui, s'est imposé à moi, brûlé par le feu d'une chevelure et l'incandescence d'une personnalité hors du commun... Le hasard est parfois cruel, à mettre en présence des êtres improbables et fragiles... Elizabeth, croisée déjà trois fois, à chaque fois, sa présence ruine tous les projets de raison et de sagesse que je peux me faire...
Je succombe, je me noie, entraîné par les sirènes d'un espoir insensé ! Je t'aime ! Je t'aime ! Dans ce royaume inaccessible et magique, magnifique et irréel, le rêve, je partage avec toi une intimité que le réel nous interdit !


@Dreamcatcher

La vie n'est qu'un songe !
Mais je t'en prie, ne me réveille pas.

( Proverbe yiddish )


Mi-Janvier 2024


Avant ce chapitre...:

La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Bsjd6u

Tout en la suivant j'ai en tête d'étranges pensées... Pourquoi ? Je me revois à … dix-huit ans ? Je sortais juste du Labo, Sven était venu me chercher me proposant de me renvoyer en Hongrie, et j'ai refusé. J'avais l'impression bizarre que si j'y retournais, quelque chose se casserait ? Quoi ? Pourquoi ? Je n'ai toujours pas la réponse.

J'adorais Sven et je crois qu'au fond de moi je savais malgré mon jeune âge que j'étais -en partie- la cause de sa retraite que mes parents avaient jugée « précipitée ». Sven aimait les hommes, les adultes... et avant moi je pense que jamais il n'avait porté le regard sur un enfant. Il m'aimait, de cet amour dérangeant, se voyant à la fois mon parrain et mon amant, et bien plus tard il m'a dit avoir énormément lutté, toute ma pré-adolescence en fait, parce que ce que sa primale nature lui demandait son humanité éclairée le refusait. Il m'a accueilli, et jamais touché autrement qu'il aurait touché un fils ou un frère. Il était de notoriété publique que j'aimais les femmes, et il se serait de toute façon senti coupable vis-à-vis des miens si les choses avaient pris une autre direction. À sa façon un homme plus qu'honnête. Je crois même que l'honneur l'aurait poussé -lui qui ne rêvait que de découvrir toutes mes « personnalités »- à refuser mes avances si je lui en avais faites.

Cela pour présenter l'homme et les circonstances, ce n'est pas ce dont je me souviens. Pas ce qui me trouble présentement. J'ai eu après lui des avances plus ou moins directes d'autres hommes, et n'ai cédé à aucunes, ni celles gratuites et généreuses qui m'offraient de l'amour, ni -encore moins- celles qui se figuraient qu'un cadeau, un avantage ou une liasse de billets viennent à bout de tout.

Sven, c'est le héros qui m'a sorti de l'enfer... Mon Orphée personnel, l'homme qui a franchi une frontière pour me ramener à la vie, et ce qui me trouble depuis toutes ces années, c'est que dans le cauchemar qui m'est fréquent, ces mots doivent être pris au sens premier... Sven arrive bien dans le royaume des morts et me tend la main, je le vois marchander sans entendre ses mots, puis il m'emmène... Il est mort quatre ans plus tard, malade, souffrant à en avoir perdu ce regard si fort et si limpide qui vous accrochait même si vous ne faisiez que le croiser...

J'ai cru à ce moment qu'il avait échangé nos âmes ! Je l'ai cru, à en crever de chagrin... C'est ma sœur qui m'a aidé à passer ce cap, ma délicieuse et si raisonnable cadette, pourtant romantique et rêveuse, elle m'a ramené -elle- dans le domaine de la logique. A-t-elle eu raison ? J'en doute parfois, c'est pour ça que je m'évade !

Elizabeth est là ! Son humour, son charisme, sa beauté, ses mystères... et au lieu de lui donner mon cœur et mon âme tout entiers, je suis là à penser à la mort, à la souffrance, au deuil ! Mais qu'ai-je donc en ce moment ?

- Tu supposes parfaitement mais redis le encore que nous nous envolions...  

J'ai souri à pleines dents et lui ai renvoyé une image déformée dans le rétroviseur, ma voiture a de nombreux gadgets, un « presque » pilote automatique, mais je mettrais quand même sa sécurité en péril si je me retournais pour la contempler ! À mes pensées malsaines se superposent le ciel, le vent, les courants ascendants ou descendants, je tends mes ailes mentalement, tourne la tête pour la repérer dans les nuages... Nous nous envolerons, encore, toujours ! Bien sûr.

- C'est très sympa d'y retourner.  

Je fais un oui de la tête, concentré sur la route, je m'oblige à la regarder pour ne pas LA regarder ! Nous aurons tout le temps, en tête à tête, à cette table cachée par d'horribles imitations de statues grecques et des arbustes, face à la mer, vue sur la plage.

C'était.

Notre trajet.

Une parenthèse, une faille temporelle rien qu'à nous comme nous en créons si souvent...

Puis...

- Oh, Monsieur Jensen, Mademoiselle Van Sechtelen... Nous avons un petit souci, la personne qui a pris votre réservation a commis une erreur, la table 4 était déjà retenue... Cela vous gêne-t-il d'être plus en retrait ? Un peu plus loin de la baie vitrée ?

En dame qui sait se tenir elle répond - Ce n'est pas grave, mais j'ai entendu moi sa déception, comme elle l'a dit, le charme de cet endroit est de déjeuner face à la mer, et puis pour nous ça a plu de sens encore, c'est … une commémoration ! Celle de notre premier tête-à-tête, la première rencontre après une relation commencée bien mal... Quels qu'aient été les occupants de la table, j'aurais comme je le fais avancé, et aurais plaidé ma cause comme je sais le faire, un anniversaire, un moment unique ? Nous permettraient-ils -eux- de profiter de cette table ? Si nous l'avions su réservée nous serions simplement venus un autre jour...

Oui, quels qu'ils soient, mais c'est beaucoup plus simple, à la table les cheveux platines d'Aku, des lunettes de soleil sur le nez -démesurées- et un cocktail fruité à la main, en train de siroter la boisson avec une paille, les yeux rivés sur l'entrée... Elle s'est placée contre un arbuste, de manière à voir la salle, la plage et la réception, elle paraît à la fois rêveuse et nerveuse...

- J'ai tué mon père Oskar et d'aucuns le soupçonnent, des gens qui nous tueraient, Volodya et moi... Et peut-être même toi si tu restes ?  

Elle m'a fait cette confidence, c'est donc qu'elle croit ce qu'elle dit -ou qu'elle sait, chez Aku croire c'est souvent savoir, c'est une maniaque des vérifications- Elle m'a dit être en danger et elle s'exhibe ? Nous piquant NOTRE table au passage, mais je doute qu'elle l'ai prémédité, elle a dû à son habitude demander la table qu'elle voulait et allonger un don au réceptionniste pour l'avoir bien qu'elle soit réservée... Je ne pense pas qu'elle a poussé la chose jusqu'à demander qui elle privait de cet emplacement de choix, Aku se fiche bien de savoir à qui elle cause du tort, depuis l'enfance elle est habituée à ordonner et à être obéie, sans que personne n'y trouve à redire.

Je me penche vers Elizabeth et murmure à son oreille – C'est notre table, laisse moi faire, ensuite je te présenterai.

Je me tourne vers le chef de rang, souriant.

– Aku Pajari ! Nouvellement madame Avdeïev ? Vous a-t-elle dit qu'elle a été victime d'un attentat il y a peu ? Et que les voyous qui s'en sont pris à elle ont juré de recommencer ? C'est peu prudent de lui avoir accordé une place où elle est une cible si facile à toucher... J'aime beaucoup mademoiselle Pajari que je connais depuis l'enfance mais outre le danger pour elle, quel scandale si elle était attaquée dans votre établissement...

Je vois le regard du pauvre homme vriller, je suis odieux et je suis sûr qu'Elizabeth sent combien cela me plaît. Au passage, cela lui indique également que j'ai des relations, il est triste de devoir le signaler, le traitement devrait être égal mais je sais bien que ça n'est pas le cas... Je me retourne vers Eli, pour voir sa réaction ? Est-elle aussi cruelle que moi ? Je la prend par le bras, et l'entraîne vers la table 4, objectif de notre guerre désormais ouverte.

– Aku ? Rebonjour. Je te présente Elizabeth Van Sechtelen, tu l'as peut-être vue jouer ? Eli, Aku Pajari, armatrice... entre autres choses, tu connais probablement ce que les journaux financiers appellent « l'empire Pajari » au moins de nom ?

Aku a baissé ses lunettes, le geste pourrait paraître snob mais je sais moi qu'elle ne le fait que si elle juge que voir et montrer son regard lui paraît important, donc si elle accorde à la personne devant elle un peu de valeur...

– Tu as donné combien au placier pour nous piquer notre table ?

Elle sourit le regard brillant.

– Asseyez-vous ? Dès que Volodya sera là, nous pourrons déjeuner et nous serons aussi sourds à vos paroles que vous le serez aux nôtres ?

Presque simultanément elle se lève à demi, hèle l'arrivant d'un geste discret avant même que le personnel n'ait pu intervenir.

Volodya n'a pas vraiment changé, il est plus massif peut-être, son corps est celui d'un homme désormais et non plus d'un garçon sorti de l'adolescence comme lorsqu'ils se sont rencontrés, mais sous les vêtements de bonne coupe quoi que très simple, la musculature du danseur se devine... Il a comme il y a cinq ans cette démarche sûre et souple, ce regard étrange d'un bleu délavé, et malgré sa capacité à cacher ce qu'il pense, un frémissement sur son visage m'annonce qu'il m'a reconnu et est plutôt satisfait de me voir.

Je me demande encore une fois ce qu'ils vivent ensemble, mais pour l'instant cela ne me regarde pas, je ne suis pas en service... à peine embauché ! Je me tourne vers Elizabeth tandis qu'il arrive, son sourire devient splendide, qui ne connaît Volodya que superficiellement est toujours séduit par son charme... Il me donne l'accolade, à la russe, il n'a jamais pu s'en défaire j'en ai peur...

