La situation IXe siècle. Les premiers raids vikings ont lieu sur tout le flanc est des îles britanniques. La rumeur se répand parmi les royaumes civilisés et la peur des barbares s'installe.
En parallèle, une guerrière anglaise fait scandale : elle a usurpé le nom de son père, a pris le commandement de ses soldats et a guerroyé avec ardeur pour défendre la couronne. Quand le roi a voulu récompenser son seigneur, la supercherie a été révélée et on a surnommé le soldat "La Dame Ecarlate". Elle a échappé à l'exécution pour ses exploits martiaux et a été autorisé à conserver son titre et sa châtellerie près de la mer.
Malheureusement, la situation déplaît à nombre de seigneurs qui n'hésitent pas à attaquer son domaine pour la faire tomber. Avec l'aide de ses hommes, elle repousse toutes les tentatives et protège farouchement son peuple, mais le dernier assaut, bien que victorieux, la laisse défigurée et presque morte.
Et c'est pendant qu'elle est alitée que les cors d'alarmes retentissent à nouveau : un raid viking. La Dame n'est pas en état de diriger une armée, elle le sait, mais ça ne l'empêche pas de se lever et de saisir ses armes...
J'ai 28 ans et je vis dans le château de mon père, au duché de Scarborough, en Angleterre. Dans la vie, je suis dame et chevalier et je m'en sors très bien. Sinon, je suis célibataire et pure et je ne laisserais aucun homme voler mes titres ou ma gloire. Je suis née dans la noblesse et une famille aimante, bien que ma mère soit morte en couche. Mon père aurait préféré que je sois un garçon parce qu'il n'aurait pas eu autant à s'inquiéter de ma sécurité. Mais puisque j'étais une fille, il a demandé à son maître d'arme de m'apprendre discrètement à me défendre. J'ai dépassé toutes ses attentes en devenant une bretteuse hors pair et une guerrière habile, rusée et stratège.
A mon grand malheur, mon père est tombé malade à mes 21 ans. Sur son lit de mort, il m'a fait promettre de garder son trépas secret et de prendre sa place : il m'avait formé pour cela. Avec la complicité de mon mentor, j'ai joué le jeu malgré mon chagrin. Personne n'a rien trouvé à y redire, nos gens m'ont accordé immédiatement leur confiance.
Mais bientôt la guerre a éclaté et j'ai pris les armes pour défendre la couronne, en me faisant toujours passer pour mon père. Pendant plusieurs années, j'ai mené des troupes, perdu et gagné des batailles mais surtout arraché la victoire. La paix revenue, le roi m'a fait mandée pour m'attribuer les honneurs dû à un chevalier de son royaume et j'ai été contrainte de révéler mon identité.
Le scandale s'est répandu à toute l'angleterre et on m'a vite surnommée La Dame Ecarlate. Les nobles ont crié à la trahison, ont demandé à ce que je sois exécutée pour mon crime, mais le roi m'a accordé sa grâce. Pour mes exploits et pour la paix du royaume. J'ai pu conserver mes titres, ma châtellerie et vivre en paix parmi les miens. Hélas, j'ai bien vite compris que ce n'était qu'une façade puisque les seigneurs voisins n'ont pas hésité à m'attaquer, établir des sièges et harceler mes positions. Tous ont appris à leur dépent ce qu'il en coûtait de s'en prendre à mes terres et à mes gens.
Mais j'ai payé le prix fort de leur dernier assaut...
Blood for freedom
La pluie n'avait cessé de tomber depuis des jours le long des côtes, plongeant le paysage dans une triste grisaille. Le ciel pleurait. Les larmes du Seigneur inondaient la terre, détrempaient le sol jusqu'à le couvrir de mille petits miroirs. Tout était froid et humide, comme si le coeur du monde s'était éteint et que plus aucune chaleur n'existait.
Dans la châtellerie d'Ysthierde, tout semblait tourner au ralenti. Dehors, les sentinelles ressemblaient à des statues tourmentées, immobiles sur le mur d'enceinte. Dedans, les cuisinières épluchaient les légumes comme des fantômes, sans échanger le moindre chant ou la moindre parole. Dans le donjon où logeait la Dame, nul rire ne se faisaient entendre. Les serviteurs se pressaient devant les cheminées, captivés par les flammes qui ne les empêchaient pas de frissonner et attendaient des ordres qui ne venaient pas.
