Un râle puissant vint tirer la demoiselle blonde de son sommeil sans rêve. Elle dormait depuis plus de huit heures et pourtant, le réveil n'avait pas sonné assez fort. La preuve était que la sonnerie était bien là et Judith avait dû l'oublier ou ne pas y prêter plus attention que cela. Elle replaça une mèche de cheveux avant de regarder l'heure affichée au cadran du réveil. Soudain, elle bondit pour se précipiter dans la douche de sa petite chambre étudiante. Elle était dans une résidence comme tous les autres élèves et elle n'était pas du tout en avance pour son premier cours de la journée, elle allait même être sacrément en retard. Elle se dépêcha de prendre sa douche, se brosser les dents et reprendre sa coiffure approximative. Avec tous ces frisottis elle décida de donner un grand coup de brosse avant de choisir à toute vitesse sa tenue. Foutue pour foutue, autant juste avoir l'air suffisamment présentable pour aller en cours. Après... elle espérait passer inaperçue. Ironique bien sûr quand on sait qu'elle était l'héritière du trône, la cadette de la famille royale. Une place qui lui conférait le droit de faire sa discrète - deux garçons la précédaient - mais qui ne lui offrait pourtant pas la liberté ultime. Elle choisit un jean et un pull assez ample et se hâta de sortir de sa chambre. Elle descendit à toute allure les escaliers, surprenant les élèves en sens inverse. Elle marmonna des "désolé" avant d'arriver à l'extérieur. Elle n'avait qu'une route à traverser.

Elle prit le chemin en direction des salles de cours et descendit du trottoir pour aller de l'autre côté quand soudain... Une voiture à vive allure arriva droit sur elle comme pour la percuter volontairement. Une fraction de seconde, elle tourna la tête comme pour assister, impuissante à un destin funeste... Elle ferma les yeux pour ne pas sentir le choc plus que cela et sentit soudainement une personne sur elle. Elle avait retenu sa respiration, tout s'était passé en quelques secondes... Elle ouvrit les yeux et aperçut un jeune homme au dessus d'elle. Au moment même où elle croisa son regard, son souffle fût coupé et elle perdit la notion de l'espace temps, de la gravité elle-même. Que lui arrivait t-elle ? Il était beau certes mais elle en avait vu des beaux gosses. Stupéfaite, elle restait interdite, muette alors que ses yeux le contemplaient comme une fillette. Qu'allait t-il penser d'elle ?
" Que... que s'est il passé?" jugea t-elle bon de demander.

Marcus Wyatt était désespéré. Son père lui envoya pour la cent quatrième fois des informations pour faire attention. Ses parents, en tant que dirigeants du groupe pour l’indépendance des îles d’Elkeek, qui sont pour le moment gouverné par une royauté stupide, cupide et considérant les habitants des îles comme une sous-race de loup, avaient peur pour leur fils unique. Après tout, quel meilleur moyen de faire taire la famille Wyatt que de faire en sorte qu’ils soient en deuil ? Marcus avait été envoyé dans l’école de l’élite, normalement protégé par le gouvernement… Le même gouvernement qui voulait, donc, faire taire ses parents. Il était logique qu’ils ne soient pas à l’aise avec l’idée. Marcus, lui non plus, n’était pas à l’aise. Il préfèrerait retourner dans les îles pour aider les habitants à survivre au froid. Il rangea son téléphone en pestant. Il se sentait mal ici, au milieu de la royauté et de la noblesse d’Everdale. Il se sentait mal à l’aise et avait l’impression que c’était écrit sur son visage… Les loups n’étaient pas prêts à laisser la monarchie… Ses parents voulaient l’indépendance de leurs îles pour en mettre de la démocratie, puis à terme, le faire au monde entier… Il pensait à cela… Mais alors qu’il traversa la rue pour se rendre à son cours, trainant des pieds pour ne pas y aller trop vite… un bruit lui fit relever la tête.

Une voiture, le genre de grosse voiture qui ne pardonnerait pas s’il loupait un passage piéton, était en train de foncer vers une jeune femme. Marcus n’avait jamais été le genre de personne à attendre  pour agir. Son corps fonctionnait très bien et bougeait trop rapidement pour lui. Il n’attendit donc pas, il lâcha son sac, qu’il laissa choir sur le côté avant de sauter directement sur une autre voiture garé pour chopper la blonde prise pour cible. Il fit une roulade avec elle pour éviter la collision, il la protégea de son corps. La voiture continua son chemin et Marcus tient la blonde jusqu’à ce que le véhicule disparaisse… Merde. Il tremblait malgré lui.

