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Guerre froide coeur chaud | Hysy

Hysy
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Dim 8 Jan - 22:48
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Hanae Leroy
J'ai 26 ans et je vis au Comté de Queens, New York, US. Dans la vie, je suis Ancienne apprentie geisha, désormais femme au foyer et je m'en sors pas bien. Sinon, grâce à ma malchance, je suis mariée et je le vis plutôt pas bien.
Guerre froide coeur chaud | Hysy - Page 5 Iu-10411

Anciennement Hanae Tosuke, cadette de la famille Tosuke, une famille traditionnelle japonaise. Étant seulement la cadette, elle se dirige vers la carrière de geisha, amoureuse de la tradition de son pays. Cependant, avant la fin de sa formation, Monsieur Leroy, un magnat du pétrole, la réclama comme sa fiancée. Fétichiste des femmes japonaises, il tomba directement en admiration devant Hanae qu’il qualifie d’« incarnation de la beauté ». Au vu de la relation États-Unis – Japon à cette période, la famille Tosuke pressa le mariage pour éviter les moindres représailles -et pour négocier des avantages.
C’est ainsi qu’à 21 ans, elle se retrouva isolée et mariée de force loin de son pays natal. Et toute la richesse du monde ne suffira jamais à apaiser cette douleur.
Quelques instants après, il rentra dans notre maison, avec Henriette, l'annonçant comme invitée. La tension dans mon corps s'amenuisa tandis que je finissais de sauver le porc -la viande, mon mari n'avait pas besoin d'être sauvé.
Je la vis débarquer dans la cuisine et, pour, une fois, j'ai ressenti de la joie dans la maison. Et tandis qu'elle se saisissait de la pile d'assiette, je déposai un baiser sur sa joue avant de glousser avec elle, devant masquer le tout en quinte de toux.
"M*rde, je trouve ça encore poli, vois-tu." Avouais-je lorsque que je me calmais enfin.
Soudain, je réalisai que sur la joue de ma douce invitée trainait une trace de rouge à lèvre bordeaux - d'excellente qualité si je puis me permettre. L'envie de nous isoler dans la salle de bain, à notre habitude, pour lui enlever cette tache culpabilisatrice de façon plus ou moins culpabilisatrice, elle aussi, me saisit et je me figeai. Mon mari était là, juste à quelque mètre et je venais de souffrir de son "amour" quelques heures auparavant. Pourtant, sa présence, à elle, continuait de m'attirer, et ce, malgré les conditions.
Ne pas s'effondrer. Ne rien montrer. Ne pas alerter ni ton mari, ni Henriette. Être Normale. Sourire.
Je saisis une serviette, que j'humidifiais avant de la tendre à mon invitée, avant de lui expliquer:
" Tu as du..." je tapotai mes lèvres. "Là..." je tapotais ma joue.
Je lui souris doucement avant de servir les assiettes que je servis généreusement, sauf la mienne. Je n'oubliais pas non plus un petit dressage classy* dans l'assiette, grâce à la sauce.
" Hachimitsu*, c'est prêt !" annonçais-je.
Je fis signe à Henriette et l'emmena dans notre salle à manger, que je trouvais trop lumineuse, trop grande, trop "je sors tout droit d'un esprit d'un designer".
Mon mari arriva, bien que doute qu'il ait compris le surnom malgré le fait que ce ne soit pas la première fois que je l'utilise. Mais il ne l'admettra pas en public.
Pendant que je m'installais avec notre invitée, il allait chercher le vin -un truc d'homme selon lui, donc pas mon affaire. Il en proposa à Henriette après s'être servi, puis me servi un demi verre sans me demander, jugeant me connaitre.
Alors que le dîner se passait bien, je réalisais que je n'aurais pas dû baisser ma garde lorsque que mon mari me demanda soudainement:
"Hanae, chérie, tu m'as jamais reparlée de ton club de lecture, cela fait longtemps, non ? Je m'inquiète de te savoir si seule."
Je réussis in extremis à ne pas m'étouffer avec mon porc. Les souvenirs remontèrent. Le baiser, éclat si vif et douloureux. Ma fourchette tinta quand je la lâchai pour boire afin de me donner contenance.
"Je me suis éloignée, car je... je me suis sentie, hors sujet, disons. J'aimerais bien y retourner, vraiment, et peut-être... faire plus de hors-sujet parce que c'était important pour moi ? Mais je ne sais pas comment appréhender la chose. Je sens que c'est inapproprié.
Je risquai un regard vers la jeune femme à mes côtés. Comprendrais t-elle que je ne sais pas quoi faire de ce baiser, que je voudrais qu'on recommence, qu'on s'amuse et qu'on s'aime ? Ou c'était trop ?
Je venais de me jeter à l'eau, en codé, devant mon mari, bravo Hanae...

Ndl: classy: classieux
Hachimitsu: mon chéri
 


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Henriette Spiegelmann
J'ai 27 ans et je vis à Manhattan, New York, US. Dans la vie, je suis héritière d'une toute petite galerie d'art et je m'en sors mal, puisque je m'occupe davantage de mon look que de mes affaires. Sinon, grâce à ma liberté, je suis célibataire et je le vis plutôt dans la liberté sexuelle des 70s.

Guerre froide coeur chaud | Hysy - Page 5 4pYe
Henriette, c'est le bébé Eldorado. Le bébé des Amériques. L'unique enfant, de leur fratrie de trois, à être née sur le sol Etats-Unien.
Issue d'une famille juive Allemande, Henriette est née en 1948, soit plus de cinq ans après la fuite et l'expatriation de toute sa famille menacée par le nazisme, et alors qu'on pensait sa mère plus capable d'enfanter.
Ses parents sont aujourd'hui décédés, et s'ils ont légué les restes de leur grande maison en Forêt Noire, là-bas en Allemagne, à leurs deux fils, ils ont choisi de transmettre à leur unique fille la galerie modeste qu'ils avaient réussi à bâtir et qui les avaient nourris durant leur exil.