La Dame était rentrée victorieuse de la dernière bataille, deux semaines plus tôt, mais le banquet de célébration avait été frugal et on ne l'y avait pas vu. Elle n'avait pas non plus quitté sa chambre, et les allées et venues des médecins et guérisseuses n'avaient rien présagé de bon. Dans le château, chacun retenait son souffle et priait Dieu de préserver leur Dame protectrice de la mort et de la maladie. Nul n'osait en parler de peur de déclencher quelque malheur, d'attirer l'Ankou et sa charette ou de déclencher l'ire de Sir Erold, le général et mentor de la Dame, qui avait donné l'ordre de faire taire les rumeurs pour ne pas attirer les charognards des domaines alentours. Si une oreille mal intentionnée venait à apprendre que la Dame Ecarlate montrait des signes de faiblesse, ils étaient tous perdus...
Loin, très loin de ces considérations moribondes, la Dame d'Ysthierde rêvait. Etendue dans son lit, en proie à la fièvre et la peau si pâle, elle faisait peine à voir. A son chevet, une vieille femme épongeait doucement son front et tenait sa main, si frêle, entre les siennes. Elle ne quittait sa place à ses côtés que pour raviverr le feu de cheminée ou ouvrir la fenêtre et renouveler l'air de la chambre. Le reste du temps, elle restait assise et veillait sur sa Dame, appliquait baumes et bandages sur ses blessures, la nourrissait de potages et gruaux pour qu'elle ne perde pas toutes ses forces et dormait près d'elle. Voir sa Dame, sa protégée, celle qu'elle avait élevée comme sa fille depuis la mort de Madame sa mère, dans cet état lui brisait le coeur. Elle refusait cependant de céder au désespoir. Elle voulait croire en elle et son rétablissement. Sa Dame avait une volonté de fer et elle luttait pour leur revenir, elle le voyait bien. Il fallait l'y encourager, lui transmettre la force de se rétablir par mille petits gestes et plus autant de prières.
"Revenez-nous mon enfant, chuchotait-elle parfois à son oreille comme une incantation. Repoussez la mort hors de votre domaine et revenez-nous..."
La Dame s'agitait alors et son poing se refermait comme pour saisir une épée.
~*~
Elle se trouvait sur le champ de bataille. Tout autour d'elle, une masse d'hommes hurlait et faisait s'entrechoquer les fers. Certains tombaient dans des éclairs rouges mais l'espace qu'ils laissaient était bien vite comblé par d'autres corps et d'autres cris. Dans ses mains, elle tenait la hampe d'une hallebarde dont la pointe dégoulinait de sang. Sur son corps, plus que de la maille. Son armure avait été enfoncée, elle avait dû se résoudre à l'enlever pour ne pas étouffer. Son casque avait volé depuis longtemps. Le combat durait depuis toujours et son corps était lourd, ralentit par la fatigue et une force qu'elle ne pouvait contrer. Face à elle, un chevalier noir au visage déformé par la rage et la soif de sang. De son sang. Pourquoi la détestait-il autant ? Elle peinait à s'en souvenir. L'avait-elle d'ailleurs jamais su ? Il faisait parti de ceux qui voulait la faire tomber, sous prétexte qu'elle était une femme douée pour la guerre. Plus douée qu'eux. L'était-elle vraiment ? Peut-être l'avait-elle été un jour. Mais pas cette fois. Cette fois, elle ne pouvait que regarder l'immense claymore écossaise lui ouvrir le flanc, s'emmêler dans la maille et la pointe de l'arme filer vers son visage en se dégageant. La dernière chose qu'elle vit fut la pointe de sa hallebarde enfoncée jusqu'à la garde dans la gorge du chevalier.
Et puis plus rien. Tout devint noir. Le silence se fit. Tout ne fut plus que douleur.
Quand elle rouvrit les yeux, le champ de bataille avait disparu. Le néant s'étendait devant elle, infini et oppressant. Elle ne pouvait pas bouger. Ni apaiser la douleur qui lui vrillait les entrailles. Elle se tourna d'un côté, ne vit rien ; se tourna de l'autre et constata que son bras était prisonnier d'une épaisse écorce. Ses pieds se mêlaient à d'épaisses racines. Sans pouvoir le voir, elle comprit qu'elle était prisonnière d'un arbre gigantesque et que son écorce la recouvrirait bientôt entièrement. Elle allait disparaître en lui, son corps deviendrait tronc, son sang sève : elle regagnerait la terre par ses racines. La douleur s'apaisa à cette pensée. Elle n'avait plus à lutter, elle avait trouvé la paix. Dans un soupir qui aurait dû être le dernier, elle ferma doucement les yeux, prête pour l'oubli.
