J'ai plus de 3 siècles, mais j’ai l’air d’avoir 35 ans. Je vivais paisiblement ma vie de soldat dans Cité d’Hai'za jusqu’à ce qu'Hassan al Tubaz, meneur des Djinns de l'eau, ne prenne le pouvoir. Fidèle protecteur des Nar, mais surtout de ma Reine Syana al Raed, je me suis battu pour empêcher la chute du Royaume. C’est ainsi que le Nouveau Roi autoproclamé Hassan et ses Marids m’ont maudit. Mon âme a été transférée dans une amulette, devenue ma prison depuis plusieurs décennies. Ma seule possibilité de sortir de là est d’être invoqué par un djinn, à qui je devrai protection et fidélité : un serviteur dévoué, plus communément appelé esclave. J’aurais pu y rester encore des siècles si une drôle d’humaine ne m’avait pas fait sortir de là par je ne sais quel moyen. Mise à part cela, je suis célibataire et le resterai jusqu’à la fin : car les esclaves ne se marient pas…
Spoiler:
La date de naissance de Nahil est approximative, mais estimée à plusieurs siècles auparavant : quand on peut vivre longtemps, les chiffres n’ont pas d’importance. Depuis son plus jeune âge, il a vécu en communauté, étudié l’histoire et la culture des plus anciens, travaillé auprès des femmes et des hommes Nar qui faisaient prospérer la Cité d’Hai'za. Doté de capacités physiques très avancées pour son âge, le jeune djinn avait rapidement attiré l’attention des hommes. Il grandissait vite, et s’étoffait rapidement. Pour sa mère, ce n’était qu’une réponse de son corps aux sollicitations importantes qu’il lui faisait endurer. Courir, grimper, aider… toute la journée, et parfois toute la nuit. Nahil s’ennuyait vite, et proposait ses services aux personnes qui l’entouraient pour contrer cela. Sa mère venait parfois le traîner par le col pour le ramener à la maison, de peur que ses pairs ne finissent par le tuer d’épuisement. Mais le jeune djinn était ainsi : dévoué pour son peuple, fidèle à ses valeurs, prêt à tout pour servir sa Reine. Naturellement, lorsqu’ils pensèrent à lui pour rejoindre la garde de sa Majesté, il en fut très honoré. Nahil était le plus jeune djinn à qui on proposait ce privilège. L’histoire n’en avait vu aucun autre avant lui. Il s’engagea sans réfléchir, ignorant les cris sidérés de sa génitrice le mettant en garde. S’en suivirent de longues années de formation, où les guerriers les plus puissants de la garde –composée de peuples de toutes origines (Nar, bien sûr, mais aussi Tubaz et Kuartiz)- se succédaient pour lui apprendre les techniques de combat pour la plupart ancestrales. On lui apprit à forger ses armes par la magie du feu, à les enflammer pour être plus performant… mais aussi à tuer de sang-froid, sans poser de questions. Son dévouement le propulsa à la tête de la Garde Royale : il était devenu une arme si puissante que la Reine elle-même faisait appel à ses services. Former de jeunes gardes, diriger les expéditions, participer aux conseils politiques, parler de stratégie de guerre, faisaient partie de ses missions quotidiennes. Dans l’ombre de sa Majesté, Nahil était les yeux, les oreilles, la défense, et même la confidence du Royaume d’Hai'za. Combattant hors pair, Nahil était réputé pour son agilité au combat, sa discrétion à l’approche d’une cible, ou encore sa ruse. Il avait toujours un coup d’avance sur ses adversaires. Particulièrement dévoué à son Royaume, il se montrait docile, confiant lorsque sa Reine lui confiait une tâche -la plus ingrate soit-elle. Mais seul contre toute une armée de Tubaz lors de leur prise de pouvoir, il avait été contraint –par magie, plutôt mourir que de l’accepter- de fléchir le genou devant le nouveau Roi. Hassan avait terriblement besoin de lui, de sa notoriété, pour rallier le peuple derrière lui. La suite était bien plus simple à résumer : il ne courbait pas l’échine. Jamais. Il sortait des rangs, refusait les ordres de celui qui le remplaçait. Alors, puisque l’insoumis ne fatiguait pas, le Roi répandit des rumeurs malveillantes : les massacres qu’il aurait faits pour la précédente Reine, ses propres intérêts qu’il aurait servis sans se soucier du bien-être de son peuple. Passé du guerrier le plus aimé du peuple, Nahil devint le Shaytan (démon) de la Cité. Le peuple de souleva pour demander son exclusion : maudit des mains du Roi qu’il ne voulait pas considérer comme le sien, il fut interdit de séjourner à Hai'za, et enfermé dans son précieux collier en fer forgé, en espérant que personne ne pourrait l’en délivrer.