Mais Henriette échoue à la faire perdurer, parce qu'elle n'essaie même pas.
Et justement, elle n'essaie pas, car elle a peur d'échouer.

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Il n'y a pas à dire, Hanae est un cordon bleu. Le porc sauvé in extremis avec beaucoup de talent reste juteux sous la dent, le chou apporte une fraîcheur acidulée et les pommes de terre arrondissent le goût de l'ensemble. Rien de trop farfelus je crois, quoique quelques baies de Geneviève donnent de leur parfum anisé, et juste salé-poivré comme il se doit. Après des semaines à manger des cacahuètes et de la nourriture toute prête (si carrément pas seulement liquide), j'ai l'impression de prendre une bouffée d'air avec ce repas sain.

"C'est vraiment délicieux, dis-je d'abord à l'hôtesse.
- Oui c'est vrai ! Mais on n'est pas passé loin d'un désastre ! répond à sa place son mari dont le ton railleur ne laisse pas de place à sa voix à elle."

Après quelques bouchées supplémentaires et une verre de vin que je m'échine à ne pas boire trop vite, Monsieur Leroy finit par évoquer un sujet qu'il ne croit pas si bien inconvenir à la situation.

"Hanae, chérie, tu ne m'as jamais reparlé de ton club de lecture, cela fait longtemps, non ? Je m'inquiète de te savoir si seule."

J'ai la sensation de lui voir littéralement pousser des cornes sur la tête tellement il fait un ignare de cocu (bon, un bisou volé, peut-on parler d'adultère ? Vu l'ambiance coincée de la baraque, j'imagine que oui). Il est bien loin d'imaginer comme Hanae pourrait être entourée si elle le voulait. Tant est si bien qu'elle ne serait plus seulement entourée mais carrément collée-serrée. Je manque de m'étouffer d'un morceau de chou à l'unisson avec elle, mais sa réponse m'amène sur un terrain beaucoup plus sérieux, et nos regards s'intensifient en harmonie isolant totalement son époux - alors même qu'elle est en train de lui répondre.

"Je me suis éloignée, car je... je me suis sentie, hors sujet, disons. J'aimerais bien y retourner, vraiment, et peut-être... faire plus de hors-sujet parce que c'était important pour moi ? Mais je ne sais pas comment appréhender la chose. Je sens que c'est inapproprié."

Je souris légèrement d'un pincement de lèvre presque timide. Je suis heureuse que cette histoire lui ai plu. Je suis encore plus heureuse d'apprendre qu'elle aimerait réessayer ! Ce n'est pas tant que ça me flatte d'avoir de l'importance, mais c'est de savoir qu'elle s'amuse, de voir ce sourire qui me vrille le coeur, cette complicité doucereuse que je n'ai qu'avec elle. Avec d'autres je ne fais que rire et m'éclater, lancer des plaisanteries aussi vaseuses que bourrues, boire beaucoup, et me vautrer dans des draps pour échapper au lever du jour. Avec elle, il y a plus d'esprit, de nuance. Je dois faire attention à sa délicatesse. Oui, ça complique la vie ! Mais quelque part, elle m'enrichit ... et pas seulement avec sa broche ou l'appartement qu'elle vient de me racheter, j'entends.

Je pose mes couverts et plonge très directement les yeux dans les siens, coudes malpolis sur la table pour lui livrer toute ma concentration. Mon visage se veut rassurant, affirmé, et probablement un peu charmeur. Son mari qui m'a vue draguer tous les types de la boutique doit être loin d'imaginer que je puisse être intéressée par sa femme.

"Vous savez, Madame Leroy ..." C'est un peu suave de l'appeler ainsi, du nom de son époux, alors même que je m'apprête à l'encourager à reproduire l'adultère. "... je ne connais pas bien quelle est l'ambiance d'un club de lecture. Mais ce que je sais, c'est que la vie est trop courte pour se faire du souci avec la bienséance. Si c'est important pour vous, si ça vous plaît, vous devriez saisir votre plaisir. Je peux vous assurer que votre hors-sujet, comme vous dites, a dû beaucoup plaire à tout le groupe."

Son mari me ressert un verre, faisant tonner une voix grassement enjouée, probablement entamée par les deux rouges qu'il s'est déjà enfilé. Bon Dieu, en plus d'être un raté, il tient même pas l'alcool. Au moins, il va être moins vigilant.

"Ahh ! Cette jeune dame est de bon conseil ma chérie ! Tu devrais retourner à ce club et leur montrer de quoi tu es capable, et pronto !"

Il n'a absolument aucune raison de dire "pronto", et j'imagine que ce sont des tics de langage qu'il emprunte pour se donner une allure quand il est ivre.


