– Tu devrais le savoir, n'est-ce-pas ? murmure-t-il de cette voix grave qui me fait frissonner. Et tu n'avais pas l'air de t'en plaindre, hier soir.
– Disons que tu ne m'as pas vraiment donné de raison de me plaindre… Au contraire, je rétorque d'un ton de plus en plus malicieux

– Je sors la boite de Scrabble ? vient-il me murmurer à l'oreille, me forçant à rouvrir les yeux.
– Alors, figure-toi que je n'ai pas le moindre jeu de société ici, je pouffe tout en me lovant dans ses bras. J'espère que tu ne m'en voudras pas trop pour ce vilain mensonge.

J'en doute fort. Après tout, il ne s'agissait là que d'un jeu entre nous. J'aurais très bien pu citer le Uno ou bien le Cluedo, n'importe quel jeu aurait fait l'affaire, nous ne comptions pas y jouer.

– Je prendrai rendez-vous chez le médecin à mon retour. Je commence à en avoir marre de ce bout de plastique.

"– Alors, figure-toi que je n'ai pas le moindre jeu de société ici. J'espère que tu ne m'en voudras pas trop pour ce vilain mensonge."

Je ris à cet aveux. Cela ne m'étonne pas vraiment. Mais je me promets de lui offrir une boite de Scrabble à l'occasion, juste pour voir si elle saura placer sur le plateau certains mots de circonstance.

"- Hmm, je devrais réussir à te pardonner. Un jour peut-être", je lui réponds en souriant.
Et je dépose un baiser dans ses cheveux.

"– Je prendrai rendez-vous chez le médecin à mon retour. Je commence à en avoir marre de ce bout de plastique."

Cette remarque m'arrache un murmure d'appréciation, alors que j'envisage déjà le côté pratique de ne plus avoir à recourir à cette protection en plastique. Mais en même temps, je sais que tous les moyens de contraceptions ne sont pas anodins, et que certains peuvent avoir des effets secondaires.

"- Comme tu le souhaites. Le principal c'est que tu trouves quelque chose qui te convienne. Et si ce n'est pas le cas, on essaiera de trouver une solution ensemble."


Le reste de la journée s'étire paresseusement, tandis qu'Emily et moi nous délectons de cet isolement qui ne durera pas. Nous ne quittons que peu cette chambre, préférant la proximité de nos deux corps à la perspective de voir le monde extérieur.
Nous discutons beaucoup, de choses et d'autres. Je lui parle de mon enfance, de ma découverte de la musique. Et nous laissons ensuite nos corps s'exprimer une fois de plus, bien mieux que de simples mots.




Le lendemain, le manque de sommeil se fait cruellement sentir. Et je passe la première partie du trajet à essayer de récupérer un peu d'énergie, un bras passé autour des épaules d'Emily.
Comme souvent, Jake a bien fait les choses. Nous nous retrouvons côte à côte, en classe affaire. Les sièges sont confortables, et l'avion silencieux. Aucun journaliste ne nous attendait dans notre aéroport de départ, probablement à cause de l'horaire très matinal de notre vol.
Notre escale à New York se passe pour le mieux. Juste quelques heures à discuter calmement, lovés l'un contre l'autre dans ces sièges inconfortables caractéristiques des aéroports.
Et nous voilà à présent dans notre deuxième vol, celui qui nous amènera à Las Vegas dans quelques heures. Nous sommes encore côte à côte, en classe affaire, dans un avion qui n'est pas totalement rempli.
Mais je ne peux m'empêcher d'être tendu, anxieux de ce qui nous attend à l'arrivée.

Je serre la main d'Emily dans la mienne, caressant ses phalanges avec mon pouce, tout en regardant le paysage qui change au-dehors.

"- Encore deux heures de vol", je soupire. "J'ai hâte d'être arrivé à l'hôtel. Je n'ai décidément pas assez dormi la nuit dernière."

Et je ne peux m'empêcher de sourire à cette constatation. Les images de la nuit précédente sont encore bien présentes dans mon esprit.

"- Et je ne regrette absolument pas", je chuchote à l'oreille d'Emily.

Puis je me détends un peu plus dans mon siège.

"- Il faudra que je te fasse visiter Vegas" je lui souris ensuite. "Je suppose que ce sera ta première fois dans cette ville ?"

J'ai déjà eu l'occasion de me rendre à Vegas à plusieurs reprises, toujours dans le cadre de concerts. Ce n'est pas un endroit où j'aimerais habiter, mais certains endroits valent à mes yeux tout de même le détour.

Nos derniers instants de paix, nous les passons dans les bras l'un de l'autre. Nous savons parfaitement qu'il est essentiel d'en profiter tant qu'il nous en reste la possibilité. Finalement, nous ne dormons que très peu et, une fois dans l'avion, la fatigue nous rattrape tous les deux. Je dors pratiquement durant tout le vol qui nous relie à New-York et pendant une bonne partie de celui qui nous mène jusqu'à Las Vegas. Je commence à appréhender l'atterrissage, le retour à la réalité… Au monde qui nous entoure.