– Eli ? Volodya Avdeïev, du Bolchoï, consort de l'empire ? Volodya, Elizabeth Van Sechtelen, mon amie. Aku a fait main basse sur notre table sans la moindre vergogne.

J'ai dit « mon » et non « une ». Je sais que le Russe l'a entendu et ne s'y trompe pas. J'ai également mis en avant le « vol » de la table, il sait de quoi sa femme est capable, je pense qu'il l'admire pour son culot et son assurance, mais Volodya aussi étrange que cela peut paraître est honnête avec ses amis... Il en a très peu, et je pense en être... Je me suis tourné vers Aku en prononçant ces paroles, elle a l'air d'une gamine savourant une pâtisserie qui lui fera prendre deux kilos... Volodya lui a souri « des yeux ».

– Je ne sais pas s'ils sont fréquentables, ni même si le concept de partage d'une table dérobée est envisageable ? Qu'en dis-tu ?

Je l'attire à moi, pose un baiser chaste sur sa joue et lui murmure... – Si tu refuses, je les boute dans un recoin... Je t'aime.

A mon immense surprise, Aku s'est blottie contre la poitrine de l'homme qu'elle a « épousé puis quitté » ? C'est doublement notable, Aku enfant souffrait d'une haptophobie sévère, j'avais mis des années avant de pouvoir simplement lui tendre mon bras pour l'accompagner à ces réceptions où son père exigeait qu'elle soit vue ! Elle a donc dépassé ses terreurs, elle m'a embrassé en me retrouvant et là, elle se jette dans les bras de Voldoya -son mari certes- sans aucune appréhension visible ? Ensuite, elle l'a épousé et quitté ? Je vais devoir me faire expliquer ce qu'elle entend par « quitté » parce qu'à les voir il n'est pas du tout évident qu'ils soient séparés ?

J'en reviens à ma compagne, regarde la table, regarde le couple...

Qu'en pense-t-elle ? Nous n'avions pas prévu de retrouver des amis, ce devait être un moment à nous, à nous deux ! Mais si elle choisit de se joindre à eux, Volodya sait être drôle, touchant et sympathique... Aku également, l'un comme l'autre ont en commun de ne l'être que s'ils jugent qu'il en est de leur intérêt, mais Aku a changé, lui peut-être aussi ?

La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Gybs8j *** La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Ebm7tf


La musique...:



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Ven 6 Sep - 19:43

Aku Irjo Pajari
J'aurais dû être Anu Irja, ce qui aurait rendu à mon genre son intégrité, mais mon père rêvait tant d'un héritier qu'il a massacré mes prénoms en écrivant comme un porc... L'officier d'état civil, lisant Aku en a déduit Irjo, et substitué au F dans la case « sexe » un M... Je suis donc un homme, n'en doutez pas ! Depuis, certains documents ont invalidé cette naissance, mais pas tous, semant un désordre inénarrable dans mon statut social et la perception qu'ont de moi mes semblables... Je suis née le 2 aout 2000 et ai donc  24 ans et je vis à nouveau dans la banlieue d'Helsinki, en Finlande après un court séjour aux USA. Dans la vie, je suis à la tête d'un immense empire fondé par mes ancêtres et qui comprend tous les domaines, de la finance à l'informatique, ayant comme « enseigne : armateur », une vaste entreprise maritime qui va de la construction de bâteaux au transport -marchandises et croisières- et s'étend à bien d'autres activités. Les Pajari ne laissent à personne les domaines « annexes » à leurs intérêts, cela nous vaut d'être en position de monopole à bien des endroits et de contourner fort intelligemment les lois. Je m'en sors parfaitement bien. Ayant hérité de millions légués par ma grand-mère maternelle à ma majorité, puis depuis de la fortune de mon père récemment décédé. Sinon, je suis récemment mariée à un ami jugé indésirable par ma famille et je le vis très bien.



Qu'ajouter ?
J'ai une particularité qui m'a beaucoup dérangée enfant et même plus tard, je souffre d'haptophobie. Je ne supporte aucun contact physique. Je dois me faire violence pour endurer les coiffeuses, manucures et autres couturières dont la fonction est de me rendre belle et irrésistible pour asseoir mon emprise sur « la bonne société », nous oublions le « bonne » entre nous, la gentry est unique, elle est parfaite par son essence même... Danser dans des rallyes ou d'autres réceptions était une torture qui m'amenait parfois à la pâmoison, au grand désespoir des loups aux dents longues qui espéraient -conquérant mon coeur- mettre la main sur la fortune Pajari !
Un seul est parvenu à me faire aimer ses attouchements, aimer tout en détestant, c'est ce qui définit la relation que j'entretiens avec celui qui est désormais mon époux, brisant à la fois les espoirs de mon père et de sa mère, et de nombreux candidats au statut de gendre -et donc héritier mâle- du grand Lauri. Je l'ai choisi pour ses qualités mais aussi pour le supplice qu'il faisait vivre à la branche paternelle des miens : un histrion ! Un danseur ! Fut-il étoile... De plus, né de rien, sans famille présentable -sans famille du tout me semble-t-il hormis un « peut-être » père tout sauf avouable et une mère prostituée, droguée et intelligemment morte avant notre union-. J'aimais à voir le rictus de rage qui rendait laid mon géniteur pourtant cité comme fort bel homme !
Autre petite particularité ? Ma mère est une authentique comtesse suédoise dont la noblesse remonte au XIIIe siècle.
Enfin, cerise sur le gâteau, je me promène à moto ou conduite par un chauffeur de maître, toujours pour éviter les contacts et la promiscuité. Mon premier bolide était une pièce de musée née en 1938 que j'avais nommée Hilde, savourant de « chevaucher » mon ignoble grand-mère paternelle dans une vengeance je l'avoue fort enfantine. Depuis, j'affectionne les sportives et la vitesse.


@Dreamcatcher

La vie n'est qu'un songe !
Mais je t'en prie, ne me réveille pas.

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Mi-Janvier 2024


Avant ce chapitre...:
La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Sans_t41

Aku a écrit:
Je suis née dans ce qu'il convient de nommer « le clan Pajari ».Non pas que le terme de « clan » soit très finnois, mais il correspond parfaitement à ce qu'est notre famille... Survivance d'un passé imparfait, elle est placée sous la domination d'un chef, UN, le féminin chez les Pajari n'existe pas. Ma vie a commencé par la « faillite  » de mon père... A quoi bon épouser une comtesse suédoise si elle ne vous donne qu'un héritier et pas même un mâle ? La frustration pathologique de mon géniteur a causé mon malheur, et pas mal de désordre dans l'Administration de notre pays. Tout à son désespoir, il a déclaré à l'état civil la naissance de son enfant, la main crispée de rage impuissante, en est né Aku Irjo Pajari, son héritIER. Me manquaient juste entre les jambes les attributs de l'homme et non de la femme.

Pendant quelques années, il n'y a eu aucun démenti, il est probable que ma mère comme la sienne, cette grand-mère Ilona que j'adore n'ont pas eu sous les yeux l'acte de naissance de leur fille et petite-fille... Si elles ont entendu des relations de mon père parler de son « fils » elles en ont conclu que personne dans son monde ne pouvait imaginer MA naissance ! Pensez ! Le calvaire de cet homme, jeune père d'un seul enfant, d'un enfant qui resterait unique puisque peu après ma naissance le verdict de sa stérilité désormais irréversible est tombé comme pour accentuer sa peine. Vivez sa honte et sa colère : une fille. La difficulté du couple a concevoir avait bien entendu été reprochée à ma mère ! Qui peut donc s'empêcher d'avoir des enfants sinon une femme dénaturée... Il a -m'a-t-elle raconté bien plus tard- fait fouiller sa chambre pour y trouver des substances contraceptives avalées en cachette, puisqu'aucun résultat d'analyse n'expliquait leur infortune. Le médecin qui un jour a osé parler d'un époux responsable du fait et non une épouse a été immédiatement jeté dehors.

Ironie du sort, il avait raison. Autre ironie, c'est bien sûr à cette garce d'Hilde -mon autre grand-mère- qu'on a reproché la chose. Qu'avait-elle donc fait pendant sa grossesse ? Quel honteux secret dissimulait-elle ? Chez les Pajari, le hasard, l'évolution, la fantaisie génétique n'ont aucun moyen de se faire entendre. Lorsqu'un ennui survient, les coupables sont femmes...

J'ignore si le fait d'avoir reçu le prénom du frère que je n'ai jamais eu mais aurais dû être, traitée à la fois comme l'héritier du nom et une incapable qui le resterait malgré sa majorité, tour à tour pressentie au masculin ou au féminin, a eu sur mon évolution un impact direct, toujours est-il qu'il était impossible de m'approcher, de me frôler et plus encore de me toucher ! Le genre humain me faisait horreur, un pas en avant d'un inconnu obtenait comme réponse ma fuite éperdue, un contact forcé me faisait vomir, ou m'évanouir...

Je reconnais que je n'ai considéré ces symptômes comme gênants que très tard... Mon comportement rendait Lauri fou, Hilde blême de rage ! Elle fustigeait du regard son fils, sa belle-fille, son époux Ossian encore de ce monde pendant mon enfance... Si je souffrais de mon isolement, l'humiliation de ma famille paternelle compensait ! J'ai été enfermée, occultée, cachée, et au final abandonnée. Ma mère et la sienne me rendaient visite, avec maintes précautions étaient parvenues à s'asseoir à mes côtés, à prendre ma main, elles gardaient une distance et une raideur dont je leur suis encore gré, mais me parlaient, me racontaient, plaisantaient et surtout me féminisaient. Mon père venait, en bon garde-chiourme, chaque soir en rentrant de l'un ou l'autre de ses bureaux -à moins qu'il ne soit en voyage et me permette de souffler- il restait sur le pas de la porte à débiter des banalités, atrocement mal, dissimulant ce qui semblait de la peur ? Une fille... et une fille anormale !

Il refermait la porte au bout d'un quart d'heure, parfois moins, et j'entendais son pas, lourd, pesant, presque désespéré.

