Glen n’avait rien d’un tordu. Aucun fétiche, pas même un secret douteux. Glen était quelqu’un de clean. Ce n’était donc pas ce qui l’avait empêché de construire une vie avec une femme auparavant. Mais quoi alors ? Quand il regardait Bee, il en venait à oublier toutes les questions qu’il se posait à son sujet avant. Puisqu’elle l’aimait alors… Il n’avait rien du cas désespéré qu’il pensait être. « On est bien d’accord. » qu’il avait sourit, amusé par la passion pour les sushis que nourrissait Bee. Il ne serait jamais trop difficile de lui faire plaisir comme ça. Est-ce qu’il s’imaginait déjà débarquer chez elle avec ses sushis préférés ? Oui. En grand romantique, il y avait tout un tas de choses que Glen était susceptible de faire pour plaire à sa belle. De la plus minime comme ramener des sushis à la plus grande… « Je suis même pas vraiment sûr. » qu’il s’amusa alors que Lullaby lui faisait une mini scène de jalousie. A qui elle croyait faire peur avec ses petits bras ? Glen avait du mal à prendre la situation au sérieux. Raison d’avoir peur ? Glen avait laissé un rire s’échapper de ses lèvres. Pour le coup, il aurait presque envie de voir ça. Ceci dit l’idée de voir Lullaby réellement énervée ne lui plaisait pas. Devant la porte du restaurant, Lullaby affirma qu’elle ne laisserait pas quelqu’un lui voler son chéri. Son chéri. L’agent frissonna de plaisir. Donc le coup de la petite-amie ne l’avait pas dérangé… Il s’arrêta devant l’enseigne du restaurant pour encercler Lullaby de ses bras et la serrer contre lui. Son nez frôlant le sien, il finit par lui offrir un baiser passionné. « Tu n’as aucun soucis à te faire. » qu’il avait soufflé en s’écartant pour lui ouvrir la porte. Gentleman oblige.
 

Il n'était pas vraiment sûr. Pas vraiment sûr de quoi ? Que Siri ait raison d'avoir peur des menaces de sa belle ? Elle n'en avait peut-être pas l'air comme ça, avec ses allures de jeune fille en fleur un peu fluette, mais elle pouvait vraiment sortir les griffes à l'occasion. D'abord peut-être que la voix de Siri n'était pas bien épaisse non plus. Ensuite, mine de rien, elle trouvait le temps de faire du sport dans son emploi du temps. Et elle était ainsi plus musclée qu'il n'y paraissait, même si sa force se concentrait davantage dans ses jambes que dans ses bras. Certes, elle était loin de l'être autant que Glen. Mais elle n'en avait probablement pas besoin.

”- Tu serais surpris.” remarque la demoiselle. ”Juste là, c'est du béton armé !” promet-elle en frappant une cuisse qu'elle désigne. ”Le patinage ça muscle, qu'est-ce que tu crois ?”

Non, clairement, la jeune femme ne se laisserait pas piquer Glen. Elle avait beaucoup trop galéré pour en arriver là. Peut-être pas ces dernières semaines, pas depuis qu'il était au courant de ses sentiments, mais avant ça elle avait tout de même attendu quatre ans sans pouvoir se dévoiler. Quatre ans à le regarder sans pouvoir lui dire tout ce qu'elle avait sur le cœur. Quatre ans à le croire inaccessible. À l'écouter mentionner à l'occasion ses rencards organisés par le père de la demoiselle. Il était évident qu'après quatre années pareilles, elle ne le laisserait pas filer ni ne laisserait qui que ce soit le lui voler.

Comme l'homme l'enlace, la demoiselle se presse contre lui, passant ses propres bras autour de la taille de ce dernier pour le rapprocher d'elle en même temps qu'il lui offre un baiser passionné auquel elle répond sans se faire prier, son cœur battant la chamade dans sa cage thoracique. Elle n'avait, promet-il, pas de soucis à se faire. Aucun. Elle espère bien. Même si son père ne tardera pas à essayer de nouveau de caser son pote.

”- J'espère bien…” souffle-t-elle contre ses lèvres avant d'entrer dans le restaurant, l'homme sur des talons.

Rejoignant une table qu'on leur indique, Lullaby s'installe, ouvrant rapidement la carte pour jeter un regard au menu qu'elle parcourt rapidement avant de le montrer à l'agent.