La peur. Il l’avait cherchée, et elle lui répondait à travers les prunelles ambrées de son interlocutrice : la femme semblait indécise, entre l’angoisse et la provocation. Les émotions se bousculaient sans réelle logique, tandis qu’elle passait de questionnements bancals à affirmations. Contrairement au Djinn, elle reflétait tout un tas de contradictions. Elle se moquait bien de savoir quels pouvoirs extraordinaires il pouvait avoir dans ce nouveau corps –et ça le dépassait, car lui-même brûlait d’envie de découvrir ses facultés-, mais d’un autre côté, elle lui demandait quand il partait ?
« Que savez-vous de ces gens, de cette ville ? Pensez-vous que la colère est gratuite ? » Répliqua-t-il avec plus de questions encore qu’elle ne lui en avait posé. Au fond, elle n’avait pas tort : les gens qui hurlaient à l’extérieur n’étaient pas les responsables de sa captivité, mais ils avaient contribué malgré eux à la garder active. En trouvant son amulette et la faisant voyager de main en main, les humains avaient entretenu la malédiction musclée de l’Illégitime Hassan.
Il était difficile d’imaginer que la température puisse être plus intense encore que celle du désert. Pourtant, l’incendie se propageait dans les ruelles, délogeait son peuple à mesure que la fureur grandissait en lui.
Sa raison était tue par ses émotions incontrôlables, et sa magie explosait d’autant plus. « J’ai du mal à croire qu’une telle assurance n’ait rien à me dévoiler. » Dit-il sur un ton un peu plus posé, cette fois. Maudite amulette… elle l’ignorait, mais le terme ne pouvait pas être plus approprié car le sort qui lui était réservé ne risquait pas d’arranger les choses. Il avait été enfermé dans sa prison de fer pendant un quart de siècle. A présent en possession d’un corps de chair et d’os, Nahil était prisonnier d’un lien plus puissant encore.
Loin d’être sorti d’affaire, sa vie sembla s’effondrer… comme l’une des poutrelles soutenant la toiture de fortune qui s’écrasa lourdement, à cet instant, entre les deux silhouettes. Au dernier moment, la longrine effectua un mouvement imperceptible à l’œil nu, évitant de justesse d’assener un coup fatal à l’humaine avec qu’il s’entretenait. Un claquement de doigts secret l’en avait dissuadé.
Si elle devait mourir, un accident n’en serait pas la cause. Pour l’instant. Il n’était physiquement pas en capacité de la tuer de ses propres mains, mais la cruauté d’Hassan n’avait pas de limites : Le Naar ne connaissait pas le contenu de la malédiction. La mort accidentelle de sa Détentrice… pouvait tout à fait présenter un risque pour lui.
Il ne restait plus rien des étoffes qui recouvraient la pièce autrefois. Un épais brouillard charbonneux venait s’ajouter au brasier : si pour Nahil cette fumée ne perturbait ni la respiration ni la vision, elle pouvait s’avérer extrêmement toxique pour l’humaine. « Quelque chose me dit que cette ville ne vous aime pas beaucoup, vous non plus ! » Déclara-t-il. On ne devient pas voleuse par vocation : même dans la Cité sacré, il avait déjà pu constater ce phénomène.
