Tu relis l’annonce tranquillement, attendant devant la porte, ayant réussi par miracle à avoir un rendez-vous avec la personne habitant déjà les lieux. L’appartement était bien placé, le budget pas problématique et la taille semblait correcte. La vérité, c’est que tu pouvais comme ça quitter ton ancien chez toi, trop proche de celui ton ex. Ok, elle avait une injonction, elle ne devait pas t’approcher à plus de dix kilomètres, mais bon. Tu n’étais pas serein, alors changer d’endroit, prendre un nouveau départ était une bonne idée. Tu es donc là, devant la porte en attendant l’heure du retour de boulot de ta futur potentielle colocataire.

Une infirmière apparemment, qui bosse tard, beaucoup. Peut-être qu’une présence dans ces lieux la rassure, vu le silence pesant de l’immeuble. Enfin, silence. Il y a des raclements au plafond, comme si quelqu’un marchait, essayant d’être silencieux, sans pour autant l’être. Pourtant, le quartier est sympa, dynamique, il y a l’accès rapide au centre et tu peux prendre le bus pour te rendre au travail. Donc, en soit, rien n’est rebutant. Alors pourquoi tu te sens observé ? Tu cherches autour de toi, espérant voir un visage, même s’il se cache après. Peut-être même un enfant trop curieux, tu ne sais pas.

Parfois, les immeubles comme ça, les gens se connaissent depuis longtemps. Entre voisins, ils se saluent, s’échangent des trucs, sont méfiants quand un nouveau arrive. Tu le sais, tu l’as vécu plusieurs fois. Tu tournes la tête, encore et encore. Tu regardes la cage d’escalier. Mais rien. Tu soupires avant de manquer de sursauter en hurlant en voyant la femme en face de toi.

- Oh.. Pardon.

Que tu dis en souriant, rigolant nerveusement.

- Vous êtes la femme qui habite au 4B ? J’suis Brad. Bard Pearson. On s’est parlé au téléphone pour la colocation.

Tu tends la main pour la salutation, remontant la bretelle de ton sac à bandoulière sur l’épaule. Tu ne sais pas ce qui t’attend, mais tu as hâte de visiter et écouter ce qu’elle a à te dire. Et accepter sans trop réfléchir aussi.

Je viens tout juste de terminer mon service… en retard, évidemment. Si d'ordinaire je ne me préoccupe pas vraiment de ce genre de détail, aujourd'hui ce n'est pas le bon jour pour ça. Quelqu'un m'attend.  J'ai rendez-vous pour une visite de mon appartement. Ce n'est pas la première fois, mais je commence un peu à désespérer. L'appartement en lui-même est très agréable pour un loyer plus qu'abordable et qui se situe dans un quartier franchement sympathique. En soi, c'est l'endroit parfait pour tout jeune travailleur qui aime profiter des avantages de la ville sans en subir les inconvénients. C'est ce qu'il m'avait plu lorsque j'y ai emménagé il y a quelques années. Et, jusqu'il y a peu, tout était parfait. Le problème ce n'est pas le quartier, ni l'immeuble, ni l'appartement en lui-même… Le problème c'est mon nouveau voisin.

Je ne l'ai jamais vu, mais c'est quelqu'un qu'il est difficile d'ignorer. Il est bruyant mais pas de la manière habituelle… Pas de musique trop forte jusqu'à tard dans la nuit. Pas de coup de marteau à six heures du matin. Pas de mouvement de meubles durant la nuit… Non, les bruits sont bien plus étranges et, franchement, ça me fiche la trouille.

Cela fait un moment maintenant que je cherche un colocataire. Plusieurs personnes sont déjà venues visiter l'appartement, mais aucune n'a jamais donné suite. Cette fois, je croise les doigts pour que ce soit différent. Et, arriver en retard n'est clairement pas un bon départ.

Je dois retrouver un jeune homme dont j'ai oublié le nom… Le pauvre m'attend juste devant ma porte, mais… Je ne sais pas, il me paraît un peu étrange, sans doute parce qu'il sursaute en me voyant…

"D'accord Jess, tu sors du boulot, tu dois donc avoir une mine épouvantable. "
– Oui, Jessica Laurence, navrée pour le retard, j'ai été retenue au boulot.

