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Dreamcatcher
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Jeu 9 Nov - 23:24
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Mary Gaberlie


À l'Ombre des ténèbres, rien ne s'efface, ni les eaux cendreuses, ni les lambeaux des jours.


J'ai 33 ans et je vis sur une île près d'Helsinki, en Finlande. Dans la vie, je suis sellière harnacheuse et je m'en sors en broyant du noir. Grâce à mes démons, je suis célibataire et je le vis implacablement.

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Aujourd'hui est le jour où ils diront que tu as réussi.
Ce que tu as traversé.
De la cendre aux grands arbres, personne n'a entendu.
Alors tu dis que tu vas changer le monde, mais tu changes la façon dont tu te vois dans le miroir le matin venu.
Et la guerre frappe à ta porte...pour être celle que tu devrais être, celle que tu es vraiment.
Celle que j'aurais besoin que tu voies.
Mais il n'y a pas de plus grande bataille que celle qui coule dans ton sang
Qui a éclaté dans ton esprit quand la peur vient et te rend aveugle.
Ashes-Barbarians


En lieu et place du rejet implacable de son âme sœur qui l'avait conduite à vouloir se tuer, serpentait à cet instant précis un courant froid, fin fil de...communication ? La tentative amorcée de s'adresser à lui s'exprimait d'une bien piètre façon mais au moins possédait elle l'avantage notoire de combler en partie son incompétence communautaire. Une cliente ne lui avait elle pas balancé un jour : « Vous n'êtes qu'une handicapée sociale ! » mécontente sans aucun doute de sa répartie brutale et je m'en foutiste. Depuis la mort de son bourreau en effet, Mary ne dépendait de personne, se payant les services d'un cabinet de gestion de patrimoine pour gérer sa fortune, se vautrant dans une liberté forgée par un mental solitaire et la violence inouïe de sa prime jeunesse. Taisez vous Humains ! Laissez la tranquille ! Les gens...elles les détestaient, les fuyaient autant que faire se peut et ils lui rendaient bien en général. Le procès avait fait grand bruit, le battage médiatique l'avait pourrie sans relâche. Un passé sordide sur lequel elle avait cloué à grands renforts d'agressivité et de haine un couvercle de plomb. Ce Tout immonde moisissait quelque part, enfoui dans ses mémoires d'égouts. Elle n'existait pas telle qu'elle était par hasard.

L'énorme problème incarné par le natif, cette douleur nouvelle en conséquence dont elle n'avait su que faire face à son absence, l'avait ballotée toute entière, écartelée en mille morceaux !

Elle l'observa fermer les yeux, décortiqua les traits de son visage offerts par ce laps de temps. Il avait le front haut, les lèvres larges, le nez légèrement épaté. Sa peau mate, ses cheveux très noirs dévoilaient son origine non européenne. Son allure dénotait des passants, accentuée
par sa nature de métamorphe. Ce côté animal qu'elle remarquait. Une complicité aux effluves perspicaces. La part sombre qui frétillait en lui, qu'elle huma naturellement la rassura un peu. C'était bon de percevoir ce chaos intérieur chez l'Autre. Un terreau qu'elle nourrissait avec...passion. Le bouclier des damnés, l'étoile noire des désespérés.

Et puis ses paupières se levèrent tel un pont levis entre les remparts et les donjons.

- Puisque je le demande ?

Ses iris brillants reflétaient son esprit vif et...authentique. Évidemment qu'il n'avait pas demandé pour rien ! Ce n'était pas le genre à s'embarrasser de paroles convenues. Elle absorba sa sincérité malgré sa tentative de l'empêcher de la toucher. Que ça brûlait ! Ça empestait une attention particulière qui la dérangeait profondément ! Mais elle ne pouvait plus reculer ni refuser ce lien maudit qui les liait. « Ne te renie plus, affronte toi !  » avait-elle hurlé dans les flammes.

Elle croisa les bras, le fixa, campée sur le macadam.

-Je ne sais pas.

Elle pensa à lui demander la même chose mais le sarcasme n'aurait été utile qu'adressé à un parfait inconnu dont elle n'avait cure. Lui, elle le respectait depuis le début malgré tout. Emportés dans et par la tourmente, elle avait bien discerné à quel point lui aussi refusait ça en bloc ! Et les milliers de kilomètres n'avaient guère empêché leur connexion où de temps à autre, des vagues de lourdeurs, d'impuissance, « d'insécurité affective » émanant de Valravn lui parvenaient. Il ne se sentait pas aussi serein qu'il aurait du être. Mais une différence fondamentale les séparait : autant elle faisait tout pour oublier, autant il réfléchissait à la situation. Elle le savait, l'avait flairé dès qu'ils s'étaient croisés à la porte du restaurant. L'enfer leur était tombé dessus sans crier gare et son réflexe premier avait été de disparaître dans la drogue, l'alcool dès qu'une « crise » de l'âme sœur la frappait. Effacer, extirper de sa tête cette présence qui la hantait, l'obsédait! Toute son énergie s'était focalisée à se l'arracher du corps, de l'esprit ! En vain. Tous ces efforts en vain !

Exit ce siècle de combat où il l'avait aidée à se remettre après qu'elle...Bref. Il avait subi sa présence, elle avait subi sa présence, tous deux verrouillés sur leurs frontières respectives qu'ils s'appliquaient à rendre infranchissables. Car il avait beau se positionner en chamane empreint de connaissances, de consciences modifiées ou pas,  de voyages, d'expériences, de rencontres...qu'avait-il de « plus » qu'elle ? Leurs états de vie, d'être, les opposaient radicalement, empoisonnant intrinsèquement la possibilité même de leur lien contraint qui les arrachaient de leur équilibre avec une brutalité sans nom ! Un chaos, qui ne leur appartenait pas, cherchait à s'ajuster peu à peu, implacablement, puisant sa puissance dans un ordre nouveau né, imposant ses lois et ses mouvements. De fait, une indubitable invincibilité explosait leurs certitudes, leurs habitudes... Leurs mondes se métamorphosaient en un processus incalculable, sans limite, inconnu.
Le Loup, plus ouvert, bienveillant, aurait peut-être discuté de la chose simplement mais elle n'était pas prête, n'avait alors qu'un objectif : guérir et se tirer ! L'enjeu avait été clair et net à ses yeux donc plus aisé à gérer.

Là, mon dieu...Qu'allait-il se passer ?!

Le pire commençait maintenant. Mary se retrouvait volontairement en face à face. Se rendait-il compte de l'impact qu'il provoquait ?! Oui ! Une flagrance abominable ! Insupportable ! Révoltant ! Il s'épongeait de ce qu'elle ressentait ! Cette impossibilité de se cacher ! Ne pas contrôler ce qu'il percevait d'elle ! Révélée en pleine Vérité malgré soi ! Valravn dégoulinait de lumière et ça lui faisait mal, comme ça lui faisait mal ! Le passage de l'obscurité à la clarté... Son cœur, son âme, son esprit luttaient d'instinct pour ne pas trop en souffrir, pour ne pas trop en...mourir...Mourir à soi pour renaître...Pas de cette manière ! Pas avec LUI !

Les ténèbres grondent
Walls of anxiety*

Les murs de l'anxiété:

« Avant les autres, c'est de toi que j'étouffe, de ton regard, de ta douceur, de ta bienveillance, de ta perspicacité...Les autres, je m'en fous mais toi, toi... »

-Si tu veux être tranquille on peut partir vers le parc central et discuter chez moi ?

Il ne lâchait rien ! Elle l'admira pour ça, habituée à avoir le dernier mot quelle que soit la situation avec des « humains ». Parfois, elle ne prenait même pas la peine de répondre, fixait le sol ou le ciel ou bien encore le lointain -le vide- et puis tournait les talons, mutique. Un point final qui le plus souvent laissait l'interlocuteur pantois.

Elle ne réagit pas, tétanisée par des émotions contradictoires, -chez lui ?! Pas question de se retrouver en territoire miné !- amusée à garder un silence provocateur in fine. Jusqu'où supportera t-il... ?

-Ou simplement marcher ? Suomenlinna doit être désert en semaine d'hiver... Comme tu veux.

Une lueur brilla derrière ses prunelles gargarisées par sa contenance qui se noyait lentement. Perdait il très légèrement pied ? Se sentait-il décontenancé par son silence ? Elle le perçut ainsi, peut-être se trompait elle, peut-être pas, cela n'avait aucune importance en l'espèce. Ce qui comptait se résumait à cet appui sur lequel elle se posait au delà des apparences : Wraight n'en menait pas large quelque part et ça la réjouissait. Ça la ré-joui-ssait.

-Je veux que tu viennes chez moi.« Comme tu veux. » avait-il dit. N'est-ce pas.

Le regard panthère, une espèce de sourire à peine esquissé éclaira subrepticement son visage alors qu'elle le toisait sans retenue.

-Ma voiture est sur le parking à l'entrée du fort, ajouta-elle. Si tu viens, on prendra le ferry.

Une apnée et puis elle lança une bouteille à la mer :

-Skjulskäret.

Mary*

Mary:

[HRP:*Hannah]


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Elle s'était effondrée en secret sans être vue
Val
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Jeu 14 Déc - 12:56

Amka Wraith,
dit « Valravn ou Crow »  

J'ai 33 ans et je vis pour le moment à Helsinki, Finlande. Dans la vie, je suis .. . que dire ? J'ai fait à peu près tous les métiers qui ne demandent que de la bonne volonté et du muscle, pas que je sois idiot, mais je n'ai pas en tête de « faire carrière » dans aucun. En fait, je suis chamane en quête du Savoir qui fera de moi un sage porteur de sagesse auprès de tous. Je suis célibataire, mon rôle ici bas n'est pas de procréer, mais de transmettre autrement l'humanité et la paix. Je dois être libre, attaché à tous et non à l'un(e), pour aller au bout de ma quête,.

Sur mes papiers, il est écrit Amka Wraith... Avant ce que je continue à appeler la colonisation avec une rancoeur qui m'honore peu, nous nous appelions Uyarak, Je suis Amka Uyarak, et répond aux surnoms de Valravn que j'utilise souvent comme prénom, et de Crow...


En dire encore plus ?

A quatorze ans, j'ai accueilli lors d'un rituel initiatique, l'esprit du loup. A seize, le Corbeau m'a été donné, le « Valravn » que certains disent "Crow", celui qui accompagne les âmes aux mortes de l'Autre côté, au delà des brumes sur la glace...

Depuis, je suis fidèle à ma double mission, aider de mon mieux les vivants et les morts... Et à ma double nature, homme, et loup...  J'ai longtemps souhaité appeler l'oiseau, voler dans les airs, mais aux dires des Anciens, un seul esprit de bête entre en toi, et le loup m'a choisi. Qui sait ? Les anciens voient et savent, mais pas tout parfois ?

Cela m'a été donné très récemment, à la suite d'une aventure dont mon âme est encore meurtrie... Si ma grand-mère a parlé de « Valravn » ce n'est pas parce qu'elle peinait de trouver un mot dans notre langue pour définir ce que j'étais... Ma première expérience de vol l'a été grâce à une créature mythique, loup hybridé de corbeau, le fameux mythe nordique ? Je suis la preuve que ma nature est bien liée à la magie et non comme certains l'ont avancé dans le monde occidental à des manipulations génétiques...



Mais si le Valravn s'est révélé, c'est surtout parce qu'il m'a fallu ramener d'entre les morts l'incarnation d'une autre légende : la femme qui serait mon âme sœur ! J'avoue que ni l'un ni l'autre n'étions prêts à cette révélation. J'ai joué mon rôle, puis, remis de nos blessures mutuelles, nous n'avons eu de cesse de nous fuir. Mais on ne quitte pas son double, les récits, qu'ils soient grecs ou d'autres origines disent bien qu'elle est la partie de moi qui à l'origine du monde a été arrachée à mon être, et que je suis -moi- celui qui la complète ! Refuser est notre droit, mais la douleur du rejet ne nous quitte pas, c'est une amputation, comme le serait la perte de ma partie animale...

Oh... En passant... J'ai un passeport américain, mais je suis inuit, quand je ne parle pas le Yupik sibérien, assez peu usité dans le reste du monde, j'ai une préférence pour le Russe, appris avec les marins sur les bateaux de pêche puis les cargos où j'ai commencé ma carrière professionnelle. Pourquoi ? Parce que disons que les USA et moi sommes un peu en froid, c'est une longue histoire, depuis la mort de mon père ! Mais bien sûr, je peux vous répondre en Anglais, et même en Français, une autre histoire... Un jour, je conterais peut-être tout cela.





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" Lorsque j'aurai fini de regarder ces chemins..."

Mary &  Valravn (Amka)

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Février 2023

- Je veux que tu viennes chez moi.

Je réprime un mouvement de surprise. Pourquoi ? Bien sûr elle a un « chez moi », j'en avoue bien un -moi- dans cette ville. Je ne sais pourquoi tout à coup elle change de dimension ? Jusqu'alors elle était la panthère, ou la cavalière rencontrée dans l'immensité neigeuse de la périphérie, ou la femme bousculée en sortant de ce restaurant où je n'ai pas gardé mon emploi, chamboulé comme jamais... Le fait d'énoncer deux mots « chez moi » raye même le « je veux »... Elle se trouve soudainement parée d'une humanité que j'évitais jusque là.