Un grondement sinistre l'arrêta. La douleur irradia dans tout son être, la forçant à rouvrir les yeux et à voir. Un immense loup aux yeux verts s'approchait d'elle. Bien que ramassé sur lui-même, ses poils hérissés, il était plus grand qu'elle et de ses babines retroussées coulait une bave mousseuse. Il avançait d'un pas lent et elle voyait sa gueule hérissée de dents telles des épées à la hauteur de son visage. Si elle ne bougeait pas, il allait la dévorer. Lui arracher le coeur, lui trancher la gorge et se repaître de son corps. Mais comment l'en empêcher ? Elle était immobilisée par l'arbre. C'était injuste. Impensable. Elle refusait de finir dévorée par un loup. De toute son âme, elle refusait. La douleur enflait dans son corps, jusqu'à devenir insoutenable, mais elle l'accepta, l'embrassa pleinement pour raffermir sa volonté et la transformer en force. Un membre après l'autre, elle s'arracha à sa prison végétale. Le loup avait réduit toute la distance qui les séparait et claqua des machoîres une première fois à quelques centimètres de sa joue. Elle sentit son haleine fétide, une odeur de mort et de putréfaction, s'insinuer en elle comme une promesse. Une menace. La bête était prête à en finir, le regard vrillé dans le sien, mais elle était libre désormais. Elle souffrait comme jamais elle n'avait souffert mais avec la douleur venait la colère, une rage brûlante et implacable qui explosa dans un cri si fort et si puissant qu'il fit peur au loup. La queue basse, il recula ; et elle avança, les battements de son coeur devenant tambours de guerre. Il recula encore, baissa la tête, jappa en claquant des machoîres mais elle vit la peur dans ses yeux et elle avança encore. Elle lut la soumission dans son regard et le regarda faire demi-tour, fuyant sa fureur et la puissance de son âme.
Un oiseau obstrua alors son champ de vision. Elle leva les yeux vers lui et sentit des serres s'enfoncer dans son oeil mais n'en ressentit aucune douleur. Il battit des ailes autour de son visage, l'enveloppant de son plumage noir comme un parent accueillant son enfant puis s'éloigna en croassant. Elle comprit qu'il s'agissait d'un corbeau à qui il manquait un oeil. Derrière lui, de grandes portes d'or étaient apparues, qui s'ouvrirent pour elle. Une lumière vibrante s'en échappa, accompagnée de musique et de rire. Une fête semblait se dérouler de l'autre côté. Une fête qu'elle était invité à rejoindre, pour toute l'éternité. Elle fit un pas vers les portes et commença à distinguer deux silhouettes féminines les maintenant ouvertes pour elle, au fur et à mesure que son regard s'habituait à la lumière.
Dans son dos, un cor sonna. Elle s'arrêta à mi-chemin. Ce son lui était familier mais réveilla soudainement la douleur qui venait de refluer. L'oiseau croassa à nouveau, l'invitant à choisir. L'allégresse éternelle, délivrée de la peine et de la souffrance ou une vie supplémentaire de lutte et de tourments ? Elle avait envie de rejoindre les portes, elle en avait gagné le droit mais le son du cor résonnait dans son coeur jusqu'à atteindre son âme. On avait besoin d'elle là-bas. On comptait sur elle. Elle regarda une dernière fois les portes, s'imprégna de la musique et des rires encore un instant et ferma les yeux.
Même pour le Paradis, elle refusait d'abandonner les siens.
~*~
L'aube pointait à peine à travers la grisaille et la bruine quand le cor de guerre résonna dans la châtellerie. Annlise ouvrit les yeux et grimaça de douleur. Elle irradiait du côté gauche de son visage et le monde ne lui apparut que du côté droit. Son esprit était encore embrumé par son rêve mais elle le collecta de son mieux pour se redresser dans son lit. Elle remarqua alors sa nourrice à son chevet, partagée entre la terreur d'un nouvel assaut et le soulagement de la voir éveillée. Elle aurait voulu lui adresser un sourire pour la rassurer mais la porte de sa chambre s'ouvrit à la volée sur un garde affolé.
"Madame ! Nous sommes attaqués !"
Annlise serra les dents. Elle se sentait faible et ignorait même si elle avait encore la force de se tenir debout. Jamais elle ne pourrait mener ses hommes au combat. Néanmoins, elle fit signe au garde de poursuivre et se composa un masque de force et de courage pendant qu'il lui résumait la situation.
"Ils sont arrivés tapis dans les ombres de la nuit, tels des fantômes ! Ils ont dû marcher sur tous les villages entre le port et le château à la faveur de la pleine lune, personne ne les a vu arriver. Ils sont à nos portes, Madame. Les barbares... les vikings !"
Un sanglot répondit à l'annonce du garde. Une jeune servante venue apportée des draps tomba à genoux et se mit à pleurer, immédiatement rejointe par un page qui l'enserra d'une étreinte amoureuse en essayant de la rassurer. Annlise croisa son regard implorant : il avait aussi peur que la jeune fille. Même sa nourrice, pourtant si dure à la tâche, affichait désormais un air résigné.
"Que fait Erold ?"