”- Est-ce qu'on commande un gros plateau à partager, ou tu préfères des plus petits pour être sûrs du nombre de sushis avalés ?” demande-t-elle en prenant son air le plus sérieux possible, qui se mue pourtant en une moue amusée.

Glen ne manqua pas de rire en voyant Lullaby réagir encore une fois vivement. « Calme-toi Rambo ! Je parlais du corps de Siri… Je suis pas bien sûr qu’elle en ait un. C’est une voix artificielle, non ? » Quoi que Glen ne savait même pas si c’était possible. Quoi qu’il en soit, Lullaby pouvait dormir sur ses deux oreilles, il n’avait pas l’intention de butiner ailleurs. Il n’avait jamais été de ce genre-là, volage. Au contraire. Plutôt bon vivant, c’était d’ailleurs étonnant qu’il ne soit pas plus amusé sans penser aux conséquences. Qui n’avait pas cru en le voyant encore et toujours célibataire qu’il enchainait les conquêtes sans lendemain ? Mais ce n’était qu’un délit de faciès car ça ne l’a jamais intéressé. Trop romantique. « Je n’en doute pas. » qu’il sourit, redevenu sérieux alors qu’elle lui désignait ses cuisses comme étant du béton armé. Oh, il les toucherait bien pour s’en assurer mais… Ils n’en étaient pas là. Glen allait devoir garder les idées froides s’il voulait ne pas aller trop vite en besogne. Maintenant qu’elle était là, avec lui, il n’avait aucune intention de la brusquer. « Je te le promets. » que Glen insista quand Bee lui affirma qu’elle espérait bien n’avoir aucun soucis à se faire. Ne voyait-elle pas à quel point il l’admirait ? Il était même impensable qu’il en regarde une autre. Le jeune couple se présenta ensemble au restaurant et ils avaient été rapidement installés à une table. Si Lullaby était déjà affairée sur la carte, Glen ne faisait que la regarder elle. Ils y étaient à ce fameux concours de sushis. Et pas en tant qu’amis comme il l’avait établi la première fois qu’ils en avaient parlé. Glen n’avait pas su lui résister bien longtemps. « On prend tout en double et le premier qui n’arrive pas à finir a perdu. C’est un deal ? » Il avait répondu à sa moue amusée par un sourire complice et avait levé sa main en l’air pour qu’ils checkent ensemble si toutefois Lullaby était d’accord. Il avait déjà prévu de prendre de l’eau. Hors de question de se couper l’appétit avec une bière ou un verre de vin, quand bien même il aimait ça. Est-ce que Bee se montrerait aussi stratégique ? Quelque chose disait à Glen qu’elle avait vraiment envie de gagner…
 

Rambo, rien que ça ! La demoiselle laisse passer un sourire, comme l’homme se défend d’avoir voulu médire sur sa corpulence ou sur sa force. Pour lui, la voix de Siri était probablement une voix artificielle, tandis que la demoiselle n’en est pas certaine. N’était-ce pas vraiment une femme qui avait fait la voix de l’assistant personnel ? Si ce n’était pas le cas, elle était vraiment très bien faite. Mais dégainant son téléphone, la demoiselle ne résiste pas à l’envie d’en savoir plus et régler une bonne fois pour toute la question.

”- Dit Siri, qui est la femme qui t’as prêté sa voix ?”
”- C’est Susan Bennett”
”- Ah, tu vois !?” lance la demoiselle pour l’homme à ses côtés, avant de googler le nom de cette inconnue, qu’elle montre à l’agent. ”C’est elle, Madame Siri !”

Et sans vouloir se vanter, elle n’aurait aucun mal à casser un tibia ou deux à cette petite mamie, quoiqu’elle n’aurait probablement pas besoin d’en arriver là. Pour Glen et son désir de fonder une famille, d’avoir des enfants, Madame Bennett avait davantage des allures de mamie gâteaux que de future maman. Pour autant, la demoiselle préfère prévenir qu’elle ne se laissera pas voler son chéri facilement. Pas après avoir galéré quatre ans, douté, pleuré, senti son cœur exploser, imploser, des centaines et des centaines de fois. Jamais. Mais elle n’avait pas à s’en faire, affirme-t-il, le lui promettant même alors qu’elle garde ces pensées pour elle.

