Accorder sa confiance revient-il donc toujours à offrir son dos au poignard ? [pv Stormy Dream]
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Préférence de jeu : Les deux
FoxDream
Lun 7 Aoû - 21:09
Le contexte du RP
Mise en situation
Héliopolis, Egypte ancienne Aysha, jeune humaine vivant dans les quartiers pauvres de la cité, dans un monde dans lequel elle n'a jamais pu trouvé sa place. Voleuse, arnaqueuse en tout genre, elle cherche à survivre dans un monde dans lequel elle n'a jamais été à sa place. Le vol d'un étrange pendentif va venir bouleverser sa vie, lui dévoilant un pan mystérieux de l'univers, la plongeant dans un monde dangereux, mystérieux et merveilleux. Sa rencontre avec ce Djinn étrange va changer son univers et peut-être celui de cet être étrange.
J'ai environ 25 ans, mais j’ignore exactement quand je suis née. Je vis dans une vielle maison abandonnée. Dans la vie, je suis voleuse et arnaqueuse et je m'en sors comme je peux. Sinon, je suis célibataire. J’ai parfois l’impression de ne rien saisir au monde, comme si je n’avais ma place nulle part
Assise sur un tabouret, à l’arrière d’une échoppe dans laquelle elle avait élue domicile pour quelques jours, Aysha avait les coudes posé sur la table, recomptant ces gains de la soirée. Elle referma son sac. La récolte n’avait pas été très importante en cette soirée… C’est ce qui arrivait lorsque les temps étaient plus simples et moins lourds à supporter. Les humains vaquaient plus à leurs occupations, ne s’intéressaient plus à leur projet d’avenir et se tournaient moins vers les personnes comme Aysha : celles qui voyaient l’avenir. Enfin… qui faisait semblant de voir l’avenir. La jeune femme ne faisait que prétendre et bien souvent, son instinct la guidait sur la bonne voie et soulageaient ceux qui la consultait. Pour le reste… eh bien, tout service nécessite un paiement n’est-ce pas ? Et, contraire au grand prêtre de la cité d’Héliopolis, Aysha était accessible et bien plus direct. Bien évidemment, elle se méfiait des gardes de la cité, mais comme elle le faisait toujours. Personne ne supportait que quiconque se prétende voyante, encore moins une femme. Qu’importe. Aysha devait survivre et était consciente de ce type de risque.
Un soupir dépassa ses lèvres. Le bouche à oreille ne portait pas correctement ces fruits ces derniers temps. Peut-être changer d’endroit ? A ce moment, quelqu’un toqua à sa porte. Elle dissimula son trésor, couvrit le bas de son visage avec le châle et partit ouvrir la porte, laissant entrer sa cliente. Un visage qu’elle n’avait encore jamais vu. Elle l’invita à s’assoir et commença la séance avec elle. Aysha avait toujours eu un talent pour cerner les gens et cette femme ne put échapper au don de la voyante. Elle la guida vers une conclusion qui sembla satisfaisante de l’avenir, la propre projection de la femme, ce qu’elle désirait vraiment. Fin de la séance. Juste avant de partir, du bruit se fit entendre dans l’échoppe, qui me fit dresser l’oreille. Une intervention des soldats ? La femme ne sembla pas consciente de cela. Aysha l’invita a sortir par une autre porte, oubliant de se faire payer. Enfin… sa main baladeuse récupéra la poche de sa cliente sans se faire remarquer. Poche qui lui sembla bien lourde. Au moins, sa journée aura été productive.
Rapidement, la voleuse saisit sa sacoche, la jeta autour de ses épaules et s’enfuit par la porte arrière. Juste à temps. La porte s’ouvrit brutalement. Trop tard. Aysha avait déjà escaladé le mur arrière et grimpé sur le toit d’un bâtiment. Elle connaissait trop bien les rues ici, ils n’avaient aucune chance de la rattraper.
La jeune femme se laissa tomber et continua sa route, se faufilant entre les quelques passants, se glissant dans les ruelles sombres, s’enfonçant de plus en plus loin dans la ville et le quartier pauvre de la ville. Plus elle s’enfonçait, plus les ruelles étaient désertées, ne restant que quelques badauds, souvent peu recommandable. Elle était habituée à tout ceci et valait mieux cet endroit que d’autres pour elle. Elle usa de nombreux stratagèmes pour s’assurer que personne ne la suivait et entra finalement dans la maison qu’elle occupait. Un pan de mur du premier étage s’était effondré, rendant l’endroit plus inhospitalier et peu intéressant pour bien des gens. Elle avait isolé la partie avec une cheminée de fortune pour que la lumière ne soit pas visible de l’extérieur. Endroit dans lequel elle s’avança et commença à faire à un repas. Frugale et peu consistant, comme bien des choses qu’elle mangeait généralement.
En attendant que cela cuise, elle retira le voile sur son visage, abaissa le tissu couvrant sa tête et dégagea sa natte épaisse de ses vêtements. Elle sortit les fruits de son travail du jour. Quelques pièces de cuivre, des bijoux aussi, de mauvaises qualités, mais rien qui ne lui permettrait de beaucoup encaisser sa journée. Elle devait encore de l’argent au tenancier de l’échoppe et savait qu’il valait mieux qu’elle ne l’oublie pas demain, sinon il lui ferait payer. Bien… il semblerait qu’elle ait besoin de voler un peu plus demain pour pouvoir rentrer dans ses frais. Et choisir un quartier un peu plus populaire la prochaine fois pour avoir plus d’argent. Plus risqué, mais plus rentable…
Aysha sortit la marmite de sur le feu, la posant à côté et remplit un bol des quelques légumes et du pain volé ce matin. Elle commença à manger et se rappela soudain. Encore un peu et elle en oubliait la dernière cliente. Peut-être que son paiement supplémentaire lui rapporterait plus. Elle sortit la bourse et la vida sur le sol. Quelques pièces supplémentaires s’ajoutèrent à ces deniers et un objet étrange tomba lourdement au sol… Et c’est tout. Elle s’intéressa à l’objet, le saisissant entre ses doigts, suivant la courbe. La lumière du feu lui permettait de la voir en détail. C’était un objet banal, en métal – du fer peut-être ? – qui semblait simple. Peut-être qu’elle pourrait le revendre. Du fer était toujours intéressant pour certains marchands. Oui, c’était une possibilité. La seule en réalité. Pourtant, son instinct lui souffla autre chose. Un malaise soudain l’envahit. Cet objet était… Quelque chose n’allait pas. Elle avait besoin de cet argent, mais c’est son instinct qui l’avait maintenu en vie toutes ces années. Dans un geste impulsif, Aysha lança l’étrange pendentif dans les flammes. Elle eplia ses jambes, son dos venant s’appuyer contre le mur ses yeux d’ambres rivés sur l’objet au cœur du feu crépitant.