Sa voix était rauque, elle la reconnaissait à peine.
"Le général organise la défense en votre absence Madame. C'est lui qui m'a chargé de vous prévenir. - Bien."
Annlise repoussa les couvertures, frissonnant au contact de l'air froid sur sa peau moite de sueur. Chaque geste lui était douloureux mais elle fit son possible pour le cacher. Au regard que lui lança sa nourrice, elle sut qu'elle n'y parvenait pas vraiment. Peu importait. Elle devait se montrer forte en ces instants fatidiques, que la souffrance perce sur ses traits ou non.
"Retournez auprès d'Erold, soldat. Dites-lui..."
Une décharge douloureuse irradia de son flanc alors qu'elle rejetait ses jambes hors du lit, s'asseyant à son bord pour se lever, et l'obligea à laisser sa phrase en suspent pour ne pas hurler. Elle ferma les yeux, inspira lentement et profondément et reprit le contrôle d'elle-mêmeen posant un pied sur le parquet froid.
"Dites-lui de conserver le plein commandement des hommes jusqu'à mon arrivée."
Elle se leva, grimaça à la tension qu'elle exerçait sur ses blessures et à la raideur de tous ses muscles, fit quelques gestes pour délasser sa nuque et ses épaules, testant discrètement ses capacités. Elle ne pourrait jamais combattre... Son armure brillait sur un mannequin à la pâle lumière du jour, ses épées l'attendaient dans leur fourreau, fixées au ceinturon. Elle ne supporterait pas leur poids. Les fils qui maintenaient sa blessure fermée se rouvrirait sous le poids de la maille et des plaques. Elle le savait mais les autres devaient l'ignorer. Ils devaient croire en son retour providentiel, ne pas céder à la peur. Mais elle devait aussi informer son général que tout reposerait sur lui, qu'il ne pouvait attendre aucune aide de sa part. Elle serra les dents : son impuissance la faisait enrager. Puis elle se tourna vers le garde, trouva la formule adéquate :
"Dites-lui aussi de porter l'armure de mon père. - Qu-quoi ? s'étouffa presque le garde, ne sachant ce qu'il devait en déduire. Mais- - Allez ! Le temps presse, gronda-t-elle avec autorité."
Le jeune soldat se ressaisit rapidement, frappa sa poitrine de son poids fermé en s'inclinant et disparut dans les couloirs du château pour aller délivrer son message. Il avait à peine disparu qu'une détonation retentit dans la cour, suivie de cris et de l'entrechoquement des lames. Annlise se tourna vers la fenêtre de sa chambre et s'y précipita, ignorant les élancements de douleurs à chacun de ses pas. La porte était tombée, les barbares se déversaient dans la châtellerie. Elle le savait. Elle le savait mais elle avait besoin de le voir, de se persuader que c'était bien réel et pas seulement la ressurgence de son rêve.
Une flèche brisa le carreau alors qu'elle n'était plus qu'à deux pas de découvrir le champ de bataille en contrebas, l'obligeant à lever les bras pour se protéger le visage des bris de verre. Elle étouffa un juron mais se pencha néanmoins à la fenêtre pour contempler l'ampleur du désastre. Des hordes ennemies se ruaient à travers les portes éventrées, taillaient ses soldats en pièces pour se frayer un chemin dans la châtellerie, s'engouffraient dans les habitations, les granges et les écuries, toujours suivis par les cris déchirant des civils. Quand Annlise aperçut un barbare traîner une femme par les cheveux dans la boue, son coeur explosa et elle se détourna de la fenêtre.
Elle y laisserait peut-être la vie mais elle allait sortir de cette chambre, une arme dans chaque main, et trancher la tête de ces maudits vikings jusqu'à ce qu'ils quittent son domaine et ses côtes. Elle ne pouvait tolérer que son peuple subisse une seconde de plus tant d'atrocités. A travers sa souffrance, elle tira de la force et comme dans son rêve laissa sa rage enfler et raffermir sa volonté. Elle se tourna vers sa nourrice, l'empoigna par le bras et la traîna jusqu'à une grande armoire.
"Cachez-vous là. Ne faites aucun bruit. Ils ne vous trouveront pas ici."
La vieille femme lui retourna un regard plein de larmes. Elle savait ce qu'un tel ordre signifiait et elle en avait le coeur brisé. Annlise se pencha alors pour déposer un baiser sur son front, un baiser d'adieu, et la poussa doucement entre les robes de sa mère et ses autres vêtements avant de refermer les portes. Un cri retentit tout proche. Les barbares étaient entrés dans le château et semblaient se rapprocher.