A peine entrée dans l’établissement, les choses sérieuses commencent et la jeune femme réfléchit déjà stratégie pour s’assurer la victoire de ce fameux concours de sushis. Dans un premier temps, elle pouvait compter sur le fait que son adversaire et compagnon se pense vainqueur d’avance : il ne se méfiait pas ou pas suffisamment. Dans un second, sur son estomac qui ne lui faisait jamais défaut quand il était question de manger, encore plus quand il était question de sushis. Question d’entraînement. Enfin, si elle ne buvait rien du tout, elle économiserait de la place dans son estomac et pourrait manger davantage sans toutefois risquer l’inconfort qu’elle pourrait ressentir en s’aidant d’un alcool fort. S’il présentait l’avantage de perturber la régulation de l’appétit, elle ne tenait pas non plus à être malade toute la nuit. Elle devait assurer le lendemain matin et voulait profiter de son massage ce soir, après tout.

”- Oui, ça me va !” affirme la demoiselle en tapant la main de l’homme pour checker avec lui. "Échauffe tes doigts pour mon massage, surtout !” annonce-t-elle, un grand sourire aux lèvres tandis qu’elle fait signe à un serveur pour prendre leur commande. Celui-ci sitôt reparti, elle plante son regard dans celui de Glen. ”Que le meilleur mangeur de sushis gagne !”

Est-ce que Lullaby était une fille jalouse ? Glen avait des raisons de penser que oui. Et d’un autre côté, quand on aime… Comment ne pas l’être au moins un peu ? Il avait lui-même illustré sa jalousie quand ils s’étaient retrouvés tous les deux à la même fête sur un bateau. Et encore. A l’époque, ils n’étaient pas en couple et il n’en était absolument pas question. Pour autant, Glen n’avait pas su contrôler sa jalousie. Et il le serait encore, très certainement. Un regard qui s’attarde sur elle, un homme qui l’aborde… Autant d’idées qui lui donnaient franchement la nausée. Et pour l’heure, Glen n’avait rien d’un homme dégouté. Au contraire. Il passait un très bon moment à rigoler avec celle qui l’appelait maintenant son chéri. Et ils rigolaient beaucoup ! Notamment avec cette histoire de Siri et de voix artificielle… qui n’en était finalement pas une. Après avoir posé la question à son propre téléphone, Bee avait brandit sous le nez de Glen la photo de la fameuse Susan Bennett. « Eh bien tu vois, elle a l’air aussi sympathique que l’est sa voix… » Et il ne mentait pas. C’était une vieille dame, c’est vrai, mais elle avait vraiment l’air gentille. Ceci dit, Bee n’avait évidemment rien à en craindre. Déjà, parce qu’il ne ferait d’exception pour personne. Ensuite parce qu’elle ressemblait étrangement à sa mère. « Tu sais à qui elle me fait penser ? Ma mère ! Ça doit être pour ça que je la trouve si géniale. » Parce qu’il y a bien une femme que Glen vénère plus que Bee sur cette Terre : sa mère. Il était un peu tôt pour que la jeune femme s’en rende compte mais la matriarche avait un rôle fondamental dans sa vie. Maintenant, place au duel ! Ils mettaient en place leur stratégie, Bee checkant avec lui. Ils étaient fin prêts et avaient passé leur commande. « Prépare-toi à mordre la poussière, ma petite abeille. » qu’il avait rigolé, malicieux, en faisant référence à son surnom. Glen s’étira, mimant la préparation d’un sportif de haut niveau, avant d’éclater de rire de nouveau. Si toutefois il perdait, il n’aurait aucun regret malgré son côté compétiteur : il passait un excellent moment.
 

Elle avait l'air aussi sympathique que sa voix. Oui. Peut-être. Mais pour autant qu'elle ne s'approche pas trop près de Glen tout de même. Lullaby ne pouvait pas promettre qu'elle n'aurait pas des pensées très discutables envers la moindre femme se montrant un peu trop proche de l'homme, un peu trop familière avec lui, à l'exception de la mère de ce dernier, bien entendu. Jalouse peut-être mais pas névrosée non plus. Simplement les vestiges de ces quatre années passées qui avaient été sentimentalement très compliquées pour elle. Peut-être que tout ça, avec le temps, se tasserait. Quand elle assimilerait que, vraiment, il était avec elle. En couple. Son chéri. Pour de vrai. Et en parlant de sa mère, Susan Bennett semblait, d'après lui, y ressembler. Si bien que Bee retourne le téléphone pour en observer la femme à l'écran quelques secondes de plus.

"- Donc ta maman a l'air d'une gentille petite mamie ?"