De ce moment là j'étais libre ! Dés que j'ai eu l'âge de le faire j'ai enfilé un pantalon sombre et un haut unisexe de même ton et ai enjambé la fenêtre... J'avais découvert la nuit !

Qu'est-ce qui me remet en tête cette période ? Elle a duré de ma toute petite enfance à ma presque « adultité », j'ai appris à dissimuler, à taire, à louvoyer entre les lois -écrites comme non formelles-, je suis devenue une sauvage instruite, une solitaire entourée de gens qu'une barrière invisible maintenait à distance, puis une dernière sottise, je ne sais plus laquelle -découverte par Lauri-  m'a valu un chauffeur. Les premiers ne sont guère restés, malgré les émoluments aucun ne parvenait  à me supporter. Moi non plus je ne pouvais les endurer, ils limitaient par leur présence la liberté totale que l'abandon m'avait attribuée. Un jour, un grand blond à peine plus âgé que moi, silencieux et calme s'est incrusté. Oskar.

Dès cet instant j'ai commencé à jouer. Je ne voulais pas m'avouer qu'il m'intéressait, je faisais comme tout enfant capricieux, je le poussais à bout, inventais mille tourments, lui tendais des pièges... Il est le seul qui ait réussi à me mettre pat à chaque coup... Il avançait ses pions, sans ostentation ni volonté de revanche, et bloquait les miens. Mon père quand il le sommait de faire son rapport n'obtenait rien de plus que « Tout va bien Monsieur, il n'y a rien à signaler. Mademoiselle vous a-t-elle fait part d'un souci ? » Mes yeux brillaient, je les défiais, mon père, puis lui, non, il n'y avait rien, rien à signaler... Petit à petit j'en suis venue à le respecter, à l'apprécier, à me confier...

Il m'a guidée, soutenue, sans jamais avoir l'air ni de conseiller ni d'ordonner.

Le jour où mon père a décidé que nous étions devenus trop proches j'ai réclamé mon Oskar comme une petite fille rageuse exige qu'on lui laisse son ours en peluche malgré son adolescence ! Je n'étais pas encore de taille à affronter Lauri, Oskar est parti, nous nous sommes un peu revus... Plus tard Ossian Skarsgard, fils naturel de mon oncle Nooa, m'a enlevée et Volodya  retrouvée et sauvée.

Un autre épisode de ma vie a commencé, l'indépendance de Volodya était bien plus irrévérencieuse et perverse que celle d'Oskar. Le Russe m'a agacée, lassée, reconquise, soudoyée, éduquée à sa façon. C'est une autre histoire ! Je suis certaine que si j'inventais une auteure qui raconte ma vie, elle aurait du succès...

Petite princesse malmenée par un père stupide et une grand-mère criminelle... J'aurais pu écrire père criminel et grand-mère stupide d'ailleurs... Ossian, mon grand-père et non son petit-fils illégitime, est curieusement mort et je sais qu'Hilde y a grandement contribué. Mon père savait, mais qu'ai-je  à dire à cela, aujourd'hui ? Encore un tome à écrire de l'inénarrable existence de la vierge de glace richissime et si seule...

Après m'être exilée deux ans ou presque aux Etats-Unis, officiellement pour mieux m'imprégner des coutumes locales et être préparée aux réactions de nos partenaires américains, je suis rentrée : Lauri Pajari est mort assassiné ! Il a eu l'outrecuidance de faire cela le jour de mon mariage, cuistre jusqu'au bout. Il m'a fallu mettre Volodya hors de danger, et assurer notre retraite, le kota de 350 m2 que j'ai acheté à trente kilomètres de la capitale est devenu mon château fort... Volodya lui reste en ville dans mon loft, celui qui nous a logé de longs mois à l'insu de ma famille...
- Tu as donné combien au placier pour nous piquer notre table ?

Je lui souris ! Il a été la bonne surprise de la matinée, je vais me retrouver avec eux deux, Oskar et Volodya, comme au bon vieux temps ! Mes deux maîtres à penser et agir, je me sens bien, je retrouve un sourire de gamine espiègle ! Lauri est mort, la gangue de givre qui m'étouffait et qui empêchait mon corps d'établir le moindre contact est fondue... Je reste distante, éducation oblige, je suis une Pajari, pas n'importe qui. Mon sourire couvre ma réflexion, avant de m'attaquer de front, il a fait des présentations...

– Aku ? Rebonjour. Je te présente Elizabeth Van Sechtelen, tu l'as peut-être vue jouer ?  

Jouer ? Oskar épris d'une actrice ? Je pense immédiatement starlette, cinéma, ça va si mal à mon blond... Alors je dévisage cette jolie rousse... Jouer ? Mon sourire s'élargit, oui ! Elle va beaucoup mieux à Monsieur Jensen qu'une gourde arrivée par l'horizontale à avoir un rôle ou deux au cinéma dans des films douteux !

Je la regarde mieux, je reconnais qu'il est possible qu'elle me trouve très insistante et fort peu polie, mais je ne m'en trouverais pas gênée pour autant, la franchise comme le mensonge a sa place dans la vie. J'aime Oskar, pas comme j'aime Volodya, mais comme un frère... plus qu'Ossian par exemple qui m'est uni par le sang de nos pères.

– Asseyez-vous ? Dès que Volodya sera là, nous pourrons déjeuner et nous serons aussi sourds à vos paroles que vous le serez aux nôtres ?

Combien ai-je donné ? Curieux va ! Je n'ai pas pensé que cette table puisse avoir d'autre valeur que sa position dans la salle, elle est à la fois spacieuse, isolée sans être reléguée dans un coin sombre et jouit d'une vue magnifique... Je voulais celle-là, je l'ai obtenue ? Il est là debout à m'expliquer qu'elle a pour eu une signification, qu'ils s'y sont rencontrés ? Mes yeux brillent, c'est ce côté midinette que j'ai acquis auprès de mon danseur, à ce que j'ai compris, dans le monde du spectacle il est inconcevable de ne pas connaître les potins et les rumeurs... Dans le mien aussi, mais ce ne sont pas les mêmes qui m'intéressaient il y a peu encore, sauf si la nouvelle graveleuse rapportée par mon mari peut avoir une répercussion sur mes affaires bien sûr.

– Eli ? Volodya Avdeïev, du Bolchoï, consort de l'empire ?  … concept de partage d'une table dérobée est envisageable ? Qu'en dis-tu ? … Si tu refuses, je les boute dans un recoin... Je t'aime.

Les derniers mots ont été murmurés, mais j'ai une ouïe excellente...  Me bouter dans un recoin ! Allons donc !

– Volodya n'est pas mon consort, il ne s'intéresse qu'à l'art ! Les affaires l'ennuient profondément, qu'il a de la chance, j'aurais adoré vivre oisive et cajolée.  

Je regarde sa compagne, ce regard, je l'avais vu sur scène oui et m'étais demandée ce qu'elle avait tout au fond d'elle même pour réussir à être une autre sans la moindre difficulté ? J'y parviens assez bien aussi, quand on ne veut pas être ce qu'on est, devenir un alter est simple, on peut même se fabriquer autant de personnalités que souhaité, reste à se souvenir de qui l'on est faute de quoi ça devient pathologique...

– N'écoutez pas les hommes Eli, ils radotent, il leur faut s'accorder l'importance que les femmes leur nient.

Quatre yeux bleus et deux têtes blondes prennent une pause dramatique, le sourire aux lèvres et le rire perlant... Je n'aime pas les mâles ? Avant Volodya je me le suis toujours demandé, il est vrai que j'avais avec mes condisciples de l'école et de l'université plus de facilité qu'avec les garçons, mais j'ai toujours été persuadée que c'était parce qu'elles ne me poursuivaient pas la langue pendante et les mains crochues, l'une pour lécher ma peau d'albâtre, l'autre pour ne rien rater de la fortune à leur portée en épousant l'héritière de Lauri.

Je claque des doigts de façon très distincte mais tout aussi discrète, le chef de rang bondit comme sur ressort, à son oreille j'explique mon idée... Je ne dirais pas qu'il est ravi par la perspective de remplacer une table de quatre par deux tables de deux, mais il va donner les ordres et nous nous trouvons bientôt avec dans le petit espace caché par de hautes plantes et de vrais petits arbustes, deux tables d'amoureux, juste assez proches pour qu'on puisse discuter si on le souhaite.

Je marque ma satisfaction en pliant un gros billet dans la main de l'homme, à partager avec ses assistants, qu'il le fasse ou pas je m'en fiche, moi j'ai rempli ma part du marché.

– Votre table est là ? Tu es de mauvaise foi Oskar... et tu racontes des mensonges à mon époux.

Je regarde Elizabeth Van Sechtelen droit dans les yeux, franche coquette à l'ironie visible. Je suis curieuse de lui parler, le la connaître, qu'est-ce qui a donc séduit Oskar ? Je me souviens de l'époque où -partout où nous allions- les filles le suivaient des yeux, la volonté et les sens captés par sa mâle prestance...


La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas S6p04k*****La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Bm5ija


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Oskar
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Dim 29 Sep - 23:42

Volodya Avdeïev
Je suis né -m'a-t-on dit- le 27 mars 1998,  j'ai donc aujourd'hui  26 ans et je suis revenu à Helsinki, en Finlande après un court séjour aux USA. Dans la vie, je suis professeur de danse , en fait directeur d'une école nouvellement créee, en tant qu'ex étoile du Bolchoï j'ai un prestige qui en garantit le succès. Je m'en sors bien. Si je dois être honnête jusqu'au bout, je dois admettre que je vis entretenu par ma nouvelle épouse depuis... quatre ans. Je suis récemment mariée  elle a fini par accepter, j'en suis très heureux.