Annlise comprit qu'elle n'aurait pas le temps de s'équiper pour rejoindre ses hommes. Ce n'était plus qu'une question de secondes avant qu'ils ne parviennent jusqu'ici. Abandonnant toute prudence, elle empoigna rapidement une épée et se jeta devant les jeunes gens enlacés pour les protéger, quand la porte de la chambre s'ouvrit brutalement. Les jeunes gens crièrent et sanglotèrent derrière leur Dame qui ne cilla pas, tenant à deux mains son arme dressée entre les barbares et ses serviteurs. L'air qui s'engouffra entre la porte et la fenêtre explosée fit danser la soie de sa robe de nuit et ses longs cheveux carmins. Derrière elle, le bois de la cheminée flamba dans une gerbe rougeoyante avant de s'éteindre complètement.
Que les loups viennent, attirés par le sang qu'elle sentait couler de sa blessure et tâcher le blanc de son vêtement, qu'ils grognent et claquent des mâchoires, elle ne reculerait pas. Elle ne cèderait pas. Jusqu'au bout. Jusqu'à la fin. Elle les ferait reculer.
Elle en avait rêvé...
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Dinamite
Mer 20 Sep - 12:15
Ashild Vekeldottir
Ashild Vekeldottir est la fille du Jarl de Skorravik.
A 30 ans, c'est une guerrière accomplie et cheffe des Vikings. Elle s'est battue pour en arriver là, et mériter sa place.
Pourtant, Ashild n'en doute pas un instant: si son père la savait tribade, il la tuerait de ses propres mains.
L'amour saphique lui étant refusé par les traditions ancestrales, seuls la sécurité de son peuple, la prospérité des serfs de son père et Seigneur, et la satiété de sa famille lui importent.
Ashild est un peu trop fière, sanguinaire, tête-brûlée, mais bonne vivante, avec un côté plus mélancolique et doux, le cœur sur la main avec ses proches. Elle vit et combat pour offrir l'abondance à la population de son village bien-aimé. Avatar Assassin's Creed .
La pluie qui tombait sans discontinuer depuis des jours mettait les nerfs des Vikings à rude épreuve. Pourtant, elle était signe que leur Moisson d'été touchait à sa fin, et que bientôt, il serait temps de rentrer chez eux, vers leur terres du Nidaros, victorieux et riches.
Les terres fertiles des bretons sur lesquelles ils avaient accosté il y a environ une lune de cela avaient été généreuses avec les hommes du nord. Ils revenaient les navires pleins de barils de ces graines blondes qui nourriraient leurs famille lors des longs mois d'hiver, de tonneaux pleins de cette boisson rouge qui réchauffait le cœur d'un homme en quelques instants et d'innombrables richesses - or, argent et bijoux - qui rendraient la vie sur les terres du Nidaros moins rudes pour un temps.
Plus que quelques jours avant le retour, et plus qu'un village barrant leur route vers leurs Drakkars qui les attendent sur les berges de ce pays aux abondantes ressources, qu'ils ont pillé depuis leur arrivée sur la terre des bretons. Village dont ils aperçoivent déjà les contours malgré la pluie que crache le ciel gris en cette aube qui s'annonce sanglante.
En silence, et dans un accord parfait, les troupes Vikings marchent vers les remparts du château, qui se dressent fièrement dans cette semi-obscurité qui les enveloppe. Armés jusqu'aux dents, les farouches guerriers s'apprêtent à donner l'assaut de cette châtellenie qui semble encore dormir, sans savoir que sa sécurité est sur le point de voler en éclat.
À la tête de ses troupes, Ashild Vekeldottir, fille du Jarl de Skorravik et cheffe Viking, magnifique dans sa tenue de guerre, donne le signal de l'assaut. Immédiatement un long mugissement de trompe retentit dans le silence de ce matin pluvieux, et les vikings entonnent un chant de guerre qui fait trembler les cœurs de leurs ennemis qui commencent à tomber sous cette attaque à laquelle ils ne semblent pas préparés.
Pourtant, rapidement, le son du cor de guerre des bretons fait écho à celui de la trompe des normands et les sentinelles du château reprennent courage. Le combat devient sauvage, brutal, les coups portent et les hommes tombent autour d'elle, immédiatement remplacés par d'autres. Ashild sent l'adrénaline du combat couler dans ses veines et elle abat sa hache à maintes et maintes reprises, attaquant comme une lionne et hurlant pour encourager ses hommes.
Des yeux, elle cherche le Seigneur des terres pour croiser le fer avec lui. Sa tactique est infaillible: abattre le chef a toujours pour effet de gagner la reddition de son peuple. Soudain elle l'aperçoit. Entouré de plusieurs hommes qui semblent protéger ses arrières, il est légèrement plus grand que les autres, et son armure brille sous les faisceaux du soleil qui se lève enfin, chassant la bruine et remplissant les cœurs de force. Sans cesser de combattre, Ashild fait signe à quelques hommes de l'entourer, et en quelques bonds elle se retrouve face au chef des bretons.