J'ai plus de 3 siècles, mais j’ai l’air d’avoir 35 ans. Je vivais paisiblement ma vie de soldat dans Cité d’Hai'za jusqu’à ce qu'Hassan al Tubaz, meneur des Djinns de l'eau, ne prenne le pouvoir. Fidèle protecteur des Nar, mais surtout de ma Reine Syana al Raed, je me suis battu pour empêcher la chute du Royaume. C’est ainsi que le Nouveau Roi autoproclamé Hassan et ses Marids m’ont maudit. Mon âme a été transférée dans une amulette, devenue ma prison depuis plusieurs décennies. Ma seule possibilité de sortir de là est d’être invoqué par un djinn, à qui je devrai protection et fidélité : un serviteur dévoué, plus communément appelé esclave. J’aurais pu y rester encore des siècles si une drôle d’humaine ne m’avait pas fait sortir de là par je ne sais quel moyen. Mise à part cela, je suis célibataire et le resterai jusqu’à la fin : car les esclaves ne se marient pas… La date de naissance de Nahil est approximative, mais estimée à plusieurs siècles auparavant : quand on peut vivre longtemps, les chiffres n’ont pas d’importance. Depuis son plus jeune âge, il a vécu en communauté, étudié l’histoire et la culture des plus anciens, travaillé auprès des femmes et des hommes Nar qui faisaient prospérer la Cité d’Hai'za. Doté de capacités physiques très avancées pour son âge, le jeune djinn avait rapidement attiré l’attention des hommes. Il grandissait vite, et s’étoffait rapidement. Pour sa mère, ce n’était qu’une réponse de son corps aux sollicitations importantes qu’il lui faisait endurer. Courir, grimper, aider… toute la journée, et parfois toute la nuit. Nahil s’ennuyait vite, et proposait ses services aux personnes qui l’entouraient pour contrer cela. Sa mère venait parfois le traîner par le col pour le ramener à la maison, de peur que ses pairs ne finissent par le tuer d’épuisement. Mais le jeune djinn était ainsi : dévoué pour son peuple, fidèle à ses valeurs, prêt à tout pour servir sa Reine. Naturellement, lorsqu’ils pensèrent à lui pour rejoindre la garde de sa Majesté, il en fut très honoré. Nahil était le plus jeune djinn à qui on proposait ce privilège. L’histoire n’en avait vu aucun autre avant lui. Il s’engagea sans réfléchir, ignorant les cris sidérés de sa génitrice le mettant en garde. S’en suivirent de longues années de formation, où les guerriers les plus puissants de la garde –composée de peuples de toutes origines (Nar, bien sûr, mais aussi Tubaz et Kuartiz)- se succédaient pour lui apprendre les techniques de combat pour la plupart ancestrales. On lui apprit à forger ses armes par la magie du feu, à les enflammer pour être plus performant… mais aussi à tuer de sang-froid, sans poser de questions. Son dévouement le propulsa à la tête de la Garde Royale : il était devenu une arme si puissante que la Reine elle-même faisait appel à ses services. Former de jeunes gardes, diriger les expéditions, participer aux conseils politiques, parler de stratégie de guerre, faisaient partie de ses missions quotidiennes. Dans l’ombre de sa Majesté, Nahil était les yeux, les oreilles, la défense, et même la confidence du Royaume d’Hai'za. Combattant hors pair, Nahil était réputé pour son agilité au combat, sa discrétion à l’approche d’une cible, ou encore sa ruse. Il avait toujours un coup d’avance sur ses adversaires. Particulièrement dévoué à son Royaume, il se montrait docile, confiant lorsque sa Reine lui confiait une tâche -la plus ingrate soit-elle. Mais seul contre toute une armée de Tubaz lors de leur prise de pouvoir, il avait été contraint –par magie, plutôt mourir que de l’accepter- de fléchir le genou devant le nouveau Roi. Hassan avait terriblement besoin de lui, de sa notoriété, pour rallier le peuple derrière lui. La suite était bien plus simple à résumer : il ne courbait pas l’échine. Jamais. Il sortait des rangs, refusait les ordres de celui qui le remplaçait. Alors, puisque l’insoumis ne fatiguait pas, le Roi répandit des rumeurs malveillantes : les massacres qu’il aurait faits pour la précédente Reine, ses propres intérêts qu’il aurait servis sans se soucier du bien-être de son peuple. Passé du guerrier le plus aimé du peuple, Nahil devint le Shaytan (démon) de la Cité. Le peuple de souleva pour demander son exclusion : maudit des mains du Roi qu’il ne voulait pas considérer comme le sien, il fut interdit de séjourner à Hai'za, et enfermé dans son précieux collier en fer forgé, en espérant que personne ne pourrait l’en délivrer.
Le néant. Il rythmait ses journées, et ses nuits depuis tant d’années qu’il ne savait plus se repérer dans le temps. Parlait-on encore en années, en décennies ? Ou avait-il franchi le ou les siècles d’emprisonnement ? Le vide l’entourait. D’une certaine manière, il le contenait.
Comment était-ce possible de s’inclure dans quelque chose qui n’a pas de limites ?
Son esprit végétatif continuait à se frayer –lentement- un chemin de réflexion : il faisait fonctionner ses méninges pour ne pas sombrer dans la folie. C’est ce qu’ils attendaient de lui : qu’il se détruise seul. C’était leur seule façon de parvenir à l’éliminer. Il le savait, sa puissance était telle qu’ils avaient dû ruser. Et cette fois, la fois de trop, ils l’avaient bien eu.
Il retraçait encore et encore les différentes étapes de sa vie, visualisant dans les moindres détails les paysages qui l’avaient entouré. Il s’attardait parfois sur les visages, mais aussi étrange que cela puisse paraître, les imaginer lui faisait plus de mal que prévu. Alors, il se focalisait sur les ruelles aux murs ambrés de la Cité d’Hai'za, son prestigieux Temple, son somptueux Palais. Ils lui manquaient.
Les jours les plus sombres, il se demandait ce qu’avait pu devenir sa Cité lorsqu’il avait été mis hors d’état de nuire. Qui avait protégé son peuple ? Les Tupaz avaient-ils envahi le reste du monde ? Hassan et sa soif de pouvoir… Il espérait que quelqu’un ait pu le renverser. Mais qui ? Aurait-il seulement sa réponse, un jour ?
Et puis la sensation de vide se modifia. Pour la première fois depuis… depuis quand exactement, il ne pouvait le quantifier. Mais pour la première fois depuis que son esprit était détenu ici, quelque chose avait changé. Le néant qui l’englobait, s’était mis à bouger. D’abord doucement, puis de plus en plus rapidement. On le transportait. Du moins, c’est ce qu’il en supposa, avec l’absence de détails à sa disposition…
Le feu au fond de lui s’était remis à brûler : on l’avait peut-être trouvé. Mais… Qui ? Que risquait-il ?
De nouveau, le silence fut. Fausse alerte, probablement. Quel idiot il avait été de penser qu’on viendrait à son secours... Les siens étaient sûrement tous morts, ou retournés contre lui. Le Shaytan, comme ils l’appelaient encore quelques temps avant qu’il ne soit piégé. La rage continuait de se consumer en lui lorsqu’il daignait y penser.
Mais cette fois, il dû s’arrêter de penser. Le néant laissa place à des jeux de flammes, plus violentes les unes que les autres. Ses pensées vagabondes se rassemblèrent, se structurèrent. Il n’y avait pas de voix, pas de sons. Seulement les images ardentes qui se déplaçaient tout autour de lui.
De lui… De lui ?! Il abaissa les yeux. Que c’était bon, de retrouver des yeux ! Si son âme s’était condensée, c’était pour rejoindre une boîte crânienne. Il retrouvait un corps, une contenance réelle ! Que se passait-il ? Un tas d’explications lui vint en tête : la fin de son emprisonnement parce que son peuple avait levé la malédiction ? Une faille dans le sortilège, synonyme de son pouvoir absolu ? Et pourquoi pas l’envie des Tupaz de lui laisser une nouvelle chance ? Toutes les solutions possibles lui venaient, oui, sauf la bonne.
Il venait d’être invoqué. Sans incantation. Quel genre de magie pouvait invoquer un Djinn maudit dans une prison depuis des… on ne sait pas, on a dit.
Le corps qui l’hébergeait avait de nombreuses similitudes avec celui qu’il occupait avant : grand, élancé, aux muscles saillants. Lorsqu’il observa ses mains, il reconnut sa peau sombre de Nar. Mais quelque chose avait changé : de nombreuses marques incandescentes recouvraient son épiderme, se matérialisaient sous formes de symboles tracés le long de ses muscles, à l’intérieur de sa chair. Ils brûlaient de la magie du Feu qui lui avait tant manquée.
Il releva ses prunelles ardentes vers la silhouette qui venait de l’invoquer. Prunelles qui brillaient à présent de mille feux… de colère. Qu’est-ce que c’est que ça? Il eut un mouvement de recul, partagé entre la stupeur et l’aversion. Une humaine. Il avait été invoqué par une humaine. Et puis quoi encore ?
La libération faisait de lui l’esclave du Sauveteur. Le Djinn puissant qu’il avait été, réduit en esclavage… passait encore. Mais devenir le serviteur d’un humain, s’en était trop ! « Comment avez-vous fait ? » Dit-il entre ses dents serrées, contenant les flammes à l’intérieur de son corps pour ne pas risquer de brûler la place où il se trouvait. Il ne valait mieux pas commencer à attirer l’attention.
J'ai environ 25 ans, mais j’ignore exactement quand je suis née. Je vis dans une vielle maison abandonnée. Dans la vie, je suis voleuse et arnaqueuse et je m'en sors comme je peux. Sinon, je suis célibataire. J’ai parfois l’impression de ne rien saisir au monde, comme si je n’avais ma place nulle part
Les yeux posés sur les flammes, elle se laissait absorbée par leur danse somptueuse, le jeu de lumière et l’entremêlement des différentes couleurs. Elle se risqua même à approcher sa main des flammes, leur chaleur venant réchauffer un peu plus sa peau. L’air à l’extérieur était encore chaud et resterait correcte au vu de la saison, cependant, elle n’avait jamais eu de problème avec les flammes. Ni avec aucun élément qui peuplait le désert. Aysha appréciait les flammes à la fois magnifique et si dangereuse. Elle aimait l’eau, fluide et à la fois si destructrice. Et le sable, qui offrait d’incroyables spectacles et d’une violence sans précédent. Oui, Aysha aimait cette liberté des éléments, si capricieux et fascinant. Une liberté qu’elle n’avait pas dans cette ville. Une simple impression d’être enfermée, d’étouffée dans certains moments. Etait-ce pour cela qu’elle avait hérité de ce surnom toute son enfance ? Aysha l’étrange, Aysha la maudite. Penser à cela assombrit son regard.