Que dire de plus ?
J'avoue que la situation ne me gêne en rien, je suis né dans la fange d'une prostituée droguée de quatorze ans et d'un responsable de la mafia russe... Tous deux sont morts aujourd'hui, Natalia d'une overdose à vingt-huit ans, Vassili s'est suicidé, avec mon aide, il était atteint d'une rare maladie dégénérative et n'admettait pas de vivre diminué...
Lui, je ne l'ai rencontré que peu de temps avec sa mort, son identité, je l'ai apprise très récemment, j'ai honoré ma dette en acceptant de l'aider à passer de l'autre côté... Ma seule autre famille consiste en un grand-père alcoolique et proxénète, prêt à tout pour trouver le fric qui l'aiderait à sortir de la réalité sordide de Mourmansk assisté d'une « Tante Sofia » qui m'a servi de nounou mais dont j'ignore le statut véritable.
Sofia m'écrit, parfois, le vieux ne s'y hasarde pas.
J'ai vécu mon rêve, grâce à la recommandation d'un directeur du Bolchoï revenu dans sa ville natale, « grâce à » parce qu'il est  intervenu pour me faire admettre comme boursier, la suite, c'est moi qui l'ai écrite, et je n'en ai pas honte. J'ai su il y a deux ans que bien que talentueux j'aurais peut-être été moins chanceux s'il n'avait contracté une dette de jeu, et s'était vu proposé de la payer de cette façon... Mais si j'avais été mauvais, il n'aurait jamais pu me « porter ». Je me devais d'arriver, c'était ça ou finir dans un borde pour mec ou à la rue comme larbin de la mafia ! Aku fait partie de ce rêve, elle l'a sublimé, j'ai tenté de la conquérir pour assurer ma sécurité et mon avenir... et me suis retrouvé épris comme un héros de bouquin romantique !
La vie prend sa revanche, et j'en suis comblé.
Sans elle rien n'est plus concevable, si elle me dévore je m'offrirai en victime...
Qui eût cru un jour que j'étais sentimental ?



@Dreamcatcher

La vie n'est qu'un songe !
Mais je t'en prie, ne me réveille pas.

( Proverbe yiddish )


Mi-Janvier 2024


Avant ce chapitre...:
La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Hiver10

J'ai garé la Mercedes à cent mètres du restaurant, pourquoi ? Rien ne m'empêchait d'utiliser le petit parking gardé qu'ils offrent à leur clientèle ? Disons que le contexte me rend méfiant, enfin, plus que d'habitude, depuis l'enfance j'ai appris de la vie que sans être constamment sur ses gardes on n'obtient pas grand chose et qu'on peut au contraire perdre beaucoup. Mes yeux toutefois ne peuvent  rester sans éclat, elle est là, ma vierge de glace conquise si difficilement ! Conquise ? Cela reste à prouver... Je ne vois pas Aku comme une faible femme qui ne rêve que de tomber dans les bras d'un bellâtre, fut-il danseur étoile... S'imaginer que la bague au doigt elle changera, c'est croire que la glace -aimée- ne fondra pas au soleil. Aku est telle qu'elle est, magnifique, terrifiante, inestimable, unique. Certes, chaque femme l'est, unique je veux dire... Les autres qualificatifs sont moins courants... Elle est ma femme, MA, même si en macho avisé je sais que cela ne veut rien dire pour elle et donc pour moi. Elle reste la fille cinglante et insolente qui m'a apostrophé alors que je posais le derrière sur la seule chaise libre d'une terrasse de café à proximité de l'opéra d'Helsinki...

- Çà ne vous est pas venu à l'esprit que je pouvais attendre quelqu'un ?! Vous n'avez pas vu le sac sur la chaise ? De quel droit l'avez vous déplacé !

Incarnation de la colère... et russophone... Cela se voyait-il tellement que je n'étais pas Finlandais ? Je ne suis pas facile à impressionner mais son visage de banquise et son ton cinglant m'ont fait rougir comme jamais je ne l'avais fait auparavant... C'est vrai, tout à ma perplexité sur la qualité de mon audition, préoccupé par l'intervention en ma faveur de ma future partenaire et les doutes visibles des sélectionneurs, j'avais pris sur moi de poser son sac au sol au pied de la chaise qu'elle occupait, sans rien demander, sans saluer, juste parce que le soulagement de voir une place m'avait fait oublier toutes les années du Bolchoï, à mimer consciencieusement les bonnes manières des autres moi à qui on ne les avait jamais inculquées.

Je ne me souviens plus de ma réponse, mais elle était grossière ! Elle ne s'est pas offusquée, au contraire, a répondu sur le même ton avec un vocabulaire aussi ordurier puis s'est mise à rire. Elle a enchaîné en me vexant, me mortifiant même, d'un geste péremptoire elle a hélé le serveur, a commandé deux thés et deux petits déjeuners copieux :

- Je n'ai pas faim, c'est moi qui paye... Profites-en ça t'évitera de tomber d'inanition !

J'avais saisi en la tordant presque cette gigantesque croix que je porte toujours et qui est comme un sésame vers la respectabilité, sifflé un truc style « Je n'ai pas besoin de ta charité ! », après tout, elle me tutoyait ? Pourquoi pas moi ? Avec le recul je l'avoue, notre rencontre a été de bout en bout placée sous le signe du ridicule, pour moi en tout cas... et du défi, de l'affrontement, pour elle. Elle est restée comme ça longtemps, elle l'est encore parfois même depuis la mort de Lauri, c'est sa façon à elle de se débattre contre les sentiments, elle veut rester forte, elle refuse de s'affaiblir en ressentant de l'affection, de l'empathie ou quoi que ce soit de différent de cette haine qu'elle a cultivée toute son enfance. C'est ce qui nous a rapproché, la haine, la rage, la sensation d'avoir été détruits par notre stratégie pour survivre...

Elle la gosse de milliardaire et moi le fils de pute.

Quelle ironie du sort...

Je ne dirais rien de nos années ensemble, le premier jour, ce jour désastreux où non content de me faire entretenir pour un repas j'ai accepté l'invitation à occuper une chambre d'ami, elle m'a fait comprendre que je me vendais, et je l'ai crue... Je l'ai crue et pourtant, je pouvais difficilement faire autrement, si cet engagement m'échappait, le seul valable qu'on m'ait proposé depuis mon départ rocambolesque de Russie, je serais à la rue, sans un sou, sans boulot, avec les... amis de mon grand-père, ceux qui m'avaient aidé à quitter le pays, derrière moi pour me rappeler ma dette ! Je ne savais rien alors de l'étrangeté de la vie et des raisons de ce coup de main inattendu, je voulais à tout prix sortir de l'impasse où la mort d'Elena et ses conséquences sur mon mental, m'avaient mis (*).

Aku et moi, c'est une histoire complexe et longue, une histoire d'amour. Spéciale. La rencontre de deux être que le système a modelé, à sa façon, deux rebelles, deux dissidents... à la moralité douteuse et personnelle, aux habitudes choquantes si elles avaient été connues. La seule différence entre nous c'est que riche elle passait pour originale, pauvre on me taxait de voyou, de racaille et d'infréquentable individu.

Que dire de moi ? Le premier vrai souvenir que j'ai -qui m'a curieusement été rappelé par Aku m'annonçant la mort de son père- est une petite fille de six ans, Tatiana, « ma Tatiana », en train de montrer à un garçon du même âge des pas de danse classique... Elle avait passé son tutu sous sa robe, à l'écart de tous nous avions nos rencontres, émerveillés l'un par l'autre, elle par ma réputation de sale gosse teigneux, de voleur, de moins que rien... moi par le luxe de ses vêtements, sa magnifique chevelure propre et nattée avec soin, sa gentille voix, sa curiosité à mon égard... Elle avait retiré son manteau, m'avait demandé d'ouvrir la fermeture éclair de sa robe fermée dans le dos « J'ai pourtant dis à Maman que je ne l'aime pas, mais elle dit qu'elle est jolie et me va bien »... Le ton enfantin et fâché qui accompagnait ses paroles me laissait les yeux grand ouverts, stupéfait... Si j'avais dit à mon grand-père ou à la « Tante » Sofia qui s'occupait de moi la plupart du temps que je ne voulais pas de mes vêtements de seconde main parce qu'ils me faisaient honte, je n'aurais récolté comme réponse qu'une raclée... Elle parlait à sa mère, se permettait de rouspéter et de faire connaître son opinion ! Moi, l'épouvantail à enfants sages, je me soumettais, la rage au cœur et la peur au ventre, mais de cela personne ne s'occupait, je venais d'une famille de marginaux, d'un ex-taulard qui vivait avec ses « filles », je n'ai jamais su combien des cinq femmes qu'il faisait travailler avait vraiment avec lui des liens de sang, à part ma mère qu'il avait fichue sur le trottoir à treize ans, ravi qu'elle en paraisse seize ! Bref, Tatiana était mon rayon de soleil, un jour elle n'est pas venue... à l'école on nous a dit qu'elle était à l'hôpital, très malade, qu'elle ne reviendrait pas cette année. Elle n'est jamais revenue, sa leucémie l'a emportée moins d'un an plus tard... Je ne l'ai jamais revue, mais je me suis fait la promesse que je danserai, quoi que ça me coûte ! J'en ai encore les cicatrices...  Le vieux m'a tellement battu quand il me surprenait à faire des entrechats « Un truc de pédale ! Jamais son petit-fils n'aurait un tel métier ! Chez nous on était des hommes pas des tapettes ! »... Plus il criait, plus il tapait et plus je me murais dans ma certitude, je danserai ! Je serai le meilleur ! Le plus célèbre, le plus doué ! Je me ferai des millions !

Je me suis fait des millions, mais pas avec la danse. Et sans mon père jamais je ne serais parvenu à échapper à Mourmansk. Mais à l'époque de père je n'avais pas, son rôle est longtemps resté dans l'ombre, il faut croire que dans tous les pays, la pègre a la main longue... Je dois mon rêve à un haut responsable de la mafia, et lui s'est vengé de mon ancêtre qui lui avait vendu une jeune adulte de quatorze ans comme compagne ! Jamais Vassili n'a pardonné qu'on lui ait menti sur l'âge de ma mère, jamais il n'a pardonné qu'on l'ait -elle- droguée pour la prostituer... Pour un type capable de faire tuer un homme pour un regard, ça m'a toujours paru invraisemblable...

