Quatorze ans, quatorze années de souffrance, d'apprentissage douloureux, de préparation à la guerre et surtout d'égoïsme et de confiance en soit exacerbée. Si face à ton père, tu courbes l'échine et tu doutes d'être un jour à la hauteur, face aux autres tu les écrases avec bonheur. Tu te venges purement et simplement de ce que tu subis, sur des plus faibles que toi.

Au fond de toi, une petite voix se lève pour dire que c'est injuste, mais dans ces cas-là tu la fais taire, après tout, la vie entière est injuste.

Chaque jour, tu t'entraînes à la maîtrise du feu. Sous les ordres de ton père avant que le jour ne se lève, avec ton frère avant de partir à l'école, puis pendant les cours de maîtrise à l'école, cette classe gardée secrète pour tous les non-maîtres qui pensent juste que vous faites une classe de sport étude et puis le soir, seul, en rentrant chez toi. Tu n'es pas bon, tu n'es pas un prodige, tu n'es pas génial, rien ne vient tout seul, tu travailles, dur, plus que tous les autres, parce que tu sais que la moindre erreur te sera fatale.

Le soir, c'est perclus de courbature, de douleur dans les bras et la tête pleine de figure d'art martial que tu ne maîtrises pas encore en tête. Cependant ce soir-là, tu ne t'endors pas, tu tournes et retournes et retournes dans ton lit. Excédé, tu finis par ouvrir les yeux et les contours de ta chambre disparaissent peu à peu et tu tombes. Non, tu ne tombes pas, c'est l'inverse, tu mondes ? Soudain, il n'y a plus de haut ni de bas jusqu'à ce que tu sens un sol sous tes pieds.

Le paysage se dessine peu à peu, tu le reconnais sans le reconnaître, tout semble habituel, pareil à ce que tu connais, mais tout semble aussi un peu différent. Par exemple, il y a deux lunes dans le ciel. Tu paniques un instant, jusqu'à ce que tu perçoives une présence.

Tu ne perds pas la moindre seconde, immédiatement tu te mets en position de défense, les genoux fléchis, les pieds ancrés dans le sol, l'esprit pur et vide de toute émotion et une flamme apparaît dans ta main. Seulement, tu es dans la réalité, tu n'attends pas que l'autre parle et tu lui lances ton feu droit sur lui.

Si jeune, et déjà si arrogant... Tu n’as rien de bon en toi, Theo. Tu n’attends qu’une chose, devenir Alpha pour prendre le contrôle de la ville. Tu méprises les Grey, tu méprises les faibles... Pour toi seul le pouvoir compte, et le pouvoir s’obtient par la force.

Entouré de tes potes, dont peu sont au courant de ta réelle nature, tu règnes en maitre sur le lycée. Si ton père n’était pas là pour empêcher le pire, tu te serais surement déjà fait renvoyer depuis longtemps... Tu n’es pas un mauvais élève à proprement parlé, pourtant. Ça doit aussi jouer dans la balance...

Parce que tu es peut-être un crétin fini, tu es loin d’être con, d’un point de vue intellectuel du moins... car pour le reste... Disons que tu n’es pas près d’obtenir le prix Nobel de la Paix...

Ce soir-là, tu rentres tard. Tu as trainé avec un gars de la meute qui vient de se métamorphoser pour la première fois. Tu as hâte de pouvoir en faire de même, aussi as-tu passé un bon moment à lui poser des questions.

La tête pleine de promesses, mais aussi de crainte, tu peine à t’endormir.
Soudain, le plafond que tu fixes se floute. Tu fronces les sourcilles, puis te sens soudain comme... happé. Tu n’as pas le temps de crier, pas le temps de réagir. Tu te retrouves dans la rue sans rien comprendre. Tu regardes autour de toi, remarque quelqu’un d’autre, et si tu n’avais pas tes réflexes de loup tu te serais probablement fait carboniser sur place.  

"Bordel !”  

Tu n’as pas le temps d’analyser la situation. Tu n’as pas le temps de chercher à comprendre. Tu n’as jamais réfléchi avant de frapper, de toute façon.

Avec une vitesse peu habituelle, tu te rue sur le type qui t’as attaqué et lui balance ton poing dans la figure. Sauf qu’il pare. Surpris, tu recules aussitôt. Personne n’a jamais paré tes coups... du moins personne d’humain...