Une gentille petite mamie qui ne l'était toutefois pas encore. Ce qui n'était pas réellement un problème. Sur cette question là, Glen savait parfaitement que Lullaby était sur la même longueur d'onde que lui. Qu'elle voulait des enfants, fonder une famille. Ce n'était évidemment pas à l'ordre du jour et ne le serait pas tout de suite. Mais un jour, oui, si le ciel le leur accordait, la mère de l'agent aurait tout le loisir d'être une formidable grand-mère.

Génial. De toute évidence, l'homme avait une très bonne relation avec sa mère. Pour autant il ne donnait pas l'air d'être le genre de type toujours dans les jupes de sa maman, vieux garçon car incapable de s'en détacher tout à fait. La relation entre eux devait alors être saine, équilibrée. Parfait.

Sa petite abeille. Bee dessine sur ses lèvres un grand sourire. Oui, elle aime beaucoup qu'il lui donne de petits surnoms, même si c'est pour la menacer de sa victoire prochaine. Qu'il fanfaronne, elle s'occuperait de lui faire ravaler cette fanfaronnade par la suite. Elle lui tire la langue, d'ailleurs. L'envie d'entretenir cette joute est trop tentante.

"- Ta maman t'as jamais appris qu'une abeille, qui s'y frotte s'y pique ?" taquine la jeune femme. "Tu vas voir ce que tu vas voir !" promet-elle.

Et comme on leur apporte leurs sushis, Bee prépare ses baguettes, prête à attaquer les sashimis, salmon Roll et autres disposés devant elle.

"- Bonne chance !" lance-t-elle avant d'attraper un premier sashimi.

La mère de Glen était une femme plutôt raffinée. D’un certain âge, c’est vrai, mais toujours élégante. Une belle femme. Aux yeux de Glen en tout cas c’était indéniable. Et si Siri lui ressemblait finalement, ça n’avait rien d’étonnant qu’il ait toujours été aussi chaleureusement transporté d’un endroit à l’autre par cette voix. « Ma mère est plus jolie que ça. » qu’il corrigea en toute objectivité. « Mais c’est ça… Enfin si j’avais des frères et soeurs qui ont des enfants… Ou si j’avais des enfants moi-même. » Il haussa les épaules, feignant la désinvolture, alors que c’était tellement important pour lui. Et pour sa mère. Elle désespérait, la pauvre. Si elle savait que Glen avait quelqu’un dans sa vie, elle serait déjà en train de faire des projets fous. Mariage, bébé, elle trouverait peut-être même déjà une crèche pour les marmots. Heureusement, elle n’en savait rien. Et Glen n’était pas pressé de le communiquer à qui que ce soit. Il le ferait… Mais pas tout de suite. Pour le moment, il avait besoin de garder ça pour lui. C’était si frais ! Il devait encore s’assurer que tout ça n’était pas qu’un très joli rêve dont il allait se réveiller à son retour à Miami. « Si et elle m’a aussi appris qu’une abeille meurt après avoir piqué. » qu’il gloussa en répondant aux taquineries de la jeune femme. Elle le mettait en garde et c’était adorable. Glen continuait à ne pas y croire du tout. Et pourtant… Il devait bien avouer qu’elle l’étonnait. Elle avait une sacrée descente et ils avaient beau enchainer les plats, elle continuait à débiter sur le même rythme alors qu’il commençait doucement à être calé. Non mais franchement, où est-ce qu’elle mettait tout ça ?! C’était humain de manger tout ce riz ? Elle devait passer des heures et des heures au sport parce qu’elle n’avait vraiment pas l’air d’être une fille capable d’engloutir un restaurant de sushis entiers. Sérieux, ils avaient finir à court de stock ! Glen força. Vraiment fort. Mais son estomac, sûrement peu habitué à de telles goinfreries, refusait maintenant d’en avaler un de plus. Il reposa ses baguettes. « Ok, ça va… Je m’avoue vaincu ! » Il leva en main en l’air alors qu’il passait l’autre sur son ventre plein à craquer. Est-ce que ça le dérangeait tant que ça de laisser gagner Bee ? Non, pas vraiment. Il n’allait pas se plaindre de devoir la masser bien qu’il n’aurait pas été contre qu’elle le masse également.
 

La jeune femme esquisse un sourire alors que l’homme affirme que sa maman est plus jolie que Madame Siri, encore affichée sur le téléphone de sa belle. N’était-ce pas là ce que disent tous les enfants ? Ne trouvent-ils pas tous que leur maman est la plus belle ? Et un jour, Bee l’espère, elle connaîtrait cela, elle aussi. Cette félicité d’être portée aux nues par les êtres les plus chers à ses yeux. Ceux qui donneraient tout son sens à sa vie, son existence. Un jour, d’elle aussi on dirait qu’elle était plus belle que ça. Elle aussi elle serait, dans les yeux de la chair de sa chair, la plus belle du monde.