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"Le plus clair de mon temps, je le passe à l'obscurcir" - Boris Vian
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Hanae Leroy
J'ai 26 ans et je vis au Comté de Queens, New York, US. Dans la vie, je suis Ancienne apprentie geisha, désormais femme au foyer et je m'en sors pas bien. Sinon, grâce à ma malchance, je suis mariée et je le vis plutôt pas bien.
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Anciennement Hanae Tosuke, cadette de la famille Tosuke, une famille traditionnelle japonaise. Étant seulement la cadette, elle se dirige vers la carrière de geisha, amoureuse de la tradition de son pays. Cependant, avant la fin de sa formation, Monsieur Leroy, un magnat du pétrole, la réclama comme sa fiancée. Fétichiste des femmes japonaises, il tomba directement en admiration devant Hanae qu’il qualifie d’« incarnation de la beauté ». Au vu de la relation États-Unis – Japon à cette période, la famille Tosuke pressa le mariage pour éviter les moindres représailles -et pour négocier des avantages.
C’est ainsi qu’à 21 ans, elle se retrouva isolée et mariée de force loin de son pays natal. Et toute la richesse du monde ne suffira jamais à apaiser cette douleur.
Le stress me vriller l'estomac, pourquoi diable avais-je fait ça ? Mon assiette demie pleine me parut soudain la chose la plus intéressante de la pièce. Ceci dit peut-être que ce n'était pas plus mal après tout: toute cette histoire me rendait malade depuis trop longtemps.
Je surpris soudain le regard profond d'Henriette fixé sur moi et un long frisson me parcourus l'échine. Mais, malgré tout, je n'ai pu détourner le regard, happé par cette tension douce et sensuelle qui se trouvait toujours entre nous.
Sa réponse m'apaisa aussitôt et un sourire étira mes lèvres. Soulagée, j'eus l'impression de pouvoir respirer à nouveau - et je n'avais pas conscience d'avoir cesser de respirer.
J'aurais aimé lui répondre et lui exprimer ma gratitude et mon soulagement, mais, mon très cher mari, m'ôta cette possibilité, l'alcool se faisant déjà sentir sur lui -et je dus lutter pour ne pas lever les yeux au ciel. Cet imbécile incapable de tenir l'alcool, venait de percer notre bulle, à Henriette et moi, et je n'avais plus de refuge. Je me renfrognai quelque peu, mais adressa un chaleureux sourire, qui je l'espère valait plus que des mots, à ma partenaire de crime.
Je ne parlai plus tellement ensuite: l'alcool rendait trop bavard mon époux et ce n'était pas avec lui que j'avais envie de discuter, déjà de manière générale, mais alors là, c'était bien pire ! Les rares mots qui sortaient de ma bouche n'étaient dus qu'à ma volonté de pas laisser Henriette face à cet homme ivre, je n'étais pas sadique, tout de même.
Mais finalement, j'ai fini par craquer. Il voulait de plus en plus faire l'intéressant et c'en était pathétique -enfin de plus en plus, disons.
"Mademoiselle Spiegelmann..." je priai pour ne pas avoir écorché son nom, mais honnêtement, la probabilité était haute au vu la consonance de ce dernier ! "Auriez-vous l'amabilité de venir m'aider à apporter le dessert ?"
Il en fallu pas plus pour réveiller mon mari, toujours en proie à la boisson:
"Oui, s'il vous plait, on a déjà frôlé la catastrophe avec la viande !"
Je ne dis rien me contentant d'emporter les assiettes vides, mais lorsque que je me trouvai dans son dos, juste visible de mon invitée, je tirai la langue sans ménagement.
Enfin dans la cuisine, je laissai tomber plus que je ne posai les assiettes dans l'évier. Un long soupire m'échappa et puis je la sentie arrivée. Nous étions seules dans cette cuisine à nouveau. Sauf que cette fois-ci, je savais où j'en étais. Je débranchai enfin mon cerveau, et laissai mes doutes de côtés pour m'élancer dans ses bras.
"Quand je pense à toi, je deviens pleinement moi. Tu as su me révéler, me sublimer, me transformer. Grâce à toi, je suis heureuse, pleinement. Merci de tout ce que tu m'apportes, merci d'être à mes côtés."
C'était la réponse que je n'avais pas pu lui dire à table, tout à l'heure, à cause de ce benêt. J'étais heureuse d'enfin pouvoir lui exprimer ma reconnaissance. Ma main vagabonda sur sa joue et le rouge montait aux miennes. Je soufflai:
"Si tu savais comme j'ai envie de t'embrasser à nouveau."
Je plaquai aussitôt ma main sur ma bouche. Bon sang Hanae, tu parles trop ! Je n'osais plus la regarder, à présent.
 


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Lun 23 Jan - 16:20
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Henriette Spiegelmann
J'ai 27 ans et je vis à Manhattan, New York, US. Dans la vie, je suis héritière d'une toute petite galerie d'art et je m'en sors mal, puisque je m'occupe davantage de mon look que de mes affaires. Sinon, grâce à ma liberté, je suis célibataire et je le vis plutôt dans la liberté sexuelle des 70s.

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Henriette, c'est le bébé Eldorado. Le bébé des Amériques. L'unique enfant, de leur fratrie de trois, à être née sur le sol Etats-Unien.
Issue d'une famille juive Allemande, Henriette est née en 1948, soit plus de cinq ans après la fuite et l'expatriation de toute sa famille menacée par le nazisme, et alors qu'on pensait sa mère plus capable d'enfanter.
Ses parents sont aujourd'hui décédés, et s'ils ont légué les restes de leur grande maison en Forêt Noire, là-bas en Allemagne, à leurs deux fils, ils ont choisi de transmettre à leur unique fille la galerie modeste qu'ils avaient réussi à bâtir et qui les avaient nourris durant leur exil.

Mais Henriette échoue à la faire perdurer, parce qu'elle n'essaie même pas.
Et justement, elle n'essaie pas, car elle a peur d'échouer.

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Sa cuisine est à l'image du standing dans lequel elle vit : meubles en formica lisse, portes oranges sur des structures en contreplaqué foncé, une crédence à petits carreaux assortis et de longues poignées en inox de la largeur des portes. Devant des éviers double vasque ronds à fond chocolat, un tapis à poils drus accueille ses chaussons roses - on ne l'imaginerait pas entrer chez elle avec ses chaussures, sans doute une inclination culturelle du genre qu'on ne défait pas. Son frigo ne fait pas un concert de vrombissements comme le mien, et son toaster rouge doit valoir à lui seul le prix de tout mon électroménager. Cet étonnant camaïeu de tons chauds, cette cuisine pile dans l'ère du temps et qui doit être plus souvent renouvelée que mon garde-manger, m'indiquent quelle pression sociale écrase Hanae - si tant est qu'elle ait son mot à dire sur la déco face à un designer probablement employé pour l'occasion. Cet endroit criard et tendance ne ressemble pas à l'intemporalité de sa douceur.