"Putain t’es qui toi ?!”  

Tu craches cette question sans aucune peur. Tu n’as jamais peur. Ou en tout cas jamais en public...

Tu fouilles tes vêtements afin de trouver le cran d’arrêt qui ne te quitte jamais, mais tu te rends compte être en tenue de nuit : short ample et t-shirt. Fait chier...

Bon, l'autre jure dans la même langue que toi, vous n'êtes donc pas loin de chez toi. Ça te rassure un peu, tu n'es pas parti bien loin, peut être dans ce fameux monde des esprits, celui des histoires sur l'ancien temps... Ah non, tu n'auras pas eu ta maîtrise.

Quand il t'attaque, tu pares avec un rictus. Tu t'entraînes a te battre depuis que tu sais marcher, tu portes des sabres et des épées depuis que tes muscles sont assez développés, mais tu reconnais qu'il a de sacré réflexes. Quand il fouille dans ses poches, tu sais qu'il est fichu. Tu as gagné ce combat. Tu fais jaillir une nouvelle gerbe de feu entre tes doigts et la force à prendre la forme d'une lame, lentement, pour lui laisser le temps d'avoir peur, tu t'approches de lui. Tu es euphorique à l'idée de faire ton premier combat. À cet instant, tu songes que c'est une nouvelle idée de ton père pour mieux de tester alors tu décides de sortir le grand jeu.

- Quel maître sers-tu ?

Une lueur de folie brille dans tes yeux et tu souris, tu espères faire naître sur ton visage le même sourire terrifiant que t'offre ton père quand il est particulièrement en colère contre toi.

- Rends-toi maintenant et tu auras la vie sauve.

Tu ne sais pas d'où te viennent ces phrases, on pourrait penser que tu te crois dans un de tes jeux vidéos ou alors... Que ça vient de plus loin, comme une espèce de rêve qui se mêlent a des souvenirs dune ancienne vie.

L’autre ne répond pas. Lorsqu’il fait jallir une épée de feu entre ses mains, tu ne peux retenir la stupeur qui te fait écarquiller les yeux. Mais putain c’est quoi ça...
Le type fini par parler, mais tu ne comprends rien à sa question. Quel maître... c’est quoi ce délire ?

"C’est quoi ça ? Et de quoi tu parles ?!”

Tu voudrais reculer, mais tu t’en empêches. Il te sort une tirade toute droit sortie d’un film avec un air qui te fait froid dans le dos. C’est qui ce taré ? Et surtout, qu’est-ce qu’il est ? Tu n’avais jamais vu une telle... magie ? Tu n’as jamais vu d’autres créatures surnaturelles, mais si les loups-garous existent il doit y en avoir d’autres dans ce monde, non ?

En tout cas, le type n’a pas l’air enclin à se taper la discute. Tu te mets alors en position de défense. Tu n’as aucune chance face à... une épée de feu... mais tu as de bons réflexes, tu sais te battre, et tu guéri vite...

"Je t’préviens mec, tu te frottes à la mauvaise personne.”  

La surprise passée, tu retrouves ton masque d’arrogance. Mais t’en mène pourtant pas large face à son arme, aussi tu attends, tu le laisse venir. Ce sera plus facile de parer une attaque que tu vois venir plutôt que te lancer à l’aveugle.

Qu’est-ce que tu regrettes de ne pas encore avoir 16 ans putain...

Pendant un instant tu vacilles, te demandant ce que tu fais là, parce que rien n'est exactement ce que tu connais et tout se mélange dans ta tête, tu te sais soldat, mais tu sais aussi que tu as quatorze ans et que tu vas au lycée du quartier. Rien n'a de sens.

Mais quand l'autre tête brûlée continue la bataille, tu reprends contenance. La connerie, le feu de l'action, la bagarre, tout ça, c'est ton domaine d'expertise. Tu n'hésites pas un instant. Tu te bats comme si ta vie en dépendait et en réalité, peut être bien qu'elle en dépend réellement. Même si c'est pas un gamin en pyjama avec des réflexes hors du commun qui va te faire peur. S'il avait une maîtrise, il l'aurait déjà utilisé au lieu de chercher une arme.

- Mais parce que tu penses te frotter à une bonne personne ?