Elle ramena sa main contre ses jambes, ses pupilles d’ambre se posant sur le pendentif en métal qui commençait à rougeoyer sous la puissance des flammes. Etaient-elles assez puissante pour avoir une telle réaction ? Ou alors ce n’était qu’une babiole, plus inutile encore qu’elle ne l’avait supposé. Enfin… elle ne le savait pas suffisamment, après tout elle n’était qu’une vagabonde. Sans connaissance. Pourtant, la réaction semblait… s’intensifier au fur et à mesure. La danse des flammes augmentaient, devenaient plus grandes et le crépitement devenait plus fort encore. Un morceau de bois craqua bruyamment sous la pression des flammes. Trop fort. La réaction était bien trop forte.
Prise d’une soudaine angoisse et d’un mauvais pressentiment, dans un geste presque désespéré, Aysha tandis la main pour saisir le pendentif et faire cesser tout ceci au plus vite. C’était urgent. Quelque chose allait mal se passer. Alors qu’elle s’apprêtait, d’une façon complètement inconsidéré, à plonger sa main dans le feu, la puissance des flammes redoublèrent et envahir la cheminée. Elle bondit en arrière, protégeant ses yeux avec son bras. La puissance des flammes se fit moins importante. Elle baissa son bras. Que se passait-il au juste ? Aucune importance, il fallait qu’elle retire cette chose et vite !
Aysha s’avança à nouveau et se figea. La chaleur des flammes devenaient presque insupportable, mais elles restaient confinés, sortant de l’habitacle de la cheminée pour grandir encore et encore, la surplombant en hauteur. Elles étaient… contrôlées. Une force semblait les maintenir et prenaient forme ? Ses yeux s’écarquillèrent en comprenant. Des bras, des jambes, une tête. Les flammes dessinaient une forme humaine. La voleuse recula d’un pas, puis d’un autre. Les contours de la forme se précisèrent et semblèrent traverser par des os. Puis se fut les veines, d’autres filaments, les muscles s’enroulèrent autour des os, la peau les recouvrit, elle-même couverte d’étrange symbole. Ce fut enfin le tour des vêtements qui terminèrent de créer ce… cet… homme ? Cette chose ? Une apparition ? Est-ce que c’était un dieu ? Non, c’était impossible. Enfermé dans cette chose ? Non, ce devait être une illusion, rien de réel.
Illusion ou réalité, Aysha avait bondit à l’opposé de l’apparition et sa dague, qu’elle portait toujours sous ses vêtements, s’était retrouvée dans son poing. Elle était douée pour esquiver, frapper vite et s’enfuir tout aussi vite. Elle n’avait jamais appris à se battre que dans la rue, mais elle vendait toujours chèrement sa peau, ce qui lui valait d’être en vie. Ici, elle ne ferait pas exception. Qu’importe ce qu’était cette chose, elle comptait bien survivre. Et pourtant, une chose étrange la fascinait dans cette apparition. Son cœur battait la chamade. Quelque chose… Quelque chose se passait et c’était indescriptible.
Leurs regards se croisèrent et lui coupa le souffle. Un frisson parcourut tout son corps : peur, surprise, fascination, envie de fuir… tout se mélangeait. Aysha releva son bras tant les yeux étaient agressifs. « Pardon ? Fait quoi ? » Que voulait-il dire ? « Je n’ai rien fait. A part… » Les yeux d’ambre se baissèrent vers les flammes, dont le pendentif avait cessé de rougir si fort. C’était cette chose qui l’avait fait apparaitre ? Comment était-ce possible ? Elle n'avait rien fait. Ses yeux revinrent sur l’étrange silhouette, dont la lueur des braises le rendaient plus terrifiant encore. « Qu’est-ce que vous êtes ? Vous êtes réel au moins ? » Sa main s’était légèrement baissé, mais ses doigts s’accrochaient solidement à la dague. Cet homme – ou qu’importe – semblait sur le point d’imploser. Mais elle pouvait s’échapper. C’était chez elle, elle savait et avait prévu des moyens de s’échapper. Et pourtant, Aysha continuait de l’observer, avec crainte, mais une certaine curiosité également.
J'ai plus de 3 siècles, mais j’ai l’air d’avoir 35 ans. Je vivais paisiblement ma vie de soldat dans Cité d’Hai'za jusqu’à ce qu'Hassan al Tubaz, meneur des Djinns de l'eau, ne prenne le pouvoir. Fidèle protecteur des Nar, mais surtout de ma Reine Syana al Raed, je me suis battu pour empêcher la chute du Royaume. C’est ainsi que le Nouveau Roi autoproclamé Hassan et ses Marids m’ont maudit. Mon âme a été transférée dans une amulette, devenue ma prison depuis plusieurs décennies. Ma seule possibilité de sortir de là est d’être invoqué par un djinn, à qui je devrai protection et fidélité : un serviteur dévoué, plus communément appelé esclave. J’aurais pu y rester encore des siècles si une drôle d’humaine ne m’avait pas fait sortir de là par je ne sais quel moyen. Mise à part cela, je suis célibataire et le resterai jusqu’à la fin : car les esclaves ne se marient pas… La date de naissance de Nahil est approximative, mais estimée à plusieurs siècles auparavant : quand on peut vivre longtemps, les chiffres n’ont pas d’importance. Depuis son plus jeune âge, il a vécu en communauté, étudié l’histoire et la culture des plus anciens, travaillé auprès des femmes et des hommes Nar qui faisaient prospérer la Cité d’Hai'za. Doté de capacités physiques très avancées pour son âge, le jeune djinn avait rapidement attiré l’attention des hommes. Il grandissait vite, et s’étoffait rapidement. Pour sa mère, ce n’était qu’une réponse de son corps aux sollicitations importantes qu’il lui faisait endurer. Courir, grimper, aider… toute la journée, et parfois toute la nuit. Nahil s’ennuyait vite, et proposait ses services aux personnes qui l’entouraient pour contrer cela. Sa mère venait parfois le traîner par le col pour le ramener à la maison, de peur que ses pairs ne finissent par le tuer d’épuisement. Mais le jeune djinn était ainsi : dévoué pour son peuple, fidèle à ses valeurs, prêt à tout pour servir sa Reine. Naturellement, lorsqu’ils pensèrent à lui pour rejoindre la garde de sa Majesté, il en fut très honoré. Nahil était le plus jeune djinn à qui on proposait ce privilège. L’histoire n’en avait vu aucun autre avant lui. Il s’engagea sans réfléchir, ignorant les cris sidérés de sa génitrice le mettant en garde. S’en suivirent de longues années de formation, où les guerriers les plus puissants de la garde –composée de peuples de toutes origines (Nar, bien sûr, mais aussi Tubaz et Kuartiz)- se succédaient pour lui apprendre les techniques de combat pour la plupart ancestrales. On lui apprit à forger ses armes par la magie du feu, à les enflammer pour être plus performant… mais aussi à tuer de sang-froid, sans poser de questions. Son dévouement le propulsa à la tête de la Garde Royale : il était devenu une arme si puissante que la Reine elle-même faisait appel à ses services. Former de jeunes gardes, diriger les expéditions, participer aux conseils politiques, parler de stratégie de guerre, faisaient partie de ses missions quotidiennes. Dans l’ombre de sa Majesté, Nahil était les yeux, les oreilles, la défense, et même la confidence du Royaume d’Hai'za. Combattant hors pair, Nahil était réputé pour son agilité au combat, sa discrétion à l’approche d’une cible, ou encore sa ruse. Il avait toujours un coup d’avance sur ses adversaires. Particulièrement dévoué à son Royaume, il se montrait docile, confiant lorsque sa Reine lui confiait une tâche -la plus ingrate soit-elle. Mais seul contre toute une armée de Tubaz lors de leur prise de pouvoir, il avait été contraint –par magie, plutôt mourir que de l’accepter- de fléchir le genou devant le nouveau Roi. Hassan avait terriblement besoin de lui, de sa notoriété, pour rallier le peuple derrière lui. La suite était bien plus simple à résumer : il ne courbait pas l’échine. Jamais. Il sortait des rangs, refusait les ordres de celui qui le remplaçait. Alors, puisque l’insoumis ne fatiguait pas, le Roi répandit des rumeurs malveillantes : les massacres qu’il aurait faits pour la précédente Reine, ses propres intérêts qu’il aurait servis sans se soucier du bien-être de son peuple. Passé du guerrier le plus aimé du peuple, Nahil devint le Shaytan (démon) de la Cité. Le peuple de souleva pour demander son exclusion : maudit des mains du Roi qu’il ne voulait pas considérer comme le sien, il fut interdit de séjourner à Hai'za, et enfermé dans son précieux collier en fer forgé, en espérant que personne ne pourrait l’en délivrer.