Elle paraît d'abord défaite par le comportement de son mari, j'ignore si elle en a honte ou s'il l'exècre simplement, peut-être un peu des deux, mais lorsqu'une porte est fermée entre elle et lui elle semble reprendre vie. Et justement elle élance cette vitalité entre mes bras, soudain aventureuse alors que nous entendons son mari s'affaler dans le sofa du salon pour digérer avant le sucré. C'est rare, mais elle est plus petite que moi, ça m'avait déjà surprise lors de notre danse de l'autre soir - j'y repense et quoique je maîtrise mon sang-froid tandis qu'elle s'échauffe dans mon étreinte, un picotement vient mordre mes tempes, mon estomac, et mes reins.

Les juifs sont petits comme de la vermine dit-on en Allemagne ! Et les scientifiques de rappeler que notre rachitisme éclot de la guerre et de ses privations. Et les nazis de reprendre de plus belle en questionnant - quel peuple, sinon de monstres, priverait ses enfants à ce point ? Nous n'avons jamais juste à leurs yeux. Mais Hanae est plus petite que moi et plutôt qu'à de la vermine, elle me fait penser à une pierre précieuse au contraire. Diamant poli dans un écrin qui ne laisse pas passer de lumière. Sa déclaration ne m'en dit pas autant que le frétillement de ses yeux, animés, presqu'émus dans mes bras sous la lueur chaude du plafonnier blanc. Je la laisse parler - elle en a besoin. Je ne me pose pas de question sur ce qu'elle me dit, ni sur ce que je ressens ou pourrait lui répondre.

L'embrasser. Quelle belle idée elle a eue.

Je ne me fais plus la pétillante pinup qui dévergonde, je ne me fais plus l'arrogante lionne qui provoque, je ne porte plus de rôle et je suis soudain très sérieuse. En toute simplicité, sans sourire, sans intimider non plus, je décolle sa main de sa bouche. Une main caresse sa nuque pour mieux la soutenir, l'autre l'attire par ses hanches, nos bouches s'entrouvrent suspendues. Je l'embrasse doucement, longuement, nous sommes immobiles pour un instant. Notre premier baiser elle l'a volé, sans incidence. Mais ce soir nous partageons cette étreinte.

Je la décolle doucement, terriblement brûlante. Et je retrouve de ma légèreté, lui sourit enfin, arrange ses cheveux en mordant ma lèvre. Je murmure. "Je ne resterai pas pour le dessert, mais tu es la bienvenue au ... club de lecture." Un rire ténu, nos visages toujours proches. "Quand tu veux."

Je me sépare enfin d'elle, apaise le rouge à mes joues du dos des mains, plus froides.


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Ven 27 Jan - 20:51
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Hanae Leroy
J'ai 26 ans et je vis au Comté de Queens, New York, US. Dans la vie, je suis Ancienne apprentie geisha, désormais femme au foyer et je m'en sors pas bien. Sinon, grâce à ma malchance, je suis mariée et je le vis plutôt pas bien.
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Anciennement Hanae Tosuke, cadette de la famille Tosuke, une famille traditionnelle japonaise. Étant seulement la cadette, elle se dirige vers la carrière de geisha, amoureuse de la tradition de son pays. Cependant, avant la fin de sa formation, Monsieur Leroy, un magnat du pétrole, la réclama comme sa fiancée. Fétichiste des femmes japonaises, il tomba directement en admiration devant Hanae qu’il qualifie d’« incarnation de la beauté ». Au vu de la relation États-Unis – Japon à cette période, la famille Tosuke pressa le mariage pour éviter les moindres représailles -et pour négocier des avantages.
C’est ainsi qu’à 21 ans, elle se retrouva isolée et mariée de force loin de son pays natal. Et toute la richesse du monde ne suffira jamais à apaiser cette douleur.
Le temps se mit à passer au ralenti dès l'instant où elle se saisit de ma main pour l'ôter de devant ma bouche. Mon cœur s'accéléra et mon souffle se coupa en prévision de ce qui allait se passer. Ce que j'espérais qu'il allait se passer, en fait. Je me fichais bien que mon imbécile de mari soit à côté, en fait. À cet instant, je me fichais même d'être découverte, je ne voulais que ses lèvres sur les miennes. Et c'est ce que se produisit. Notre moment. Un moment à nous et non pas un bout d'adultère volé lors d'une impulsion alcoolisé. Je laissai donc ses douces lèvres chaudes m'emporter, saisissant mes reins et le creux de mon ventre, tandis que je passais doucement une main dans ses cheveux et que l'autre était sur sa hanche, en écho à la sienne. Comme j'étais heureuse d'avoir osé lui dire ce que je ressentais. Un frisson me parcourut l'échine. J'aurais voulu que cet instant dure toujours.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Comme ce baiser. Et sa présence à notre table. Son annonce à la fin de notre échange m'avait surprise et je m'étais blottie à nouveau dans ses bras, tête dans sa poitrine pour ne pas perdre la chaleur de son être. La petite enfant qui sommeillait en moi avait envie de la retenir. De lui faire les yeux doux. De dire "reste ~" d'un ton mielleux. Mais c'était puéril et je ne m'abaisserais pas à cela. Pour toute réponse, je déposai un baiser sur sa joue cette fois et murmurai:
"Au prochain club de lecture, ma belle..."
Je la raccompagnai ensuite à l'entrée, d'où on pouvait entendre les ronflements de mon mari sur le canapé, et lui souhaita un bon retour avec un sourire qui dévoilait toutes mes dents.
Ma soirée se termina donc en solitaire, accompagnée de mochis glacée, bon vin et sublimée par une nuit seule dans un king size. Je devrais peut-être le saouler, parfois. C'était mal, mais les soirées comme celle-ci c'était royal. Grâce à Henriette, je pensais une excellente soirée et je passai également une excellente nuit. J'avais de temps en temps l'impression d'encore sentir son odeur.