Cette fois, il ferma les yeux et ses doigts s’entrechoquèrent de manière sonore : les flammes qui les entouraient s’écartèrent vivement pour tracer un passage sécurisé vers l’extérieur. « A vous de voir. » Le choix –qui n’en était pas un- lui était laissé. Sans un regard, il utilisa ses nouvelles jambes pour s’aventurer dans le passage incandescent. C’était une imposture, évidemment : son attitude ne faisait aucun doute sur le fait qu’elle le suivrait. Elle n’avait pas l’âme d’une suicidaire, et son instinct de survie serait plus fort que celui de rejet.
Le Djinn marcha d’un pas souple, expérimentant son équilibre tout en appréciant le souffle du vent sur sa peau sombre. Il n’était pas libre, mais il était vivant. Plus vivant que jamais.
Le couloir le mena jusqu’à l’une des portes de la ville dont il ignorait le nom. Il se retourna pour contempler l’éclat rougeoyant sur les bâtiments. Sa connaissance de la géographie humaine était plutôt limitée, mais ses yeux ne le trompaient pas : le voyage serait long jusqu’à Hai’za.
J'ai environ 25 ans, mais j’ignore exactement quand je suis née. Je vis dans une vielle maison abandonnée. Dans la vie, je suis voleuse et arnaqueuse et je m'en sors comme je peux. Sinon, je suis célibataire. J’ai parfois l’impression de ne rien saisir au monde, comme si je n’avais ma place nulle part
Ses poings se serraient, si fort que ses ongles cassés s’enfonçaient profondément dans ses paumes de main. La sensation douloureuse, les yeux larmoyant à cause de la fumée, ses poumons qui peinaient à se soulever à cause de l’épaisse brume qui les entourait. Toutes ces choses étaient bien trop réelles. Ca ne pouvait être qu’un cauchemar. Pourtant, elle avait déjà connu tout cela, toutes ces sensations, les hurlements de terreurs, la fumée. Elle connaissait déjà tout ça. Elle savait à quel point tout ceci était réel. Son corps était traversé par la peur, son esprit se figeait. Elle luttait tant bien que mal contre la paralysie qui s’installait progressivement. Elle devait réfléchir, s’enfuir. Elle devait bouger. Faire quelque chose ! Elle n’était plus une enfant. Elle n’était plus impuissante. Elle pouvait faire quelque chose. Elle pouvait…
Tu ne peux rien faire.
La voix s’insinua en elle, comme un serpent distillant son poison. Aysha était impuissante. Elle ne pouvait rien faire. Elle était faible, sans défense. A nouveau. Alors que lui, il… Il était… puissant, implacable. Face à elle : une montagne. Et elle : un insecte. Pitoyable insecte, qui devrait s’écraser, abolir toutes pensées, ne plus qu’être un être dénué de sens et de vie : un esclave.
Aysha se mordit la langue. Non ! Elle hurla dans sa tête. Non, elle n’était pas une esclave. Elle refusait cette réalité. « J’en sais sûrement plus que vous sur eux ! Trouvez autre chose pour vous défoulez. » Ses poing se serrent un peu plus alors qu’elle est prise d’une quinte de toux. Ces gens ne l’aimaient pas, certains la rejetaient même, mais trop nombreux étaient ceux qui n’avaient pas idée de son existence, et aucun d’eux ne méritait cette souffrance. Celle de voir son monde ravager par les flammes, de voir les êtres aimer mourir sous leurs yeux. Ils ne méritaient pas ça, elle ne laisserait pas cela arriver.
L’humaine pinça les lèvres. Il la pensait assurer ? Tant mieux si c’est ce qu’elle dégageait, si c’est ce qu’il croyait. Peut-être qu’il la verrait autrement. Ou bien cela ne ferait qu’empirer la situation, qu’empirer son besoin de domination, comme tous ceux avant lui. Sa toux reprit, l’impression que ses poumons brûlaient eux aussi. « Ma vie… ne vous concerne… pas. » Il n’avait aucun jugement à porter sur sa vie. L’humaine connaissait suffisamment le mépris pour savoir ce qu’il pensait d’elle. Qu’importe ce qu’il faisait, ce qu’il disait, il ne faisait pas ça par compassion. Il en était dénuée.