Des années de néant, à lutter pour que son âme ne disparaisse pas dans les abysses. Des décennies passées à entretenir ses pensées pour qu’elles ne meurent pas, elles aussi. Peut-être même des siècles… pour se faire invoquer par une humaine ? Nauséeux, Nahil laissa ses nouveaux yeux flamboyants parcourir la silhouette de la seule présence vivante de l’endroit où il se trouvait : c’était une femme de petite taille -par rapport à ce corps qu’il allait apprivoiser. Sa peau dorée par le soleil ainsi que sa chevelure de jais n’étaient pas sans lui rappeler les récits de ses pairs à Hai’za au sujet des humais. Ses yeux ambre foncés contrastaient avec son visage aux traits fins. Elle protesta, refusant d’admettre qu’elle avait commis un blasphème contre les puissants djinns.
« Assez ! » Ordonna-t’il sèchement pour qu’elle cesse ses jérémiades. Là où n’importe quelle créature humaine aurait vu une harmonieuse créature de Dieu, le Nar y vit une abomination qui l’avait invoqué. Ce qui était impossible. Les humains n’avaient pas la possibilité d’invoquer. Le faire avec un djinn semblait donc totalement impossible.
Impossible, à moins que…
La colère inonda son âme, se propagea dans son corps. Hassan avait joué le jeu de la malédiction jusqu’au bout. Les symboles gravés dans sa chair brune s’illuminèrent férocement, empruntant les mêmes teintes que la lave en fusion. Être invoqué faisait de lui un esclave qui devrait dévouer corps et âme à son maître. De manière totalement incontrôlable, le feu jaillit tout autour de lui, embrasant tout ce qui se trouvait sur son passage. Une humaine était devenue sa maîtresse. La chaleur qui s’en dégageait était inimaginable… un humain du désert ne pouvait pas y résister : il espérait qu’elle n’y fasse pas exception.
Par rapport à ses souvenirs, sa force s’était décuplée. Il aurait dû être plus attentif à l’époque où il côtoyait tous les plus grands sages de la Cité aux côtés de sa Reine. Que disaient-ils au sujet des esclaves, déjà ? Malédiction, force, obéissance ou mort, le prix à payer pour se débarrasser de cette obligation.
Les flammes dévorent tout sur leur passage, mais une étrange protection contournait le courroux du djinn à la peau ombragée. Ils demeuraient encerclés par le feu de son peuple. Nahil poussa un puissant grognement en guise de réponse. N’était-ce pas assez parlant pour confirmer qu’il était réel ? S’il avait pu, il l’aurait fait rôtir sur le champ.
Il suivit son regard qui descendait vers les jambes qui le portaient depuis à peine quelques secondes : un objet en métal rougi par le feu attendait sagement au sol. Son cœur -du moins ce qu’il en restait- se noua. L’esclave utilisa la magie mentale du feu pour attirer l’élément en fusion jusque dans sa paume. La chaleur de l’objet s’intensifia au contact de sa magie, reconnaissant la peau de celui qui l’avait porté plusieurs siècles. Chaque Nar portait un emblème autour de son cou, comme protection. Il n’eut pas besoin de réfléchir plus longtemps pour que les connexions se fassent dans son cerveau : le traitre du royaume qui avait orchestré le soulèvement du royaume, avait tué sa Reine et emprisonné son plus fidèle serviteur dans sa propre amulette.
Devant la fureur du djinn, les flammes magiques virèrent au rouge bleuté, signe d’une incandescence presque totale, et s’étendirent vers les habitations voisines. À ce rythme, il aurait détruit la ville entière, bien qu’il pour le moment pas conscience de l’étendue des dégâts. L’humaine restait hors d’atteinte : il était sous son emprise magique. Son pouvoir n’avait une limite possible. Elle était inconscience de cela, évidemment. Ainsi, peut-être aurait-il une chance de s’en sortir.
« Qui êtes-vous ? » Le long de sa botte, la chaleur rassurante de sa dague vint lui apporter une vague de réconfort. D’un regard, il fit fondre la dague qu’elle pointait dans sa direction. « Ne vous fatiguez pas avec ça. » Soupira t’il, profitant du fait qu’elle ne sache rien de lui pour pouvoir instaurer un climat tendu, de crainte, entre eux. Il serra son amulette, qui se reconstitua presque aussitôt qu’il l’installa contre son plexus solaire, s’accrochant à un fil de fer invisible à l’œil nu. « Où avez-vous trouvé ça ? » Il avança de quelques pas, réduisant l’espace encore intact de la pièce, les flammes s’introduisant dans son sillage.
Si cette femme avait réussi à l’invoquer, peut-être avait-elle une part de sang Djinn ? Pourtant, rien dans son regard ne lui laissait penser qu’elle avait connaissance de la magie, des djinns, ou de tout autre phénomène propres à son peuple comme les invocations. Si tel était le cas, peut-être venait-il de tomber sur le seul spécimen à moitié humain qui n’ait pas de magie. « N’avez-vous pas la moindre idée de qui je suis ? » Se risqua t’il, d’un ton glacial, toujours dans sa stratégie d’intimidation. « Les humains sont tellement ignorants… » continua le djinn en poussant un rire terrifiant dont lui seul avait le secret. A défaut de maîtriser les situation, il devait garder la tête sur les épaules… maintenant qu’il en avait une.
Quelle que soit sa réponse, Nahïl devrait emmener cette étrange être humaine à Hai’za : si elle était pourvue de pouvoirs, ils la mettraient dans un lieu approprié aux demis djinns, bien qu’ils soient peu appréciés par la Cité Joyau. Si elle n’avait pas une once de magie en elle, les sages du royaume lui administreraient une potion l’amnésie dont eux seuls avaient le secret. Avec cette manipulation, leur lien disparaît à coup sûr. Il aurait très bien pu effacer ses souvenirs, s’il n’avait pas été réduit à l’état d’esclave…
J'ai environ 25 ans, mais j’ignore exactement quand je suis née. Je vis dans une vielle maison abandonnée. Dans la vie, je suis voleuse et arnaqueuse et je m'en sors comme je peux. Sinon, je suis célibataire. J’ai parfois l’impression de ne rien saisir au monde, comme si je n’avais ma place nulle part
Le regard de l’être se posa plus en détail sur la jeune voleuse. Un regard aux pupilles jaune, bien plus flamboyante et profondes que les siennes. Des yeux qui l’examinèrent de la tête au pied, à tel point qu’elle eut presque le sentiment d’être nue devant lui. Un frisson ignoble la traversa. Elle se sentait faible, sans défense malgré sa dague qu’elle tenait, si fort que les joints de ses phalanges devenaient blanches. Sa voix sèche l’arrêta dans ses mots. Elle se détesta pour ça. Se détesta de se sentir aussi faible et vulnérable. Dans ses yeux, sur son visage, elle pouvait la voir : la haine, le dégoût, encore et encore. Elle connaissait plus que n’importe qui. Sa mâchoire se contracta, ses doigts se serrèrent un peu plus au point de lui faire mal. Non, elle ne pouvait pas céder. Pas face à ce monstre.
Aysha se reprenait, se redressait, bien qu’elle garde les genoux légèrement pliés, prête à réagir. C’est ce qu’elle crut. Jusqu’à ce que les flammes surgissent du néant et envahirent toute la pièce. Elle leva les bras pour se protéger, voyant sa mort arrivée. Les flammes envahirent toute le premier étage de la maisonnée, les entourant de leur chaleur insupportable. Et pourtant… Elle releva la tête, surprise d’être encore en vie. Surprise que la chaleur soit supportable. Qu’est-ce qui se passe ? Trop d’informations, il y avait trop d’informations qu’elle ne pouvait traiter. Comment cet homme était apparu ? Comment avait-il créé ces flammes ? Que lui voulait-il ? Pourquoi était-il si haineux à son encontre ? Trop de questions se bousculaient dans son esprit. Tout ceci ne pouvait pas être un rêve. Cela se passait. C’était bien réel. Bien trop réel.