Chez elle ? En quoi est-ce plus intime que « chez moi » comme je le proposais ? Pour elle c'est probablement moins intrusif, animal que nous sommes la tanière qui nous est propre est plus sûre que celle de l'autre... Je reconnais que... Bref, soyons franc ? Aller chez elle est un pas en avant que je répugne à faire. Ce n'est pourtant pas plus dangereux que rester à l'écouter et à la regarder ici alors que je sens la nervosité et le doute s'infiltrer en elle. Elle regrette déjà son geste, ses paroles, moi aussi ? Moi... C'est encore autre chose... C'est un peu comme avoir marché en rasant les murs pour éviter d'être suivi par le « moi » qu'imprime le soleil sur le sol et qui te poursuit de sa présence inébranlable. Oui, c'est avoir tenté, bien inutilement, de s'affranchir de l'existence de mon ombre, et la voir soudain jaillir dans une immensité où il est impossible d'en éviter l'apparition.

Elle est.

Je suis.


Elle a dit quelque chose d'à la foi simple et lourd de conséquence : je veux que tu viennes chez moi.

Je ne vais par repartir dans les « pourquoi ? » Je sais qu'elle s'en délecte, elle m'a déstabilisé momentanément, pas par le « chez moi » en ce qu'il a de logique mais parce que j'en avais ostensiblement caché la réalité. Nomade je suis et pourtant j'ai un abri partout où je me pose, elle qui est sédentaire à plus forte raison. Lui reconnaître un domicile, c'est lui reconnaître un poids qu'elle n'a pas transformée en nuée du Tout, inaltérable mais insaisissable...

La Noaidekalcko -et ma grand-mère avant elle- m'auraient dit : - Amka, n'est pire aveugle que celui qui refuse de voir...

- Chez toi, ou ailleurs, je te suis.

Suis-je assez détaché ? Mon sourire s'ouvre, solaire, non. Foutre non je ne le suis pas ! Ses yeux en face brillent autant que les miens, se fichant de moi autant que je me moque moi-même... Bien sûr que non la souris n'entre pas dans le terrier du serpent sans peur ! Mais il faut y aller ? Elle n'est pas qu'une panthère ombrageuse et sombre, de pensées comme de pelage. Elle a un domicile, comme tout être humain, et elle souhaite que je l'y suive pour discuter d'avenir ? En quoi est-ce à ce point stupéfiant ? N'importe quel être sensé mis devant la situation obtempérerait sans cette boule que je ressens au plus profond de l'estomac, et de l'individualité.

Puis... mon sourire s'amplifie.

- Ma voiture est sur le parking à l'entrée du fort. Si tu viens, on prendra le ferry.

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Et si je n'étais pas venu ?

Elle n'est ni oiseau ni poisson ? Si je n'étais pas venu ? Comment aurait-elle rejoint son île ?

Que fait-elle d'ailleurs sur cette île ?

Il me semblait avoir lu qu'une seule maison s'y dressait ? Une maison conçue par un architecte que les magazines trouvés de-ci-de-là présentent comme un fou visionnaire, plutôt un grand chalet de bois autosuffisant ? Si ces articles me reviennent, c'est que j'y avais trouvé un écho de ma façon de voir...

Ne suis-je pas humain avant tout ?

Comme tout humain, c'est ce qui va dans mon sens, le « bon » sens qui m'interpelle... Et une île éloignée de tout dans laquelle on peut vivre sans rien détruire et en consommant ce qui peut être rendu à la nature, malgré les éléments déchaînés pendant l'hiver septentrional... c'est le genre de chose qui me reste en tête, comme me resteraient en tête des efforts pour s'intégrer au « Tout », en faire partie, et vivre pourtant son humanité. Cette maison... aurait -toujours d'après les revues sur papier glacé que sont presque toujours les ouvrages traitant d'architecture et de décoration- aurait donc été construite pour une personne anonyme et richissime, une sorte d'ermite en rupture avec l'époque ?

Ce que j'en sais ?

Les bibliothèques partout où je passe sont des endroits chauffés, calmes, silencieux et respectueux du besoin de solitude de chacun. Elles permettent non seulement d'affronter le froid ou la trop grande chaleur mais de le faire en puisant dans les expériences relatées par d'autres hommes un savoir et des questionnements qu'on ne trouve parfois pas face à un vivant...
Oui, les bibliothèques publiques sont pour moi autant d'autels à la pensée des morts, de ceux qui n'ont trouvé pour témoigner de leur credo ou de leur temps que le papier...
Des Anciens, de toutes les civilisations, accessibles par le biais d'une carte de lecteur ou d'un empreint sur place, qu'héritier d'une culture orale je me fais un plaisir de lire en quatre ou cinq langues...

De Mary rejoignant son antre je ne sais comment, a-t-elle un bateau ? Pourquoi dans ce cas prendre le ferry ? Je fais un saut dans le passé lors de cet été 2021 tueur de thérian et d'humain... L'eau avait été empoisonnée, le comportement des hommes et des bêtes dérapait, la violence, la sauvagerie, la haine sous l'effet de la drogue mêlée à tout liquide potable se déchaînaient...

C'est à ce moment-là que j'ai rencontré Elizabeth, malade à n'en plus pouvoir ni travailler ni même chasser en loup... A ce moment-là que j'ai mis les pieds pour la première fois dans l'antre du savoir d'Helsinki, m'attirant malgré ma mise plus que modeste et mon aspect étrange, le respect de l'employé chargé d'appeler grâce à un système sophistiqué les ouvrages demandés... « Vous lisez vraiment l'anglais, le russe, le français, l'espagnol et le finnois ? »

Ma surprise l'avait surpris à son tour... Pourquoi demander un livre en espagnol si l'on est incapable de le lire ? J'avais dû lui faire le même type de réponse qu'à la Bleue, laconique « Puisque je l'ai écrit sur ma fiche ? » et oui... voyager d'un bout à l'autre du monde pendant quinze années, passer d'un continent à l'autre sur les mers, puis la terre... Il faut bien que cela vous donne quelques particularités ?

- Si je n'étais pas venu, comment y serais-tu rentrée ?

Je lui dois bien d'expliquer mon hilarité ! C'est sa formulation qui m'a fait rire, pas l'idée. L'idée -elle- me ferait plutôt peur je dois l'admettre. La question me brûle les lèvres et pourtant je ne demande pas « Que fais-tu là-bas ? » pas pour l'instant... et puis... Du fond de ce passé auquel elle a donné un éclairage biaisé, une voix me revient...

- Ne ferme pas ton cœur Amka des Uyarak... Ne ferme pas ton cœur, quelle que soit la raison qui te pousserait à le faire.

Aller de l'avant cœur clos c'est comme pister le gibier dans la nuit, volontairement parce que tu refuses d'en regarder les empreintes...

Ton esprit construira un chemin, le chemin de la logique, mais quelle bête traquée suit le chemin de la logique Amka-le-loup ?

La connaissance est un gibier comme un autre, elle se terre et se cache, elle dissimule ses empreintes, remonte le courant de la rivière pour masquer son odeur... Le coeur fermé, tu ne peux voir la branche cassée par la fuite, la glace griffée par un sabot, l'espacement des pas marqués dans la neige qui dénote la lassitude ou la blessure... Les yeux de l'âme logent dans le cœur, le cœur bat à l'unisson avec toutes tes proies, avec celle-là comme avec n'importe quelle partie du Tout.

Un cœur ouvert la rencontre mieux que les yeux de l'esprit parce que l'esprit tel que l'anglais le dit est humain... et que l'âme du monde est universelle...


Elles se mêlent, les deux vieilles, celle de mon sang et celle qui m'a récemment tant apporté... Ne pas aller au bout de sa curiosité, c'est fermer la porte du savoir... C'est ce que font nos contemporains, à Mary et moi, chaque jour... Effleurer le connu, le parer de couleurs qu'il n'a pas pour qu'il se fonde à l'époque, lui supposer des faces qui n'existent que dans la construction imaginaire et pragmatique de l'homme moderne et instruit. De quoi ai-je peur ? En retenant ces mots qui me calcinent les lèvres et le mental ? Qu'elle me réponde : je vis sur Skjulskäret parce que je suis la maîtresse du propriétaire ? Ou bien, j'y squatte un chalet inhabité parce que les riches personnes sont par essence capricieuses et qu'après le défi représenté par la conception et la construction tout a été abandonné ? Ce sont les réponses mesquines qu'amènent dans une tête le mensonge, fut-il par omission ! Je n'ai pas de droit particulier de demander, âme-soeur ou pas c'est une étrangère, mais n'importe qui poserait cette fichue question ! Alors pourquoi me museler ?

- Ce n'est pas une île privée habitée par un original en quête de solitude ?

Voilà, on ne peut faire plus impersonnel et plus... actuel ! Le genre de formulation qu'il m'est arrivé d'entendre en servant dans ce restaurant cause de notre rencontre... Impersonnelle, retenue, mensongère, une question indigne de la curiosité intense et … Je sens en moi une rage, une terreur... Si elle a là-bas quelqu'un qui l'attend et à qui elle tient ? C'est peut-être pour cela qu'elle peut me regarder dans les yeux ? Désormais immunisée contre mon attraction ?

Je découvre avec stupeur que je suis … jaloux. Jaloux non d'elle mais de ces parts d'ombre qui l'entourent et m'éloignent !

Mais qu'est-ce que c'est que cette nouvelle lubie du sort !

Je ne veux pas d'elle !
Je ne veux pas être amputé en recevant un double !

Elle ne m'est rien !


En quoi sa vie m'impacte-t-elle ! Quand bien même elle serait adulée par la terre entière ! Ce ne serait qu'un bien pour elle ? Elle traverserait cette époque aimée et entourée ? Elle louperait toutes les révélations que l'étude de soi, des autres et du Tout permettent mais des milliards d'êtres humains comme animaux se contentent de vivre sans savoir et n'en sont pas plus malheureux ?

Amka !

Tu dérailles !


Les dieux là-haut (ou en bas, qu'en sais-je) doivent se plier de rire...

Chamane, suis-là et tais-toi... Regarde, écoute, sois là... Et remise cette humanité pesante loin de vous deux...

Je la regarde, soudainement éperdu... J'ai le sentiment stupide et dérangeant en diable que si elle m'est retirée, jamais plus je ne serai moi.

L'image mentale de l'île se présente dans ma tête...

Une grosse patte griffue qui vient de poser son poids lourd et étourdissant sur mon ego...


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Dreamcatcher
Sam 30 Déc - 1:39
" Lorsque j'aurai fini de regarder ces chemins menant plus loin que la vie et que sous le ciel vous m'aurez couchée, gardez captive l'aile qui frémit pour que mes yeux consentent à se fermer. " Rina Lasnier  - Page 3 Alissa13
Mary Gaberlie


À l'Ombre des ténèbres, rien ne s'efface, ni les eaux cendreuses, ni les lambeaux des jours.


J'ai 33 ans et je vis sur une île près d'Helsinki, en Finlande. Dans la vie, je suis sellière harnacheuse et je m'en sors en broyant du noir. Grâce à mes démons, je suis célibataire et je le vis implacablement.

" Lorsque j'aurai fini de regarder ces chemins menant plus loin que la vie et que sous le ciel vous m'aurez couchée, gardez captive l'aile qui frémit pour que mes yeux consentent à se fermer. " Rina Lasnier  - Page 3 F4dbdd10




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« Tu te trompes de combat » avait-elle affirmé. La voix rauque ne déraillait pas et la voyageuse décryptait à travers ses yeux pétillants les étincelles de la vérité. « Pourquoi ne sert à rien, tu n'auras jamais la réponse. C'est ce que tu en feras qui te permettra ou non de trouver ton essence ».

Il lui en avait fallu des heures et des heures, des jours et des nuits pour fêler la gangue de fer.

S'il n'y avait pas eu cette rencontre au restaurant...Si son père et sa mère n'avaient pas été « eux »...Si elle n'avait pas existé tout simplement...Elle s'y projetait parfois, inspirant vainement un néant abyssal qui l'habiterait. Mais cela même se résumait à une contradiction impossible. Elle échouait à ne pas se penser dans l'univers. S'extraire de la vie semblait inatteignable.

Et lui se trouvait là, tout près. Si près qu'elle percevait ses sursauts intérieurs : j'y vais moi non plus.  C'était rassurant de le humer à cheval sur des émotions fugaces, déséquilibrées. Une espèce d'égalité, vertigineuse, presque furieuse, les invitait à s'apprivoiser. L'un ne dominait pas l'autre par une position d'être plus confortable et vice versa. Non, ils se résumaient à deux humains s'affrontant dans une arène labyrinthique aux dimensions inconnues.

Se voir jusqu'à l'aveuglement. Se boire jusqu'à plus soif. S'encaisser à éclater. Se souffrir sans douleur. Des prémisses. Des balbutiements. Déconstruire pour reconstruire. « Déblaie de mon chemin Valravn ! »

Va t'en ! Reste
Tais toi ! Parle moi
Ignore moi ! Écoute moi
Hais moi ! Aime moi...

Ses iris perçaient les siens comme si elle allait le bouffer. N'avait il pas deviné qu'elle ne se sentait bien que dans son antre ? Que les rues, les bruits, les tas du quotidien lui pesaient et l'angoissaient ?

« Arrête tes mensonges, je te vois ». Elle fumait et murmurait. « Pose tes armes. Tout de suite. » Et les mots mystérieux avaient coulé, consumant, détériorant. La chamane la déterrait vivante, creusait l'âme comme l'on creuse la terre. Lentement. Si profondément. Si douloureusement.

- Chez toi, ou ailleurs, je te suis.

Une fraction de seconde, son petit sourire de mec trop beau l'agaça au point qu'elle grimaça avec ironie, infoutue de calmer sa hargne surgissante.