Un violent combat s'engage, tandis qu'autour d'elle, ses hommes nettoient la place. L'homme face à elle se bat avec détermination, mais c'est sans compter la férocité qui anime le corps souple de la jeune guerrière. Par trois fois, elle frappe de sa hache, plusieurs fois elle esquive ses attaques, et son bouclier résonne des coups qui lui auraient été fatales. Enfin, avec habileté elle parvient à franchir le barrage de son ennemi et sa hache s'abat sur lui, lui fendant la tête par le milieu.
Encore quelques minutes s'écoulent dans le vacarme des lames qui s'entrechoquent, quand la cheffe viking doit se rendre à l'évidence: l'homme qu'elle vient d'abattre n'est pas le Seigneur de cette forteresse. C'est ce qui explique que le combat ne faiblisse pas d'intensité: les bretons n'ont pas perdu tout espoir. Avec un rugissement de rage, Ashild fait appeler Olaf, le viking le plus âgé et le plus expérimenté- il a déjà participé à pas moins de cinq Moissons d'été! - et un de ses rares combattants à avoir des notions du dialecte anglois. D'une main ferme, elle attrape un soldat breton et le fait mettre à genoux devant elle.
- Olaf le Sage, demande à cet homme de nous mener à son Seigneur.
Le vieux Viking traduit ses paroles à l'homme agenouillé. Celui-ci refuse de répondre. Il paye cet affront de sa vie. Sans aucun scrupule, Ashild le trucide d'un coup d'épée qui envoie rouler sa tête sur le sol derrière lui. D'une chiquenaude sur l'épaule, elle repousse le corps sans tête et attrape un deuxième homme à qui Olaf le Sage réitère la question. Le breton est tout aussi buté que son compagnon et en paye le même prix.
Le troisième à passer à la question - un tout jeune homme qui tremble comme une feuille - est enfin plus coopératif. Ce n'est pas un guerrier, sans doute un des serviteurs de ce château, ou bien un homme de la famille. Il accepte de les conduire jusqu’à son Seigneur. Ashild lui emboîte le pas, son coutelas à quelques centimètres de l'oreille du garçon qui gémit et vacille à chaque pas. Il tremble tellement qu'Ashild le soutient par le col de son vêtement pour l'empêcher de trébucher.
Enfin, après plusieurs escaliers et longs couloirs, le jeune homme leur désigne une lourde porte en bois sculpté, avant d'éclater en longs sanglots et de s'effondrer aux pieds de la cheffe Viking. Celle-ci le balaie du pied, puis s'avance vers la porte du Seigneur de ce château, sans lui accorder un regard de plus.
Entourée de plusieurs de ses hommes, elle atteint la porte en quelques enjambées, et la défonce à coups de hache, pénétrant une chambre belle et spacieuse, et aux fenêtres explosées. Des bris de verre devant la fenêtre forment au sol comme une plaque de verglas sur laquelle se reflète un feu de cheminée, qui vacille à leur entrée fracassante, avant de s'éteindre complètement.
L'arme levée, Ashild entra dans la vaste pièce pour se retrouver face à une jeune femme blême et vacillante, a la chevelure rouge et dont le vêtement blanc était imprégné d'une large tache rouge sombre. La vie de la jeune femme semblait s'écouler de son corps affaibli a vue d'œil. Pourtant, elle tenait à la main une épée et semblait prête à en faire usage, à compter qu'elle en soit capable. Ashild hésita un instant, les yeux plantés dans ceux de la dame face à elle. Lentement, elle abaissa son arme, mais aucunement sa vigilance.
- Ou se trouve le Seigneur de ce domaine, femme? Où est l'homme qui commande ce château? Qu'il se montre, et vienne faire face à son destin, ou qu'il choisisse de voir périr tous ses sujets un à un!
D'un signe de la main, Ashild indique a Olaf de traduire ses paroles en dialecte anglois pour la jeune femme et les autres personnes présentes dans la pièce.
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Opale Or
Jeu 28 Sep - 21:46
Annlise d'Ysthierde
J'ai 28 ans et je vis dans le château de mon père, au duché de Scarborough, en Angleterre. Dans la vie, je suis dame et chevalier et je m'en sors très bien. Sinon, je suis célibataire et pure et je ne laisserais aucun homme voler mes titres ou ma gloire. Je suis née dans la noblesse et une famille aimante, bien que ma mère soit morte en couche. Mon père aurait préféré que je sois un garçon parce qu'il n'aurait pas eu autant à s'inquiéter de ma sécurité. Mais puisque j'étais une fille, il a demandé à son maître d'arme de m'apprendre discrètement à me défendre. J'ai dépassé toutes ses attentes en devenant une bretteuse hors pair et une guerrière habile, rusée et stratège.