Aysha était sous le choc. Son esprit marchait au ralentit, comme embourber dans la vase. Incapable de réfléchir, incapable d’agir. Elle réussit pourtant à comprendre que l’apparition était liée à ce maudit pendentif étrange. Maudit… Tout comme elle. Les pires horreurs lui arrivaient toujours et cet… homme ? ne faisait pas exception. La dague fondit entre ses doigts, la ramenant à la réalité. Elle lâcha le manche, de crainte de se brûler, sans remarquer que sa peau ne souffrait d’aucun impact. Elle pinça les lèvres, reculant d’un pas. Elle jeta un regard par-dessus son épaule pour voir les flammes dans son dos. Reprends-toi bon sang ! Cria-t-elle à son propre corps. Pour déclencher un éveil, elle se mordit méchamment la langue, la douleur envoyant un message et l’aidant à faire reprendre son esprit, qui retrouva une certaine vivacité.
« Pourquoi vous répondrais-je alors que vous êtes décidé à me tuer visiblement ? » Rétorqua-t-elle aux questionnements de cet être. Sa voix se fit relativement ferme. Ses yeux d’ambre exprimaient cette même révolte que lorsqu’elle avait l’habitude de regarder tous ceux qui se considéraient si supérieurs à elle. Cette… chose pouvait la tuer n’importe quand, mais elle n’avait pas l’intention de se laisser faire ou intimider. Jamais. Elle ne pouvait plus reculer tandis qu’il s’approchait. Les flammes semblaient encore grandir, la fumée envahissait tout l’environnement, mais, comme prit dans un tourbillon, restait autour d’eux, les englobant sans jamais les atteindre. Aysha se tient droite, les poings serrés, les ongles s’enfonçant dans ses paumes. Elle devait trouver une échappatoire et vite.
La voleuse fit une mine sarcastique. « Vous voulez me tuer ou discuter, vous n’êtes pas clair franchement. » Dit-elle alors qu’il la questionnait sur lui-même. « Ou alors vous ignorez qui vous êtes. Désolé, mais je ne fais pas dans l’amnésie. » Le provoquer n’était peut-être pas la meilleure des idées et pourtant… Bien souvent ceux avec qui elle le faisait, perdaient les pédales et devenaient bien moins vigilant, plus facile à berner et à s’échapper. Pourtant, les questions fusaient dans son esprit. Des souvenirs lointain lui revinrent en mémoire. Ces légendes que lui racontaient Malik. « Vous êtes un Djinn pas vrai ? Lui lança-t-elle. Puis elle sourit. Pas si ignorant que ça finalement... Et votre rire est ridicule, l’Efrit. » Elle venait de se souvenir du noms des esprits du feu. Mais c’était impossible. Les djinns et les humains ne pouvaient pas interagir ensemble. Comment se faisait-il qu’il lui apparaisse ? Que faisait-il avec cette amulette ? Tant de questions qu’elle ne pouvait se poser actuellement.
Peut-être s’était-elle moqué de son rire, mais en réalité, il avait fait naitre un frisson glacial dans son corps. Il était si semblable aux marchands d’esclaves et aux maitres… Cette pensée lui donna la nausée. Est-ce qu’il allait faire la même chose qu’eux ? Cette idée manqua de la faire hurler. Plus jamais ! Malgré la peur, Aysha avança d’un pas vers l’homme. Elle n’avait certainement rien d’impressionnant à ses yeux, mais elle se fichait bien de ça. Elle ne comptait pas céder. Jamais. Au moindre mouvement, elle comptait bien s’échapper, courir vers lui pour le prendre au dépourvu, se jeter sous lui et s’échapper. Aysha le chat. C’est ainsi que Malik la surnommait, le seul à avoir un minimum de bienveillance pour elle. Aussi vive et agile qu’un chat. Cela l’avait maintenu en vie et elle comptait encore sur ses capacités pour s’échapper.
J'ai plus de 3 siècles, mais j’ai l’air d’avoir 35 ans. Je vivais paisiblement ma vie de soldat dans Cité d’Hai'za jusqu’à ce qu'Hassan al Tubaz, meneur des Djinns de l'eau, ne prenne le pouvoir. Fidèle protecteur des Nar, mais surtout de ma Reine Syana al Raed, je me suis battu pour empêcher la chute du Royaume. C’est ainsi que le Nouveau Roi autoproclamé Hassan et ses Marids m’ont maudit. Mon âme a été transférée dans une amulette, devenue ma prison depuis plusieurs décennies. Ma seule possibilité de sortir de là est d’être invoqué par un djinn, à qui je devrai protection et fidélité : un serviteur dévoué, plus communément appelé esclave. J’aurais pu y rester encore des siècles si une drôle d’humaine ne m’avait pas fait sortir de là par je ne sais quel moyen. Mise à part cela, je suis célibataire et le resterai jusqu’à la fin : car les esclaves ne se marient pas… La date de naissance de Nahil est approximative, mais estimée à plusieurs siècles auparavant : quand on peut vivre longtemps, les chiffres n’ont pas d’importance. Depuis son plus jeune âge, il a vécu en communauté, étudié l’histoire et la culture des plus anciens, travaillé auprès des femmes et des hommes Nar qui faisaient prospérer la Cité d’Hai'za. Doté de capacités physiques très avancées pour son âge, le jeune djinn avait rapidement attiré l’attention des hommes. Il grandissait vite, et s’étoffait rapidement. Pour sa mère, ce n’était qu’une réponse de son corps aux sollicitations importantes qu’il lui faisait endurer. Courir, grimper, aider… toute la journée, et parfois toute la nuit. Nahil s’ennuyait vite, et proposait ses services aux personnes qui l’entouraient pour contrer cela. Sa mère venait parfois le traîner par le col pour le ramener à la maison, de peur que ses pairs ne finissent par le tuer d’épuisement. Mais le jeune djinn était ainsi : dévoué pour son peuple, fidèle à ses valeurs, prêt à tout pour servir sa Reine. Naturellement, lorsqu’ils pensèrent à lui pour rejoindre la garde de sa Majesté, il en fut très honoré. Nahil était le plus jeune djinn à qui on proposait ce privilège. L’histoire n’en avait vu aucun autre avant lui. Il s’engagea sans réfléchir, ignorant les cris sidérés de sa génitrice le mettant en garde. S’en suivirent de longues années de formation, où les guerriers les plus puissants de la garde –composée de peuples de toutes origines (Nar, bien sûr, mais aussi Tubaz et Kuartiz)- se succédaient pour lui apprendre les techniques de combat pour la plupart ancestrales. On lui apprit à forger ses armes par la magie du feu, à les enflammer pour être plus performant… mais aussi à tuer de sang-froid, sans poser de questions. Son dévouement le propulsa à la tête de la Garde Royale : il était devenu une arme si puissante que la Reine elle-même faisait appel à ses services. Former de jeunes gardes, diriger les expéditions, participer aux conseils politiques, parler de stratégie de guerre, faisaient partie de ses missions quotidiennes. Dans l’ombre de sa Majesté, Nahil était les yeux, les oreilles, la défense, et même la confidence du Royaume d’Hai'za. Combattant hors pair, Nahil était réputé pour son agilité au combat, sa discrétion à l’approche d’une cible, ou encore sa ruse. Il avait toujours un coup d’avance sur ses adversaires. Particulièrement dévoué à son Royaume, il se montrait docile, confiant lorsque sa Reine lui confiait une tâche -la plus ingrate soit-elle. Mais seul contre toute une armée de Tubaz lors de leur prise de pouvoir, il avait été contraint –par magie, plutôt mourir que de l’accepter- de fléchir le genou devant le nouveau Roi. Hassan avait terriblement besoin de lui, de sa notoriété, pour rallier le peuple derrière lui. La suite était bien plus simple à résumer : il ne courbait pas l’échine. Jamais. Il sortait des rangs, refusait les ordres de celui qui le remplaçait. Alors, puisque l’insoumis ne fatiguait pas, le Roi répandit des rumeurs malveillantes : les massacres qu’il aurait faits pour la précédente Reine, ses propres intérêts qu’il aurait servis sans se soucier du bien-être de son peuple. Passé du guerrier le plus aimé du peuple, Nahil devint le Shaytan (démon) de la Cité. Le peuple de souleva pour demander son exclusion : maudit des mains du Roi qu’il ne voulait pas considérer comme le sien, il fut interdit de séjourner à Hai'za, et enfermé dans son précieux collier en fer forgé, en espérant que personne ne pourrait l’en délivrer.