-Tu te dilues dans ton Tout, tu y disparais quand ça t'arrange. Je me dilue dans mon nid d'aigle et je disparais tout autant quand ça m'arrange. Je veux qu'on se parle là-bas parce que ce sera un ailleurs pour toi, un ailleurs pour moi mais pas comme tu penses ou tu crois penser. Ce sera chez moi ET ailleurs.

Farouche, elle avait parlé d'une traite. Et voilà, on y était, ça avait commencé ! Ça avait commencé bordel de merde et elle n'y pouvait rien !

Comment lui partager qu'elle détestait se trouver dans l'intimité d'un ou d'une autre ? Que les lieux de vie lui donnaient la nausée ?

Gravés sur sa peau, elle se souvenait...Ces cloisons trop blanches qui tremblaient, le sol qui saignait, le cuir qui frappait...Les escaliers grinçaient sous ses pas désespérés. Elle haïssait la maison, les pièces, sa chambre ...Un cachot doré, un enfer d'argent et de pouvoir. Un purgatoire de sacrifices et d'injustices. Une survivance qu'elle voulait oublier, OUBLIER. Un serment-antidote : ne plus jamais remettre les pieds entre des murs, quels qu'ils soient. Ça crie, ça hurle des murs. Elle n'ira nulle part hors de chez elle. Il ne lui restait que ça. Mais à cause de lui, elle avait du rompre sa promesse et se rendre en Louisiane, là-bas chez Kyril...

Elle lâcha un « pfff » fermant les paupières brièvement, étonnée de la tournure dilatée de la situation. Chassa d'un geste l'absurdité de la chose avant de recommencer à marcher d'un pas vif et...fuyant. Mais le chamane cala sa foulée sur la sienne. Nul n'échappait à son destin.

Des tonnes de poids indescriptibles s'abattaient sur ses épaules. Tout ça...ne devrait pas être mais aussi, il y avait cette joie particulière qui émergeait. Elle se sentait « heureuse ? » de sa venue, de sa présence. « Heureuse ?! » ça ne voulait rien dire, juste une sensation éphémère qui s'en ira tôt ou tard. Un sourire, en dedans. Caché. Ne pas être vue. Comment faire ? Comment lui dire ?!

Un temps de silence se tricota entre eux tandis qu'ils avançaient vers le port. Puis soudain :

- Si je n'étais pas venu, comment y serais-tu rentrée ? Demanda t-il tout à trac.

Sur le coup, elle s'arrêta brusquement, interloquée.

-Comment ça ?

Il riait ! Mais qu'est-ce que... ? Se pinçant les lèvres, elle lui lança un de ces regards... puis reprit sa marche.

-Sur mon balai en mode turbo ! Et qui te dit que je serais rentrée ?

Elle pouffa. Un instant, un très court instant, tout fut léger et simple. Sans touffeur, sans douleur. Un éclat pur, absolu. Une complicité d'humour. Une lumière sur le chemin du tunnel.

Tunnel Lights


Les lumières du tunnel:

Mais...le grand chamane ne savait pas ? D'un ton dur, elle asséna :

-Je ne comprends pas pourquoi tu me demandes ça. J'ai mes raisons pour prendre le ferry avec toi. Et je t'ai parlé de ma voiture parce que je dois aller chercher les clefs que j'ai planquées sous le tapis. Je ne suis pas douée pour les explications.


« Parce que j'ai la trouille qu'on me les vole, parce que j'ai des crises de paranoïa, parce que l'idée même d'une intrusion me rend malade, littéralement. » Elle verrouilla la confidence évidemment malgré la précision de la cachette qui pouvait alerter quiconque savait écouter... Mary et ses angoisses, Mary qui rentrait chez elle invariablement avec maints et maints détours pour échapper au grand méchant loup qui voulait la tuer...

Sans transition, elle eut une miette de compassion, ajoutant d'une voix adoucie :

-Je te fais une surprise.


Ils arrivaient au parking privé où une équipe de sécurité se relayait pour surveiller les véhicules garés.

-Attends moi ici, je dois passer au bureau.

Mal à l'aise pour discuter, une vague de regrets s'échoua soudain pesamment quelque part. Pourquoi avoir céder à ce besoin de le voir ? Lui parler alors qu'elle n'y parvenait pas ?! L'emmener dans son antre ! Folie ! Délire !

Mais c'était plus fort qu'elle.

Elle signa un avenant au contrat de gardiennage laissant sa voiture pour un temps indéterminé, alla chercher ses clefs, prit un paquet de chewing gum qui traînait dans le vide poche. A son retour, elle en proposa un à Valravn, s 'amusa à faire des bulles avec le sien. Ils reprirent le ferry en sens inverse afin de rejoindre le centre d'Helsinki, puis un taxi pour aller au terminal de Katajanokka. « Je paye ton trajet ». Pour avoir la main, pour se délecter de la sensation qu'elle maîtrisait la situation.

Les bateaux de la compagnie Viking Lane étaient plutôt luxueux. Une fois à bord du Viking Glory, elle l'entraîna sur le pont principal où l'on pouvait profiter d'une vue à 360° sur la mer.

-Nous descendrons à Hanko. Dans trois heures.


Hanko et ses plages réputées. Une étape sur la ligne de Helsinki  à Mariehamn. Il restera une trentaine de kilomètres à parcourir avant d'arriver à Skjulskäret.

Le ventre noué, l'échéance la faisait flipper à mort. « Ne pas penser. Ne pas penser, ne pas penser... »

La sonnerie retentit annonçant le départ. Les moteurs se mirent à tourner. Virage à droite, plein ouest.

Le Temps se rétrécissait !

-Tu as peur ?

Elle s'était tournée vers lui brusquement, le dévorant du regard. Au même moment, il demandait « Ce n'est pas une île privée habitée par un original en quête de solitude ? »

Leurs mots se chevauchèrent. Son interrogation, très courte, se noya avec « ce n'est pas ». Six syllabes entrelacées. Ils avaient posé une question dans un tempo identique !

-Quoi ?

Elle perdait pied, déstabilisée par l'évènement qui venait de se dérouler. Fallait il en pleurer ? En rire ? Le détruire de la mémoire ?

-Habitée par un original ? Répéta t-elle presque hagarde. Euh non, par une originale.

Elle se détourna, croisa les bras, contempla sans voir. Cette impression de devenir cinglée. Ouais, c'était ça. Elle devenait cinglée.

I need a friend

Je ne veux pas te faire de mal
Mais chaque fois que je reste éveillée
Ton silence est une vertu
Que je n'arrive pas à ébranler
...
Et bébé c'est une honte criante
Est-ce que ça en vaut la peine ?
Je me poserai la même question

Tu perds tout ton sommeil ce soir
Pour une heure de plus de désespoir

On m'avait appelée et dit que je voulais être quelque part près de toi mais pas trop près
Tu l'as dit une fois
Tu le rediras
Je ne suis pas amoureuse mais j'ai besoin d'un ami
On m'avait appelée et dit que je voulais être quelque part près de toi mais pas trop près
Ce n'est pas assez
Et je ne peux pas prétendre
Que je ne suis pas amoureuse mais que j'ai besoin d'un ami

Et attendre est la partie la plus difficile
Pour avoir une idée de ce que tu ressens
C'est une question de cœur d'imbécile
Pour croire que c'est quelque chose de réel

Mes pensées sont vraies
Mon cœur est sur ma manche
Que puis-je faire d'autre ?
Tu m'as mise à genoux, putain

On m'avait appelée et dit que je voulais être quelque part près de toi mais pas trop près
Tu l'as dit une fois
Tu le rediras
Je ne suis pas amoureuse mais j'ai besoin d'un ami
...
Ce n'est pas assez
Et je ne peux pas prétendre
Que je ne suis pas amoureuse mais que j'ai besoin d'un ami

Je ne suis pas amoureuse, non je ne suis pas amoureuse !

Mais j'ai besoin d'un ami

Décroche le téléphone
Et sortons d'ici
Tu ne veux pas être seul
C'est ce que tu meurs d'envie d'entendre
...

Val
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Val
Mer 3 Jan - 18:54

Amka Wraith,
dit « Valravn ou Crow »  

J'ai 33 ans et je vis pour le moment à Helsinki, Finlande. Dans la vie, je suis .. . que dire ? J'ai fait à peu près tous les métiers qui ne demandent que de la bonne volonté et du muscle, pas que je sois idiot, mais je n'ai pas en tête de « faire carrière » dans aucun. En fait, je suis chamane en quête du Savoir qui fera de moi un sage porteur de sagesse auprès de tous. Je suis célibataire, mon rôle ici bas n'est pas de procréer, mais de transmettre autrement l'humanité et la paix. Je dois être libre, attaché à tous et non à l'un(e), pour aller au bout de ma quête,.

Sur mes papiers, il est écrit Amka Wraith... Avant ce que je continue à appeler la colonisation avec une rancoeur qui m'honore peu, nous nous appelions Uyarak, Je suis Amka Uyarak, et répond aux surnoms de Valravn que j'utilise souvent comme prénom, et de Crow...


En dire encore plus ?

A quatorze ans, j'ai accueilli lors d'un rituel initiatique, l'esprit du loup. A seize, le Corbeau m'a été donné, le « Valravn » que certains disent "Crow", celui qui accompagne les âmes aux mortes de l'Autre côté, au delà des brumes sur la glace...

Depuis, je suis fidèle à ma double mission, aider de mon mieux les vivants et les morts... Et à ma double nature, homme, et loup...  J'ai longtemps souhaité appeler l'oiseau, voler dans les airs, mais aux dires des Anciens, un seul esprit de bête entre en toi, et le loup m'a choisi. Qui sait ? Les anciens voient et savent, mais pas tout parfois ?

Cela m'a été donné très récemment, à la suite d'une aventure dont mon âme est encore meurtrie... Si ma grand-mère a parlé de « Valravn » ce n'est pas parce qu'elle peinait de trouver un mot dans notre langue pour définir ce que j'étais... Ma première expérience de vol l'a été grâce à une créature mythique, loup hybridé de corbeau, le fameux mythe nordique ? Je suis la preuve que ma nature est bien liée à la magie et non comme certains l'ont avancé dans le monde occidental à des manipulations génétiques...



Mais si le Valravn s'est révélé, c'est surtout parce qu'il m'a fallu ramener d'entre les morts l'incarnation d'une autre légende : la femme qui serait mon âme sœur ! J'avoue que ni l'un ni l'autre n'étions prêts à cette révélation. J'ai joué mon rôle, puis, remis de nos blessures mutuelles, nous n'avons eu de cesse de nous fuir. Mais on ne quitte pas son double, les récits, qu'ils soient grecs ou d'autres origines disent bien qu'elle est la partie de moi qui à l'origine du monde a été arrachée à mon être, et que je suis -moi- celui qui la complète ! Refuser est notre droit, mais la douleur du rejet ne nous quitte pas, c'est une amputation, comme le serait la perte de ma partie animale...

Oh... En passant... J'ai un passeport américain, mais je suis inuit, quand je ne parle pas le Yupik sibérien, assez peu usité dans le reste du monde, j'ai une préférence pour le Russe, appris avec les marins sur les bateaux de pêche puis les cargos où j'ai commencé ma carrière professionnelle. Pourquoi ? Parce que disons que les USA et moi sommes un peu en froid, c'est une longue histoire, depuis la mort de mon père ! Mais bien sûr, je peux vous répondre en Anglais, et même en Français, une autre histoire... Un jour, je conterais peut-être tout cela.




avatar :copyright: inconnu

" Lorsque j'aurai fini de regarder ces chemins..."

Mary &  Valravn (Amka)

" Lorsque j'aurai fini de regarder ces chemins menant plus loin que la vie et que sous le ciel vous m'aurez couchée, gardez captive l'aile qui frémit pour que mes yeux consentent à se fermer. " Rina Lasnier  - Page 3 Th?id=OIP

Février 2023

- Tu te dilues dans ton Tout, tu y disparais quand ça t'arrange. Je me dilue dans mon nid d'aigle et je disparais tout autant ... Je veux qu'on se parle là-bas parce que ce sera un ailleurs pour toi, un ailleurs pour moi mais pas comme tu penses ou tu crois penser. Ce sera chez moi ET ailleurs.

Tu te dilues dans ton Tout... La gifle me prend par surprise, comme tout ce qui vient d'elle. Je ne me dilue pas, nous sommes tous dilués, elle aussi. Qu'on accepte le fait ou pas, nous sommes composés de particules qui réunies forment le Tout... Que ce soit des humains, des animaux, des arbres et fleurs, l'eau, l'air, la terre et le sable... Tout est le Tout. Et un « ailleurs » ? Je n'ai que des ailleurs depuis que j'ai chassé mon « Chez moi », ou plutôt que je l'ai quitté. « Chez moi », ça comprenait mon père, et ma grand-mère décédée depuis peu. « Chez moi », c'était les miens, pas seulement mon île, les bateaux, les bicoques de bois brisées par le vent et le sel.

C'est curieux... Je suis né sur une île et elle a choisit d'y vivre ?

- ...je t'ai parlé de ma voiture parce que je dois aller chercher les clefs que j'ai planquées sous le tapis ...

Je sors de ma songerie pour la regarder ahuri. - Sous le tapis ?

Je préférerais mille fois les avoir sur moi, mais c'est son droit, on vole plus de voitures qu'il n'y a de pickpockets dans Helsinki me semble-t-il ? Ou c'est parce que je n'ai pas l'air d'un type qu'on dévalise qu'on me fiche la paix et ne m'a jamais rien volé ?