Les flammes s’écartèrent enfin, obéissant aux ordres du Djinn. Il lui lança cette expression suffisante qu’il semblait tant affectionné, avant de la dépasser et s’aventurer dans le tunnel de feu. La toux et ses larmes s’intensifiaient. Elle ne pouvait pas rester là. Elle ne pouvait pas le suivre. Aysha savait ce qu’il allait faire d’elle. Elle ne pouvait pas. Elle refusait, pas une nouvelle fois.
Un débris s’écroula non loin d’elle, des hurlements continuaient de résonner dans toute la ville. Il allait continuer, il ne s’arrêterait pas jusqu’à avoir ce qu’il voulait. Il ne s’arrêterait pas jusqu’à l’avoir Elle. Il la tuerait et il tuerait toute la ville.
Ses jambes la portèrent d’elles-mêmes, traversant les ruines de ce qui s’était apparenté à une maison – qui n’avait jamais eu cette place dans son cœur – et suivi l’ombre du Djinn. Sa bouche était sèche, ses yeux la brûlaient et des larmes dévalaient ses joues, traçant des lignes plus claires sur la suie qui s’était déposée sur son visage. Ses poings ne s’étaient pas desserrés un instant, son regard envoyait des éclairs dans le dos de ce monstre. Plus ils avançaient à travers les flammes, plus Aysha sentait le poids des chaînes invisibles qui se verrouillaient autour de ses chevilles, ses poignets, sa gorge. Elle eut l’impression de peser aussi lourd qu’une pierre, tandis qu’elle traversait les hurlements et les flammes. Aysha ne se boucha pas les oreilles, elle ne ferma pas les yeux. Elle continua d’avancer.
La jeune femme s’arrêta, se retournant pour regarder la ville d’Héliopolis, dévorée par les flammes, faisant rougeoyer le ciel nocturne, la lune et les étoiles éclairant ce triste spectacle. Cette ville qui l’avait accueilli depuis quelques temps désormais, partait en fumée, à cause d’elle. Encore. Aysha vint saisir la manche du Djinn, attirant son attention. « Vous aviez ce que vous voulez, alors arrêtez ça maintenant. » Sa main tremble légèrement, elle tousse à nouveau, mais elle tient tête. Elle ne supplie pas. Elle est tenace. Elle ne le laissera pas voir sa terreur. Seulement sa colère. Jusqu’à ce qu’elle s’échappe pour de bon.
J'ai plus de 3 siècles, mais j’ai l’air d’avoir 35 ans. Je vivais paisiblement ma vie de soldat dans Cité d’Hai'za jusqu’à ce qu'Hassan al Tubaz, meneur des Djinns de l'eau, ne prenne le pouvoir. Fidèle protecteur des Nar, mais surtout de ma Reine Syana al Raed, je me suis battu pour empêcher la chute du Royaume. C’est ainsi que le Nouveau Roi autoproclamé Hassan et ses Marids m’ont maudit. Mon âme a été transférée dans une amulette, devenue ma prison depuis plusieurs décennies. Ma seule possibilité de sortir de là est d’être invoqué par un djinn, à qui je devrai protection et fidélité : un serviteur dévoué, plus communément appelé esclave. J’aurais pu y rester encore des siècles si une drôle d’humaine ne m’avait pas fait sortir de là par je ne sais quel moyen. Mise à part cela, je suis célibataire et le resterai jusqu’à la fin : car les esclaves ne se marient pas…
Spoiler:
La date de naissance de Nahil est approximative, mais estimée à plusieurs siècles auparavant : quand on peut vivre longtemps, les chiffres n’ont pas d’importance. Depuis son plus jeune âge, il a vécu en communauté, étudié l’histoire et la culture des plus anciens, travaillé auprès des femmes et des hommes Nar qui faisaient prospérer la Cité d’Hai'za. Doté de capacités physiques très avancées pour son âge, le jeune djinn avait rapidement attiré l’attention des hommes. Il grandissait vite, et s’étoffait rapidement. Pour sa mère, ce n’était qu’une réponse de son corps aux sollicitations importantes qu’il lui faisait