Est-ce qu’il venait d’assister à une tentative d’assassinat à l’instant ? Il se recule pour vérifier que la jeune femme allait bien. Il plante son regard dans le sien et il se bloque. La princesse. Il était en train de tenir la princesse entre ses bras. Il était sûr elle. La princesse qui était la fille du couple royal qui refusait l’indépendance de ses îles. Qui les laissait mourir. La princesse… Qui était magnifique au point que son cœur se mit à battre la chamade. Il la tenait dans les bras avant de voir des personnes approchés. Merde. Il devait la lâcher, mais il n’arrivait pas détacher son regard d’elle. Il déglutit difficilement. Il fallait se relever. Il l’aida à s’asseoir et en fit de même. Il se renfrogne quand elle parle. Non. C’était la princesse. Elle n’avait pas le droit d’avoir une voix pareille. Encore moins quand ça lui donnait envie de s’approcher et de la prendre dans ses bras. Il se relève et lui tend la main avant de se disputer mentalement.

- On vient d’essayer de vous tuer, princesse, cracha-t-il le dernier mot malgré lui avant que trois personnes viennent.
- Reculez-vous de la princesse, ordonna l’homme clairement intimidant.

Marcus fit une grimace de haine mais il fit ce qu’on lui demandait. Il était plus dominant que le garde, mais ne pouvait pas le montrer. Et bien sûr… Si la princesse avait couru un risque de mort, qu’importe qu’il venait d’essayer de la sauver, il allait être considéré comme coupable. Il retomba dans le regard de la jeune femme et son corps entier se tendit. Il avait l’impression qu’il était en train de souffrir de ne pas être proche d’elle. Même sa part loup était en train de s’énerver. Personne n’avait le droit de la protéger de lui. C’était lui qui devait la protéger des autres. Et cette idée le faisait pester.

- Je suis Marcus Wyatt, expliqua-t-il à la princesse en lui faisant un sourire désolé, malgré lui…

Parce qu’on le prenait pour le coupable mais il n’avait rien fait. Au contraire, il venait de lui sauver la vie… mais qu’importe, elle ne pourrait pas le croire. Les extrémistes pour la démocratie existent… mais ce n’était pas des personnes mandaté par ses parents. Au contraire. La famille Wyatt condamnait les actions terroristes… mais personne ne les croyait jamais. Il observa la jeune femme, ouvrit la bouche pour parler avant de s’arrêter, happé à nouveau par son regard.

- Avez-vous besoin d’une escorte pour aller en cours ? demanda-t-il avant que son cerveau pense à tourner 254 sa langue dans sa bouche pour se faire taire.

254 étant le nombre de personne qui étaient mortes, lors de la dernière épidémie dans les îles, sans qu'aucune royauté ne lève le petit doigt. D'ailleurs, dans les livres d'Histoire, on ne parle jamais de ces îles prisons. La royauté faisait en sorte d’envoyer les familles qui voulaient une démocratie dans les îles d’Elkeek. Et ces familles avaient survécus, prospérés et ils étaient prêts pour devenir indépendant et aider le monde à se libérer de tous les rois et reines de ce monde souillé…. Alors pourquoi protéger la princesse ? Il était stupide ou quoi ?

C'était tout bonnement inconcevable. En une fraction de seconde, la princesse eût le temps de regarder sa vie défiler et surtout de connaître un énorme bond dans sa poitrine ou plutôt dans son coeur. Elle crût instantanément à une réaction chimique à sa crise de panique. Après tout on venait quand même d'essayer de la tuer? Mais en y regardant davantage elle observa à nouveau son sauveur. Ce brun ténébreux qui la regardait comme pour s'assurer qu'elle allait bien... Elle en était envoûtée par enchantement, quelle était donc cette farce dont elle était totalement étrangère ? Comment pouvait t-elle être assujettie à ses mimiques, ses paroles alors qu'elle ne le connaissait même pas ? Il lui dit son nom et elle ne peut que se le répéter intérieurement. Elle veut savoir d'où il vient ce qu'il fait mais elle se doute bien qu'il la connaît déjà, lui. Il sait sûrement qu'elle est la princesse et qu'elle peut être intouchable.