Bee ne s’est pas trompé, toutefois. Une gentille petite mamie, voilà une image qui collerait bien à la mère de Glen, quoiqu’elle n’ait pas encore cette chance, ce dernier n’ayant ni neveu ni enfants. Pour le moment, tout du moins, dans ce dernier cas. Un jour, c’est sûr, ils en auraient. Aux yeux de la demoiselle, ça ne faisait aucun doute. Pour l’instant, toutefois, c’est à deux qu’ils allaient avancer dans la vie, apprendre à en avoir une, à en profiter, eux qui ont tant l’habitude de se perdre dans leur travail, de ne pas compter leurs heures, de ne pas s’autoriser de pauses ou de vrais week-end.

”- Un jour…” souffle-t-elle toutefois en pressant sa main dans la sienne, comprenant ce qu’il ne dit pas.

Son désir d’enfant, Lullaby en a parfaitement connaissance, parfaitement conscience, alors qu’ils en ont parlé tous les deux avant même qu’il ne sache qu’elle avait des vues sur lui, il y a des semaines de cela. Et Bee avait promis alors qu’il y avait quelque part une fille qui rêvait de la même chose avec lui. Elle n’avait pas menti. Pas une seconde. Et s’il avait besoin de l’entendre de nouveau, elle réitérerait cette promesse aussi souvent que nécessaire. C’était exactement ce qu’elle voulait qu’il retienne ce soir. Un jour ou l’autre, son désir d’enfant serait comblé. Cela ne faisait aucun doute, même si ce n’était pas pour tout de suite, même si elle peut comprendre que le temps lui presse, alors que l’horloge s’est emballée, atteignant la quarantaine d’années.

”- C’est ce que nous verrons !”

Installés dans le restaurant, la joute verbale ne tarit pas, bien au contraire, leur commande à peine passée, l’homme affirmant qu’une abeille a beau piquer quand on s’y frotte, elle en meurt. Certes. Mais Bee le ferait mentir aujourd’hui. S’il pensait la battre sans le moindre effort, la demoiselle comptait bien pour sa part lui donner du fil à retordre. Peut-être qu’elle perdrait en effet, mais ce ne serait pas sans avoir donné tout ce qu’elle a. Et pour des sushis, elle pouvait avoir beaucoup. Quel supplice, vraiment, qu’un tel concours !

”- Ouiiii !” s’écrit-elle victorieuse, tandis que les regards des tables voisines se tournent vers eux un instant.

Elle a gagné leur concours, non sans efforts, elle l’admet. Mais en fin de compte, c’est bien Glen le premier à poser sa paire de baguette tandis qu’elle le nargue d’une nouvelle tranche de sashimi qu’elle plonge dans la sauce soja et glisse dans sa bouche. Hors de question de gaspiller la dernière tranche de saumon cru sur cette table, qu’elle se donne quelques secondes pour apprécier sur sa langue.

”- Du coup j’espère que tes mains sont prêtes pour un super massage de l’espace !” reprend la demoiselle en posant ses propres baguettes sur son plateau en bambou. ”Surtout que je risque d’y prendre goût, si c’est si bien fait que tu l’as promis !” fait-elle remarquer, non sans un petit jeu de sourcils. ”Enfin… ça va aller, quand-même ?” s’enquit-elle.