endurer. Courir, grimper, aider… toute la journée, et parfois toute la nuit. Nahil s’ennuyait vite, et proposait ses services aux personnes qui l’entouraient pour contrer cela. Sa mère venait parfois le traîner par le col pour le ramener à la maison, de peur que ses pairs ne finissent par le tuer d’épuisement. Mais le jeune djinn était ainsi : dévoué pour son peuple, fidèle à ses valeurs, prêt à tout pour servir sa Reine. Naturellement, lorsqu’ils pensèrent à lui pour rejoindre la garde de sa Majesté, il en fut très honoré. Nahil était le plus jeune djinn à qui on proposait ce privilège. L’histoire n’en avait vu aucun autre avant lui. Il s’engagea sans réfléchir, ignorant les cris sidérés de sa génitrice le mettant en garde. S’en suivirent de longues années de formation, où les guerriers les plus puissants de la garde –composée de peuples de toutes origines (Nar, bien sûr, mais aussi Tubaz et Kuartiz)- se succédaient pour lui apprendre les techniques de combat pour la plupart ancestrales. On lui apprit à forger ses armes par la magie du feu, à les enflammer pour être plus performant… mais aussi à tuer de sang-froid, sans poser de questions. Son dévouement le propulsa à la tête de la Garde Royale : il était devenu une arme si puissante que la Reine elle-même faisait appel à ses services. Former de jeunes gardes, diriger les expéditions, participer aux conseils politiques, parler de stratégie de guerre, faisaient partie de ses missions quotidiennes. Dans l’ombre de sa Majesté, Nahil était les yeux, les oreilles, la défense, et même la confidence du Royaume d’Hai'za. Combattant hors pair, Nahil était réputé pour son agilité au combat, sa discrétion à l’approche d’une cible, ou encore sa ruse. Il avait toujours un coup d’avance sur ses adversaires. Particulièrement dévoué à son Royaume, il se montrait docile, confiant lorsque sa Reine lui confiait une tâche -la plus ingrate soit-elle. Mais seul contre toute une armée de Tubaz lors de leur prise de pouvoir, il avait été contraint –par magie, plutôt mourir que de l’accepter- de fléchir le genou devant le nouveau Roi. Hassan avait terriblement besoin de lui, de sa notoriété, pour rallier le peuple derrière lui. La suite était bien plus simple à résumer : il ne courbait pas l’échine. Jamais. Il sortait des rangs, refusait les ordres de celui qui le remplaçait. Alors, puisque l’insoumis ne fatiguait pas, le Roi répandit des rumeurs malveillantes : les massacres qu’il aurait faits pour la précédente Reine, ses propres intérêts qu’il aurait servis sans se soucier du bien-être de son peuple. Passé du guerrier le plus aimé du peuple, Nahil devint le Shaytan (démon) de la Cité. Le peuple de souleva pour demander son exclusion : maudit des mains du Roi qu’il ne voulait pas considérer comme le sien, il fut interdit de séjourner à Hai'za, et enfermé dans son précieux collier en fer forgé, en espérant que personne ne pourrait l’en délivrer.
Tandis que les flammes ouvraient la voie vers l’extérieur de la Cité, elle l’avait suivi. Son regard avait embrassé la silhouette chaotique des monuments luttant pour continuer à percer les dunes du désert. Il ignorait tout de cet endroit qu’il venait de réduire en cendres : cette place qui l’avait conservé emprisonné dans son amulette.
Ce fut le seul moment où il se retourna. Ensuite, il oublia la hutte drapée dans laquelle il avait fait connaissance avec ses os, sa chair, ses muscles. Il laissa de côté la fureur pour faire place à ce qui viendrait ensuite. Un voyage, le plus long qu’il lui ait été donné de faire -en toute conscience, disons. Pour cela, il devrait se repérer lorsque le noir serait complet.