Les flammes se déchaînaient autour des deux silhouettes, dans un duel de regards mêlant à la fois l’incompréhension, la détermination, la surprise de se trouver là, et la colère. Ce dernier sentiment faisait vibrer le nouveau corps de de Nahil, plus vivant que jamais. Il ressentait la magie dans chaque membre, sur chaque centimètre de sa peau brune, contre ses muscles, à l’intérieur des cellules qui le constituaient. Son âme reprenait une contenance au même rythme que le feu avalait la pièce dans laquelle il se trouvait. Le brasier s’aventura jusqu’entre les mains de l’humaine qui pointait sa dague -en protection plus que menace, en tout cas c’est la conclusion qu’il en tira. Le métal s’échauffa entre ses doigts, et l’obligea à la lâcher tandis qu’elle perdait en solidité.
Elle gardait sa contenance, malgré sa tentative d’intimidation. Quelque chose en elle le contrait, et il aurait pu mettre sa main à couper que, même sans en avoir connaissance, son lien de maîtresse lui envoyait probablement le courage de lui faire face. Ce constat raviva encore plus les flammes, qui s’étendirent aux habitations voisines dont les cris affolés commençaient à percer.
Un sourire sarcastique étira ses lèvres fines, dans un rictus terrifiant. « Je n’avais pas parlé de vous tuer, c’est vous qui m’en avez donné l’idée. » Le ton était donné par ses prunelles glaciales qui ne la quittaient pas des yeux. Nahil ne tuait pas pour le plaisir, jamais. Il se débarrassait de personnes qui auraient pu nuire à sa Cité, à sa Reine, ou à ses proches. Jamais il ne se serait imaginé détruire une humaine sur le simple constat qu’elle était humaine. Cependant, le lui faire croire n’était pas une si mauvaise idée, si ça pouvait lui éviter d’argumenter. Après un nombre d’années inconnues passées dans sa prison maudite, il n’avait plus vraiment en tête les tendances en persuasion…
Accessoirement, il ne pouvait pas la toucher. La tension était donc littéralement palpable : au rythme des matériaux qui se consumaient tout autour d’eux.
Au fur et à meure qu’elle lui répondait, la mâchoire du djinn se crispait. Finalement, une petite humaine en broche ce n’était pas si dramatique… personne ne s’en rendrait compte, elle aurait juste disparu dans un incendie ravageur. On a pas idée de ce que la nature peut faire quand elle reprend ses droits ! « Si c’est une manière subtile d’obtenir mon identité, permettez-moi de vous dire que quelques leçons de discernement ne vous feraient pas de mal. » Répondit-il sèchement, alors que ses yeux se plongeaient dans les siens, intransigeants. Humaine et arrogante, voilà qui n’allait pas en sa faveur.
Vous êtes un djinn. Ah, peut-être qu’il s’était trompé et qu’elle avait une pointe de jugeote finalement ! L’Efrit. Non, somme toute, c’était une tentative infructueuse d’imposture. Son sourire persifleur se transforma en un rire authentique, qui fit grandir encore les flammes. Autour d’eux, les humains abandonnaient leurs affaires, et fuyaient pour se mettre à l’abri. « Bien essayé. » Le qualifier d’Efrit était le réduire à une seule et unique race de Djinns, quand il en existait presque une dizaine. Il nota tout de même l’effort de ressortir ses connaissances et tenter de l’impressionner : qui sait, peut-être serait-il plus indulgent face à un cerveau bien conçu ? Ou pas, l’avenir seul le dirait.
Le pas en avant qu’elle tenta lui donna le signal pour laisser sa magie se répandre sans aucun frein. L’emprise des flammes s’étendit à l’intégralité de la ville, poussant les humains à fuir sans demander leurs restes. « Je n’ai pas l’intention de vous tuer. » En tout cas, pas tout de suite. « En revanche… une impertinence de plus, et vous aurez la mort de votre peuple entier sur la conscience. » Son regard impitoyable ne laissait pas de doute quand à ses objectifs. Il ne pouvait pas la toucher elle, mais sa maison, ses amis, sa famille… tout ce qui comptait pour elle dans le monde des humains réduit en poussière. « Vous savez ce qu'il vous reste à faire. » Il avança d’un pas vers elle, ses yeux et les symboles sur sa peau prenant la teinte de la braise qui sévissait autour d’eux. Il se sentait plus vivant que jamais. Plus fort que jamais. « Qui êtes-vous ? Et ou avez-vous trouvé ça ? » Répéta-t’il fermement en lui désignant l’amulette incandescente qu’il tenait toujours entre les doigts. « En quelle année sommes nous ? » Plus possédé que jamais.
Lorsqu’elle lui répondit, il laissa un long silence s’installer le temps d’assimiler les informations. Vingt-cinq ans, c’était le temps qu’il était resté enfermé dans sa propre amulette. Vingt-cinq années enfermé avec ses seules pensées comme compagnie, à travailler son esprit pour ne pas sombrer dans la folie. « Je suis un voyageur que votre avidité a réveillée d’un profond sommeil. ». Annonça le Djinn.
J'ai environ 25 ans, mais j’ignore exactement quand je suis née. Je vis dans une vielle maison abandonnée. Dans la vie, je suis voleuse et arnaqueuse et je m'en sors comme je peux. Sinon, je suis célibataire. J’ai parfois l’impression de ne rien saisir au monde, comme si je n’avais ma place nulle part
Le monde se réduisait soudainement à des flammes immenses, dévorant tout sur son passage, avalant les pierres jaunes des habitations, de son habitation. Actuellement son monde ne se réduisait plus qu’à ça : des flammes et un homme. Encore… Elle sentait à nouveau le sol se dérober sous ses pieds, devenir une pente glissante, dont elle ne savait pas quand cela aller s’arrêter. Jusqu’où son monde allait s’effondrer cette fois-ci encore ? Cette idée fit vaciller un instant sa détermination à résister face à ce monstre qui se tenait face à elle, sa stature emplissant tout l’espace qui semblait se retreindre au fur et à mesure. Tout se rétrécissait et lui semblait devenir de plus en plus immense… Elle était enfermée et, elle avait beau se persuadé d’avoir une option de sortie, la boule d’angoisse montait en elle.
Les cris des pauvres hères qui vivaient autour d’elle l’atteignirent malgré le rugissement des flammes. Elle pinça les lèvres en pensant à eux. Elle n’avait pas de soutien envers eux en général, mais elle savait ce qu’ils étaient en train de vivre et en train de perdre. Elle savait que personne ne viendrait pour eux. Et ce monstre détruisait tout ça. Il s’en moquait bien de toute façon. Et sa phrase le prouvait un peu plus aux yeux de l’égyptienne. Un sourire froid étira ses lèvres. « Bien sûr… Vos yeux vous trahissent. » Elle en était sûr. Dès qu’il était apparu, il avait été envahi par une irrépressible envie de la tuer. Si les flammes ne l’avaient pas encore dévorées, c’est certainement car il attendait quelque chose d’elle. Et elle ne comptait pas le lui donner. Parce que se passerait-il après qu’il ait obtenu ce qu’il désirait ? Aysha ne s’imaginait pas qu’il la laisserait en vie et mille horreurs se bousculaient dans son esprit, qui l’aidait à ne pas flancher. Elle refusait de revivre encore cela.
Alors malgré la peur qui se logeait dans son estomac, faisait battre son cœur à tout allure, Aysha gardait les poings serrés, se mordait la langue à s’en faire saigner pour se reprendre, et son regard brillait d’une volonté de résistance, sans faille apparente. L’espérait-elle en tout cas. « Votre identité n’a pas d’importance si tout ce que vous faites c’est tout brûler. » Rétorqua-t-elle, la voix basse à cause de sa mâchoire serrée, si fort qu’elle se faisait mal. Une douleur qui s’entremêlait au gout du sang sur sa langue.
Un éclat de lucidité traversa son esprit. De vieux souvenirs, de vieilles légendes remontèrent, lui permettant une pique, un nom. Il n’était pas un dieu, pas le dieu Râ en personne. Sa croyance n’avait jamais été très ancrée, mais cette idée l’avait terrassé un instant. Le fait qu’il soit autre chose la rassura, légèrement. Elle était maudite, elle n’en avait aucun doute à force, mais elle comptait bien survivre. Pour autant, la dénomination qu’elle employa sembla agacer le Djinn face à elle. Mais elle ne se démonta pas, osant même faire un pas en avant, prête à se jeter sur lui et s’échapper. Il s’énervait, mais il était encore trop calme. Si ses mots ne l’avaient pas encore fait sortir de ses gongs, alors que pouvait-elle continuer de faire pour s’échapper ? Sauf qu’Aysha n’avait pas imaginé un instant la puissance de l’être face à elle. Les flammes furent encore plus grandes, à tel point qu’elle se demanda s’il n’était pas possible que la roche finisse par fondre. Les cris à l’extérieur redoublèrent d’intensité et, à travers quelques vacillement des flammes, elle put voir l’incendie se répandre jusqu’au point plus haut et éloigner de la cité. Une boule d’angoisse vint serrer sa gorge. Elle était prisonnière. Il n’y avait aucun moyen de s’échapper.