Lorsqu'il lui demande si elle a besoin d'une escorte elle sourit comme pour plonger à nouveau son regard dans le sien : c'est à la fois intense et apaisant alors même qu'elle ne peut l'expliquer. "Je... je veux bien si cela ne vous embête pas même si... vous avez peut être mieux à faire..." .Elle se sent bête, interdite de jouer de sa position pour demander une telle faveur. Elle espère qu'il apprécie sa compagnie autant qu'elle de la sienne. Le cas échéant elle lui rendra sa liberté.

"C'est la première fois qu'on se croise non? Je crois d'ailleurs que je vous dois un service maintenant." . Elle se sent tellement chanceuse de l'avoir rencontré et qu'il l'ait sauvé qu'elle ne peut s'empêcher d'avoir un rôle digne et surtout de répondre aux attentes de la Couronne et de toute personne qui serait à son rang.
"Demandez moi ce qu'il vous plaira." lui dit-elle alors même qu'elle ne sait pas dans quel camp il est véritablement.

Il y a des choses qui doivent être interdit. Par exemple, lorsqu’on apprend que la femme de sa vie est la princesse ennemie de sa famille, il est interdit que cette dites femme souris. Elle n’a pas le droit de lui montrer ses dents blanches et ses lèvres roses incurvaient dans une mimique si adorable. Elle n’a pas le droit de parler, non plus… ou simplement de sentir aussi bon. Il se renfrogne, mécontent de devoir être lier à cette femme, alors qu’une partie de son esprit sait déjà qu’il serait heureux tant qu’elle continuera de respirer dans le même monde que lui. La tuile.

- Je n’ai pas mieux à faire, qu’il répond tout de suite avant de faire une grimace. Enfin sauf les cours mais je me pardonnerais une absence pour la bonne cause.

Il ne pourrait pas la fermer non ? Il ne peut pas se rapprocher de la princesse. Les loups gardes du corps, qui ne servent à rien hein, se sont reculés une fois la menace écartée. Il est clair qu’il n’y a pas le moindre aspect de son attitude qui fait penser à une attaque ou une menace. Au contraire, il est très clairement dans une position de protection vis-à-vis d’elle. La tuile, deuxième édition. Il déglutit difficilement quand elle reprend la parole. La première fois ? Lui, il l’a déjà vue des millions de fois. Elle est la putain de princesse du monde soumis. Il est le fils des rebelles du monde libéré… rien que ça, ils ne devraient même pas se parler et être dans le même espace. Pourquoi est-il venu ici dans cette école déjà ? La tuile.

- Je… Je vous ai déjà vue. Vous êtes… enfin, la princesse. Et vous ne me devez rien. Je ne vous ai pas sauvé pour cela, je l’aurais fais pour n’importe qui. C’était… l’instinct.

Il l’aurait fait pour elle, mais pour un garçon aussi, pour un homme très vieux ou une femme très belle. Il a l’instinct d’un protecteur. Sa famille lui dit souvent que son âme est celui d’un leader qui reste au fond des tranchés pour pouvoir protéger ses coéquipiers. Il l’est. Quand elle propose ce qu’il veut, sa langue, encore une fois plus rapide que son esprit, choisi tout de suite.

- Un baiser.

Il rougit fortement et essaie de voir si les gardes du corps n’allaient pas le plaquer au sol pour insolence. Il parlait bien évidement d’un baiser sur les lèvres, avec la langue et plus si affinité, mais son côté gentleman, qu’il possède tout de même même si moins noble de sang que de cœur, lui fit toucher sa joue. Il tendit son visage pour avoir un bisou sur la joue. Mieux que de demander à lui faire l’amour. Et il se jure que cette proposition ne sortira jamais de ses lèvres.

Soudain, tout devient clair pour la jeune blonde. Cette sensation n'est pas seulement la manifestation de son angoisse mais quelque chose de plus profond. Elle ne pense plus à manger, à s'abreuver ou même à dormir : elle pense à lui. Sa seule présence suffit à l'apaiser et s'il vient à s'éloigner, elle désespère. Non, ce n'est pas possible. Elle tourne la situation dans tous les sens et pourtant, l'évidence s'illumine : elle s'est imprégnée de cet inconnu de qui elle ne sait rien, ni même son nom. Elle se tape le front avec la paume de sa main : ce n'est pas un comportement de princesse mais elle n'y pense guère à cet instant. Elle qui avait imaginé ce moment si important de sa vie, voilà qu'il arrivait maintenant alors qu'elle ne s'y attendait absolument pas.