Tu ricanes, tu sais que tu fais peur, mais bon sang, qu'est-ce que cette excitation du combat te plaît. Tu attaques, il se défend, il attaque, tu virevoltes, vous tournez, vous dansez. Il est à l'aise avec son corps, il est puissant, il n'a peur de rien.

Finalement, vous vous ressemblez beaucoup.
Mais ça ne suffit pas.

Tu prépares une nouvelle flamme, ce jeu t'amuse beaucoup, tu n'as pas envie de le tuer, en fait, tu n'as jamais tué personne et tu n'es pas certain que tu as envie de le faire, par contre, dans son regard à lui, tu vois qu'il n'hésiterait pas. Ce qui lui donne un faible avantage, que tu commences par ton excellente maîtrise.

Tu l'encercles par le feu, l'empêchant de se trouver une porte de sortie et ta voix s'élève, de l'autre côté, tu tournes autour de lui. Il n'ira pas se brûler pour t'attaquer, mais tu ne tiendras pas longtemps comme ça non plus.

- Rends-toi, et tu auras la vie sauve.

Bon sang, mais tu t'es cru où ?

- Ah et, ton nom ?

Ce n'est pas de la politesse, mais tu veux te souvenir du prénom d'un homme de cette tempe.

L’inconnu réplique que, lui non plus, n’est pas une bonne personne. Son ricanement te fait serrer les dents, mais tu n’as pas le temps de répondre. Il attaque. Tu esquives, réplique avec les poings, profitant d’être plus rapide que lui pour entrer dans sa garde. Mais il sait se battre, c’est indéniable. Les coups s’enchainent, seuls tes réflexes hors norme te permettent d’éviter la lame de feu et de lui porter des coups qu’il esquive tout aussi bien que toi.  

Trouver un adversaire digne de ce nom te grise. L’adrénaline monte en flèche et la bête qui sommeille encore au fond de toi remue. Il tente de te tenir à distance grâce à ses flammes. Les loups ont peur du feu, mais tu n’es pas encore un loup... pas tout à fait du moins...

Pourtant, lorsque tu te retrouves encerclé par le feu, une éclaire de panique traverse brièvement ton regard, aussitôt remplacé par un regard assassin. L’autre te parle à travers les flammes. A peine essoufflé, tu affiches un sourire narquois.

"Tu t’répètes, grand-mère.”  

Pas certain que la provocation soit la meilleure idée du monde. S’il décide de refermer ses flammes sur toi, tu es mal...

Il t’a également demandé ton nom, et là un doute te prend. Tout le monde te connait. Ou du moins, tout le monde sait qui tu es...  y compris ceux que tu n’as jamais calculé de ta vie. C’est peut-être un nouveau... Oui, ça ne peut-être que ça... ça expliquerait également pourquoi tu n’as pas encore entendu parler de sa magie. Un truc pareil, ça ne peut pas échapper eux meutes très longtemps...

Ne te départissant pas de ton sourire, tu redresse le menton et fixe le type de l’autre côté des flammes, évitant de penser à leur chaleur.

"Theo Kesler. T’as intérêt à retenir ce nom si tu ne veux pas que ta vie devienne un enfer.”

Tout bien réfléchi, lui semble réellement pouvoir contrôler l’enfer... Mais malgré sa magie et le fait qu’il sache se battre, il ne fera jamais le poids face à des loups...

Tu ne lui retourne pas sa question, tu t’en fiche, par contre... tu commences sérieusement à cramer... aussi essaie-tu de détourner son attention en continuant la conversation.

"Je dois admettre que ça faisait longtemps que je n’avais plus autant apprécié une bonne baston. Mais méfies toi, ton truc avec le feu ce n’est rien comparé à ce que je peux faire.”

On a dit calmer le jeu, Theo ! Pas le narguer ! D’autant que tes 16 ans sont encore loin... Crétin...

A l'annonce de son nom tu as un instant d'inattention. C'est un nom... original, qui ne ressemble en rien à ce que tu connais. Kesler est un prénom totalement inconnu. Tu clignes des yeux et perds ta concentration, le feu disparait quand il se remet à parler et dans la panique, tu te mets à rire.

- Et quel est ta maîtrise ? De quel temple viens-tu ?