Encore faut-il savoir ce qui est bon à voler, les SDF se volent les uns les autres, sans scrupules ni vergogne. Mais il est fort possible que je n'attire pas le regard des voleurs, l'apparence est le dernier de mes soucis, je suis propre -corps et vêtements- uniquement parce que la crasse m'indispose... Je porte des années les mêmes fringues et privilégie les chaussures pratiques et confortables, la mode est une chose que je ne suis jamais, je crois n'avoir jamais acheté un vêtement ? Une vieille habitude de pauvre sans doute, ma mère -même du vivant de mon père- préférait le seconde main « de qualité » à des guenilles bon marché et neuves.

J'ai conservé ce mode de vie, ne consacrant pas une minute de mon temps à me regarder dans un miroir, parfois dans l'eau … mais généralement j'y vois le mufle d'un loup noir et deux yeux jaunes.

Elle ne semble pas avoir relevé, ou bien elle réagira avec retard, réalisant après coup. J'aurais pu me taire, j'ai failli ajouter « Tu n'as pas peur des voleurs de voiture », mais en aurais-je peur si j'avais un véhicule ? Non.

- Je te fais une surprise.  Attends moi ici, je dois passer au bureau.

Cela dit, si je faisais l'achat d'une voiture... mon sourire s'élargit, elle serait fort différente de la sienne... Un peu comme nos vêtures le sont... Moi avec une parka usée et décolorée, mais chaude et agréable à porter, elle... très présentable quoi que d'une élégance « personnelle » qui doit déplaire à certain(e)s... Elle a une voiture qui lui correspond, j'aurais sans doute un 4X4 hors d'âge réparé par moi-même et rafistolé de partout.

Une surprise ?
Mon regard doit se figer ?
La surprise est déjà faite,
c'était notre rencontre !

De toute mon enfance je n'ai pas le souvenir d'une seule « surprise » ? A l'école parfois, un des élèves claironnait « Si j'ai de bonnes notes, j'aurais une surprise ! C'est ma mère qui l'a dit ! », ma mère à moi ne promettait rien, elle n'offrait pas grand chose à part sa présence, et c'était amplement suffisant pour moi. Je l'avais tout à moi n'ayant ni frère ni sœur. Même le « don » n'a pas été une surprise puisque ma grand-mère l'avait « vu » à ma naissance. Toutefois pour les autres, les « surprises » sont teintées de positif, à ce que j'ai pu comprendre ? Et j'avoue ne pas voir ce que Mary peut m'apporter de bénéfique, à part si un jour nous arrivions à être délivrés l'un de l'autre, mais je crains qu'elle n'en ait pas plus le pouvoir que moi.

Mon mutisme lui permet de parler, j'opine parfois du chef, ou la regarde pour indiquer que -si je ne réponds pas- du moins j'écoute ? « Je paye ton trajet » Je me raidis, ai-je l'air si fauché ? Mais je ne dis rien, elle semble y prendre plaisir ? Je me fais la réflexion que je ne comprends rien à son type de fonctionnement... Le fait-elle pour m'humilier ? C'est raté, je suis étonné, pas défait au point de rougir ou d'en ressentir de la colère... Par gentillesse ? De ce que je connais d'elle, c'est difficile à imaginer ? De manière automatique sans même se rendre compte que n'ayant rien sollicité j'imaginais payer également ? Certaines femmes à ce que j'ai pu constater ne supportent pas qu'un homme paye pour elles, revendiquant leur identité et leur fierté... Cela encore m'est étranger. Pour moi, une femme, un homme, ça se vaut.

Il m'arrive de mendier, je le dis sans honte, comme il m'arrive de chômer et ça m'ennuie fortement ! Les « voyageurs » je pense le font tous à un moment donné, tu ne peux pas avancer sans rien avoir fixé par avance -pas même ta destination- et être certain de trouver un boulot et de quoi vivre en arrivant là où tes pas te portent. J'ai choisi cette vie, personne ne m'a jeté à la rue ou mis sur les routes de force, c'est ma liberté, ma façon de communier avec ce qui m'entoure et de communiquer avec les hommes. D'aucuns pensent qu'elle est stupide et que je ne rencontre que des moins que rien, comme moi... Pour moi, les moins que rien n'existent pas, c'est là que le bât blesse. Tout être a sa valeur, sa place, et si je me questionne beaucoup sur la mienne en ce moment, c'est parce que rencontrer Mary... Elle déjà, uniquement comme femme, sans parler d'âme sœur, était imprévisible, me trouver obligé de la fréquenter, et elle en retour... Oui, la surprise, je ne sais ce qu'elle me réserve, mais je n'ai que cela depuis que je l'ai presque bousculée à la sortie de ce fichu restaurant !

Et si j'étais resté docker ? Si je n'y avais jamais mis les pieds ? Je souris à nouveau, elle doit penser que je suis un niais complet qui sourit au ciel et à la mer, mais je suis presque certain qu'elle aussi s'est demandé « et si... » ni l'un ni l'autre n'étions préparé à cela. Ni l'un ni l'autre n'avions foi en une « âme soeur » dont la découverte changerait notre vie -en mieux bien entendu à ce qu'on lit partout-... Genre « un seul être vous manque et tout est dépeuplé... » où diable ai-je lu cela ? C'est un poème me semble-t-il ?

Le ferry se remplit, lentement à mon idée, les passagers s'engouffrent dans la cabine et se préparent à trois heures de voyage utile, sortent leur téléphone, leur ordinateur portable, un magazine... Moi je reste sur le pont, face à la mer, je revis le passé et le relie au présent.

- Tu as peur ? Nos paroles se croisent, je pourrais répondre « Peur ? De quoi ? De l'eau ? Du bateau ? De toi ? De la « surprise » ? » mais je n'ai pas le temps. L'île n'est pas habitée par « un » mais « une » ? Pourquoi ? Pourquoi avoir choisi une île ? Car je ne sais pourquoi je ne doute pas un instant qu'elle soit cette originale ?

Je lui jette un coup d’œil, l'île serait la propriété d'une originale donc ? Les revues que j'ai pu trouver deci-delà la concernant parlaient d'un milliardaire ? Délire de journalistes, ou réalité ? Qu'est-ce que je pourrais ressentir si mon « âme sœur » se trouvait être milliardaire ? Puis-je dire « rien » sans mentir ? Soyons honnête, je n'ai jamais côtoyé personne de riche, encore moins immensément riche, mais si elle l'est, il est une chose dont je suis certain, l'argent ne fait pas le bonheur.

- Pourquoi as-tu choisi une île ? Pour ... Je fais une pause, j'allais dire « pour quelqu'un comme toi », sous-entendant qu'elle était « du siècle » comme on aurait dit il y a -des siècles justement- pour désigner une personne qui vit sa vie autrement qu'en contemplatif... Mais que sais-je d'elle ? Je ne l'ai jamais vue que seule ? Même le jour de notre rencontre, elle avait l'air de fuir le restaurant et sa clientèle grégaire ? Ensuite je l'ai croisée à cheval, solitaire, et aujourd'hui, elle a expressément dit vouloir quitter le centre trop peuplé ? - Je suis né sur une île...Je soupire, seul dans mon présent teint couleur passé... - Elle me manque. Un endroit hors du temps, ou intemporel...

J'ai parlé pour moi, ça n'est de toute manière pas difficile à trouver, j'ai vu le jour à Anchorage parce que ma mère a failli mourir en me mettant au monde, mais dès qu'elle l'a pu elle est revenue, chez elle, chez nous... Ce « chez moi » dont l'éloignement en ce moment me pèse comme jamais. J'ai peur d'apprendre un jour que ma mère est morte aussi, et de l'avoir laissée telle que je la vois, âgée d'une quarantaine d'années, elle en a aujourd'hui près de cinquante cinq ? Ma grand-mère est partie sur la glace, emportant avec elle son savoir et son amour des siens, une cousine m'a écrit qu'elle avait eu une fille qui portait son nom, à la dernière adresse que j'ai communiquée, la lettre a mis quatre mois à arriver... J'ai ressenti comme une chaleur au cœur en lisant cela, chez nous, il y a longtemps, donner à un enfant le nom un défunt garantissait à celui-ci une heureuse vie dans l'au-delà... Disons cela comme ça pour être compréhensible par les ... étrangers à notre culture.

Rencontrer son âme sœur, est-ce que ça intensifie l'absence des êtres aimés ?

Je la regarde, qui aime-t-elle ? Elle ?





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Mer 21 Fév - 23:52
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À l'Ombre des ténèbres, rien ne s'efface, ni les eaux cendreuses, ni les lambeaux des jours.


J'ai 33 ans et je vis sur une île près d'Helsinki, en Finlande. Dans la vie, je suis sellière harnacheuse et je m'en sors en broyant du noir. Grâce à mes démons, je suis célibataire et je le vis implacablement.

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- Sous le tapis ?

Regard de connivence qui n'en était pas un si ce n'était avec elle même. L'air rieur-moqueur sur son visage se fendit d'un sourire en coin : qu'il croit ce qu'il veut, cela lui était égal. Elle n'avait pas à se justifier, encore moins à se déblatérer sur ses angoisses et ses bizarreries ! Sa méfiance envers les autres s'avérait proportionnelle à l'odeur de peste qu'ils dégageaient et l'habileté des voleurs dans la foule se résumait à une très inconfortable paranoïa. Ne pas avoir ses clefs sur elle faisait partie du rituel « esprit tranquille » lorsqu'elle devait se déplacer à Helsinki. Enfin le parking était gardé par des agents de sécurité mais qui pouvait lui assurer qu'ils n'allaient pas s'amuser avec sa voiture ? Les clefs sous le tapis c'était un bon plan ! Point final !

Elle le laissa quelques instants non sans noter ses yeux légèrement écarquillés à l'évocation de la « surprise » et ne put s'empêcher d'avoir une expression maligne en grimpant les quelques marches de l'entrée du bureau.

« Tu ne sais pas pourquoi tu agis ainsi mais tu le fais parce que c'est un chemin sur lequel moi, Anguta je te guide. Je suis Celui qui a refusé ton âme. Je suis Celui qui te rendra aveugle et sourde à tes démons. Je t'ai bénie dans l'entre deux et je t'ai insufflé l'embryon de la Source. Il t'aide déjà... »

" Franchement, mais quelle idée ! Pourquoi s'emmerder à toute cette organisation juste pour... ? Peut-être qu'il détestera en plus ! "


-Tiens, dit elle en lui tendant le billet de la traversée. Je ne te sens pas à l'aise avec ça mais je veux payer parce que ça me fait du bien d'avoir l'impression d'une certaine maîtrise sur tout ce foutoir entre nous deux. Je le fais pour moi, pas pour toi, détail insignifiant.

Brute, directe, Mary détestait les non-dits, les faux semblants ce qui lui portait préjudice avec certains clients qu'elle rencontrait. Sa solide réputation dans le milieu du cheval n'était plus à faire mais autant son caractère était redouté autant elle s'attirait les foudres de clients mécontents face à ses attitudes rebelles. Combien de fois s'était-elle engueulée avec un propriétaire snobinard, puant le fric, insensible au bien-être de son animal parce qu'elle refusait de fabriquer l'harnachement des mors de brides ou des Chifney ! Elle les envoyait sur les roses, leur parlait mal sans s'encombrer d'un minimum de politesse. Les seules et uniques douceurs dont elle faisait preuve , sans témoin, seule, restaient exclusivement réservés à son cheval, son chien. Le reste, les humains, qu'est-ce qu'elle en avait à faire ?! Elle ne bossait que par plaisir. Vivait au jour le jour. Survivait à la nuit la nuit. Qu'aurait-elle pu faire d'autre ? Mais il y avait LUI. Maintenant.

-Pourquoi as-tu choisi une île ? Pour …

Allongeant les jambes, l'ironie de se retrouver coincée dans un monde bouleversé par SA présence sans qu'elle ne puisse rien y faire la rendit sincèrement acide.

-J'y ai trouvé une paix qui n'existe pas.

Elle aurait pu se la fermer, non ? Elle aurait du ! Incroyable de s'entendre répondre sans le vouloir véritablement ! Son habituel mutisme envers ses semblables semblait se volatiliser soudain ! Les deux métamorphes étaient pourtant restés des jours entiers sans décrocher un mot lorsqu'il l'avait recueillie dans sa caravane ! Quelque chose avait changé ! Quelque chose avait changé !

- Je suis né sur une île...- Elle me manque. Un endroit hors du temps, ou intemporel...


Mary se tut. Ainsi, il pouvait comprendre son attachement à être coupée du monde ? Cette solitude bienfaisante qui émanait d'un grand espace à soi non pollué par les autres ? Étrange point commun qui les...rapprochait, qu'elle le veuille ou non ? Elle perçut brusquement son manque, un trou dans la poitrine.

Elle souffla, contrariée. « Moi, ce qui me manque, c'est que tu n'aies jamais existé. Jamais ! ». La pensée méchante tourna, tourneboula, lourde, gluante, combattante. Ne pas se laisser emporter par cette chose nom d'un chien ! Elle croisa les bras. Qu'est-ce qu'ils fichaient là à papoter comme deux vieux amis ?! Comme si c'était...naturel ! Un magma se mit à chauffer en elle, puis à bouillir. Folie ! Folie !

-Pourquoi tu me regardes comme ça ? Et sans attendre sa réponse, elle enchaîna : -Je sors fumer.

Et paf ! Encore ! Qu'avait-elle besoin de le prévenir ? Elle aurait pu se lever et partir sans rien dire. Elle aurait du partir sans rien dire !