A mon grand malheur, mon père est tombé malade à mes 21 ans. Sur son lit de mort, il m'a fait promettre de garder son trépas secret et de prendre sa place : il m'avait formé pour cela. Avec la complicité de mon mentor, j'ai joué le jeu malgré mon chagrin. Personne n'a rien trouvé à y redire, nos gens m'ont accordé immédiatement leur confiance.
Mais bientôt la guerre a éclaté et j'ai pris les armes pour défendre la couronne, en me faisant toujours passer pour mon père. Pendant plusieurs années, j'ai mené des troupes, perdu et gagné des batailles mais surtout arraché la victoire. La paix revenue, le roi m'a fait mandée pour m'attribuer les honneurs dû à un chevalier de son royaume et j'ai été contrainte de révéler mon identité.
Le scandale s'est répandu à toute l'angleterre et on m'a vite surnommée La Dame Ecarlate. Les nobles ont crié à la trahison, ont demandé à ce que je sois exécutée pour mon crime, mais le roi m'a accordé sa grâce. Pour mes exploits et pour la paix du royaume. J'ai pu conserver mes titres, ma châtellerie et vivre en paix parmi les miens. Hélas, j'ai bien vite compris que ce n'était qu'une façade puisque les seigneurs voisins n'ont pas hésité à m'attaquer, établir des sièges et harceler mes positions. Tous ont appris à leur dépent ce qu'il en coûtait de s'en prendre à mes terres et à mes gens.
Mais j'ai payé le prix fort de leur dernier assaut...
Dans la chambre régnait une odeur âcre de plantes et de baumes médicinaux. Malgré la fenêtre ouverte aux quatre vents et l'odeur de pluie qu'elle charriait, seuls le malheur et la mort se faisaient sentir. Cette chambre avait vu mourir tous ses seigneurs et les murs semblaient en porter le souvenir, les tapis l'odeur. Annlise n'avait pas oublié : sa mère était morte dans le grand lit qui trônait derrière elle comme un tombeau, suivi depuis peu par son père. Son tour semblait venu ; cette maudite chambre serait aussi son sépulcre. De l'autre côté de la porte, les barbares frappaient le bois comme des bêtes.
Chaque coup de hache, plus puissants les uns que les autres, perçait ses tympans et faisait saigner son coeur. Comment allait-elle faire ? Comment allait-elle sauver ceux qui comptaient sur elle ? Chaque coup ébranlait un peu plus ses convictions et cherchait à la renvoyer aux portes de son rêve, dans le néant. Elle avait peur ; pas de la mort qui l'attendait sûrement, pas de la douleur qui habitait déjà son corps depuis des semaines. Elle avait peur du sort réservé à ceux qu'elle aimait et qu'elle avait juré de protéger le jour où elle avait endossé le rôle de son père. L'image du Seigneur d'Ysthierde s'imprima dans son esprit. Dans son armure qu'elle avait revêtu maintes et maintes fois, il quitta ses souvenirs pour s'approcher d'elle, image fragile et transparente, et poser ses mains sur les siennes. Elle le sentit serrer ses doigts et les replacer correctement sur la garde de son épée, lui offrant un regard fier et aimant.
"N'abandonne pas ma fille, semblait-t-il dire."
Sa chaleur s'infusa en elle, lui redonnant courage. Il avait raison. Malgré la peur, elle n'abandonnerait pas. Alors qu'elle formulait cette pensée et que le tranchant de la hache apparaissait à travers le bois fendu, elle sentit une autre présence à ses côtés. Il portait la même armure que son père mais à la manière dont elle sentit un pied frapper le sien pour qu'elle renforce sa garde, qu'elle s'ancre dans le sol pour en tirer de la puissance, elle sut qu'il s'agissait de son mentor, Erold. Son coeur se serra. S'il lui apparaissait comme un spectre, il devait être mort au combat, sa dépouille gisant dans la cour du château...
"Vous pouvez encore sauver les autres, crut-elle entendre dans un dernier instant suspendu."
La porte céda dans un craquement sinistre et des cris d'une joie sauvage. Annlise n'avait pas le temps de pleurer ses morts. Les serviteurs poussèrent des cris de terreur dans son dos et reculèrent devant le flot d'ennemis qui se déversait dans la pièce. Souillant les boiseries et les tapis de leurs bottes pleines de boue et de sang, les barbares se déployèrent autour d'une haute figure, sans doute leur chef. Le feu s'était éteint dans la cheminée, mais un brasier s'alluma dans l'âme d'Annlise, se répandit dans ses veines comme un incendie prêt à ravager le monde. L'eau de ses larmesviendrait l'éteindre, mais plus tard. Devant elle, l'ennemi. Derrière elle, des êtres chers. C'était tout ce qui comptait. Tout ce qu'elle devait savoir.