Une semaine s'écoula à la vitesse de l'éclair. Mon mari avait eu la bonne idée de tomber malade -une magnifique gastro comme chaque hiver, je suis vraiment bénie avec cet homme, vraiment- et m'avait contaminée à son tour. De ce fait, je n'avais pas pu rejoindre Henriette pour faire quoi que ce soit. Ainsi, aussitôt guérie, je fonçai, prétextant avoir besoin d'un moment à moi et déclarant à mon mari qu'il ne devait pas m'attendre, car j'irai probablement au club de lecture ce soir-là. Je dus me retenir de rire en lui mentant ce jour-là. L'évocation du "club de lecture" était spécialement connoté pour moi désormais.
J'arrivais donc dans la galerie d'Henriette toute joyeuse espérant qu'elle serait là. L'odeur de l'humidité et d'une légère moisissure me saisit. Je devrais aussi la prévenir des travaux à venir, qu'elle ne soit pas prise au dépourvu par les ouvriers, la pauvre.
"Henriette !" Criais-je en montant les escaliers quatre à quatre.
Quel genre de sortie pourrions-nous bien faire aujourd'hui ? Je comptais bien l'emmener au quartier japonais un jour, mais peut-être avait-elle d'autres idées.
 


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J'ai 27 ans et je vis à Manhattan, New York, US. Dans la vie, je suis héritière d'une toute petite galerie d'art et je m'en sors mal, puisque je m'occupe davantage de mon look que de mes affaires. Sinon, grâce à ma liberté, je suis célibataire et je le vis plutôt dans la liberté sexuelle des 70s.

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Issue d'une famille juive Allemande, Henriette est née en 1948, soit plus de cinq ans après la fuite et l'expatriation de toute sa famille menacée par le nazisme, et alors qu'on pensait sa mère plus capable d'enfanter.
Ses parents sont aujourd'hui décédés, et s'ils ont légué les restes de leur grande maison en Forêt Noire, là-bas en Allemagne, à leurs deux fils, ils ont choisi de transmettre à leur unique fille la galerie modeste qu'ils avaient réussi à bâtir et qui les avaient nourris durant leur exil.

Mais Henriette échoue à la faire perdurer, parce qu'elle n'essaie même pas.
Et justement, elle n'essaie pas, car elle a peur d'échouer.

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A quoi a ressemblé la semaine passée ? Elle a globalement tourné autour de la célébration du fait que je me suis faite bénir d'un sacré sursis avant d'être contrainte à me prendre en main - sursis que je n'utiliserai pas pour me prendre en main mais pour toujours mieux me laisser couler évidemment. Je suis sortie - souvent - et j'ai bu - beaucoup - en fumant - trop - l'essentielle partie de mon temps passé éveillée. Entre-temps, je me suis lovée dans les bras d'amis ou d'aventures, non plus pour m'évader des ennuis, mais pour me vautrer dans toujours plus de béatitude. Hanae est une bénédiction.

Hanae, d'ailleurs, ne m'a pas quittée cette semaine. Si j'ai été plutôt occupée à remettre en place mes affaires (activité à laquelle je me suis esquivée un maximum, en témoignent les cartons éventrés partout dans l'appartement et entre lesquels je me déplace d'une grâce féline) et à célébrer, elle n'est jamais sortie de mon esprit. Viendra-t-elle ? Il le faut, puisqu'elle est propriétaire ici désormais. Quand ? Et à quoi tiendra notre entrevue ? Quels livres le club de lecture épluchera-t-il ?

"Henriette !"

Sa voix résonne si bien dans mes tempes que dans mon coeur. J'étais précisément en train de chercher ma tenue du jour dans un carton estampillé "Vaisselle" (puisque j'ai écris le détail de leur contenu après les avoir fermés, je les ai tout aussi chaotiquement éventrés au fur et à mesure de mes recherches). Pantalonnée mais en haut de sous-vêtements, je me réjouis sans pudeur de la voir, une poêle à frire dans une main et dans l'autre le certificat d'identification de ma première mobylette. Je laisse l'un et l'autre tomber pour la serrer dans mes bras et mon sourire.

"Eh ben, t'es là toi ! Comme tu vois, je prends soin de ton appartement, dis-je ironiquement en balayant le capharnaüm du regard."

Je retourne prestement un carton dont tombe une trombe de vêtements en boule dans les tons blancs et roses, puis trois coupettes en plastique qui nous font le luxe de ne pas se briser. Rien d'étonnant à ce que je me souvienne parfaitement où j'ai fourré de quoi boire un coup, j'ai mes priorités. Je l'interroge d'un regard enthousiasmé.

"Je te sers quelque chose ?"

Puis je réalise que pour quelqu'un de bon genre, une coupe n'est pas n'importe quel récipient.

"Alcoolisé ou non je veux dire, je n'ai plus que ces verres-là d'assez propres."

Je ne suis pas aussi affligée par le désordre qu'on pourrait le croire. Je suis même plutôt dans mon élément. Mais je conviens qu'Hanae puisse faire une rupture d'anévrisme en constatant la débauche de l'intérieur qu'elle est supposée investir à son bon vouloir.

"... Ou alors, j'essaie de retrouver le pull que je comptais mettre, et on va faire un tour."

Je lui adresse un sourire aussi rassurant que possible.