À l'extérieur, le vent froid mordait la peau, accentué par la vitesse du ferry. La mer était tranquille, sereine. Elle aspira la fumée vite et fort. « As tu peur ? » Il n'avait pas répondu, elle n'avait pas insisté. Au fond, elle avait parlé d'elle : c'était elle qui pétait de trouille.

Мара

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Lun 26 Fév - 13:55

Amka Wraith,
dit « Valravn ou Crow »  

J'ai 33 ans et je vis pour le moment à Helsinki, Finlande. Dans la vie, je suis .. . que dire ? J'ai fait à peu près tous les métiers qui ne demandent que de la bonne volonté et du muscle, pas que je sois idiot, mais je n'ai pas en tête de « faire carrière » dans aucun. En fait, je suis chamane en quête du Savoir qui fera de moi un sage porteur de sagesse auprès de tous. Je suis célibataire, mon rôle ici bas n'est pas de procréer, mais de transmettre autrement l'humanité et la paix. Je dois être libre, attaché à tous et non à l'un(e), pour aller au bout de ma quête,.

Sur mes papiers, il est écrit Amka Wraith... Avant ce que je continue à appeler la colonisation avec une rancoeur qui m'honore peu, nous nous appelions Uyarak, Je suis Amka Uyarak, et répond aux surnoms de Valravn que j'utilise souvent comme prénom, et de Crow...


En dire encore plus ?

A quatorze ans, j'ai accueilli lors d'un rituel initiatique, l'esprit du loup. A seize, le Corbeau m'a été donné, le « Valravn » que certains disent "Crow", celui qui accompagne les âmes aux mortes de l'Autre côté, au delà des brumes sur la glace...

Depuis, je suis fidèle à ma double mission, aider de mon mieux les vivants et les morts... Et à ma double nature, homme, et loup...  J'ai longtemps souhaité appeler l'oiseau, voler dans les airs, mais aux dires des Anciens, un seul esprit de bête entre en toi, et le loup m'a choisi. Qui sait ? Les anciens voient et savent, mais pas tout parfois ?

Cela m'a été donné très récemment, à la suite d'une aventure dont mon âme est encore meurtrie... Si ma grand-mère a parlé de « Valravn » ce n'est pas parce qu'elle peinait de trouver un mot dans notre langue pour définir ce que j'étais... Ma première expérience de vol l'a été grâce à une créature mythique, loup hybridé de corbeau, le fameux mythe nordique ? Je suis la preuve que ma nature est bien liée à la magie et non comme certains l'ont avancé dans le monde occidental à des manipulations génétiques...



Mais si le Valravn s'est révélé, c'est surtout parce qu'il m'a fallu ramener d'entre les morts l'incarnation d'une autre légende : la femme qui serait mon âme sœur ! J'avoue que ni l'un ni l'autre n'étions prêts à cette révélation. J'ai joué mon rôle, puis, remis de nos blessures mutuelles, nous n'avons eu de cesse de nous fuir. Mais on ne quitte pas son double, les récits, qu'ils soient grecs ou d'autres origines disent bien qu'elle est la partie de moi qui à l'origine du monde a été arrachée à mon être, et que je suis -moi- celui qui la complète ! Refuser est notre droit, mais la douleur du rejet ne nous quitte pas, c'est une amputation, comme le serait la perte de ma partie animale...

Oh... En passant... J'ai un passeport américain, mais je suis inuit, quand je ne parle pas le Yupik sibérien, assez peu usité dans le reste du monde, j'ai une préférence pour le Russe, appris avec les marins sur les bateaux de pêche puis les cargos où j'ai commencé ma carrière professionnelle. Pourquoi ? Parce que disons que les USA et moi sommes un peu en froid, c'est une longue histoire, depuis la mort de mon père ! Mais bien sûr, je peux vous répondre en Anglais, et même en Français, une autre histoire... Un jour, je conterais peut-être tout cela.




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" Lorsque j'aurai fini de regarder ces chemins..."

Mary &  Valravn (Amka)

" Lorsque j'aurai fini de regarder ces chemins menant plus loin que la vie et que sous le ciel vous m'aurez couchée, gardez captive l'aile qui frémit pour que mes yeux consentent à se fermer. " Rina Lasnier  - Page 3 Val_ma10

Février 2023


... je veux payer parce que ça me fait du bien d'avoir l'impression d'une certaine maîtrise sur tout ce foutoir entre nous deux. Je le fais pour moi, pas pour toi, détail insignifiant.

Soit.

Je me surprends à penser, une fois encore, à ce qui se serait passé si je l'avais rencontrée sans être forcé à la laisser me « rentrer dedans »... Si à la porte du restaurant je l'avais heurtée, m'étais excusé tout naturellement, avais reçu -ou pas- une phrase de circonstance pour marquer qu'elle avait entendu ? Il ne se serait probablement rien passé... Elle ne souhaite pas se lier, le monde est constitué d'elle et des autres... Et elle vit les autres comme hostiles ? Mon « double » en est resté à mes quinze ans, quelques mois après la mort de mon père, quand je ne souhaitais rien tant que choquer, anéantir, agresser tous ceux qui n'étaient pas « nous ». A-t-elle aussi subi un deuil qui l'a dressée contre tous ? L'a-t-on blessée, détruite ? Comment ?

Sa formulation laisse entendre qu'elle ne dirige pas son univers mais en est victime ? « maîtriser », tenir les rênes, diriger sa vie... N'avais-je pas -moi- l'impression de le faire ? Je pensais avoir choisi délibérément ma ligne de conduite, marcher droit parce que je le voulais. Il a suffi d'une femme rencontrée par hasard pour moi qui n'ai jamais été « un homme à femmes »... En entrant dans le monde « des autres » justement j'ai appris que ce que j'étais avait un nom : homosexuel ? Le suis-je ? Il est certain que les corps d'hommes m'attirent plus que ceux des femmes, mais il n'est pas question d'amour, mon amour est distribué à tous, sans distinction. Je ne sépare pas les êtres en fonction de leur sexe, ni de leur couleur de peau, ni de leur âge, ni de quoi que ce soit qui les isole les uns des autres... Chaque particule du tout est spéciale, tous ses éléments sont différents, il n'y a pas de clones dans la nature, même les jumeaux homozygotes ont des singularités... La diversité est le maître mot, l'accepter un devoir sacré, je ne peux me défaire de cette croyance, ma foi toute entière est basée là-dessus.

Maintenant que je me suis calmé et ai accepté l'inévitable, je vois Mary comme une statuette de bois entraînée par un torrent tumultueux... Elle flotte mais suit malgré elle une direction contraire à ses vœux, JE suis la cause de cette situation, JE suis l'inondation qui fait déborder sa rivière calme ? Cela dit, a-t-elle jamais été calme la rivière de sa vie ? Je ne sais pas, des mots, des attitudes, des intonations me soufflent que non, je peux me tromper ?

- En le faisant pour toi tu le fais pour moi... Que tu le veuilles ou pas nous sommes attachés l'un à l'autre, il va falloir l'admettre ou nous continuerons à nous blesser, mutuellement mais aussi personnellement. Je n'ai jamais souhaité partager la vie d'une femme, ni de personne en particulier. Je suis une pierre qui roule Mary comme tu es retranchée dans ton monde... C'est peut-être pour cela que c'est arrivé, non ? Nous sommes deux solitaires qui cachons nos plaies, moi en m'offrant aux autres toi en les rejetant.

J'affirme sans en être certain à cent pourcents, ce sont des choses que j'ai déduites... Mais je dois lui concéder qu'elle a fait un pas, comme j'en fais un. Après avoir passé des mois à nous déchirer l'un l'autre nous avançons, un peu, un pas... juste un.

- J'y ai trouvé une paix qui n'existe pas.

Nous sommes de part et d'autre de la porte qui mène à la cabine, des regards furieux nous sont adressés, fermons-nous cette porte ? Le vent froid s'engouffre dans le local vitré qui permet de suivre la mer des yeux ! Qu'elle entre, me laissant dehors ! Elle ne voit pas les visages contrariés et désapprobateurs, elle ne les voit pas -elle- parce qu'elle ne regarde pas « les autres » ? moi, je choisis de ne pas voir, ils sont tous chaudement habillés, ne peuvent-ils pas supporter un peu de fraîcheur ? Le vantail n'est pas grand ouvert, elle a fait le geste pour la tirer sur elle tandis que je restais dehors, simplement elle est restée en suspens. Nous parlons, ils n'ont pas à savoir de quoi !

« Une paix qui n'existe pas »

Je ferme les yeux, respire profondément, joint les mains et enferme le bas de mon visage, bouche et nez, dans le triangle ainsi constitué... Toutes ces années, ai-je imaginé cette paix qui n'existe pas ? Me suis-je aveuglé moi-même ? Ai-je voulu croire si fort que j'ai créé ex-nihilo un équilibre fictif ? Une fois de plus je me dis qu'elle a le don de me faire douter de tout.

- La paix existe, elle réside tout au fond de chacun de nous...

Je veux le croire, j'en ai besoin ! Je ne peux pas avoir fait fausse route ? Ma façon de m'accepter a été de me dévouer au Tout, et le Tout sur terre commence par les autres. Les humains, les animaux, les végétaux, les éléments... Je rouvre les yeux et passe ma main gauche sur ma nuque que je sens soudainement raide et douloureuse.

- Pourquoi tu me regardes comme ça ? Je sors fumer.

Elle me pousse en passant, laissant enfin la porte se refermer au grand soulagement des frileux à l'intérieur. Je la laisse s'éloigner de quelques pas, lance la tête en arrière de nouveau les yeux fermés pour me donner à voir le passé. Je ne lui dis pas, peut-être le sent-elle, mais je trouve en elle un écho. Nous avons simplement trouvé deux réponses différentes au même mal, ni l'un ni l'autre ne nous sentons à notre place dans ce monde, si mon père avait vécu je me serais refermé, enfermé, parmi les miens... Seule son absence a rendu les visages qui l'avaient connu insupportables ! Tout l'amour que je pouvais ressentir était brisé comme la neige et la glace sous les coups du printemps...   Mon départ n'était qu'une fuite déguisée en décision mûrie. En prendre conscience me fait souffrir, comme elle doit souffrir de ma présence...

Pourtant, je ne regrette rien. Je sais que je suis sur la bonne voix, la seule qui s'offrait à moi. Est-ce parce qu'elle n'a pas su choisir la sienne que nous sommes là, chacun regardant le large, elle en faisant des ronds de fumée et moi les yeux rivés sur l'horizon ?

Je réentends son - As-tu peur ? et y réponds tardivement - Et toi ? De quoi as-tu peur ? Pourquoi n'ai-je pas formulé ma question comme elle ? Suis-je franc d'ailleurs, n'ai-je pas peur moi aussi ?

Je ne crois pas.

Je n'ai plus peur.

Je tourne la tête et m'approche, je tends la main. Veut-elle mettre la sienne dans la mienne ? Parfois, cela soulage des tourments de l'âme. Mes yeux restent baissés, j'ai le sentiment que la regarder reviendrait  à la provoquer, je peux encore me tromper, j'avance dans l'inconnu.


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Mar 27 Fév - 1:09
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Mary Gaberlie


À l'Ombre des ténèbres, rien ne s'efface, ni les eaux cendreuses, ni les lambeaux des jours.


J'ai 33 ans et je vis sur une île près d'Helsinki, en Finlande. Dans la vie, je suis sellière harnacheuse et je m'en sors en broyant du noir. Grâce à mes démons, je suis célibataire et je le vis implacablement.

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Sadie

Coincée...

J'entrevague les nuages
Froideur tout contre chaleur
Sur les oripeaux de ma peau.

Coincée...

Mon petit cœur, serti d'onyx et de sombres ondes
entre heure et seconde.
Toi sans moi j'y crois
Moi sans toi 
Je supplie sans cri !

Coincée...
Coincée...
Coincée...

Chaque mot fut un coup de tôle sur son âme. « Tais toi ! Tais toi ! » Ne pas entendre, ne plus écouter, ne plus... Mais la Vérité se frayait un chemin parmi les ronces et les nuisibles invisibles. S'immisçait entre les pierres et les haines, s'infiltrait dans les trous et les cimetières.

- En le faisant pour toi tu le fais pour moi... « Non, je ne fais rien pour personne ! Pas plus toi que... » - Tu le fais pour moi.  Était ce de cette manière qu'il le vivait ? Sérieusement ?! Sans le vouloir, elle lui donnait quelque chose ? Une poussière d'elle même ? L'abominable réalité !

-Je ne suis pas ce que tu penses de moi. Le vide, le néant sont miens et je les aime. Ne me les enlève pas, je ne possède rien d'autre. Essaie de comprendre. S'il te plaît.

Mais la brûlure de la lumière poursuivait sa tâche d'éclats sans relâche.

-Que tu le veuilles ou pas nous sommes attachés l'un à l'autre, il va falloir l'admettre ou nous continuerons à nous blesser, mutuellement mais aussi personnellement.

Mutisme.

Visage fermé. Ses paroles la cognaient, là et là. Et puis là. Admettre. Accepter. Se coucher enfin du long repos du guerrier. Lâcher prise. Déchirer ce voile qui nourrissait le simulacre d'une vie sans amour noyée dans une beuverie de violences. Dégueuler ce venin rongeur qui l'attaquait avant d'attaquer les autres.

Pardonner l'impardonnable. Se pardonner. Ce putain de désespoir empêchait l'embryon d'une confession salvatrice.

-Je n'ai jamais souhaité partager la vie d'une femme, ni de personne en particulier.