Son corps était affaibli mais sa volonté, elle, inébranlable.
Les loups étaient entrés. Ils exultaient la violence et le triomphe et sur leurs lames pleuraient le sang des siens. Annlise sentit enfler sa haine alors qu'elle observait ceux qui avaient ravagés son domaine. Des loups. Rien que des loups. Sauvages et assoiffés de sang. Ils ne tarderaient pas à flairer sa faiblesse et à vouloir la submerger mais elle ne partirait pas sans prendre quelques vies, ou toutes les leurs. Son oeil droit, celui qui n'était pas couvert par l'épais bandage barrant la moitié de son visage, embrassa la meute barbare, implacable, et chercha toutes les failles, dans les gardes et les armures, toutes les blessures et faiblesses qu'elle pourrait exploiter lorsqu'ils se jèteraient sur elle. Inutile de penser à sa mort, certaine désormais, elle préférait penser à la leur.
Maudissant silencieusement chacun des hommes armés, son regard croisa alors celui de leur chef. Le temps s'arrêta le temps d'un souffle et de la réalisation. Une femme. Le coeur d'Annlise manqua un battement. Les barbares étaient menés par une femme...
Annlise ne parvenait plus à détourner le regard du sien. Aussi froid que la glace, aussi bleu que le ciel d'hiver, perçant à travers des peintures de guerre et le sang des siens. Une cheffe de guerre. Elle semblait galvanisée par les combats, fière de sa victoire et de son statut, suivie et reconnue par les guerriers qui l'accompagnaient. Annlise n'avait jamais envisagé que les vikings pouvaient avoir des femmes à la tête de leurs raids. Elle n'avait jamais imaginé qu'une femme voudrait s'abaisser à piller d'autres territoires...
Dans son oeil d'un vert presque gris, pâle comme une forêt figée sous le givre, filtra son indignation. Elle se sentait trahie par cette femme dont la violence causait tant de peine juste sous ses fenêtres. Comment osait-elle ? Comment pouvait-elle ? N'y avait-il donc aucun honneur dans ces tribus barbares ? Alors qu'elle raffermissait sa prise sur son épée, Annlise fut surprise de voir son adversaire baissa la sienne, adoptant une attitude plus calme.
La voix aux accents rauques de la guerrière lui agressa les tympans quand elle ouvrit la bouche. Elle semblait attendre une réponse, mais Annlise ne comprit guère ce qu'elle voulait, jusqu'à ce qu'un homme, bien plus vieux et chétif à ses yeux, ne traduise ses paroles. Son anglais était approximatif, son accent aussi agréable que le grognement d'un sanglier en train de fouisser la terre. Non contents de souiller son domaine, voilà qu'ils insultaient sa langue... Annlise brûlait de haine.
Piquée au vif par les paroles de ses assaillants, elle se redressa autant que ses blessures lui permettaient et plongea son regard sur la guerrière viking, sans égard pour son traducteur.
"Le Duché de Scarborough n'a nul Seigneur. Il a une Dame. Et vous l'avez devant vous."
Sa voix claqua comme un ordre, ne trahissant nulle peur et nulle douleur. Elle s'exprimait avec calme et lenteur, son ton reflétant son courroux tout autant que l'autorité qu'elle représentait en ces lieux. Dans son dos, les jeunes gens enlacés retenaient leur souffle, fixant son dos comme si cela pouvait suffire à la rendre invincible. Derrière eux encore, baignée dans la lumière blafarde du petit jour, brillait l'armure qu'elle n'avait eu le temps d'enfiler. La chemise de mailles était à sa taille, plus étroite et légère que celle de son père et le casque qui la surmontait avait été finement ouvragé pour pouvoir accueillir une visière assez longue pour couvrir tout le visage, comme un masque d'argent. Avec une épée à la ceinture et un fourreau vide, il était facile de deviner que cet équipement lui appartenait.
"Mais vous n'avez pas attendu de me trouver pour vous en prendre aux innocents de ce château, cracha-t-elle enfin, accusatrice, en pointant son épée vers la femme à la tête des vikings."
Sa mâchoire roula sous sa joue sous l'effort que ce geste lui demandait, bien qu'elle parvint à empêcher son bras de trembler. Le sang imbiba un peu plus l'étoffe de son vêtement, elle l'ignora. Sa vie pouvait s'écouler de ses plaies, tant qu'elle avait la force de se dresser devant ses sujets, ne fut-ce qu'un page et une blanchisseuse, elle se battrait pour eux, comme elle l'avait toujours fait.