Lui évidemment l'a déjà vu. Le visage de la jeune femme est visible partout sur l'île et encore plus dans le paysage politique. Elle se demande si elle aurait pu l'observer et l'oublier... Rapidement cette théorie est impossible : elle se serait imprégnée plus tôt. Elle se demande si lui est imprégné aussi... est-ce vraiment réciproque ? Elle est déjà touchée qu'il soit si courtois envers elle et surtout qu'il reste avec elle à cet instant précis.


Elle croit déceler rapidement l'instinct protecteur qui le caractérise. Non seulement il le dit mais son attitude traduit d'ores et déjà qu'il pourrait sauver la vie de n'importe qui. Son langage non verbal est aussi là pour montrer qu'il est un homme bien. L'envie de le connaître, ses origines et son passé lui trottent dans la tête. Elle sait une chose cependant : il ne doit pas être noble car elle ne l'a jamais vu dans les soirées mondaines. Qu'importe sa provenance, elle sait que c'est lui qu'elle a choisi inconsciemment. C'est la seule chose qui compte.


Interloquée lorsqu'il lui demande un baiser, elle rougit à son tour. Elle s'attendait à tout sauf à cette proposition... même si il est bel homme. Elle n'a jamais embrassé quelqu'un, est-ce qu'elle ne serait pas une gourde ? Sans même avoir le temps de répondre, un des gardes attrape le jeune homme pour le clouer au sol. Un autre le toise du regard, l'air condescendant. "Tu es sûr que tu tiens à la vie? Dis nous plutôt qui tu es, insolent." . La princesse s'adresse directement à eux avant que les choses dégénèrent. "Lâchez le, il est mon sauveur après tout. C'est un ordre... même si je veux connaître votre prénom. Je suis certaine qu'il est aussi beau que votre visage.".

Elle attend que les gardes s'exécutent pour se rapprocher de lui. Elle plonge son regard dans le sien, inspire profondément et lui dépose un baiser délicat sur ses lèvres. Elle est timide, n'ose pas se montrer entreprenante. Elle baisse la tête, se recule et lui demande. "Ce n'est pas trop décevant ? Vous devez avoir bon nombre de prétendantes qui rêveraient d'être à ma place...". Elle est jalouse de ces inconnues qu'elle ne connaît même pas. Maintenant qu'elle l'a rencontré, elle veut le garder pour elle.

Imprégnation ou pas, elle reste la putain de princesse du monde soumis, se répète-t-il alors qu’une partie bien plus violente que lui rappelle qu’on ne traite pas sa destinée de putain. Il a envie de partir de cette île soit disant qui le protège pour retourner auprès de ses parents. Il veut se battre pour la liberté, pas pour rester en vie alors qu’il s’imprègne de la seule personne dans toute cette foutue planète dont il ne devrait pas. La princesse. Rien. Que. Ça. Il n’est pas béni par les anges, il est maudit. L’univers à décider de choisir la pire moitié d’âme pour lui et lui offrir comme si c’était un cadeau. Il a un mouvement vers son visage. Il a envie de l’embrasser et c’est pour ça qu’il dit toutes ses conneries. Son cerveau a finit par perdre tous ses fusibles en explosant. Bah ouais. Logique. Il veut embrasser la princesse qui semble avoir des lèvres si douces qu’il en rêverait encore en prison pour stupidité chronique ! Voilà, bis, pourquoi il propose un baiser. Il a envie qu’elle l’embrasse pour se dédouaner de la responsabilité.

Il se fait plaquer au sol. Bah oui, pour sauver la princesse d’un accident y a personne, mais pour sauver la princesse d’un bisou, y a du monde. Marcus trouve cela un peu hypocrite mais il ne dit rien de plus. Il attend qu’on le lâche pour pouvoir déboiter la mâchoire d’une ou deux personnes… sauf que la princesse est là, et elle le complimente. Il sourit. Ses dents parfaites apparaissent à la vision de tout le monde. Il est un enfant des îles d'Elkeek. Les îles des prisonniers politiques et des forbans. On pourrait croire qu’il a une mauvaise hygiène. Mais non. La vie sur l’île est simple mais juste et tout le monde a appris à faire parti de la société. Il va pour lui répondre mais elle s’approche.