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Sam 11 Fév - 23:25
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Hanae Leroy
J'ai 26 ans et je vis au Comté de Queens, New York, US. Dans la vie, je suis Ancienne apprentie geisha, désormais femme au foyer et je m'en sors pas bien. Sinon, grâce à ma malchance, je suis mariée et je le vis plutôt pas bien.
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Anciennement Hanae Tosuke, cadette de la famille Tosuke, une famille traditionnelle japonaise. Étant seulement la cadette, elle se dirige vers la carrière de geisha, amoureuse de la tradition de son pays. Cependant, avant la fin de sa formation, Monsieur Leroy, un magnat du pétrole, la réclama comme sa fiancée. Fétichiste des femmes japonaises, il tomba directement en admiration devant Hanae qu’il qualifie d’« incarnation de la beauté ». Au vu de la relation États-Unis – Japon à cette période, la famille Tosuke pressa le mariage pour éviter les moindres représailles -et pour négocier des avantages.
C’est ainsi qu’à 21 ans, elle se retrouva isolée et mariée de force loin de son pays natal. Et toute la richesse du monde ne suffira jamais à apaiser cette douleur.
C'était un pur chaos tout autour de la jeune femme, elle se tenait là telle la reine de ce dit chaos. Je ricanai légèrement et me fis un chemin à travers tout cet amas de carton pour aller embrasser la joue de la reine improvisée et répondis à sa remarque:
"C'est Henriette qui fait du Henriette, merveilleux !"
L'étalage aurait de quoi en faire fuir plus d'un. Mais honnêtement, à force de vivre dans une maison aseptisée au possible, je trouvais tout ce fouillis vivant, respirant et rafraichissant. Je saisis ensuite le verre qu'elle me tendit en même temps que j'écoutais sa proposition. Mais j'étais plus occupée à la regarder... bon sang, ce qu'elle pouvait être jolie ! Mon sourire s'élargit :
"Enfile ton pull, bien que tu sois très jolie sans, j'ai un endroit que j'aimerais te montrer quelque chose, c'est à mon tour de te montrer mon monde !"
**

Pouvait-on considérer que le quartier japonais était "mon monde" ? J'imagine que pas vraiment. Mais je m'imaginais mal emmener Henriette à l'aéroport pour l'embarquer directement au Japon. Pas encore, du moins.
Nous voilà donc arrivée au petit quartier japonais du coin, mon petit îlot d'air factice dans ces États-Unis oppresseur, bien que même ici, on en sentait l'influence. Je saisis doucement la manche du pull d'Henriette, luttant pour ne pas prendre sa main plutôt, et l'entraina. Sans Henriette d'ailleurs, on aurait sûrement pas pu venir ici, tant je ne savais pas me servir du bus et ne comprenait pas le système. Au final, ma petite surprise avait donc été gâchée par mon incompréhension. Pourtant, je prenais le bus au Japon, je l'avais même assurée à mon accompagnatrice. Mais ici, j'étais toujours tellement perdue et c'était tellement frustrant.
Mais, nous y voilà malgré tout et l'odeur de la street food japonaise emplissait l'air et titillait mon estomac. Ce dernier grogna bruyamment et j'entrainai ma pauvre amie - amante vers un stand de ramens que je savais authentique tandis que de la musique traditionnelle berçaient mes tympans.
"Ohayo Kaname-chan, honjitsu no rāmen o futari de, dōzo !*" déclarais-je à la vieille femme remplie de savoir et tradition qui malheureusement avais dû quitter le Japon et le regrettait, comme moi.
Ravie, la vieille Kaname m'accueillit chaleureusement, et de façon un peu plus réservée, Henriette.
"Désolé," fis-je à cette dernière, "J'ai commandé pour toi mais tu DOIS absolument goûter ça, ma cuisine n'est rien à côté crois-moi..." Je la regardai dans les yeux et poursuivis. "C'est bien loin de l'ambiance de la dernière fois, mais j'espère que tu apprécieras malgré tout. Ce n'est certes pas le Japon, mais cet endroit me permet de souffler un bon coup quand j'ai besoin et..." , je baissai les yeux, "Je suis vraiment heureuse que tu sois là."
Les deux bols généreusement garnis de ramens virent ponctués ma phrase. La fumée vint me chatouiller le visage et je souris en brisant le lot de baguette en deux.
"Tu sais manger avec des baguettes, j'espère ? Quelle idiote je n'ai même pas demandé, pardon !"
Je ne savais pas à quel point les Américains étaient habitués à la culture asiatique, après tout. Aussitôt, je me mis à sa disposition pour lui apprendre si besoin.
 


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Mar 21 Fév - 17:52
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Henriette Spiegelmann
J'ai 27 ans et je vis à Manhattan, New York, US. Dans la vie, je suis héritière d'une toute petite galerie d'art et je m'en sors mal, puisque je m'occupe davantage de mon look que de mes affaires. Sinon, grâce à ma liberté, je suis célibataire et je le vis plutôt dans la liberté sexuelle des 70s.

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Henriette, c'est le bébé Eldorado. Le bébé des Amériques. L'unique enfant, de leur fratrie de trois, à être née sur le sol Etats-Unien.
Issue d'une famille juive Allemande, Henriette est née en 1948, soit plus de cinq ans après la fuite et l'expatriation de toute sa famille menacée par le nazisme, et alors qu'on pensait sa mère plus capable d'enfanter.
Ses parents sont aujourd'hui décédés, et s'ils ont légué les restes de leur grande maison en Forêt Noire, là-bas en Allemagne, à leurs deux fils, ils ont choisi de transmettre à leur unique fille la galerie modeste qu'ils avaient réussi à bâtir et qui les avaient nourris durant leur exil.

Mais Henriette échoue à la faire perdurer, parce qu'elle n'essaie même pas.
Et justement, elle n'essaie pas, car elle a peur d'échouer.

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Un jour les Japonais ont disparu. Volatilisés.
Enfin, pas tout à fait.

Il y a eu des semaines de répression camouflée, de surveillance, des listes, des perquisitions, des ventes intempestives de commerces. Aux infos, deux mots édulcorés de cette histoire : "suspectés de fricoter avec l'ennemi", "la vigilance à propos des ressortissants Japonais est nécessaire pour protéger notre pays depuis l'attaque de Pearl Harbor", "visites de contrôle". Et entre les gens : "ils ne devraient même pas avoir le droit d'être ici", "c'est dommage, ma femme de chambre était très efficace", "de toutes façons ils n'ont que l'ascension sociale dans les yeux !". La haine s'est immiscée contre ceux qui avaient bombardé les sacro-saints US. Ou plutôt, contre ceux qui leur ressemblaient de près ou de loin.