Je viens donc d'avouer que je suis le fils d'une prostituée mineure et d'un mafieux de haut rang ? Oui. On ne choisit pas ses parents, j'ai fini par le dire à Aku, quelques mois après notre rencontre, furieux contre ses manières de fille à papa mi-bourgeoise mi-noble ! Comme si ces choses là existaient dans mon monde ! Je crois que je l'ai séduite ce soir là, à l'issue d'une dispute comme nous en avons encore, volcanique, électrique, survoltée... Moi j'avais décidé de danser, et j'ai payé de ma personne pour y arriver... Elle avait décidé de faire payer à Lauri Pajari son attitude envers elle, quoi de mieux qu'un compagnon pauvre, né de rien, et nanti d'une profession qui choquait autant mon beau-père que mon aïeul ?

Tout cela m'a traversé l'esprit, du moment où la portière de la voiture a claqué, pendant la courte marche vers ce restaurant, ça n'a pas gommé l'attention que je portais aux alentours, mon séjour aux Etats-Unis en me permettant de retrouver mon géniteur m'a entraîné un peu plus du côté sombre de la scène, Aku aussi pour d'autres raisons. Je ne perdais pas de vue que j'allais enfin la revoir, plus de sept mois après sa disparition orchestrée, après qu'elle m'ait annoncé - Il est mort Volodya ! Enfin ! , rien d'autre, pas de précision... Elle est partie se repoudrer le nez a-t-elle dit, nous venions de dire « oui » devant le pope et le maire, les deux s'étaient déplacés, invités à la pharaonique réception destinée à fêter notre union, un sms laconique m'a énoncé « à plus tard », j'ai appris par les journaux qu'elle avait été victime d'une tentative de meurtre. Elle n'a pas daigné m'envoyer d'autre message à cette occasion. Son chargé d'affaires m'a fortement conseillé de quitter les States et de revenir à Helsinki, dans le loft sur le toit, entouré d'une haie d'arbustes, doté d'une piscine privée...

J'ai obéi et attendu.

Je sais attendre, ma patience n'a pas de limite.

Aujourd'hui nous allons nous revoir, je pénètre d'un pas conquérant dans la salle, je la vois immédiatement, mon sourire s'ajuste, mes yeux brillent...

Puis, je capte une silhouette, grand, blond, plus halé qu'à l'ordinaire... Oskar !

– Eli ? Volodya Avdeïev, du Bolchoï, consort de l'empire ?  …  

– Volodya n'est pas mon consort, il ne s'intéresse qu'à l'art ! Les affaires l'ennuient profondément, qu'il a de la chance, j'aurais adoré vivre oisive et cajolée.  

Oisive et cajolée ! Mon sang ne fait qu'un tour ! Mais impossible d'exploser, « Eli » est une rousse superbe, Elena se superpose et je fronce les yeux, craignant de la revoir apparaître comme si souvent... Je ne peux rien dire, de mon éducation à l'école du Bolchoï j'ai conservé le sens des convenances, une politesse certes commandée et fausse, mais indispensable à la conquête de la « bonne » société... Cela s'est accru avec ma femme, les impairs ne sont pas « Pajari » et en l'épousant, simplement en me tenant à ses côtés, je suis devenu « Pajari »...

Non, je ne réponds même pas à la pique sur l'importance que les hommes s'accordent et que les femmes leur refusent... Un demi sourire sur les lèvres je me retourne vers Oskar, je suis sûr qu'il pense en partie comme moi mais lui aussi laissera passer...

Je l'attire contre moi et le salue, comme je l'ai toujours fait, c'est passé de mode paraît-il ? Ce sont les seuls contacts physiques agréables que j'ai eu enfant, je ne m'en sépare pas ! L'accolade donnée et reçue, sincèrement me semble-t-il, de son fait comme du mien, j'assiste à un jeu de la chaise musicale... Elle a volé la table ? Mais non voyons !

– Votre table est là ? Tu es de mauvaise foi Oskar... et tu racontes des mensonges à mon époux.

Je souris toujours en la regardant, elle minaude comme une enfant heureuse... J'ai tellement guetté en son temps ce genre d'expression, toujours fugace...

Elizabeth Van Sechtelen ? Ce nom me parle, ou plutôt, devrait me parler ?


La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Drjul110

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(*) Volodya a tué Elena, sa partenaire et fiancée sous le coup de la colère, en la repoussant violemment. Elle est tombée sur le bord du caniveau, heurtée par une moto et en est morte. Le geste du danseur a été interprété au contraire comme une tentative de la retenir et il n'a pas été inquiété, mais peu de temps après, il s'est mis à « voir » la morte, à vivre, danser avec ce fantôme, lui tenir des conversations... Écarté du Bolchoï on lui a conseillé de se remettre dans une clinique spécialisée, où il a bien cru rester sa vie entière.

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Mer 16 Oct - 18:36
La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Daria10
Elizabeth Van Sechtelen
J'ai 28 ans et je vis à Helsinki, en Finlande. Dans la vie, je suis comédienne de théâtre et je m'en sors avec un sentiment d'exil. Et puis...Il y a LUI qui m'empêche de me suffire. Je le vis sublimement.


Le comte et la comtesse Van Sechtelen s'aimaient comme l'on pouvait s'aimer dans le milieu aristocratique. Quelques années plus tôt, leurs familles respectives avaient œuvré avec soin pour que leurs progénitures se rencontrent, s'apprécient. De rallyes en rallyes, des affinités se liaient, les jeunes tricotaient et fricotaient ensemble. Ces deux-là finirent par se marier, encouragés par leurs proches très au fait des avantages de porter un nom prestigieux.
Mais Madame pécha par excès. Grisée, lassée et délaissée depuis trop longtemps par son époux, elle succomba à ce bel amant d'un soir. Renversée sur le bureau d'ébène, elle se laissa aller comme jamais, noyée au creux d'un ventre en feu et assoiffé.

1994

Au sourire de la Lune, elle naquit presque sans bruit. Ne pleura pas. Ses grands yeux ouverts s'arrêtèrent quelques instants sur l'aube de cette grande vie qu'on lui offrait. Il paraît même qu'elle avait souri...
Elizabeth, fruit d'une adultère éphémère. Si jeune et déjà, elle voyait les anges.
Le secret de son origine fut férocement gardé. On l'éleva comme il se doit, telle une descendance de rois. Par chance ou par destin, l'enfant maudit se révéla excellente élève, douée pour les études. Elle aurait pu être promise à une brillante carrière mais sa passion brisa les aspirations familiales. Comédienne ! Ce n'était pas un métier, encore moins un avenir, tout juste un passe temps d'original et ce, chez les autres ! Pas dans le milieu ! Alors, d'une manière subtilement hypocrite et joliment perfide, on la bannit définitivement du clan familial. On ne l'aima pas l'enfant de "l'accident". Le manteau infâme de la Bienséance la revêtait comme une lèpre. Alors, au fil des années, elle développa une sensibilité à fleur de peau. Elle devint différente.HPE diagnostiqua le rapport du spécialiste.

Un.
Deux.
Trois.

Le bruissement du rideau qui se lève.
Arrêt sur scène.
Les secondes ralentissent.

Elle ne voit plus ici. Ses ailes se déploient délicatement
L'audace d'une extravagance
Le chant d'un songe
L'insolence de l'irréalité

Le théâtre. Le RÊVE.

Et puis cette rencontre. Un chauffeur de maître. Un être à part. Ob. Celui qui la comprend. Celui qui résonne. Celui qui rêve avec elle. Les clartés de Là-bas se mirent à resplendir les éclaboussures d'un sublime amour. Un feu douillet valsait tout autour, les écailles de Lune voletaient. Projetée dans une dimension parallèle. Aveugle et sourde à la réalité. S'imprégner de l'éternité. Rêver à deux, à l'Absolu, à l'Infini. Enfin! L'exil n'est plus!

Eli avait deux cœurs : l'un ici, l'autre...L'autre... ? Non, vous ne saurez pas. Vous ne pouvez pas comprendre.

La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas 17087710

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Acquise sur l'autel du sans amour et du rejet, la liberté d'Elizabeth ne se résumait plus à un espoir ou à une simple idée séduisante battue par les contraintes inhérentes au quotidien. Raison versus passion, non, cette liberté là puisait son essence dans une vie enfin choisie, dans des carpe diem qu'elle chérissait et nourrissait avec soin. Elle s'était suffisamment « creusée » et écorchée pour apprendre que la plupart des bienfaits que l'on pouvait recevoir de la vie prenaient leur source dans un labourage de l'égo. Tout part de soi et lorsque c'est le bon chemin alors tout s'aligne. Son ami Valravn aurait certainement souri à entendre ces mots. Las, elle faisait fi des jugements et des contradictions, des injonctions et des conventions, des obligations et des infractions de toutes sortes. Tapi derrière l'uniforme d'une éducation aristocratique son cœur se tenait silencieux, mystérieux, pieds nus, les cheveux au vent, les ailes déployées prêt à voler où elle l'aurait décidé. Presque car Ob n'avait été pas attendu, encore moins espéré. Il avait explosé ses convictions, ses intuitions. Elle n'était pas d'ici, n'est ce pas.

Mais lui, l'avait ramenée, emportée sur les flots du Rêve, sur les plis de l'éternité, sur l'éclat pur et doux de l'infini.

Ob ne connaissait que très peu son histoire et réciproquement d'ailleurs. Ils restaient plutôt évasifs lorsque de temps en temps ils évoquaient leurs proches. Jusqu'à présent en effet, il leur avait été aisé de d'évincer certaines discussions : hormis toute cette difficile et délicate période où le pilote avait disparu puis avait du être soigné de ses blessures, finalement, ils s'étaient davantage vécus et aimés dans une absence.

L'imprévu de la situation signifiait en conséquence une double peine pour elle. Son regard balaya machinalement la salle à la recherche d'un autre  couvert repérant au loin dans le même temps la femme assise à « leur » place, affublée d'une paire de lunettes Mouche.  

-C'est notre table, laisse moi faire, ensuite je te présenterai.

Elle esquissa à peine un sourcil froncé. Les présenter ? Il la connaissait ?