« Grand bien te fasse ! Garde précieusement ton souhait ! » L'idée même lui donnait la nausée. Les années traversées avec ses parents,  la collectivité subie durant une année dans un foyer avant sa majorité l'avait rendue malade littéralement alors imaginer un quotidien avec qui que ce soit se résumait à...un cauchemar. Jamais cette horrible perspective ne se produira ! Jamais !

-Je suis une pierre qui roule Mary comme tu es retranchée dans ton monde... C'est peut-être pour cela que c'est arrivé, non ? Nous sommes deux solitaires qui cachons nos plaies, moi en m'offrant aux autres toi en les rejetant.

Il la percutait de plein fouet, corps et âme. Elle en avait le ventre noué, l'angoisse prenant le pouvoir. Valravn parlait tranquillement, presque doucement. Sa voix grave réchauffait l'atmosphère glaciale de ce mois d'hiver.

Soudain, tout à trac, d'un coup d'un seul sans aucune raison : elle aima sa voix. Ce ne fut pas douloureux, ce brusque "amour". Elle eut un mouvement de tête telle la panthère reniflant une odeur nouvelle.

Étrange. Étonnant. Bouleversant.

-Peut-être...

Elle se tut savourant la saveur du plaisir qu'elle venait de découvrir. L'attention décalée, elle maintenait la porte entrouverte, regardant avec ironie ses yeux se fermer tandis qu'il posait ses mains sur son visage.
Elle avait déjà remarqué qu'il avait parfois des gestes lui paraissant impromptus voire...ridicules. À sa façon, il souffrait d'une spontanéité qui la dérangeait, la déconcertait. Évidemment, malhonnête avec elle-même, elle ne s'en rendait pas compte. Sur le moment, elle haussa les sourcils « qu'allait-il lui sortir encore ? »

-La paix existe, elle réside tout au fond de chacun de nous...

Instant d'apnée. Le cerveau creux. Le sang en suspens.  Grimace d'interloquée.

-La paix existe, elle réside tout au fond de chacun de nous, répéta-t-elle comme un perroquet, l'air...songeur-moqueur.

Compte tenu du sérieux avec lequel il venait d'affirmer cette belle phrase, elle en conclut qu'il venait  de sortir un sacré morceau ? D'emblée elle afficha l'air supérieur caractéristique des railleurs.

-Ah ouais ? Si tu le dis. Je dis que la paix n'existe pas et qu'elle ne réside pas tout au fond de chacun de nous. Pour certains oui, pour d'autres non. Pour toi c'est ok pour moi ce n'est pas ok. Et je n'ai pas envie que ça le soit parce que j'aime le noir et la bataille. Qu'en dis tu ?


Elle passa à l'auto dérision positionnant ses mains en lotus : -la grande sage a parlé, pouffant, riant presque !

Mais il avait raison sur beaucoup de points. Elle avait besoin d'air !

-Et toi ? De quoi as-tu peur ?


C'en était trop ! Le rembarrer, sortir, s'en sortir avec panache !  Appuyée contre la rambarde, elle aspira une bouffée, souffla. Un répit. Une distance ! Elle savait tellement comment les repousser, se faire détester. Un jeu machiavélique dont elle gagnait chaque partie, invariablement. Il avait beau être chamane, métamorphe, ce n'était pas un surhomme, juste un humain comme tous les autres.

Mais ça ne se passa pas comme elle le prévoyait. Quelques minutes plus tard, il était de nouveau à ses côtés, tout près. Trop près. Elle l'ignora, s'agaça, finit par tourner la tête.

Une main tendue.

Elle crut à une blague de mauvais goût, lança un œil aux alentours machinalement.  Il ne bougeait pas, ne la regardait même pas.

Alors, Mary sut qu'il était sincère. Touchée, une tristesse incommensurable s'empara de tout son être. Elle hésita. Regarda de nouveau sans voir au loin.

-Épargne toi.

Avec douceur, elle referma les doigts du natif sur sa paume.

Save yourself

Sauve toi:
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Mar 27 Fév - 15:53

Amka Wraith,
dit « Valravn ou Crow »  

J'ai 33 ans et je vis pour le moment à Helsinki, Finlande. Dans la vie, je suis .. . que dire ? J'ai fait à peu près tous les métiers qui ne demandent que de la bonne volonté et du muscle, pas que je sois idiot, mais je n'ai pas en tête de « faire carrière » dans aucun. En fait, je suis chamane en quête du Savoir qui fera de moi un sage porteur de sagesse auprès de tous. Je suis célibataire, mon rôle ici bas n'est pas de procréer, mais de transmettre autrement l'humanité et la paix. Je dois être libre, attaché à tous et non à l'un(e), pour aller au bout de ma quête,.

Sur mes papiers, il est écrit Amka Wraith... Avant ce que je continue à appeler la colonisation avec une rancoeur qui m'honore peu, nous nous appelions Uyarak, Je suis Amka Uyarak, et répond aux surnoms de Valravn que j'utilise souvent comme prénom, et de Crow...


En dire encore plus ?

A quatorze ans, j'ai accueilli lors d'un rituel initiatique, l'esprit du loup. A seize, le Corbeau m'a été donné, le « Valravn » que certains disent "Crow", celui qui accompagne les âmes aux mortes de l'Autre côté, au delà des brumes sur la glace...

Depuis, je suis fidèle à ma double mission, aider de mon mieux les vivants et les morts... Et à ma double nature, homme, et loup...  J'ai longtemps souhaité appeler l'oiseau, voler dans les airs, mais aux dires des Anciens, un seul esprit de bête entre en toi, et le loup m'a choisi. Qui sait ? Les anciens voient et savent, mais pas tout parfois ?

Cela m'a été donné très récemment, à la suite d'une aventure dont mon âme est encore meurtrie... Si ma grand-mère a parlé de « Valravn » ce n'est pas parce qu'elle peinait de trouver un mot dans notre langue pour définir ce que j'étais... Ma première expérience de vol l'a été grâce à une créature mythique, loup hybridé de corbeau, le fameux mythe nordique ? Je suis la preuve que ma nature est bien liée à la magie et non comme certains l'ont avancé dans le monde occidental à des manipulations génétiques...



Mais si le Valravn s'est révélé, c'est surtout parce qu'il m'a fallu ramener d'entre les morts l'incarnation d'une autre légende : la femme qui serait mon âme sœur ! J'avoue que ni l'un ni l'autre n'étions prêts à cette révélation. J'ai joué mon rôle, puis, remis de nos blessures mutuelles, nous n'avons eu de cesse de nous fuir. Mais on ne quitte pas son double, les récits, qu'ils soient grecs ou d'autres origines disent bien qu'elle est la partie de moi qui à l'origine du monde a été arrachée à mon être, et que je suis -moi- celui qui la complète ! Refuser est notre droit, mais la douleur du rejet ne nous quitte pas, c'est une amputation, comme le serait la perte de ma partie animale...

Oh... En passant... J'ai un passeport américain, mais je suis inuit, quand je ne parle pas le Yupik sibérien, assez peu usité dans le reste du monde, j'ai une préférence pour le Russe, appris avec les marins sur les bateaux de pêche puis les cargos où j'ai commencé ma carrière professionnelle. Pourquoi ? Parce que disons que les USA et moi sommes un peu en froid, c'est une longue histoire, depuis la mort de mon père ! Mais bien sûr, je peux vous répondre en Anglais, et même en Français, une autre histoire... Un jour, je conterais peut-être tout cela.




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Février 2023

- Je ne suis pas ce que tu penses de moi. Le vide, le néant sont miens et je les aime. Ne me les enlève pas, je ne possède rien d'autre. Essaie de comprendre. S'il te plaît.

Que pourrais-je répondre ?

Je suis métamorphe et naturellement empathique, le fait que nos âmes animales puissent -comme celles de tous les thérians- se « ressentir » augmente le poids de son mensonge. « Le vide et le néant sont miens » dit-elle ? Cela je peux le recevoir, sa présence, sa détresse, son rejet des faits font que je me sens aspiré dans un maelstrom, je tombe dans un trou noir, plein de... ce vide qu'elle dit aimer ?

Que dire ?

Rien j'en ai peur, elle n'est pas prête à entendre, « ce vide et ce néant » elle les appelle de toutes ses forces pour occulter l'unique vérité : elle est moi et je suis elle... Ce qu'elle pense m'atteint, ce qu'elle fait me mine, ce qu'elle nie émiette ma plénitude... Chaque parcelle de son vide éteint un peu de ma conscience mais lui comme son néant sont faux, ils sont constitués de douleur et de déni, elle a juste posé sur ses plaies une chape de noirceur pour ne les plus voir ! En tout cas, je le tiens pour vrai, elle n'aime pas le vide et le néant, elle les utilise pour recouvrir des trop pleins qu'elle parvient à me cacher, creusant un abyme de souffrance en moi.

Je m'étais juré de ne plus céder ! J'avais fait en acceptant son invitation le serment de me maîtriser, de refuser d'entrer plus profondément en elle pour ne pas accueillir sa douleur au milieu de mes doutes. J'ai échoué. Je la sens passer de la tristesse à la peur, de la peur à la rage, de la rage à une étreinte passionnée de son cœur et du mien ! Elle me rappelle le chiot que j'avais trouvé enfant, égaré loin de la meute d'un voisin, l'humain l'appelait mais nous étions des inconnus, il faisait un pas pour recevoir de l'aide puis reculait en grognant prêt à mordre ! Je lui fais mal comme elle me fait mal, pourtant, de courts instants je la sens presque conquise par l'idée de cette paix qu'elle dit irréelle.

La paix existe, elle réside tout au fond de chacun de nous.

Elle saisit la phrase et l'idée et s'en arme, la tourne en dérision. Elle s'oppose à moi, me soutient le contraire de ce que je dis et pense, par principe, avec la colère d'un enfant qui se rend compte qu'il agit mal mais qui refuse de l'admettre, parce que s'il l'accepte les parents auront remporté la manche ? C'est bien de guerre qu'elle parle d'ailleurs :

- Je dis que la paix n'existe pas et qu'elle ne réside pas tout au fond de chacun de nous. Pour certains oui, pour d'autres non. Pour toi c'est ok pour moi ce n'est pas ok. Et je n'ai pas envie que ça le soit parce que j'aime le noir et la bataille. Qu'en dis tu ?

Qu'en puis-je dire ? Que tu te leurres ? Que tu t'aveugles ? Qu'il ne s'agit pas d'être ou de ne pas être mais de vouloir ou ne pas vouloir ? Que tu te refuses une trêve, que tu te tortures volontairement ?

Elle se moque, et dans son ton volontairement ironique et persifleur je sens la misère ronger son âme et son cœur ? Et si je me trompais ? Si comme elle le dit je ne la voyais pas telle qu'elle est mais telle que je la veux pour pouvoir l'intégrer dans mon monde ? Elle ne répond pas à ma question sur ce qui l'effraie à ce point, referme mes doigts tendus, brisant la flèche que je pointais vers l'avenir. Je me tourne vers elle et pourtant je ne regarde que l'horizon, le nord. Le dos appuyé contre le bastingage, le visage aussi neutre que possible, j'ai jeté un simple coup d'oeil à mon poing fermé synonyme de refus. Elle, est tournée vers le sud et je dirais qu'elle ne voit rien non plus, qu'autant qu'à moi les vagues, l'eau, le ciel, les rares oiseaux marins sont invisibles.

Ne vois-tu pas ? Ne sens-tu pas ?

- Épargne toi

- Tu sais bien que je ne peux pas. Que tu dises ou taises tout ce que ton corps, ton cœur et ton âme vivent m'est transmis...

Je marque une pause, je me mords les lèvres, demain elles seront gercées... et après ? En moi le loup trépigne d'envie de se montrer pour apaiser au moins les pensées dévastatrices qui m'emplissent ! J'ai mal et honte de cette intrusion mutuelle mais si elle n'occultait pas la vérité...

- Si tu n'as pas la volonté d'en finir avec ça pourquoi m'as-tu invité à te suivre ?

Un autre silence, mes pensées s'emmêlent mais doivent la submerger, j'ai réussi à chasser la colère, je ne lui en veux plus, de quoi est-elle coupable ? Qu'a-t-elle fait de plus que moi ? Bousculer une autre personne à la sortie d'un restaurant, pas même violemment... Ce qui a failli nous jeter à terre l'un comme l'autre n'avait rien à voir avec la violence physique du contact !

- Epargne-toi me dis-tu ? T'épargnes-tu toi ? Ouvre ce trou puant rempli de secrets destructeurs et l'un comme l'autre nous serons épargnés ! Ce que tu dissimules et dis « aimer » est un acide corrosif et mortel. Ta douleur m'arrache tout ce que j'aime en ce monde, et t'interdit à toi d'aimer quoi que ce soit !  

En moi une voix hurle que si elle n'y parvient pas, moi je le ferai pour elle ! Et la raison répond que je ne saurai pas... Je la revois courir droit devant elle et se laisser tomber dans un trou abrupt ! Est-ce qu'il vaut mieux mourir qu'accepter de voir ce qui la maintient dans cet état de non-vie ?

Cédant à un mouvement d'impuissance je hausse la voix et adopte un ton plus incisif :

- Mary ! Tu n'aimes pas le vide et le néant, tu les invites à ta table pour ne pas voir les mets qui t'empoisonnent jour après jour ! Tu n'es ni morte ni vivante, la mort -celle du corps ou celle de l'âme- t'a été refusée

Je m'échauffe, je crie presque sa douleur qui est mienne ! Elle m'a raconté Anguta, furieuse, incrédule, peut-être soulagée aussi ?  Ne voit-elle pas que -se comportant ainsi- elle n'est rien d'autre qu'une maladie contagieuse ? La négation de son être, l'entretien de cette absence perpétuelle... Je m'en veux, je sais que je la griffe et la mords comme si nos bêtes s'affrontaient, mais je veux que ça cesse !