Je me rappelle comme mes parents se sont crispés ces jours-ci. D'odieux souvenirs venaient torturer leurs tempes roides. Ils craignaient qu'il n'ouvrent des camps pour les Japonais comme c'était le cas sous le IIIe Reich qui s'était installé dans le même climat. Heureusement pour mes parents et leur pauvre coeur, on n'a su que plus tard pour Hawaï.

Je ne sais pas comment les Japonais sont revenus mais ils sont réapparus au début de la scission entre les deux blocs rouge et bleu. Petit à petit, les anciens commerces pas encore investis par d'autres retrouvaient leurs vieilles mains travailleuses. Leurs enfants sont retournés à l'école. La vie a suivit son cours. J'ignore si Hanae a vécu tout ceci, si elle est du moins au courant de l'histoire de son peuple en ces terres de pseudo-libertés, alors qu'elle m'emmène dans son eldorado de mal du pays.

*

Spoiler:

Les stocks des magasins et stands de nourriture sur le pouce ont totalement peuplé le parvis du quartier Japonais, contraignant la plupart des chalands à déambuler sur la route où, de toutes manières, peu de voiture s'engouffrent. Sur les côtés des bâtisses s'amoncellent des cartons éventrés, quelques poubelles en vrac jonchent les caniveaux, des banderoles colorées saignent le ciel étendu entre les immeubles ; depuis les stands sont hélés des mots que je ne comprends pas et se mêlent dans l'air à des fumets variés de poissons, de friture et d'ail. Je suis emportée par le transport d'Hanae surexcitée d'arriver et qui s'agrippe à ma manche, mes yeux oscillent de pair avec mon sourire entre les nouveautés que je découvre. Ici, l'artisanat détaille d'un verre coloré, là quelques instruments dont je n'ai jamais entendu le son, pêle-mêle des enfants dessinent au sol à la craie. On sent la pauvreté comme dans mon quartier, mais d'une ambiance différente. J'aperçois de-ci de-là des vitres brisées sur des rayonnages serrés et abandonnés, probablement des vandales passés par là il y a des semaines, dans un commerce familial qui n'aura pas les ressources pour rouvrir.

Elle commande quelque chose à un stand dans sa langue maternelle qui transfigure totalement sa voix et lui donne les accents plus stridents d'un violon, additionnés à son enthousiasme manifeste. Pour une fois, je me contente de rester à distance pour la laisser porter notre escapade et savourer son bonheur, en attendant de déguster le bouillon fumant qui nous rejoint sur le comptoir.

"Je suis ravie d'être là Hanae, et très curieuse de goûter ce ..."

Ma tête affiche son hésitation, j'ignore comment s'appelle cette soupe de nouilles sur laquelle trônent presqu'exclusivement des aliments que je ne connais pas. J'y perçois un oeuf, du porc, quelque chose qui ressemble à des vermicelles de salade, mais j'ignore tout du reste. Elle me tend les baguettes en m'interrogeant, mon premier réflexe étant de leur rire au nez.

"Hanae je ne suis pas allée à l'école assez longtemps pour manger des trucs qui glissent avec ça !" Puis considérant avec légèreté espiègle le bol. "A la rigueur, je peux tenter d'engloutir le tout ..." Et puis plus charmeuse, je pose mes mains dans les siennes. "... ou bien tu me guide, pour le début."


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Hanae Leroy
J'ai 26 ans et je vis au Comté de Queens, New York, US. Dans la vie, je suis Ancienne apprentie geisha, désormais femme au foyer et je m'en sors pas bien. Sinon, grâce à ma malchance, je suis mariée et je le vis plutôt pas bien.
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Anciennement Hanae Tosuke, cadette de la famille Tosuke, une famille traditionnelle japonaise. Étant seulement la cadette, elle se dirige vers la carrière de geisha, amoureuse de la tradition de son pays. Cependant, avant la fin de sa formation, Monsieur Leroy, un magnat du pétrole, la réclama comme sa fiancée. Fétichiste des femmes japonaises, il tomba directement en admiration devant Hanae qu’il qualifie d’« incarnation de la beauté ». Au vu de la relation États-Unis – Japon à cette période, la famille Tosuke pressa le mariage pour éviter les moindres représailles -et pour négocier des avantages.
C’est ainsi qu’à 21 ans, elle se retrouva isolée et mariée de force loin de son pays natal. Et toute la richesse du monde ne suffira jamais à apaiser cette douleur.