« Arrêtez ça ! » S’écria Aysha, sa gorge serrée faisant paraitre son ton en un mélange de supplique et d’ordre. « Ils ne vous ont rien fait ! Alors laissez-les tranquille ! » Elle n’avait que peu d’attaches ici, un bon nombre qu’elle n’appréciait pas particulièrement. Mais elle pensait à tous ces enfants, ceux qu’elle connaissait qui vivait à la rue, ceux qui avaient leur maison… Elle ne voulait pas qu’ils connaissent le même enfer qu’elle.
Son regard lançait des éclairs en observant le Djinn, ce fou furieux capable de raser une ville sans ressentir quoique ce soit. Elle ne recula pas lorsqu’il s’avança vers elle, relevant la tête pour le regarder. « Je m’appelle Aysha. Finit-elle par répondre, ses mains tremblant autant de rage que d’angoisse. J’ai volé une bourse, parce qu’on ne m’avait pas payé en échange d’un service. Il y avait ça dedans. » Et, pour la première fois depuis qu’elle avait commencé les larcins, elle regrettait sincèrement d’avoir volé quelque chose. Puis la surprise apparut dans le regard de la jeune humaine. « L’année ? » Cette question incongrue la désarçonna. Elle ne s’y attendait pas et son esprit était trop embrouillé pour tenter de faire un lien. Malgré sa surprise, et les cris aidant, Aysha revint sur terre et finit par lui donner l’année.
Un silence angoissant s’installa entre eux. Aysha lança un regard autour d’elle, sentant l’agitation naitre en elle. Qu’attendait-il d’elle encore ? Allait-il encore mettre le feu à la ville ? Allait-il la tuer ? Elle se mordit la lèvre. Les cris étaient plus éloignés. Elle serra les doigts un peu plus fort lorsqu’il rompit le silence, ramenant ses yeux d’ambre vers lui. « Vous ne savez rien de moi. » Répondre à ses questions semblait l’avoir légèrement apaisé et lui répondre ainsi risquait peut-être de le faire flamber à nouveau, mais être traité d’avide, sans même savoir la raison de ses larcins… Cela la faisait grincer des dents. « Et maintenant ? J’ai répondu à vos questions, vous allez partir ? » Son cœur battait toujours la chamade, elle continuait de se mordre la lèvre. C’était fini non ? Maintenant il fallait qu’il disparaisse.
J'ai plus de 3 siècles, mais j’ai l’air d’avoir 35 ans. Je vivais paisiblement ma vie de soldat dans Cité d’Hai'za jusqu’à ce qu'Hassan al Tubaz, meneur des Djinns de l'eau, ne prenne le pouvoir. Fidèle protecteur des Nar, mais surtout de ma Reine Syana al Raed, je me suis battu pour empêcher la chute du Royaume. C’est ainsi que le Nouveau Roi autoproclamé Hassan et ses Marids m’ont maudit. Mon âme a été transférée dans une amulette, devenue ma prison depuis plusieurs décennies. Ma seule possibilité de sortir de là est d’être invoqué par un djinn, à qui je devrai protection et fidélité : un serviteur dévoué, plus communément appelé esclave. J’aurais pu y rester encore des siècles si une drôle d’humaine ne m’avait pas fait sortir de là par je ne sais quel moyen. Mise à part cela, je suis célibataire et le resterai jusqu’à la fin : car les esclaves ne se marient pas…
Spoiler:
La date de naissance de Nahil est approximative, mais estimée à plusieurs siècles auparavant : quand on peut vivre longtemps, les chiffres n’ont pas d’importance. Depuis son plus jeune âge, il a vécu en communauté, étudié l’histoire et la culture des plus anciens, travaillé auprès des femmes et des hommes Nar qui faisaient prospérer la Cité d’Hai'za. Doté de capacités physiques très avancées pour son âge, le jeune djinn avait rapidement attiré l’attention des hommes. Il grandissait vite, et s’étoffait rapidement. Pour sa mère, ce n’était qu’une réponse de son corps aux sollicitations importantes qu’il lui faisait endurer. Courir, grimper, aider… toute la journée, et parfois toute la nuit. Nahil s’ennuyait vite, et proposait ses services aux personnes qui l’entouraient pour contrer cela. Sa mère venait parfois le traîner par le col pour le ramener à la maison, de peur que ses pairs ne finissent par le tuer d’épuisement. Mais le jeune djinn était ainsi : dévoué pour son peuple, fidèle à ses valeurs, prêt à tout pour servir sa Reine. Naturellement, lorsqu’ils pensèrent à lui pour rejoindre la garde de sa Majesté, il en fut très honoré. Nahil était le plus jeune djinn à qui on proposait ce privilège. L’histoire n’en avait vu aucun autre avant lui. Il s’engagea sans réfléchir, ignorant les cris sidérés de sa génitrice le mettant en garde. S’en suivirent de longues années de formation, où les guerriers les plus puissants de la garde –composée de peuples de toutes origines (Nar, bien sûr, mais aussi Tubaz et Kuartiz)- se succédaient pour lui apprendre les techniques de combat pour la plupart ancestrales. On lui apprit à forger ses armes par la magie du feu, à les enflammer pour être plus performant… mais aussi à tuer de sang-froid, sans poser de questions. Son dévouement le propulsa à la tête de la Garde Royale : il était devenu une arme si puissante que la Reine elle-même faisait appel à ses services. Former de jeunes gardes, diriger les expéditions, participer aux conseils politiques, parler de stratégie de guerre, faisaient partie de ses missions quotidiennes. Dans l’ombre de sa Majesté, Nahil était les yeux, les oreilles, la défense, et même la confidence du Royaume d’Hai'za. Combattant hors pair, Nahil était réputé pour son agilité au combat, sa discrétion à l’approche d’une cible, ou encore sa ruse. Il avait toujours un coup d’avance sur ses adversaires. Particulièrement dévoué à son Royaume, il se montrait docile, confiant lorsque sa Reine lui confiait une tâche -la plus ingrate soit-elle. Mais seul contre toute une armée de Tubaz lors de leur prise de pouvoir, il avait été contraint –par magie, plutôt mourir que de l’accepter- de fléchir le genou devant le nouveau Roi. Hassan avait terriblement besoin de lui, de sa notoriété, pour rallier le peuple derrière lui. La suite était bien plus simple à résumer : il ne courbait pas l’échine. Jamais. Il sortait des rangs, refusait les ordres de celui qui le remplaçait. Alors, puisque l’insoumis ne fatiguait pas, le Roi répandit des rumeurs malveillantes : les massacres qu’il aurait faits pour la précédente Reine, ses propres intérêts qu’il aurait servis sans se soucier du bien-être de son peuple. Passé du guerrier le plus aimé du peuple, Nahil devint le Shaytan (démon) de la Cité. Le peuple de souleva pour demander son exclusion : maudit des mains du Roi qu’il ne voulait pas considérer comme le sien, il fut interdit de séjourner à Hai'za, et enfermé dans son précieux collier en fer forgé, en espérant que personne ne pourrait l’en délivrer.
Malgré les flammes qui dévoraient son domicile, voire sa ville toute entière… elle lui tenait tête. Elle n'en démordait pas. Dans son ancienne vie, elle n’aurait plus été là pour voir les cendres des places qu’elle chérissait, car sa colère aurait tout ravagé jusqu’à son existence.
Une vulgaire humaine face au courroux du puissant Djinn, ça promettait n’est-ce pas ? Mais malgré son nouveau corps –plutôt fonctionnel, il devait l’avouer- son ancienne vie n’était plus. Et cette humaine se tenait toujours devant lui, ayant réponse à tout. Bien évidemment, son invocation la protégeait de la brûlure, et il lui faudrait bien plus que des menaces pour pouvoir s’en débarrasser... cela contribuait majoritairement à raviver la haine du Djinn de feu.
Elle avait raison: ses yeux avaient envie de la réduire en poussière pour son impertinence. Son corps, pourtant, le lui refusait. Evidemment. Sa magie, sa si douce amie, ne lui obéissait plus totalement non plus. Il faudrait donc qu’il soit plus intelligent. « Ah ? Il me semblait pourtant avoir été totalement transparent. » Répondit-il avec une pointe de sarcasme, tentant de maîtriser ses pulsions assassines. Il avait fait assez de dégâts, semblait-il… « Tout ce que je fais ? Voyons, vous sous estimez mes compétences… » Il réalisa que la voix de son interlocutrice faiblissait : peut-être que finalement, la peur pourrait fonctionner. Elle avait toujours été son secret.