- sers-toi de moi ! Si j'ai été mis en travers de ton chemin c'est dans un but précis, même si l'un comme l'autre nous n'y comprenons rien ! Ce n'est pas la paix qui n'existe pas, c'est toi ! Tu te refuses d'exister, tu t'interdis... quoi ? Un pardon ? Un oubli ? Une autre chance ? Qu'as-tu fait, pensé ou vécu qui te pousse à te torturer le restant de ton temps sur cette terre !

Le vent dresse mes cheveux comme un oriflamme noir sur le fond de ciel gris, je porte ses couleurs ! Je m'impose de me calmer, en adoptant ce ton et cette attitude je vais dans son camp, j'alimente la discorde et notre malheur, c'est l'inverse qui doit se passer.

- Je sais être égoïste aussi Mary, je ne veux pas couler avec ton navire ! Je t'ai ramenée une fois, si tu l'exiges il y en aura d'autres !  

Comme pour m'appuyer le ciel jusqu'alors gris et brouillon de nuages se dégage et laisse un soleil froid d'hiver briller au milieu d'un espace d'un bleu dur !

- L'un sans l'autre nous ne sommes pas... Madame la grande sage.

Accepte moi ; et si je sens bien les choses, nous pourrons enfin marcher l'un sans l'autre bien que liés...

Je me tais, épuisé, désolé, elle m'a à nouveau ramené à cet instinct primal que j'ai tant travaillé à contrôler ! Je croyais avoir trouvé comment agir pour que la situation soit vivable... Je croyais qu'en se soumettant nous atténuerions la pression... Me suis-je trompé ? Ou bien est-ce impossible à faire ?


" Lorsque j'aurai fini de regarder ces chemins menant plus loin que la vie et que sous le ciel vous m'aurez couchée, gardez captive l'aile qui frémit pour que mes yeux consentent à se fermer. " Rina Lasnier  - Page 3 78652210


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Jeu 29 Fév - 0:25
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Mary Gaberlie


À l'Ombre des ténèbres, rien ne s'efface, ni les eaux cendreuses, ni les lambeaux des jours.


J'ai 33 ans et je vis sur une île près d'Helsinki, en Finlande. Dans la vie, je suis sellière harnacheuse et je m'en sors en broyant du noir. Grâce à mes démons, je suis célibataire et je le vis implacablement.

" Lorsque j'aurai fini de regarder ces chemins menant plus loin que la vie et que sous le ciel vous m'aurez couchée, gardez captive l'aile qui frémit pour que mes yeux consentent à se fermer. " Rina Lasnier  - Page 3 Vala11




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Présence

J'ai traversé tant de couloirs,
Le corps nu, affaiblie par le froid.

Il ne reste de ma mémoire,
Que ce cri dont l'écho ne part pas.
Un instant de malaise, de peur,
Semblable à une vie pour moi.

Une ombre, une présence,
Un visage recouvert

La lumière, un bourreau,
Sa main sur mon corps,
Sa main sur mon âme,
Un ultime cri qui résonne
En moi...


Le son du carillon se mit à tinter puissamment rythmant les heures passées sur le ferry. Encore deux avant l'arrivée. Le compte à rebours s'égrenait, indifférent à tous les évènements que vivaient les hommes. La Terre tournait, la lune se levait, le jour succédait à la nuit, la mer avançait, reculait, les montagnes s'érodaient,  le sol grondait, toute forme de vie naturelle mourait, se reproduisait, existait. Un cycle banalement grandiose se mouvait sans pause, suspendu au miracle d'un espace infini.

Elle en faisait partie au même titre que lui, ni l'un ni l'autre n'ayant demandé à être créés.  Et le mystère de leur rencontre se balançait entre tous ces mouvements bien plus grands qu'eux. Êtres infimes dans un coin de l'univers, une alchimie les avaient liés en plein milieu d'une immensité merveilleusement incompréhensible.

Mary était déshabitée.  Des regrets.  Des nœuds étouffés de silences. Opacité d'une non vie paralysée  à ce point limite, indescriptible.  L'innommable offrant une éternité à ce qu'elle était devenue.

-Tu sais bien que je ne peux pas. Que tu dises ou taises tout ce que ton corps, ton cœur et ton âme vivent m'est transmis...

Oh seigneur ! Fuir cette réalité insupportable !  Elle aurait voulu hurler, se contenta de verrouiller ses mâchoires, d'écraser le filtre de la cigarette dans le cendrier fixé sur le garde corps avant de serrer ses poings.  Violence d'une douleur profonde, nouvelle, éclatante. Il entendait l'inaudible, percevait ses invisibles, voyait sa ténèbre, goûtait ses venins, sentait ce qu'elle cachait absolument, passionnément.

Non !

L'immensité de l'eau rejoignait le ciel au loin. La ligne d'horizon cognait le regard. Une limite qui n'existait pas. Une barrière en chimère. Un drôle de mensonge empreint de réel et de beauté pure. « Se coucher sur cette ligne pour me dissoudre ». Elle la contempla un bref instant puis se défendit comme une bête prise en défaut sur un sale piège.

-Crois tu que je sois dupe en ce qui te concerne ? Que je ne ressens pas l' ombre derrière cette...lumière...aveuglante que tu dégages ? L'une ne va pas sans l'autre. À cause de ce...lien... je...C'est double peine pour moi, ce qu'il y a en toi je...


Tout à coup, alors qu'une petite main tapotait sa jambe, une voix fluette demanda :

-Dis, pourquoi t'as les cheveux bleus ?

Une famille prenait l'air sur le pont, une des enfants s'était avancée vers Mary, fascinée par la couleur.  

Interrompue, le poids dramatique de la situation s'affaissa, laissant place à la spontanéité d'une gosse d'à peine cinq ans. Surprise, la finlandaise lança un regard rapide à Val ne sachant pas quoi répondre sur le moment. Puis tourna la tête vers la petite.

-C'est parce que ce monsieur là, -elle désigna le chamane- me raconte des histoires toutes bleues alors mes cheveux deviennent bleus.

Appelée par son père -Kari viens ici ! -, elle s'en alla, crédule et émerveillée d'un Valravn flanqué d'un étrange pouvoir, contant des récits colorés.

-En vrai c'est parce que le ciel m'a mordue, précisa t- elle avec ironie.

Elle sourit à l'idée et plus encore lorsqu'elle perçut le loup qui s'échauffait dans ses veines. En d'autres lieux, elle se serait sans doute amusée à muter pour le provoquer. Se seraient-ils battus comme ils l'avaient déjà fait ? Elle n'en était plus aussi certaine.

-Si tu n'as pas la volonté d'en finir avec ça pourquoi m'as-tu invité à te suivre ?

Elle souffla légèrement, haussa les épaules.

-Je ne sais pas. Ça doit se passer comme ça, c'est tout. Prendre le temps et l'espace de mettre les choses au clair une bonne fois pour toutes. J'ai réfléchi à te parler n'importe où, n'importe quand. Que ce soit moins dur...

Il lui manquait. Je suis en manque de toi partout où tu n'es pas,  tout le temps. Un supplice nouveau né de plus, le malheur qui s'accrochait comme un mort de faim à sa putain de vie. Un secret épais parmi les autres.  

Mais il savait. Elle savait. Ils se savaient, autant empêtrés l'un que l'autre dans ce magma de lien impensable sauf que lui possédait les moyens de le gérer. Elle, n'éprouvait que le besoin rageux de s'enfuir, de mourir. Que tout ça disparaisse ! Démunie, elle n'était rien, n'avait rien pour affronter la chose.

-...là-bas, il n'y a personne, aucune pollution de quelque nature que ce soit pour nous emmerder. Pas de bruit. Je n'aime pas la sensation de tas que sont la foule, les gens, les rues. Pour toi, sur l'île ou ailleurs, ça n'a aucune importance, alors pourquoi pas.

Chez elle, elle se sentait en sécurité, protégée. À l'extérieur l'angoisse et la peur s'imposaient.

-Épargne toi me dis-tu ? T'épargnes-tu toi ? Ouvre ce trou puant rempli de secrets destructeurs et l'un comme l'autre nous serons épargnés ! Ce que tu dissimules et dis « aimer » est un acide corrosif et mortel. Ta douleur m'arrache tout ce que j'aime en ce monde, et t'interdit à toi d'aimer quoi que ce soit !  

L'estoc la fit haleter lentement. Posant les deux mains sur la barre de métal, elle recula d'un pas comme pour prendre son élan. Un gargouillis de sentiments de violence, de rejet, de rage, d'injustice, d'impuissance, d'appel au secours se mélangèrent en une vile pâte infâme.

Dans un expire-inspire contenu, elle rétorqua à mi-voix, envahie par la brûlure atroce que lui procurait ses paroles :

-Arrête ! Tais toi ! Tais toi ! Comment... comment oses tu ?! Qu'est-ce que ça peut te faire comment je me vis ? C'est mon choix ! Avant toi ça allait plutôt bien. Ça allait comme je voulais. Ça me suffisait!

Paupières closes, elle se projeta. Elle avait aimé un jour, à en jubiler. La jouissance de ce moment-là. La saveur de cette extase si particulière.
 
Rouvrir les yeux. Vomir, se vomir.

-Ma douleur ? Et si ce n'en n'était pas une mais plutôt quelque chose de bien plus perverse, dégueulasse, irrécupérable ? Une douleur c'est propre, emplie de chagrin à consoler, de larmes à assécher.

Cette fameuse nuit où elle avait conclu ce pacte avec elle-même. Presque aussitôt quelque chose s'était fracassé profondément en elle. Elle avait sombré, immobile, le corps sans force, flottant entre son lit et le plafond. C'était autrefois. C'était aujourd'hui.

-Je ne veux rien t'arracher ! Qu'est-ce que... Tu m'en rajoutes une couche c'est ça ? Me culpabiliser! Me culpabiliser pour m'enfoncer un peu plus.

Mais la rivière débordante de justesse et d'empathie ne se laissa pas berner par la noirceur, elle continua de couler tranquillement, fermement. La sagesse se déversait, inaltérable, puissante.

Oui, même la mort n'a pas voulu de toi Mary !


-Utilise-moi ! Si j'ai été mis en travers de ton chemin c'est dans un but précis, même si l'un comme l'autre nous n'y comprenons rien ! Ce n'est pas la paix qui n'existe pas, c'est toi ! Tu te refuses d'exister, tu t'interdis... quoi ? Un pardon ? Un oubli ? Une autre chance ? Qu'as-tu fait, pensé ou vécu qui te pousse à te torturer le restant de ton temps sur cette terre !


Jamais elle n'avait entendu paroles aussi terribles d'authenticité. Jamais personne ne s'était penchée vers elle pour la sortir du gouffre! On s'était penché sur elle pour la battre, point final. Point fatal. Rompue aux humiliations, à tout ce fatras d'immondices qu'on lui avait jeté à la face, la véracité de ses mots, de sa finesse d'analyse, de compréhension lui furent insupportables.

Le visage défait, son corps se mit à trembler. Un coup de fouet ne l'aurait pas faite réagir avec autant d'émotion. L'âme et le cœur cuits à vif par l'empathie, elle se redressa, se plaçant brutalement face à Valravn, prenant le col de son blouson de part et d'autre avec ses mains.

-Tu ne sais pas de quoi tu parles ! Cria t-elle sur un ton plus fort qu'il ne l'avait fait. T'utiliser ? Et puis quoi encore ? Je n'ai pas besoin de toi et de ta...pitié !  Je ne sais pas ce qui se passe, je ne sais pas ce qui m'arrive ! Pourquoi toi ?! -elle martela son torse avec ses poings- Tout ce que tu as en toi, ce bon, ce bien, cette paix, tes richesses, tes qualités, je n'en peux plus de leurs...leur clarté. Tu es là, à éclairer soudain la cave emplie de fange et de cadavres et je dois subir encore ! Je n'ai rien demandé, j'étais bien avec moi-même! J'en ai marre ! Marre tu comprends?!

Elle se recula, se cala de nouveau contre la rambarde, coudes appuyés, la tête entre ses mains. Des passagers curieux les observaient, elle ne les voyait pas, engluée dans les sursauts d'une ultime révolte.

-Ce que j'ai fait...

Si mal à dire.Chasse gardée. Chape de plomb. Pas question de dévoiler quoi que ce soit!

Pas maintenant mais tu y viendras petite terrienne. Moi, Anguta, je ferai ce qu'il faut pour cela.

-Eh bien ne coule pas, sauve toi, loin. Je n'exige rien si ce n'est de me laisser dans mon monde.


Mais il était trop tard.

-Je sais...dit elle, esquissant une grimace à son  « Madame la grande sage ».

Le soleil brillait désormais, elle le contempla afin de s'aveugler un peu, attendit que la gêne visuelle s'installe puis reporta son attention sur la mer. Les tâches blanches du trop plein de lumière produisaient un effet de brouillard luminescent sur l'eau. Sans logique, elle repensa à ce tatouage qui traînait sur son épaule.

-À l'Ombre des Ténèbres, rien ne s'efface, ni les eaux cendreuses, ni les lambeaux des jours.

Un silence.

-À l'ombre de la Lumière, dis moi ce qui se passera ?

Elle n'attendait aucune réponse. Puis subitement,  une certitude mêlée de découragement et de désespoir émergea.

-Je n'y arriverai pas seule...