Je lui serre la main et m'empresse d'ouvrir la porte. Le pauvre, autant ne pas lui faire perdre plus de temps.

– Vous avez trouvé facilement ?

Question bateau, mais rien ne me vient dans l'immédiat. J'essaie surtout de détourner son attention du bruit de grattement venant de l'étage au-dessus.

La porte d'entrée s'ouvre directement sur la pièce à vivre. C'est pas bien grand, mais l'endroit est plutôt bien agencé. On ne manque donc pas de place.

– Voici donc le salon, salle à manger, cuisine. On ne s'en rend pas bien compte à cette heure-ci, mais la pièce est vraiment très lumineuse.

La décoration est plutôt sommaire cela dit. J'ai avant tout misé sur le confort plutôt que sur l'aspect purement esthétique.

– Je n'ai jamais été très intéressée par la décoration. Mais vous êtes libre de repenser l'espace comme bon vous semble. Je ne suis pas là souvent de toute façon.

Je lui montre ensuite la salle d'eau. Une pièce très simple comprenant une douche en angle, un meuble avec deux vasques et les WC. L'avantage de cette pièce est la petite fenêtre qui nous permet de bénéficier de la lumière et d'une aération correcte. Sa chambre ensuite.

– Elle est plutôt spacieuse et vous avez un immense placard. C'est la plus grande chambre de l'appartement, la mienne est beaucoup plus petite. Mais je n'ai pas spécialement besoin d'autant d'espace.

C'est à peu près tout. Les deux chambres s'opposent l'une à l'autre et sont séparées par la pièce à vivre. C'est particulièrement intéressant pour une colocation. Ainsi, chacun de nous pourra bénéficier de son intimité.

– Vous pouvez prendre votre temps pour tout bien observer. N'hésitez pas si vous avez des questions surtout.

Porte qui s’ouvre rapidement et tu la suis dans la possible nouvelle demeure. Tu souris un peu quand elle demande si tu as trouvé facilement. Elle semble nerveuse, tendue. Ou juste revenue du travail et est épuisée. Tu te pinces les lèvres.

- Ouais ! Les directives étaient précises alors...

Tu ne finis pas ta phrase alors que vous êtes déjà en train de balader pour visiter. Ton regard suit ses paroles à mesure que tu vas de pièces en pièces, regardant aussi les ouvertures pour savoir ce qu’elle entend du fait que la pièce soit lumineuse. Tu souris un peu, voyant en effet pourquoi. Peut-être qu’il sera à l’avenir préférable que tu travailles dans le salon alors. Ce sera bien pour la vitamine D hein ? Tu reviens à elle quand elle parle de décoration. Tu rigoles nerveusement.

- Oh, vous en faites pas. J’suis pas difficile.

Tu préfères même quand c’est plutôt sobre, en vérité. C’était d’ailleurs ce qui t’avait plu quand tu avais vu les photos la première fois. Pour le moment, tout était parfait. Tu regardes la salle d’eau, balayant la pièce rapidement. Sommaire, mais fonctionnelle, parfait. Tu continues de déambuler avec elle pour atteindre la chambre. Beaucoup trop grande pour toi, mais tu trouveras moyen de rendre ça bien. Tu regardes de l’autre côté et hoches la tête en repérant la porte de sa chambre qui est complètement à l’opposé. Ok, parfait alors. Tu réajustes la bandoulière sur l’épaule.

- Les animaux sont acceptés ? C’est pas pour moi hein ? Mais au cas où j’inviterais un ami. Il a toujours un chien avec lui… Et je sais que certains colocations sont pas d’accord avec ça.

Tu lèves la main devant toi, comme pour te défendre.

- Oh et, non. J’ai qu’un ami, j’suis pas un grand fêtard, donc… Vous en faites pas, pas de rave party surprise dans l’appartement.

Oui, sait-on jamais. Tu as déjà eu cette mauvaise expérience de rentrer chez toi et paf ! Vingt personnes que tu ne connaissais pas, un couple qui se galoche sur le canapé, trois qui vomissent dans les toilettes bref… Tu hausses les épaules.

- Puis, je suis souvent scotché à mon bureau donc...