Et tout se bloque dans son esprit. Elle pose ses lèvres sur les siens, douce caresse telle les pattes d’un papillon. Il a envie de l’embrasser avec plus de fougue… mais pour ça il devra attendre qu’ils soient seuls au détour d’un couloir. Il peut le faire. Il en a besoin.

- Ce n’est pas décevant, mais à peine suffisant, souffle-t-il si bas que seulement la jeune femme peut l’entendre, et voir la lueur de l’intérêt au fond de ses prunelles. Puis, il se redresse, je n’ai pas de prétendante, encore moins ici. Ne puis-je pas profiter de votre ignorance encore quelques instants ? Vos gorilles vous diront qui je suis bien assez tôt pour me retirer à vous. En attendant, profitons de calmer vos nerfs avec une glace. Au diable les cours, je n’aurais que peu de temps à passer avec une personne de votre rang.

Il lui prend la main, comme s’il en a le droit. Il laisse un regard vers les gorilles qui s’approche et remonte les doigts de la princesse à ses lèvres avant de la faire marcher avec lui. Main dans la main. S’ils vont à l’école, elle saura qui il est. S’il reste sans bouger, quelqu’un finira par demander à d’autres de faire des recherches. Il veut profiter d’elle. Il arrive devant le glacier ouvert et la laisse commander.

- Je vous l’ai dis, princesse, je m’appelle Marcus Wyatt, mais si vous ne connaissez pas, ni de visage ni de nom, ou que vous ne me reconnaissez pas, cela m’arrange. Je peux ainsi abuser de votre compagnie avant que vous n’essayez de ma manger.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, elle venait de vivre son imprégnation en direct avec quelqu'un dont elle ne savait que le nom et qui plus est ne serait pas forcément pour rencontrer ses parents de suite. Pourtant, c'était la tradition dans la famille royale et elle le savait. Elle se doutait qu'il n'y aurait aucun retour en arrière au moment même où elle dirait le nom de celui qui venait d'attraper son coeur pour ne plus le lâcher. A présent, quoiqu'elle décide, son destin était lié à ce parfait inconnu qu'elle trouvait si beau qu'elle pourrait perdre la tête. Ce n'était pas convenable pour quelqu'un de son rang mais elle s'en fichait. Cette sensation était tant belle que puissante et elle voulait la conserver le plus longtemps possible. Elle ne sait pas si c'est un effet secondaire de cette imprégnation mais elle ressent immédiatement le besoin d'être près de lui, pourquoi pas lui voler un baiser. Elle perd vraiment les pédales! Elle ne sait pas si toutes les filles réagissent comme cela pour leur premier baiser : bon en même temps elle n'a jamais demandé à ses dames de compagnie ni à ses amies! C'est peut être le moment.

Elle sait qu'elle doit pourtant se lancer sans parachute et sans conseil au préalable. Elle le fait selon ce qu'elle imagine, selon ce qu'elle aimerait.
De ce qu'elle aperçoit, il a l'air d'apprécier ce qui amène à la détendre légèrement. Elle sait qu'elle pourrait recommencer tant la joie intérieure s'est emparée d'elle telle une romantique des films de Noël. Cela pourrait en être presque pathétique. Après tout être fille unique n'amenait t-il pas irrémédiablement au fait de croire au prince charmant?

Lorsqu'il s'adresse à elle, plus rien ne compte à cet instant. Elle ne pense plus à sa condition, à son devoir, aux cours et à la situation politique qui ne fera que s'aggraver. Elle ne pense plus aux responsabilités et à ce que cet échange pourrait lui porter comme préjudice. Elle sait juste qu'elle est heureuse de voir son regard, de voir comme elle se sent belle quand il lui parle et qu'il la complimente. Faire l'école buissonnière n'a jamais été si tentant... On pourra le lui reprocher mais jamais la punir trop sévèrement alors... ne serait t-il pas temps de faire comment elle l'entend? Prendre cette indépendance dont elle rêve depuis si longtemps?