Tom plaisante à mon oreille et je souris. Je ne tiens pas à lui transmettre mon malaise. Ce ne serait pas juste pour lui. Je prends donc sur moi, me triturant les doigts pour me garantir une occupation pendant qu'il déclare vouloir me faire visiter Vegas.

– En réalité… Ce n'est pas la première fois que je m'y rend. L'une de mes amie y tient une exposition permanente, elle fait de la sculpture.

Sa spécialité, ce sont les nus, enfin…En version purement anatomique. Ce qu'elle aime, c'est le dessin des muscles. Par conséquent, elle s'est spécialisée dans les nu de sportifs. Le plus amusant, c'est qu'aucune de ses sculptures n'a de visage, par conséquent, les gens s'amusent à deviner à qui appartient tel ou tel postérieur musclé.

– Lucy Wendell, tu connais ? J'aimerai profiter de mon passage dans cette ville pour lui rendre visite… Et voir si elle a vendu la statue qui me représente.

J'éclate aussitôt de rire, car s'il est vrai que j'ai bel et bien posé pour elle, le buste en question a été brisé il y a des années. Par conséquent, il n'y a rien de tel dans sa collection.

– Il y a dix ans, à peu près, j'ai également entreprit un road trip, avec des amis. Plusieurs de mes peintures représentent le Nevada. J'ai beaucoup aimé son côté sauvage… Mais Vegas, non… J'ai vraiment cette ville en horreur.

Comme toutes les grandes cités de notre jeune pays. Mais, qui sait ? Peut-être aimerais-je la redécouvrir en sa compagnie. Tout semble bien plus beau et intéressant quand il est avec moi.

– Ta présence me fera peut-être changer d'avis, lui dis-je en portant sa main à mes lèvres pour y déposer un baiser. Mais je doute fort que tu aies beaucoup de temps à consacrer au tourisme.

Je suis surpris d'apprendre que ce n'est pas la première fois qu'elle vient à Las Vegas. Elle me parle de son amie, qui fait de la sculpture.

"– Lucy Wendell, tu connais ? J'aimerai profiter de mon passage dans cette ville pour lui rendre visite… Et voir si elle a vendu la statue qui me représente."

Je manque de m'étouffer avec l'eau que j'étais en train de boire.

Le nom de Lucy Wendell ne m'est pas inconnu. Jake est un amateur d'art, sous toute ses formes. Et il nous avait beaucoup parlé de cette artiste en particulier, il y a quelques années, lorsqu'il avait fait une fixation sur la sculpture. Et je sais très bien quels sont les sujets de prédilection de cette artiste.

"- Tu... Tu as posé nue ?", je bafouille en baissant volontairement la voix. "Tu m'emmèneras voir son atelier ?"

C'est à la fois par pure curiosité, et pour le simple plaisir de voir un buste d'Emily. Même si la réalité dépassera toujours toute représentation, aussi réussie soit cette dernière.

Elle éclate de rire, et je me demande si elle me fait marcher. Je ne peux m'empêcher de la dévisager avec stupéfaction. C'est une facette d'Emily que je ne connaissais pas. Et je me demande bien ce qu'elle me réserve encore à l'avenir. J'ai hâte d'apprendre à mieux la connaître.

"– Il y a dix ans, à peu près, j'ai également entreprit un road trip, avec des amis. Plusieurs de mes peintures représentent le Nevada. J'ai beaucoup aimé son côté sauvage… Mais Vegas, non… J'ai vraiment cette ville en horreur."

A vrai dire, ce n'est pas tellement différent de l'avis que j'ai au sujet de cette ville en particulier.

"- J'aimerais beaucoup voir ces tableaux, lorsqu'on retournera à Castine."

"– Ta présence me fera peut-être changer d'avis"

Et elle attrape ma main pour l'embrasser.

"– Mais je doute fort que tu aies beaucoup de temps à consacrer au tourisme", reprend-t-elle ensuite.

"- Détrompe-toi", je souris avec amusement. "Tu n'imagines même pas le temps pris par les réglages en tout genre. Nous aurons probablement quelques heures par jour juste pour nous. Je l'espère, du moins."

Puis je soupire.

"- Peter, le bassiste de mon groupe, adore cette ville", je grimace. "Tout ce qui est bling-bling, le luxe, le côté grandiose... Il est dans son élément. Notre deuxième guitariste, Frank, adore trainer dans les casinos. Jake aussi. Jeff... Jeff aime les belles voitures. Mais je pense qu'il préfère quand même les conduire dans les grands espaces. Et moi..."

Je grimace à nouveau.

"- Je me sens mieux dans un endroit un peu plus calme. A vrai dire, ça m'arrange bien que tu sois venue. Ca m'évitera d'être entrainé dans une tournée des casinos et boites de nuit."

La dernière fois a été suffisamment pénible. L'alcool coulait à flots, et la gueule de bois du lendemain avait été particulièrement désagréable. Surtout qu'Helena était avec nous. Et notre soirée improvisée avait fait une fois de plus la une des journaux à scandales.