– Aku Pajari ! Nouvellement madame Avdeïev ? Vous a-t-elle dit qu'elle a été victime d'un attentat il y a peu ? Et que les voyous qui s'en sont pris à elle ont juré de recommencer ? C'est peu prudent de lui avoir accordé une place où elle est une cible si facile à toucher... J'aime beaucoup mademoiselle Pajari que je connais depuis l'enfance mais outre le danger pour elle, quel scandale si elle était attaquée dans votre établissement...

Amusée ? Interloquée ? Eli se mit à l'observer au fur et à mesure qu'il parlait. Un nouvel Ob se dévoilait, confrontés qu'ils étaient pour la première fois à se rencontrer avec d'autres personnes .
Des connaissances ? Un peu plus que cela : «  J'aime beaucoup mademoiselle Pajari que je connais depuis l'enfance ». Une vieille amie donc ?

Il y alla fort en tous cas et la rouquine eut de la peine pour l'homme dont le visage exprima rapidement une profonde déconfiture. Discrètement, sa main serra la sienne « arrête Ob ! ». Qu'elle mouche l'avait soudain piqué lui d'ordinaire si respectueux ?

-Il plaisante, précisa t-elle au chef de rang avec un grand sourire tandis que Ob l'entraînait vers l'inconnue. Elle lui souffla : « était-ce utile ? » avant d'être tout autant contrariée lorsqu'il fit spontanément allusion à son job, certes sans mauvaise intention, mais cette donnée n'apportait rien d'autre qu'une case cochée et elle détestait ça ! Cela lui déplut fortement et elle aurait adoré lui arracher une plume en signe de représailles !

Les prunelles brillantes d'Aku scannèrent l'amoureuse de haut en bas puis de bas en haut tranquillement, avec insistance. Loin de s'offusquer, son attitude l'amusa fort. Cette élégante sauvage possédait une sacrée audace !

Puis elle acquiesça les yeux rieurs : bien sûr qu'elle avait entendu parler de « l'empire » Pajari. Comment diable avait il pu rencontrer cette fille ? Avait il été son chauffeur ? Son amant ? L'idée l'égaya et elle faillit rire lorsque les verres fumés piquèrent du nez sous le geste de madame Avdeïev, très belle de surcroît.

Avait elle véritablement soudoyé le personnel ? Ce que percevait Elizabeth de cette femme hors norme lui confirmait qu'elle en était tout à fait capable et même davantage. Au-delà de son apparence emplie de caractère et d'originalité, elle dégageait une espèce de magnétisme étrange, fascinant.

– Asseyez-vous ? Dès que Volodya sera là, nous pourrons déjeuner et nous serons aussi sourds à vos paroles que vous le serez aux nôtres ?

-Sourds ? Certainement pas, je veux tout savoir.

Sa réaction avait fusé. Mi-figue mi raisin l'actrice afficha à dessein une mine indescriptible. Pince sans rire ? Sincère ? Curieuse ? Ironique ? Elle laissait volontairement un espace sans limite à l'interprétation d'Aku si tant est que cette dernière daignait y accorder une quelconque attention. Elle n'était pas de la race de ceux qui s'encombraient inutilement avec la la délicatesse. Elle pouvait se tromper mais...

L'empathie avait pris le dessus quoi qu'il se passât entre elles, entre eux, mais pour l'heure, Eli gardait précieusement pour elle ses ressentis.

L'Eve diaphane fit un signe de la main invitant...Volodya Avdeïev à les rejoindre ?! Madame Avdeïev avait précisé Ob mais elle n'avait prêté aucune attention particulière au nom de famille. Le célèbre danseur du Bolchoï qu'elle admirait depuis...depuis si longtemps ! Elle le suivait sur les réseaux, lisait les articles de presse dès leur parution, se rendait à ses spectacles dès qu'elle le pouvait. Lui et quelques autres comme le danseur français Hugo Marchand faisaient partie de ces cercles magiques d'un art d'excellence qui l'ensorcelait. Leurs performances l'envoûtaient, l'éblouissaient. Les yeux saturés de beauté, elle assistait aux ballets irrémédiablement seule d'ailleurs afin de profiter en solitaire de moments très intenses pour elle. Jamais elle n'aurait imaginé le rencontrer de visu !

Quel ne fut pas son étonnement également lorsqu'il pressa contre lui Oskar. La culture russe n'appréciait pas les effusions publiques sauf lorsqu'il s'agissait de personnes très proches ! Eh bien, rien  que ça ?!

– ...Volodya, Elizabeth Van Sechtelen, mon amie...

Mon amie. Le terme sonna singulièrement à son esprit. Surprise, elle lui lança une très brève oeillade avant de serrer la main du danseur. Mon amie. Cette façon de prononcer les syllabes qu'il avait eue. L'Innommable, fugace, la traversa toute entière, la faisant frémir intérieurement.

-Je ne sais pas s'ils sont fréquentables, ni même si le concept de partage d'une table dérobée est envisageable ? Qu'en dis-tu ?

– N'écoutez pas les hommes Eli, ils radotent, il leur faut s'accorder l'importance que les femmes leur nient.

-Oh ! Très joliment dit ! Je plussoie chère Aku !  Et voici ce que j'en dis : voleurs et brigands soyons fous ! Ajouta t-elle, facétieuse en se tournant vers lui.

Une tendresse : -Si tu refuses, je les boute dans un recoin... Je t'aime. Sourire complice, touchée qu'il borde cette rencontre impromptue en priorisant leur lien. L'intention délicate l'enveloppa d'une chaleur ineffable.

L'ascendance et la volonté des très riches : un signe, un chuchot à l'oreille, un billet et le tour était joué, les desiderata satisfaits. Regards croisés. Ce pouvoir qui pouvait déranger... L'entrevue pourrait partir en sucette, il suffirait d'une remarque mais « vous ne saurez pas ce que j'en pense Aku Pajari ». Les amitiés de Ob représentaient sa limite, Elizabeth n'y touchera pas.

Ils émigrèrent donc tous les quatre dans la petite « enclave » à l'écart. Eli s'assit face à la mer, s'évaporant une poignée de secondes sur une délicieuse réminiscence.

La femme sur le sable...La brise fraîche des aurores et des crépuscules l'avait caressée jusqu'à ce qu'elle disparaisse à jamais. Son corps pourtant s'était gravé sur le granit de sa mémoire alanguie.

« Au gouffre amer pour te le rendre, Lune, j’irais bien me jeter, Si tu voulais du ciel descendre, Au ciel si je pouvais monter ! »¹

La Lune qui se penche et le flot qui trépasse...Un autre temps, autrefois à jamais. Il ne peut pas savoir, il ne peut pas deviner mais pourtant, de manière subtile sur ce fil, de manière étrange tel un ange, Ob souffle comme le vent d'avant. Et le cœur au galop frémit et gémit.
Souffrir en silence à la tombe d'un monde qui s'efface.
Se souvenir pour ne pas mourir.  N'aie crainte, va et sème l'éternité
²

Elle revint au moment présent, décalée, repensant aux propos de la jeune femme.

-...j'aurais adoré vivre oisive et cajolée.  

Pourquoi avoir ajouté cela ? La banalité désinvolte l'avait intriguée. Était-ce un accent de vérité ? Une ironie ? Une plainte ? Un regret ? Un rien qui se voulait drôle ? Une souffrance profonde avouée ?

Elizabeth...Ne commence pas, arrête de faire ta fossoyeuse, de t'occuper des autres ! Le monde t'a ignorée, ta famille t'a ignorée, tu as manqué d'amour alors ton système de valeurs s'est développé autour du service, des relations, de la chaleur humaine, des sentiments, de l'écoute... « Ici et maintenant de quoi a besoin Aku ? » Arrête ! Reste à la surface, ne réfléchis pas, profite, simplement. Lâche prise !

Alors quoi ? Jouir d'un intervalle de mondanités ? D'une superficialité qu'elle abhorrait ? La carte des menus entre les doigts, elle lisait sans lire les lignes d'or tracées sur un papier de luxe la tête encore un peu ailleurs. Ils n'auraient pas du être là.  

Vin ? Champagne ?

-Champagne.


S'empoigner à la réalité. Volodya n'avait encore rien dit, s'était assis sur l'autre table en face d'elle. Les deux femmes se retrouvaient assises au même niveau.

-Volodya, voulez-vous nous partager comment vous avez rencontré Oskar ?

Choisir minutieusement les termes, privilégier la douceur, inviter sans imposer. L'intérêt d'autrui, la faim de savoir pour de comprendre. La pépie des autres... Le syndrome du Saint Bernard qui s'extrayait, parce que jusqu'à présent le danseur s'était tu ; parce qu'il vouait une amitié forte envers Ob ; parce qu'il dégageait une aura particulière ; parce qu'il dénotait avec son épouse ; parce qu'elle avait perçu ça et puis ça... ! Parce qu'elle n'avait pas envie de s'en empêcher.

Parce que le couple faisait partie de la quadrature de son aimé.

« Mais si je ne sens pas bien les choses je peux vriller entièrement, clandestinement. Je sais parfaitement quoi faire. Les convenances. Mes plus beaux sourires. Ma bonne humeur. Ma gentillesse...Acte 1 scène 2.

Même LUI, je saurai l'enfumer. »


¹ Théophile Gautier
² * Dans ce chapitre

A Simple Mistake


Une simple erreur:



La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Rpoav10
Oskar
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Oskar
Sam 23 Nov - 16:54

Oskar Benedikt Jensen, dit "Ob"
FC : Ben Dahlhaus.
J'ai 32 ans et je vis à Helsinki, Finlande. Dans la vie, je suis chauffeur de maître et je m'en sors bien. Sinon, je suis célibataire et je le vis bien.

Accessoirement, j'ai la faculté de me transformer en ... aigle royal. Mais ne le dites pas, c'est un secret !