Il est si gentleman lorsqu'il lui prend la main qu'elle lance un signe de la main à ses gardes du corps pour les dissuader d'intervenir. Elle se sent en sécurité avec Marcus et plus que cela, elle veut en apprendre davantage sur lui. Elle ne sait pas si l'avenir leur accordera une nouvelle session de discussion et de découverte de si tôt.
Elle commande au glacier deux boules avec une noix de coco et une pistache. Elle a hâte de voir ce qu'il choisira. Elle entend à nouveau son nom mais malheureusement elle n'est pas mieux avancée : il ne lui rappelle rien. Etait t-elle maudite à ne pas pouvoir se souvenir de tous les noms de ce royaume ? Décidément elle n'était pas prête à devenir reine demain.

Elle emprunte une mine déçue, un regard attendrissant (comme celui pour amadouer son père lorsqu'il est en colère).
- Ne pensez vous pas que je pourrai savoir plus de vous, de votre enfance? Vous semblez si prévenant, si confiant que je voudrai adresser mes félicitations à ceux qui vous ont élevé. Vous incarnez la liberté que beaucoup ont besoin...

Elle se retient d'en dire plus, consciente qu'elle dépasse les convenances, une fois de plus.

- Pardonnez moi, je me permets tant de familiarité avec vous c'est que... je sens quelque chose entre nous, est-ce réel, est-ce que vous aussi vous perdez la tête?

Peut être est-ce de la folie, de la rêverie ? Elle pourrait déchanter à tout moment mais là elle a juste besoin de savoir si ce moment compte autant pour elle que pour lui.

Il la regarde commander une glace. Le glacier de Lennox Street, un vieux papier qui avait été exilé pour avoir osé défier l’autorité en précisant à un noble que sa fille était une sale emmerdeuse qui n’avait pas d’éducation, -aussi mettait-elle ses doigts boudinés dans sa glace-, leur avait fait découvrir la joie de cette gâterie. Les glaces disaient parfois plus sur une personne qu’une discussion avec cette dernière. Il y a ceux qui prenaient la simplicité, sans chercher la fantaisie. Ceux qui préfère la stabilité, ou au contraire, ceux qui cherchent à tout prix à se faire remarquer. Lui, il prit donc deux boules aussi mais un goût « carnaval » et l’autre à la « barbe à maman ». Il ne sait pas du tout ce que ça pourra être, mais il s’en fiche totalement. La princesse, elle, joue la sécurité et cela le fait rire. S’il l’embrasse à nouveau, peut-être pourra-t-elle apprécier le sucre chimique qu’il sent sur sa langue. Quand il la regarde lécher sa boule de glace, il se sent étrange. Il a envie de l’embrasser mais il préfère trouver un coin, un banc au loin qui pouvait prendre l’auguste fessier princier de la jeune femme… Mince. Il se pose et soupire. Il n’a pas envie tout de suite de casser la boule de protection autour d’eux. Quand elle serait qui il est, d’où il vient et qui sont ses parents, elle le quitterait sans un regard en arrière.

- Je suis étudiant, en chimie. Quand j’étais petit j’avais un voisin qui était un peu fou. Il arrivait à faire tout et n’importe quoi avec… et bien tout et n’importe quoi. Un peu comme un super cerveau. Il m’a appris plein de choses et j’ai appris de lui.

Bon, elle évite de préciser que c’était un ancien terroriste qui a fait en sorte de créer une maladie chimique. Cette maladie n’a tué personne, elle servait juste à avoir la chiasse pour se venger des grands de ce monde. Mais apparemment, les nobles acceptent de dire de la merde mais pas de l’avoir au cul. C’est une autre histoire.

- J’incarne la liberté, répéte-t-il un peu gêné, pas réellement. Mes parents seront ravis que je donne cette impression à la princesse, mais je doute qu’on vous laisse aller les voir.

Nope. Même si beaucoup, une graaaaande majorité des gens dans l’île ne lui feront pas de mal… il reste toujours des gens plus mauvais que d’autres. Tous les opposants à la royauté sont envoyés là bas… Qu’ils soufflent les bougies pour faire avoir les pieds froids aux monarques ou qu’ils essaient de les décapiter… Il lui prend la main et la presse doucement. Il réfléchit.

- Je crois que c’est réel… mais ça fait peur. J’ai peur. Imaginez… Vous ne pouvez pas imaginer, vous ne savez pas qui je suis… mais… Si c’est réel, princesse, ce que j’ai l’impression que nous venons de vivre… alors le monde ne s’en remettra jamais, et vous non plus.