Et dans sa marche qui l’éloignerait de la pollution visuelle, elle l’avait suivi. Il avançait d’un pas souple, à grandes enjambées, comme si ce corps avait toujours été le sien. Bien sûr, c’est ce qu’on pouvait se dire en l’observant se mouvoir. Lui se sentait rouillé, obligé d’apprendre à ses cellules à se comporter comme que le Naar qu’il était, et qu’il enveloppait. Bientôt, ses bras devraient se battre avec une arme, ses jambes éviter les coups avec souplesse, ses épaules soulever des montagnes s’il le fallait, pour passer de l’autre côté.
Rien. Absolument rien ne pourrait se mettre en travers de son chemin vers Hai’za. Et dans cette quête, elle l’avait suivi. Lui se fiait à son instinct, laissant quelques suppositions mener vers le tracé qu’il emprunterait. Sans faiblir dans son rythme, l’homme jetait quelques regards vers les cieux. Plus il s’éloignait de la Cité brûlée, plus la voûte céleste se dessinait avec netteté, et lui offrait de nouvelles perspectives.
Il était pourtant rare qu’un Naar se fie aux étoiles. Plutôt familiers avec les éléments chaleureux, le peuple du feu se servait de la chaleur du soleil, sol ou de l’air désertique pour se repérer la journée, là où le peuple de l’eau aurait utilisé leur humidité. Le peuple des sables avait un rapport différents aux éléments, projetant le moindre grain de sable ou de terre dans l’espace pour se repérer. La complexité de chaque djinn s’ajoutait aux capacités de son peuple. Pourtant, il existait bien des points communs entre eux : points communs qu'ils avaient préféré oublier avec des générations de guerres.
Dans un environnement désertique, les Naar voyaient leurs capacités décuplées de jour alors que les températures faisaient exploser le mercure. La nuit, ils reprenaient des forces en méditant silencieusement à l’abri du vent. Attiser la flamme, simplement. Pour les Djins de l’eau, c’était l’inverse : ils préféraient la fraicheur de la nuit, et évitaient les températures extrêmes qui réduisaient leurs capacités. La constance, elle, était propre aux Djinns du sable. Peu importait le jour ou la nuit.
La fatigue n’existait pas dans le corps du Djinn : plutôt dans son esprit. Il avait vécu pendant ces quelques heures plus de chamboulements qu’en plusieurs décennies, et voilà qu’il se décidait à voyager de nuit ? Derrière lui, s’efforçant de suivre dans un sable beaucoup trop souple pour un humain… elle l’avait suivi, et continuait de le suivre.
La peur ? Oui. Celle de mourir si elle restait au coeur des flammes. Elle l’avait emporté sur la peur de lui, et c’était ainsi qu’il avait procédé. Elle devait venir avec lui. Quelque chose au fond de lui lui murmurait qu’elle avait quelque chose à lui apporter. Il ignorait encore ce qu’il allait faire d’elle, mais il trouverait bien.
Un nouveau regard vers le ciel et l’information qu’il capta lui permit de ralentir le pas pour que l’humaine reprenne son souffle. Ils empruntaient la bonne direction, il en avait maintenant la certitude. L’alignement des étoiles était idéal. Nahil s’arrêta et s’installa dans le sable encore tiède de la journée. D’un claquement de doigts, il fit danser des flammes au-dessus du sol, comme un feu de camp… mais sans bois à flamber.
Toujours silencieusement, le Djinn croisa les jambes en tailleur, et laissa ses songes s’évanouir dans le paysage. Bientôt, il serait rentré.
* * *
Lorsque la petite voleuse ouvrit une paupière, l’aube avait pointé le bout de son nez. Epuisée, elle n’avait même pas réalisé qu’il s’était absenté pour trouver une gourde en terre cuite et quelques biscuits secs qu’il avait déposés dans un linge humide à ses pieds. Il attendit à peine qu’elle ait tout englouti, et reprit son chemin sans en dire plus. Ils avaient encore à faire.
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Accorder sa confiance revient-il donc toujours à offrir son dos au poignard ? [pv Stormy Dream]