O. B. Jensen a écrit:
Le destin dit-on, donne à chaque homme, chaque femme, un être "lié" qui viendra le compléter. Chacun porte une phrase, une marque, qui lorsque cette moitié qui lui est réservée sera croisée, changera de peau pour aller sur la sienne, celle que portait l'âme-soeur venant orner la vôtre.
Depuis la fin des temps, les textes et les légendes rapportent que jamais cette phrase ne disparaît... Parfois, elle change, parfois immuable, elle avoue votre échec à trouver votre double. Si l'on tente de la supprimer, elle renaît, sur une autre partie du corps...
Elle ne s'efface, que lorsque le lien est rompu, lorsque amputé de votre moitié, vous errez entre l'être et le non-être, à jamais solitaire.
Je viens de perdre la mienne, ce qui signifie que Maïween, mon faucon blanc, a disparu. Pourtant, je ne me sens ni déchiré, ni en deuil, j'ai accueilli cette découverte comme l'aveu d'une erreur de la destinée, sinon, pourquoi elle et moi ne serions-nous jamais parvenus à nous rejoindre, remettant au lendemain, sans cesse, nos projets ?
Je suis un homme d'honneur et de devoir, alors j'ai téléphoné, cherché, me suis adressé à tous ceux qui connaissaient mon âme soeur... Elle a non seulement disparu de mon bras, le libérant de toute inscription, mais également de toutes les mémoires ?
Une ébauche de rêve, retournée à la nuit dont elle était sortie ? Etais-je le rêve de l'ombre qu'elle est redevenue ?

Le rêve, encore lui, s'est imposé à moi, brûlé par le feu d'une chevelure et l'incandescence d'une personnalité hors du commun... Le hasard est parfois cruel, à mettre en présence des êtres improbables et fragiles... Elizabeth, croisée déjà trois fois, à chaque fois, sa présence ruine tous les projets de raison et de sagesse que je peux me faire...
Je succombe, je me noie, entraîné par les sirènes d'un espoir insensé ! Je t'aime ! Je t'aime ! Dans ce royaume inaccessible et magique, magnifique et irréel, le rêve, je partage avec toi une intimité que le réel nous interdit !


@dreamcatcher


La vie n'est qu'un songe !
Mais je t'en prie, ne me réveille pas.

( Proverbe yiddish )


Mi-Janvier 2024


Avant ce chapitre...:

La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas 1113

– Il plaisante. …/... «  Est-ce utile ?  »  J'ai choqué Eli ? Son ton est désapprobateur, elle n'aime pas qu'on dispense ce qu'elle doit juger comme une souffrance gratuite ? Il est vrai qu'elle n'a jamais eu à rencontrer cet aspect de moi... Je le possède pourtant depuis ma naissance, je suppose que bébé j'arrivais à faire culpabiliser ma mère ou à l'effrayer en pleurant sans raison compréhensible -même pour une maman aimante et dévouée- ou en refusant toute nourriture.... Elle m'a raconté m'avoir traîné chez le pédiatre persuadée que j'étais anorexique alors que j'avais six ans. Ce n'est pas de la méchanceté native ni de la fourberie ou je ne sais quel désir de causer douleur et inquiétude... Comme je le dis et redis, je n'existe qu'à travers le regard qu'on me porte, il peut être superficiel et négligeant, il est d'ailleurs préférable qu'il le soit : trop en vue je me sens mal, il doit toutefois être tout comme le pouvoir que j'ai sur mes semblables. Ils sont la lumière nécessaire au papillon de nuit que je suis, fascinants, dangereux car je pourrais me brûler les ailes à leur flamme. J'ai toujours  découvert, retenu, inspecté, les agissements, combines diverses ou mensonges de mon entourage. Je le faisais à l'école puis au collège, au lycée, même dans les couloirs de l'Ambassade. Je n'y voyais pas malice, les « autres » m'intéressaient, leur vie de tous les jours était un film dont j'attendais avec impatience le dénouement, plus qu'un film, une de ces séries dont les saisons se succèdent, narrant une existence de plus en plus compliquée du fait de la nécessité de trouver de quoi captiver le spectateur ! Je regardais. Mon esprit malgré moi remarquait certains détails que ma mémoire emmagasinait, mon cerveau était un disque de stockage de données anodines, jusqu'au jour où on me causait du tort et où le tiroir s'ouvrait... « Si tu me fais ça, je dis ça, j'ai toutes les preuves »...  Je ne fais jamais « chanter » un innocent : ce maître d'hôtel a menti, la table était pour nous et il a cédé à l'attrait d'un billet jaune tout neuf... Qu'il se préoccupe des conséquences de son geste ne me dérange donc pas le moins du monde au contraire, il doit réfléchir et comprendre que toute action a une contrepartie.

Bref, je retiens que je devrais à l'avenir « négocier » en dehors de la présence d'Elizabeth, son honnêteté personnelle n'aime pas ce type de situation. Je souris, je suis certain que bien des gens me demanderaient ce qu'est une « honnêteté personnelle », mais le principe est acquis non ? Certains trouveront ignobles des actes que d'autres jureront sans le moindre impact, Volodya et moi n'avons pas de l'honnêteté la même définition, Aku et Eli non plus, le majordome accepte un billet pour modifier une réservation mais n'irait probablement pas faucher dans la caisse...

Je ne vais pas polémiquer. Eli est livrée à Volodya et Aku, je dois veiller à ce qu'ils n'outrepassent pas les limites que j'ai mentalement fixées.

Je sors de mes pensées,  Aku fine mouche promet de ne rien entendre de notre conversation d'amoureux si nous nous installons à cette table devenue objet de discorde... Territoire partagé ? Territoire ? Sans la promiscuité de l'amitié ? Ce n'est pas du goût d'Elizabeth ça non plus !
– Sourds ? Certainement pas, je veux tout savoir.   Je pressens que ma nouvelle ancienne patronne est en train de semer des graines...Elle s'y entend comme nulle autre quand elle le souhaite pour éveiller la curiosité, développer l'empathie, attirer même la sympathie. Le souci avec Aku, c'est que ça peut être gratuit -comme cela l'a été avec ce vagabond de danseur russe- mais aussi parfaitement calculé pour arriver à un but qu'elle seule connaît. Il est hors de question qu'elle entourloupe ma rousse que j'imagine sans doute à tort -je le sais- candide et bonne, prête à tendre la main sans arrière pensée, même à un magnifique serpent aux couleurs chatoyantes ou à un fauve déjà en position pour bondir. Serpent et fauve ? C'est là ma représentation mentale d'Aku et Volodya ? C'est sans doute exagéré, comme le fait de dépeindre Eli en princesse de conte de fée menacée  par des méchants...

- N'écoutez pas les hommes Eli, ils radotent, il leur faut s'accorder l'importance que les femmes leur nient.

– Oh ! Très joliment dit ! Je plussoie chère Aku !  Et voici ce que j'en dis : voleurs et brigands soyons fous !

Allons bon ! Je ne peux m'empêcher de sourire, c'est une des faces que j'aime chez la blonde, ce féminisme débordant, sans doute réaction à ces situations d'enfance où elle était « le fils de son père » Elizabeth ajoute sa patte d'oiseau déraisonnable ! Voleurs et brigands ? C'est parfaitement trouvé, rien ne pourrait être plus ressemblant.

Puis, elle me fige, Assis face à elle j'entends ma rousse -mise en valeur par un affrontement latent dont elles ne semblent avoir conscience ni l'une ni l'autre- mettre bruyamment « les pieds dans le plat ». Qu'elle entre en compétition avec Aku pour l'humour, « la conversation » comme on le disait aux siècles passés et la beauté, passe encore, je ne saurais prendre la place du génie du miroir et répondre à la question : Miroir, Miroir, qui est la plus belle en ce lieu ! , mais ça ! C'est de la trahison délibérée ! Le summum de la sournoiserie pour en savoir plus sur mon passé ! Pourquoi n'est-ce pas à moi qu'elle demande :

–  Volodya, voulez-vous nous partager comment vous avez rencontré Oskar ?

J'ai les yeux qui brillent en lisant de la surprise et une sorte de... désarroi dans les siens. Et bien Volodya, raconte ?! Puisque c'est à toi qu'on a demandé ce récit.

Cela dit, je crains que ma mie en reste sur sa faim... Notre rencontre est bien anodine, la naissance de notre amitié elle, l'est moins, mais ce n'est pas ce qu'elle a demandé...

La musique...:


Volodya Avdeïev
FC : Denis Rodkin
Je suis né -m'a-t-on dit- le 27 mars 1998,  j'ai donc aujourd'hui  26 ans et je suis revenu à Helsinki, en Finlande après un court séjour aux USA. Dans la vie, je suis professeur de danse , en fait directeur d'une école nouvellement crée, en tant qu'ex étoile du Bolchoï j'ai un prestige qui en garantit le succès. Je m'en sors bien. Si je dois être honnête jusqu'au bout, je dois admettre que je vis entretenu par ma nouvelle épouse depuis... quatre ans. Je suis récemment mariée  elle a fini par accepter, j'en suis très heureux.




Que dire de plus ?
J'avoue que la situation ne me gêne en rien, je suis né dans la fange d'une prostituée droguée de quatorze ans et d'un responsable de la mafia russe... Tous deux sont morts aujourd'hui, Natalia d'une overdose à vingt-huit ans, Vassili s'est suicidé, avec mon aide, il était atteint d'une rare maladie dégénérative et n'admettait pas de vivre diminué...
Lui, je ne l'ai rencontré que peu de temps avec sa mort, son identité, je l'ai apprise très récemment, j'ai honoré ma dette en acceptant de l'aider à passer de l'autre côté... Ma seule autre famille consiste en un grand-père alcoolique et proxénète, prêt à tout pour trouver le fric qui l'aiderait à sortir de la réalité sordide de Mourmansk assisté d'une « Tante Sofia » qui m'a servi de nounou mais dont j'ignore le statut véritable.
Sofia m'écrit, parfois, le vieux ne s'y hasarde pas.
J'ai vécu mon rêve, grâce à la recommandation d'un directeur du Bolchoï revenu dans sa ville natale, « grâce à » parce qu'il est  intervenu pour me faire admettre comme boursier, la suite, c'est moi qui l'ai écrite, et je n'en ai pas honte. J'ai su il y a deux ans que bien que talentueux j'aurais peut-être été moins chanceux s'il n'avait contracté une dette de jeu, et s'était vu proposé de la payer de cette façon... Mais si j'avais été mauvais, il n'aurait jamais pu me « porter ». Je me devais d'arriver, c'était ça ou finir dans un borde pour mec ou à la rue comme larbin de la mafia ! Aku fait partie de ce rêve, elle l'a sublimé, j'ai tenté de la conquérir pour assurer ma sécurité et mon avenir... et me suis retrouvé épris comme un héros de bouquin romantique !
La vie prend sa revanche, et j'en suis comblé.
Sans elle rien n'est plus concevable, si elle me dévore je m'offrirai en victime...
Qui eût cru un jour que j'étais sentimental ?