Elle avait parlé aussi bas que possible afin qu'il n'entende pas. Le ressac contre la coque et le ronflement des moteurs du ferry brouilleraient certainement ses mots.

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Edem


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*R. Lasnier
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Ven 1 Mar - 20:48

Amka Wraith,
dit « Valravn ou Crow »  

J'ai 33 ans et je vis pour le moment à Helsinki, Finlande. Dans la vie, je suis .. . que dire ? J'ai fait à peu près tous les métiers qui ne demandent que de la bonne volonté et du muscle, pas que je sois idiot, mais je n'ai pas en tête de « faire carrière » dans aucun. En fait, je suis chamane en quête du Savoir qui fera de moi un sage porteur de sagesse auprès de tous. Je suis célibataire, mon rôle ici bas n'est pas de procréer, mais de transmettre autrement l'humanité et la paix. Je dois être libre, attaché à tous et non à l'un(e), pour aller au bout de ma quête,.

Sur mes papiers, il est écrit Amka Wraith... Avant ce que je continue à appeler la colonisation avec une rancoeur qui m'honore peu, nous nous appelions Uyarak, Je suis Amka Uyarak, et répond aux surnoms de Valravn que j'utilise souvent comme prénom, et de Crow...


En dire encore plus ?

A quatorze ans, j'ai accueilli lors d'un rituel initiatique, l'esprit du loup. A seize, le Corbeau m'a été donné, le « Valravn » que certains disent "Crow", celui qui accompagne les âmes aux mortes de l'Autre côté, au delà des brumes sur la glace...

Depuis, je suis fidèle à ma double mission, aider de mon mieux les vivants et les morts... Et à ma double nature, homme, et loup...  J'ai longtemps souhaité appeler l'oiseau, voler dans les airs, mais aux dires des Anciens, un seul esprit de bête entre en toi, et le loup m'a choisi. Qui sait ? Les anciens voient et savent, mais pas tout parfois ?

Cela m'a été donné très récemment, à la suite d'une aventure dont mon âme est encore meurtrie... Si ma grand-mère a parlé de « Valravn » ce n'est pas parce qu'elle peinait de trouver un mot dans notre langue pour définir ce que j'étais... Ma première expérience de vol l'a été grâce à une créature mythique, loup hybridé de corbeau, le fameux mythe nordique ? Je suis la preuve que ma nature est bien liée à la magie et non comme certains l'ont avancé dans le monde occidental à des manipulations génétiques...



Mais si le Valravn s'est révélé, c'est surtout parce qu'il m'a fallu ramener d'entre les morts l'incarnation d'une autre légende : la femme qui serait mon âme sœur ! J'avoue que ni l'un ni l'autre n'étions prêts à cette révélation. J'ai joué mon rôle, puis, remis de nos blessures mutuelles, nous n'avons eu de cesse de nous fuir. Mais on ne quitte pas son double, les récits, qu'ils soient grecs ou d'autres origines disent bien qu'elle est la partie de moi qui à l'origine du monde a été arrachée à mon être, et que je suis -moi- celui qui la complète ! Refuser est notre droit, mais la douleur du rejet ne nous quitte pas, c'est une amputation, comme le serait la perte de ma partie animale...

Oh... En passant... J'ai un passeport américain, mais je suis inuit, quand je ne parle pas le Yupik sibérien, assez peu usité dans le reste du monde, j'ai une préférence pour le Russe, appris avec les marins sur les bateaux de pêche puis les cargos où j'ai commencé ma carrière professionnelle. Pourquoi ? Parce que disons que les USA et moi sommes un peu en froid, c'est une longue histoire, depuis la mort de mon père ! Mais bien sûr, je peux vous répondre en Anglais, et même en Français, une autre histoire... Un jour, je conterais peut-être tout cela.




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Mary &  Valravn (Amka)


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Février 2023

Bien avant le murmure je m'en voulais déjà... j'ai dit, j'ai affirmé, j'ai bousculé. Bien dans son monde ? Je ne peux y croire. En revanche je crois qu'elle était parvenue à se persuader qu'elle gérait l'horreur au quotidien. J'ai vu cela plus d'une fois, un déni, un refus, une existence si bouleversée qu'on préférait l'oublier et la reconstruire a minima, occultant tout ce qui dérange, gêne ou blesse. On peut aussi se perdre dans des rêves artificiels et parfois aussi destructeurs que la réalité sous couvert.

- Je n'y arriverai pas seule...

Au moins en a-t-elle conscience ? Je m'y suis pris de la pire manière, intrusif et maladroit, non... je ne souhaite pas te voir culpabiliser, au contraire, je voudrais trouver comment te transmettre un mode d'emploi, une notice... Tous nous avons un jour agi d'une façon qui nous poursuit et que nous regrettons, certains ont juste prononcé un mot de trop, mis en relief une situation comme je l'ai fait, furieux qu'elle … soit elle-même ? Cela peut suffire à détruire l'autre, pulvériser son ego. Il est des violences tout en douceur et bien plus dangereuses que des coups...

Je soupire, je baisse la tête. Je reprends à l'envers la conversation jusqu'à ce :

- À l'Ombre des Ténèbres, rien ne s'efface, ni les eaux cendreuses, ni les lambeaux des jours.

Le silence est double. Elle semble penser qu'elle a déjà trop dit ? Ou bien le sens de ses paroles est plus profond que ce que j'en ressens ? Les ténèbres... elle a percé ce qu'elle appelle ma  « clarté ». Si elle savait comme j'ai travaillé pour obtenir cette percée d'espoir dans ma vie ? Que puis-je dire ? Sais-tu Mary ce qu'est être membre des « premières nations » comme le disent diplomatiquement les Canadiens ? Sais-tu ce qu'est la vie confrontée au racisme, à la pauvreté, à l'absence d'avenir ? Les barrières dressées devant tes frères de race lorsqu'ils souhaitent entrer à l'université, intégrer une entreprise prestigieuse nantis de leur diplôme chèrement payé en travail, en acharnement et en humiliation ? Sais-tu ce qu'est le regard méprisant qui coule sur ta silhouette sans te voir, ne te prêtant aucune possibilité d'être vu ? Tout cela, je l'ai balayé, j'ai décidé que ma voie était tracée et que je devais la suivre, pauvre, déraciné, solitaire mais plein d'espérance en l'avenir du Tout à défaut de celui de l'Homme ! Bien sûr j'ai ragé, j'ai haï, je me suis battu physiquement et moralement, j'ai affronté des volontés aussi fortes que la mienne mais qui me voulaient écrasé, anéanti avec tout ce que je représentais ! Mon cerveau doit lui sembler un creuset du diable, les idées s'y entrechoquent, les vieilleries que je pensais avoir surpassées, les souvenirs -surtout les mauvais- !

Et puis, le visage de ma mère en larmes, de ma grand-mère stoïque... mon père est mort et je n'étais pas là ! Il est mort parce qu'il est parti seul ce jour-là !

Les eaux cendreuses, les lambeaux de jour...

- À l'ombre de la Lumière, dis moi ce qui se passera ?

J'ai un geste que je retiens, c'est étrange cette sensation d'être si proches et si lointains ? Je ne « l'aime » pas comme un homme aime une femme... En sa présence je ne ressens rien, surtout pas de « pitié », la compassion est une valeur positive, la pitié ne fait que réduire à néant celui ou celle qui en est victime. Rien ; et pourtant Tout.

- Si la lumière te brûle je serai là. Je te ferai une ombre pour que tu puisses y voir clair sans être blessée par le jour...  

Je me fais une liste de ses paroles, de ses griefs.

- Arrête ! Tais toi ! Tais toi ! Comment... comment oses tu ?! Qu'est-ce que ça peut te faire comment je me vis ? C'est mon choix ! Avant toi ça allait plutôt bien. Ça allait comme je voulais. Ça me suffisait!

Je n'y peux croire ! On ne peut pas aimer souffrir quoiqu'on ait vécu ? Se complaire à la douleur est pathologique ! Je suis peut-être trop rationnel ? Mais la nature guérit ses plaies ou recouvre des feuilles de l'oubli une trop grande douleur ? Je sais, au fond de moi, que la mort n'est pas pour elle, pas encore, pas maintenant.

- Ma douleur ? Et si ce n'en n'était pas une mais plutôt quelque chose de bien plus perverse, dégueulasse, irrécupérable ? Une douleur c'est propre, emplie de chagrin à consoler, de larmes à assécher.

Rien n'est irrécupérable... Il y a des choses plus longues à réparer que d'autres. Ai-je raison ? Ou bien suis-je en train de me leurrer ? Est-ce une vérité ou -comme elle le fait aussi avec ses « ma vie me convenait avant toi »- un moyen de ne pas sombrer ?

- Je ne veux rien t'arracher ! Qu'est-ce que... Tu m'en rajoutes une couche c'est ça ? Me culpabiliser! Me culpabiliser pour m'enfoncer un peu plus.

Non.

Comment expliquer ? Comment faire passer le message ? Moi qui me targue d'être un conseil prudent mais sûr je la détruis ? Est-elle trop proche ? J'ai des souvenirs de livres de la bibliothèque de l'école, des histoires d'enfants -toujours des enfants pour résonner mieux dans la projection que le lecteur en ferait- d'enfants qui croisent un double d'une autre dimension, moi mais pas moi, un moi revisité par d'autres événements, une autre vie, un autre environnement ? Elle et moi sommes nous cela ? Des doubles revus et corrigés, pas la même couleur de peau, pas le même genre, pas la même culture ou nationalité... Mais elle est moi et je suis elle ? Et notre confrontation est d'autant plus périlleuse que tout cela agit ?

- Mary... Je ne te veux pas de mal, je n'ai pas pitié, je ne veux pas que tu te sentes coupable. Je ne SAIS rien, mais je SENS... Et tu peux me dire ce que tu veux ce que je sens n'est pas agréable ! Il est hors de question que je passe mon chemin en te laissant souffrir... Je ne l'ai jamais fait, pour personne, pour toi moins encore que pour une autre.

Parce que si tu te perds, je te suivrai. Ce n'est pas comme je l'ai dit une pensée égoïste, c'est un instinct de survie certes, mais je ne peux pas, je ne peux pas l'abandonner, surtout pas elle ! Elle ne comprend pas ? Où qu'elle soit je suis avec elle et plus la distance est longue plus il me coûte de la rejoindre. Elle n'a pas ce pouvoir, loin je dois lui manquer ? Et pourtant... ne sent-elle pas ma présence ? Pour aller sauver le jeune Kyril à la demande de Cresus je m'étais épuisé, faire parcourir les dessous du monde à une âme, de Finlande en Amérique ? Depuis, je ne fais que cela, mon pouvoir se tarit à la chercher partout où elle peut être, à trembler pour elle si je la sens en insécurité, à se morfondre quand elle est si loin et moi si fatigué de ces voyages mentaux que je dois cesser, sous peine d'y laisser -réellement- ma peau de loup à un fourreur ! Crevé le long d'une route à n'avoir pas pu se « compléter » avec la présence de son « âme sœur ».

- Tu es moi Mary... et je suis toi. Ce que tu voudrais, je ne peux pas... Ca serait comme... demander à ta tête de marcher dans un sens et à ton corps d'aller dans l'autre, décrochés l'un de l'autre ! Tu le sais non ? Je ne te veux que du bien, rien d'autre, et je t'aiderai si tu as besoin d'aide... Tout peut être pardonné, tout peut être réparé ! La nature comble le vide d'elle-même, elle rebouche les trous même si les sévices laissent des cicatrices...  

Les cicatrices j'en ai, elle en a, nous en avons tous... Certaines se voient, même s'exhibent, d'autres se cachent, d'autres encore sont invisibles à l’œil mais t'écharpent le cœur et le mental... Je suis suppliant... Jamais avant ce jour je n'ai employé ce ton ! Même à la mort du père, mes pleurs auprès de ma grand-mère -que je souhaitais épargner à ma mère- n'atteignaient pas ce degré d'urgence et d'importance.

- Ce que j'ai fait...

Et bien ne le dis pas. Ça peut attendre, ça peut même être tu indéfiniment. Je ne souhaite pas te dépecer plus, je veux harmoniser ton âme et ton corps, faire que l'une et l'autre se sentent le droit de marcher... à la lumière.

- Donne-moi une chance ? Laisse-moi essayer ?

Je voudrais la serrer contre moi, prendre ses mains dans les miennes, caresser son visage, comme je le faisais avec mes amis quand ils se sentaient mal enfant, comme je serre encore Cresus -et d'autres- quand je les rencontre et qu'on est heureux de se retrouver. Je ne serai jamais l'homme de ta vie, mais je peux devenir...

Ton ami ?

A sa façon, la petite Kari nous a sauvé du drame... C'est vrai ça, pourquoi as-tu les cheveux bleus ? Sans son intervention qui sait ce que nous aurions dit... d'impardonnable.

C'est un tic, je me mords les lèvres et je souris... Pas un sourire triomphant d'homme heureux, heureux, malheureux, ça ne veut rien dire. On est « bien » en symbiose avec ce qui nous entoure, c'est ce que je voudrais lui transmettre, chacun a sa façon d'y parvenir, il suffit de la chercher et de trouver.

- Quel sens donne tu au mot « ami » ?

Et si sans fin nous jouions une partition que l'autre ne peut entendre, atteint d'une étrange surdité dès qu'il s'agit de s'unir en pensée ?



" Lorsque j'aurai fini de regarder ces chemins menant plus loin que la vie et que sous le ciel vous m'aurez couchée, gardez captive l'aile qui frémit pour que mes yeux consentent à se fermer. " Rina Lasnier  - Page 3 13688724333_8223315ee6_b

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