 
La propriétaire de la boutique nous tourna le dos aussitôt servi. Nul doute que cela avait à voir avec la nationalité de celle qui m'accompagnait. Les gens, comme cet endroit, avaient été marqués par la violence des États-Unis à leur égard durant la guerre pas si lointain. Je ne pouvais pas en vouloir à Kaname-chan. D'autant plus que la pauvre ainée avait le visage marqué de ceux qui avaient trop vu et vécu. Je n'avais pas la prétention d'avoir tant souffert, mais, je comprenais. S'il n'y avait pas eu la peur liée à cette guerre, jamais, je n'aurais fini marier à ce stupide américain. Mes parents avaient pensé me protéger des conséquences qu'ils craignaient encore de ce stupide assaut qui a secoué l'égo d'un pays qui se croyait intouchable. Cependant, je n'avais pas l'impression que l'on m'avait protégé ou rendu service, bien au contraire.
Au dehors, les cris d'amusements des enfants jouant à la marelle me ramenèrent à la réalité et je me rapprochai d'Henriette, faisant glisser le plus délicatement possible mon tabouret près du sien. Ma main se posa sur la sienne, enfin socialement permise.
"Mais c'est pourtant si simple, qu'est-ce qu'on vous apprend dans ce pays, enfin ?" La taquinais-je en lui lançant un regard amusé. "C'est un bol de rāmen. Celui-ci est au porc, mais, crois-moi, il y a tout un tas de variété !"
Je m'affairai ensuite à lui apprendre à tenir une paire de baguette. Nos mains se croisaient dans une danse douce et délicate, tandis que je m'improvisai professeur. Un léger instinct maternel m'anima tandis que je répétais ce que ma mère avait fait pour m'apprendre autrefois.
Lorsque finalement Henriette réussit à tenir sa baguette, je n'avais pu retenir un léger applaudissement et la vielle kaname-chan me regarda de travers. Je m'excusai aussitôt avec une légère courbette puis me tourna de nouveau vers celle qui m'apportait autant de joie:
"Voilà ! Plus qu'à manger ! Anata ni yoi shokuyoku ! ... enfin, bon appétit quoi !"
Après m'être assurée que mon invitée arrivait bien à manger correctement -et m'être amusée de ces quelques tentatives ratées, comme se le devait une bonne amie - je mangeai à mon tour. Fermant les yeux sans m'en rendre compte. L'espace d'un instant, grâce à ces saveurs et l'ambiance dans la rue, je me sentis de nouveau chez moi. De plus, ici, je me sentais totalement libre: pas d'étiquette ou de bonnes manières étouffante, surtout que manger bruyamment était signe que l'on appréciait son repas - dans une certaine mesure bien sûr !
"Alooors ? qu'est-ce que t'en penses hein ?" Lâchais-je avant de boire le bouillon, le bol déjà vide du reste.
Alors que j'attendais avec impatience sa réponse, un étrange spectacle m'attendris: un petit garçon était en train de mettre un pansement sur une fissure zébrant le mauvais bitume du quartier. J'alertai aussitôt Henriette sur ce geste qui me faisait monter les larmes aux yeux et lui susurrai:
"Tu es comme ce pansement que pose ce petit garçon pour moi: attendrissante, altruiste, et tu donnes l'espoir d'un futur meilleur..."


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J'ai 27 ans et je vis à Manhattan, New York, US. Dans la vie, je suis héritière d'une toute petite galerie d'art et je m'en sors mal, puisque je m'occupe davantage de mon look que de mes affaires. Sinon, grâce à ma liberté, je suis célibataire et je le vis plutôt dans la liberté sexuelle des 70s.

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Issue d'une famille juive Allemande, Henriette est née en 1948, soit plus de cinq ans après la fuite et l'expatriation de toute sa famille menacée par le nazisme, et alors qu'on pensait sa mère plus capable d'enfanter.
Ses parents sont aujourd'hui décédés, et s'ils ont légué les restes de leur grande maison en Forêt Noire, là-bas en Allemagne, à leurs deux fils, ils ont choisi de transmettre à leur unique fille la galerie modeste qu'ils avaient réussi à bâtir et qui les avaient nourris durant leur exil.

Mais Henriette échoue à la faire perdurer, parce qu'elle n'essaie même pas.
Et justement, elle n'essaie pas, car elle a peur d'échouer.

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Il est proprement inconfortable de manger des nouilles glissantes et pleines de bouillon avec des baguettes, et si je dois être tout à fait honnête, le cours d'Hanae ne me rend pas tant attentive à ces instruments qu'à ses doigts fins courant sur les miens. La lumière concentrée de son visage, tout son être tourné à nous engloutir dans les exhalaisons de sa culture, sa voix qui soudain fulgure et ses façons plus exubérantes me la dévoilent sous un autre jour. Hanae serait comme cette femme-ci qui tour à tour se rit ou applaudit mes essais si elle n'avait pas été mariée. Après des années de remontrances parentales où on m'accusait de ne rien faire pour mener une vie décente et ainsi trouver un bon mari pour faire de ronds petits-enfants, je constate toujours davantage que la vie d'une femme seule n'est pas moins facile que celle d'une épouse, tout en restant plus libre.

S'il y en a une qui ne partage pas l'enthousiasme d'Hanae pour ma présence ici, c'est la tenancière du comptoir ! Et me voilà comme les Japonais le sont partout ici depuis la Seconde Guerre : une intruse dont on se méfie. Comment leur en vouloir de nous détester ? Son plat du moins a de quoi enchanter les papilles lorsque le ravissement des nouilles vient faire frémir l'estomac, et apparemment, elle n'a prévu de m'empoisonner qu'avec son regard, aussi me régalé-je aux côtés de ma dulcinée, plus fastidieusement et lentement qu'elle, néanmoins.

"Aloooooors ? Qu'est-ce que t'en penses, hein ?"

Cette diction lui ressemble assez peu et cette ébullition nouvelle me la rend, si c'était possible, encore plus désirable. Je souris, le comptoir autour de mon bol moucheté de tâches de soupe giclant à chaque morceau de porc qui échappe à la poigne de mes baguettes. Pas de fourchette, ici, il faut faire avec.

"C'est vraiment très bon, témoigné-je d'un sourire crispé de concentration."

*

Les sentiments ne sont pas mon fort. Demandez-moi d'enterrer un ex étouffant, de vous aider à boire vos misères, d'aller pousser une gueulante chez votre patron, je suis votre femme. Dire à quelqu'un que je l'aime, l'embrasser et le faire grimper au septième ciel ? Pas de souci non plus. Mais verser dans le sentimentalisme, ça, ce n'est pas mon domaine de compétences. Aussi lorsqu'à la fin du repas Hanae sensiblement me pointe du doigt un enfant pansant le macadam, et me noyant de compliments pieux, je suis quelque peu désemparée. Force est de constater qu'elle est touchante et sensible à souhait, et évidemment je suis ravie d'être une bouffée d'air dans sa vie, mais je ne parviens qu'à mettre ça sur le compte du fait que je suis probablement sa première amie - qui plus est une qu'elle aura embrassée. Je glisse une mèche de cheveux derrière son oreille alors que ses yeux mouillants d'émotion pour ce petit garçon se lèvent vers moi. J'ai le ton et la posture d'une tutrice.

"Hanae, es-tu sûre de vouloir tromper ton mari ?"


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