S’il y a bien quelque chose que Glen avait toujours vu dans son futur, c’étaient des enfants. Pourtant les années sont passées et il n’avait jamais été question pour Glen d’avoir des enfants. Et là, Lullaby était là. Elle serrait sa main dans la sienne et lui disait que ça arriverait… Un jour. Et c’était totalement inespéré. De nouveau, il pouvait y penser… se projeter. Avec le temps, il avait presque fini par arrêter d’y croire. Et si c’était qu’un début, Dieu ce que c’était prometteur ! Son coeur s’emballa l’espace d’un instant, soufflé par cette nouvelle perspective dans sa vie. Est-ce que Bee pouvait vraiment lui donner tout ce dont il avait toujours rêvé ? Et serait-il à la hauteur de ses rêves à elle ? L’idée le grisa, un sourire béat étira ses lèvres alors qu’il serrait un peu plus fort la main de sa belle dans la sienne. Il lui faudrait un peu de temps pour s’habituer à cette nouvelle réalité. Comme il lui faudrait perdre certaines certitudes. Comme celle qu’une personne qui fait cinquante kilos tout mouillés ne pouvait pas le battre à n’importe quel concours de nourriture. Elle venait de le faire, Glen était sur le point d’exploser. Incroyable. Elle lui couterait cher en sushis et qu’importe, il était vaincu mais heureux de l’être. Bee laissa transparaitre sa joie en criant, attirant tous les regards du restaurant alors que Glen rigolait doucement. Un peu plus et il déboutonnait son pantalon dans lequel il se sentait bien à l’étroit d’un coup. Il avait redoublé de rire alors que la demoiselle le narguait maintenant avec un dernier sashimi « Oh, franchement ! » qu’il s’exclama en repoussant son assiette dans sa direction. Il ne voulait plus voir un seul sushi ce soir. Il détourna définitivement le regard se son plateau pour se focaliser sur la jolie blonde en face de lui. « Et comment ! » qu’il fanfaronna à son tour. « Tu me supplieras à genoux que je t’en refasse. » qu’il la taquina à son tour en feignant d’être sûr de lui. Il passa ensuite une main sur son ventre. « Oui, ça va… Enfin, j’ai sûrement bouffé un saumon entier mais ça va. » qu’il rigola en se redressant pour éviter de trop s’avachir sur sa chaise.  
 

Un jour, oui, ils auraient des enfants. Et Glen serait alors un papa formidable, Bee en est intimement convaincue. Il n’y a qu’à voir comment il est avec Noah pour le comprendre, pour avoir conscience de tout l’amour qu’il a à donner à ceux ou celles qui seraient la chair de sa chair. Un jour, ses attentes, ses espoirs, seraient comblés. Comment le ciel, qui avait dessiné pour eux un amour si évident, pourrait leur refuser ce qu’ils désiraient plus que tout au monde ? Ces enfants qu’ils désirent si ardemment aimer, élever, cette famille qu’ils espèrent ? Un jour, oui, elle ferait de lui le père de ses rêves alors qu’il commençait à penser qu’il ne serait à jamais qu’un oncle amusant. Quand ils auraient fait assez de concours de sushis pour ne plus avoir l’envie de dépenser l’équivalent d’un mois de couches dans un seul dîner, lequel laisse l’agent le ventre bien rempli, tendu, et sa belle victorieuse. Bee, naturellement, ne cache pas sa satisfaction à la perspective du massage qui l’attend. Après les promesses que l’homme a faites, elle ne demande plus qu’à le voir à l’oeuvre et vérifier par elle-même que ses massages sont aussi agréables qu’il l’a promit, quoiqu’elle ne doute pas un instant de l’effet que ses mains posées sur sa peau pourraient lui faire.

”- Quoi ? Il n’a pas l’air délicieusement bon ?” souffle la demoiselle en riant, avant de glisser la tranche de saumon entre ses lèvres. ”IN-CRO-YA-BLE” nargue-t-elle encore gentiment l’homme lui faisant face.

Et elle peut bien fanfaronner, Bee, puisque lorsqu’ils seront rentrés à l’hôtel, c’est bel et bien Glen qui, non content d’avoir perdu, devras s’employer à soulager sa belle de ses mains sur sa peau veloutée, détendre un à un les muscles de cette dernière. Après le vol en avion, cette perspective apparaissait pour elle comme une bénédiction. Elle avait même hâte d’y être, tant Glen vendait la chose, lui arrachant un petit sourire.

”- Mais je compte bien que tu m’en fasses encore d’autres.” remarque la jeune femme avant de murmurer. ”Et pendant longtemps…”

S’il pouvait user sa peau sur la sienne, elle ne demandait pas mieux. Si toutefois l’homme parvenait jusque-là, comme il se plaint d’avoir trop mangé, non sans l’humour qui lui ressemble. Et Bee rit avec lui, secouant la tête.

”- Si tu avais mangé assez de sushis pour t’enfiler au minimum 2 kilos de saumon tu ne serais même plus capable de t’en plaindre !!!” remarque la demoiselle. ”Je ne te demande pas si tu veux du dessert ?” plaisante-t-elle, quoiqu’elle n’en veuille pas non plus. ”Café ?”

Ou ils rentraient tout de suite s’enfiler un verre de vin - parce qu’il y a toujours de la place pour ça -, s'allumer un peu de musique et lui offrir sa récompense ?