Pourtant, l'humaine continua à lui tenir tête. Encore. Il serra les dents. « Qui ça, ils ? » Demanda le Djinn dont les prunelles avaient quitté leur couleur ambre pour celle de la lave en fusion. Les flammes se déchaînaient autour de lui, évitant malgré tout la silhouette de l’humaine, ce qui alimentait sa rage.
Du courage. Il avait toujours pensé que les humains étaient des créatures faibles, lâches, sans défenses… Là, elle conformait son hypothèse : était-elle vraiment humaine pour avoir réussi à déjouer la malédiction ? Aysha, donc. Une petite voleuse, qui n’avait probablement pas connaissance de la puissance qui se cachait dans cet objet. Cet objet qu’elle n’avait pas prévu de voler. -un comble, tout de même. Cet objet même, toujours chauffé par les braises.
Cette amulette, si chère à Nahil. Non, elle n’avait pas volontairement invoqué son âme… Comment était-ce possible ? Une nouvelle partie de la malédiction, sans doute… Une magie inconnue qu’il devrait percer. Qu'il allait percer.
Perdu dans sa réflexion, l’intensité des flammes flancha quelque peu. « L’année. Vous savez, ces choses qu’on compte tous les 365 jours, qui servent à savoir si vous êtes âgée ou non… » Répliqua-t-il avec toujours plus de cynisme. S’il avait bien conscience qu’elle s’était trouvée là au mauvais moment, le résultat restait inchangé : elle l’avait invoqué, et il en était esclave.
Le lien magique entre eux n’en serait pas amoindri pour autant, donc. Elle lui donna un chiffre qui ferma son visage de plus belle. Le calcul fut plus simple que prévu.
Vingt-cinq ans. C’était à la fois proche et éloigné. A la fois hier et une éternité. De quoi sentir ses réflexes rouillés dans son nouveau corps, mais son esprit particulièrement vif qui n’avait jamais cessé de penser.
Il ne répondit pas, calmant les flammes magiques d’un geste de la main. « Je n’ai pas prétendu le contraire. Mais cela ne veut pas dire que je ne veux pas en savoir un peu plus. » Ricana-t-il tandis qu’un cercle plus large se formait autour d’elle pour la laisser respirer. Il ne pouvait pas la tuer, certes, mais les vapeurs de bois brûlé étaient nocives pour les humains, et il avait encore tout un tas de questionnements. « Oui, tout à fait. » Répliqua-t-il à sa dernière question, contre toute attente. Sur ses lèvres, un large sourire se dessina : aussi effrayant que déstabilisant.
Accessoirement, il comptait bien élucider les mystères autour de cette gamine. Enfin gamine… il ne connaissait pas son âge. Son apparence, en tout cas, lui donnait une vingtaine d’année tout au plus. Elle avait la fougue insolente –mais surtout inconsciente- de la jeunesse. « …et vous allez venir avec moi. »
Sa conclusion fut brève, et tranchante. Avant qu’elle ne proteste, il ajouta. « Il faudra réfléchir deux fois, la prochaine fois… avant de bazarder un objet précieux. » Gronda-t-il en désignant son amulette. Sa colère s’étant légèrement calmée, le pouvoir du Djinn s’ordonna. Depuis la paume de sa main dans laquelle se trouvait le métal Naar, un filin de feu se dessina et vint suspendre l’élément autour de son cou. L’objet trônait à présent devant son plexus solaire, par-dessus son armure charbonneuse.
Autour d’eux, les débris finissaient de se décomposer tandis que les dernières flammes s’estompaient. Lorsque Nahil fit un pas en avant, les flammes s’écartèrent de son chemin. « Ou alors vous restez là, mais ça risque d’être un peu chaud. » Son sourire en coin ne disparaissait plus.
J'ai environ 25 ans, mais j’ignore exactement quand je suis née. Je vis dans une vielle maison abandonnée. Dans la vie, je suis voleuse et arnaqueuse et je m'en sors comme je peux. Sinon, je suis célibataire. J’ai parfois l’impression de ne rien saisir au monde, comme si je n’avais ma place nulle part
La peur traçait son chemin en elle, presque aussi dévorante que les flammes qui les entouraient et les étouffaient. N’importe qui aurait fui. N’importe qui se serait effondré en larme pour supplier ce monstre de l’épargner. Il était terrifiant, ses pouvoirs l’étaient et ce qu’elle ressentait de lui, ce qu’elle ressentait toujours des autres, dévoilait un homme sans pitié, dévoré par le désir de la supprimer. Elle n’avait jamais connu une telle violence dirigée contre elle. C’était pire que tout ce qu’elle avait vécu… Et pourtant, au lieu de s’effondrer, de hurler de peur, Aysha restait fière. Sa première réaction face à la peur avait toujours été le combat. Toujours.
« Vous êtes transparent. » Elle savait que cela risquait de l’énerver encore plus, mais qu’importe ? Il était bien déterminé à la tuer et, elle, bien déterminée à ne pas se laisser faire. Et… elle n’avait pas tort. Ses intentions étaient claires… La jeune femme espérait seulement qu’il n’avait pas d’autres intentions… « Je me fiche de vos compétences. » Tout ce qu’elle voyait c’était un homme cruel qui se fichait de détruire la vie d’innocent. Il pouvait être le meilleur musicien de ce monde, que cela n’aurait aucune importance. Il pouvait brûler toute l’Egypte que cela ne changerait rien.
La question qui suivit la surprise, mais elle n’en perdit pas la colère qu’elle ressentait contre lui. « Les gens ! Cette ville ! Ils ne vous ont rien fait ! » Elle non plus n’avait rien fait, mais elle savait déjà que cet argument ne servirait à rien face à lui. Il était aveugle à la destruction, sourd aux cris qui leur provenait de l’extérieur, insensible au monde qui l’entourait.
Aysha lui fit un regard sombre alors qu’il la rabaissait clairement. Elle serra les poings, tentée de le laisser dans le flou. S’il n’était pas fichu de savoir l’année, qu’il aille se noyer dans le Nil. Malgré tout, elle finit par lui répondre en constatant que la puissance des flammes avaient diminué. La réponse qu’elle lui donna le fit se renfrogner un peu plus – ce qui était surprenant tant il était déjà fermé. Elle craignit que les flammes ne repartent de plus belle. Puis il sembla revenir et calma les flammes en un geste. L’endroit lui ressembla un peu moins à une prison, mais cette sensation était toujours là. Il était toujours là. Il prenait toute la place, l’aura qu’il dégageait envahissant tout l’espace.
La réflexion du Djinn provoqua un frisson d’angoisse. Pourquoi voulait-il en savoir plus sur elle ? Elle était une humaine, une simple voleuse qui essayait de survivre et dont la vie était ravagée par une foutue malédiction. Et, le sourire qu’il fit par la suite la terrifia plus encore. Il allait partir… et la sentence tomba. Elle n’entendit même pas la phrase qu’il prononça par la suite. Son esprit se vida. Non. Pas encore. Pas une nouvelle fois. Elle devait fuir. Elle refusait que ça arrive encore. Elle ne pourrait pas le supporter. Pas une nouvelle fois. La fumée sembla plus épaisse, elle eut l’impression qu’elle ne pouvait plus respirer. Elle étouffait.
Un débris tomba juste à côté d’elle, la manquant de peu. Elle sursauta, sortant de ses pensées, prenant soudainement une inspiration. Elle sortit de l’angoisse qui l’avait étreint si fort qu’elle en avait perdu sa combativité. Non. Elle allait se battre et échapper à ce monstre. L’éclat de son regard revint, fusillant l’homme du regard, alors qu’il s’approchait encore d’elle. S’enfuir dans la rue ? Non… Il avait bien fait exprès de lui montrer ses flammes, il n’aurait aucun mal à la rattraper. Attendre qu’il s’endorme ? Est-ce qu’il avait au moins besoin de dormir ? « Pourquoi ? » Souffle-t-elle en essayant de garder le contrôle de sa voix. « Juste parce que j’ai volé votre maudite amulette ? Je n’ai rien pour vous. » Elle n’était qu’une simple humaine. Elle n’était pas importante. Elle ne pouvait rien lui apporter. Elle n’était rien. Alors pourquoi ?
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Accorder sa confiance revient-il donc toujours à offrir son dos au poignard ? [pv Stormy Dream]