La vie n'est qu'un songe !
Mais je t'en prie, ne me réveille pas.


( Proverbe yiddish )
La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas D6247d1000La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Captur1100La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas 930ful1000La vie n'est qu'un songe ! Mais je t'en prie, ne me réveille pas Captu102

Oskar... Me retrouver au restaurant avec Aku et Oskar fait remonter des tas de souvenirs, pas tous agréables. Je me suis revu arrivant à Helsinki avec pour tout bagage un grand sac à roulettes qui pouvait se muer en sac à dos. Il était à demi vide, je n'avais pas apporté tout mon avoir à la clinique... Il était originairement prévu que j'y passe quelques semaines, puis regagne Moscou, ma chambre à l'internat de l'école, ma place aussi, celle d'étoile masculine de la troupe du théâtre de Moscou ! Ma place, si chèrement gagnée, des années et des années à travailler à la fois mon mental et mon corps. J'avais souffert, dans ma chair, les pieds en sang, les muscles si tendus que j'en avais des crampes que je ne parvenais que difficilement à faire passer... J'avais acquis « de bonnes manières », appris à discuter avec des gens qui quelques années plus tôt m'auraient méprisé et évité, des « huiles » de la politique, du showbiz, du monde des arts ; à avoir le maintien qu'il faut, à perdre mon accent de racaille de Mourmansk ! Cette place m'était due, le jury m'avait choisi, moi !  Moi et Elena comme binôme, c'est là que le bas blessait : Elena n'était plus.

Je me suis revu, tandis que je m'asseyais, faisais des politesses à cette autre rousse, magnifique, souriante, pleine de vie et d'une passion qui immanquablement faisait se substituer à ses traits l'image de ma tchèque volontaire et capricieuse. Je revoyais Elena descendant de la voiture de ses parents, déjà royale dans sa démarche, impérieuse lorsqu'elle parlait, divine lorsqu'elle a dansé, la première fois, pour montrer de quoi elle était capable. Dès que je l'ai vue sur la petite scène des répétitions, j'ai voulu cette fille aussi fort que je voulais ma réussite ! Il me fallait une partenaire à ma mesure, une incarnation de la nymphe de la danse, elle, et moi, nous nous mettrions en valeur l'un l'autre ! Nous deux, nous allions monter au sommet et incarner une légende. J'ai conquis Elena au fur et à mesure que je grimpais les échelons, je l'ai persuadée sans trop de peine que j'étais le seul à pouvoir la faire sortir du lot, la promouvoir, renforcer son talent. Ce serait réciproque, elle ne me devrait rien puisqu'elle me rendrait ce que je donnais. Avec les temps, nous avons fait bien d'autres projets, toujours collés l'un à l'autre pour mener à bout notre démesure, il nous est apparu que nous étions fait l'un pour l'autre, dans la vie comme sur les planches.

Le soir de sa mort, je lui avais offert une bague magnifique dont la provenance m'échappait mais cela avait pour avantage qu'elle était de ce fait dans mes prix...  Je m'étais fait le film de son bonheur, de sa surprise feinte car elle savait bien que je l'aimais et seul le jour de ma demande restait un secret. Je vis avec effarement ses yeux s'ouvrir non de joie mais de crainte ? Ses lèvres que j'avais imaginé me donner un « oui » timide et souriant se sont tordues un bref instant...  « Laisse-moi du temps Volodya, je ne suis plus sûre, j'ai rencontré quelqu'un... » et de continuer, un étudiant en médecine, croisé lors d'un gala de charité où elle s'était produite, il était beau, agréable, et surtout... extérieur au milieu de la danse où elle se sentait bien certes mais comme enfermée, isolée du monde, presque emprisonnée... Ma bague à la main je recevais comme une série de coups bas ses paroles, puis, outré qu'elle se projette dans un avenir dans lequel je n'aurais aucune place je la repoussais violemment en arrière. Mon geste avait été instinctif, elle me broyait le cœur et l'espoir, je la boutais le plus loin possible de ma vie !

La moto est passée à ce moment là. Nous venions de sortir tous d'une brasserie où nous aimions nous retrouver après les spectacles ou les cours, tout un groupe, garçons et filles, chahuteurs, un peu grisés par un succès d'estime, ivres de liberté à défaut d'alcool... Sur le trottoir nous nous demandions qui restait et qui partait, finirions nous la soirée ensemble ou de raisonnables personnages rentreraient-ils pour dormir tôt ? Sous ma poussée Elena basculait en arrière, son pied trébucha sur le rebord du caniveau, elle cria en voyant le deux-roues arriver sur elle tandis que moi je criais en comprenant ce qui se déroulait sous mes yeux, à cause de mon geste insensé... J'avais encore les deux bras tendus dans sa direction et le danger me fit crier moi aussi. Les colères du couple Lena/Volodya étaient aussi légendaires que notre talent, l'un et l'autre nous étions exigeants et peu patients, personne ne prêtait plus attention aux mots vifs que nous pouvions échanger. C'est ainsi que tout le monde témoigna que j'avais essayé de la rattraper, en vain. Heurtée de plein fouet elle décolla littéralement du sol et sa tête cogna brutalement contre l'asphalte lorsqu'elle atterrit... Le souvenir de ce bruit sourd d'une boîte crânienne qui s'ouvre comme une noix me révulse encore et le contenu de mon estomac remonte lorsque j'en rêve ou y repense.

C'est anéanti de culpabilité que j'ai été dirigé vers cette fichue clinique, moi Volodya Adveïev, espoir brisé du Bolchoï... Aussitôt assis sur mon lit, enfin seul après les passages entre les mains de plusieurs flics et médecins, je sursautais : face à moi Elena, souriante et auréolée d'un halo aussi roux que ses cheveux superbes, cette tignasse qu'elle disait n'avoir jamais coupée depuis sa naissance, me regardait... Quand elle m'annonça qu'elle me pardonnait, parce que désormais elle avait l'éternité pour me combler je poussais un hurlement long et modulé, comme un loup qui crie à la lune...

J'ai appris à vivre avec elle et à nier sa présence auprès des médecins... Puis, les mois ont passé et j'ai compris que le Bolchoï m'échappait... Ce jour là, la rage a fait place à la peur et au chagrin.

Je ne sais pas encore aujourd'hui comment mon père a organisé mon « évasion » mais c'est encore une autre histoire... La frontière passée je me suis trouvé confronté à un monde où l'argent vous file entre les doigts au moindre pas que l'on fait...

Et puis, Aku a croisé ma route.

Le visage de belette tantôt boudeuse tantôt radieuse de ma danseuse s'est superposé à celui de cette femme rousse, Elizabeth, dont le patronyme éveille d'autres échos dans mon cerveau torturé... Puis, Elena a accepté de disparaître pour redonner sa place à la rousse d'Oskar. Je n'ai rien suivi de la conversation, répondu automatiquement aux paroles de politesse convenues en homme désormais éduqué cependant sa question me prend de court, elle participe pourtant d'une prise de contact normale ?

–  Volodya, voulez-vous nous partager comment vous avez rencontré Oskar ?

Je revois ce jour où une énième audition semblait s'être bien passée.

Je m'interdisais d'avoir trop d'espoir, si les Finlandais reconnaissaient le talent des danseurs russes ça ne les rendait en rien désireux d'en embaucher un... L'opéra. Je venais de danser à l'opéra, en concurrence avec simplement deux autres hommes, les meilleurs de la troupe constituée pour la saison...

Je marchais en automate : l'opéra ! Leur ballet était connu à l'international, ils avaient un style, une histoire, ils faisaient partie des meilleurs, s'ils me donnaient la préférence je serais premier danseur ! Ma peut-être future partenaire avait fait connaître son choix : elle me voulait moi. Bien que m'interdisant de rêver et donc de me fourvoyer en étant trop confiant, je me voyais sur scène, incarnant un savant damné parce qu'il est si ambitieux qu'il a conclu un pacte avec le diable !

J'avais traversé la terrasse du café le plus proche sans regarder quiconque, scrutant à la manière d'un robot la moindre chaise inoccupée et m'étais installé... La suite, c'était Aku, son russe digne d'un charretier distribué d'une voix cinglante, sa condescendance glaciale et humiliante... et son offre aberrante de me loger.

Comment j'ai connu Oskar ? Notre premier contact a été muet... Il m'a ouvert la portière de la volvo, la porte avant, à l'époque j'ignorais pourquoi et en avait conçu un vague ressentiment, pas digne de monter avec la princesse ? Je me suis assis à côté de lui dans un état second... Mais je ne raconte pas ça, j'ignore pourquoi. C'est pourtant aussi banal que peu intéressant ? Si je le disais, je devrais m'appesantir sur ma relation avec celle qui est devenue ma femme...

- Comment je l'ai connu ? Par Aku, il connaissait Aku lui aussi.

Et je replonge dans mon cauchemar, de façon si intense que les doigts d'Aku effleurent mes liens ! Elle détecte Elena comme personne et a dès l'origine de notre relation décidé de lui mener la guerre. A n'en pas douter, la situation l'agace, encore, après tout ce temps ! Ne me présentez jamais de jolie rousse ! Mon deuil est effectivement trop récent.

Derrière Eli et Oskar, une jeune femme presque réelle danse son triomphe : elle a fait un retour tonitruant dans ma vie. Je murmure à l'oreille d'Aku, m'excuse, puis prend la direction des « commodités » pour y prendre discrètement les pilules dont j'avais récemment envisagé l'oubli.

Il y a bien quinze moi que je n'ai pas parlé  à un fantôme...




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