En réalité, tu ne sais pas si on parle vraiment de temple, ton père a mentionné ça, une fois, mais c'était sûrement une histoire de grand-mère pour te faire peur. Même les autres maîtrises ne sont que des histoires, tu n'as jamais rencontré d'aquamancien, même si tu n'es pas certain que ce serait une bonne chose que tu en croises un, vos pouvoirs n'ont jamais été très compatible.

- Bon, tu veux donc vraiment que je te mette KO pour arrêter cette bataille inutile ? Je te préservais moi.

Ce mec a la grosse tête et pire, il a l'habitude de gagner, ça se voir et ça se sent dans tout ce qu'il fait. Mais tu es sûrement aussi égocentrique que lui, puisque tu es certain de le vaincre en duel, même sans ta maîtrise. Bon, tu n'as pas encore essayé, mais tu as évité tous ses coups avec ton agilité.

Tu fais de nouveau jaillir une flamme dans ta main et, pendant que tu lui fais croire que tu vas la lui jeter dessus, ton pied s'écrase dans son genoux. Tu as appris l'art de te battre, tu as suivi plusieurs cours différents de sport de combat, mais si tu sais une chose : c'est que se battre à la loyal n'est jamais une bonne idée. Ton père n'a jamais été honnête et loyal face à toi, voilà pourquoi tu as constamment perdu. Et voilà pourquoi tu fais de même avec ce gamin.

Ton coup aurait suffit à mettre un adulte à terre, mais tu n'es pas sûr qu'il fonctionne de la même manière face à Kesler, voilà pourquoi tu n'as pas retenu ta force.

Les flammes s'éteignent, pour ton plus grand soulagement, et l’autre se met à rire. Il te parle de maîtrise et de.. temple ? Tu le regarde un instant sans comprendre.

"Mais tu sors d’où ma parole... ?”  

Tu marmonnes ces mots. Le gars, lui, n’en démord pas du fait qu’il peut gagner cet affrontement. Il fait apparaitre une nouvelle flamme dans sa main. Alors que tu t’apprête à la parée, il est sur toi, te feintant pour venir frapper dans ton genou. Le coup est fort et précis. Ta jambe plie et tu te retrouves genou à terre. Surpris, tu relèves la tête en montrant les dents, comme si tu allais grogner. Tu profites alors d’être bas par rapport à lui pour pivoter et lui faire un croche-pieds. Il t’a fait mal putain !

Tu profites de ton mouvement pour t’éloigner, te relevant en boitillant. Ça se remettra, mais ça prendra plus de temps que si tu étais loup... Fait chier !

"Le dernier qui m’a touché avait deux fois mon âge...”  

Et c’est un Bêta bien entrainé...  

Tes mots son rageurs mais admiratifs en même temps. Tu devrais démonter ce type, lui exploser la tête sur la route, mais quelque chose chez lui t’intrigue. Sa magie, sa façon de se battre... A part les loups, tu n’avais jamais vu quelqu’un capable de te tenir tête...

"T'es qui bordel ?”  

Tu lui fais face, en position de défense, prenant appui sur ta bonne jambe pour épargner ton genou. Si tu n’avais pas une constitution plus solide que la moyenne, il te l’aurait brisé...

Il tombe et vu la position de sa jambe, tu as l'impression que ton coup a enfin porté. Pourtant, quand tu le regardes, il a l'air serein avec ça. Enfin, il a mal et ça ne lui plait pas, mais éclat de fierté brille dans ses yeux et en réalité.. il en est de même pour toi. Ce type est un fier combattant, toi aussi t'es fier de lui. Surtout parce que tu es le meilleur et que tu viens de gagner, mais qu'il s'est bien battu.

- J'm'entraîne à me battre depuis que je peux porter une épée, donc c'est normal que je sois bon.

Tu as du te battre toute ta vie pour être meilleur, tu n'es pas un génie comme ton frère aîné, tu n'es pas un prodige. Tu t'entraînes juste cinquante fois plus que tous les autres, tu te lèves aux aurores et te couche quand la nuit est bien noire, tu dors à peine ce qu'il faut pour être reposé et tu recommences, toute la journée. Tu donnes tout parce que la moindre erreur te sera fatale.

Il est en position de défense, et toi aussi. Tu n'attaques plus. Ton père veut toujours que tu attaques le premier, ta mère t'enseigne aussi à attaquer par les mots, par l'esprit, tu es beaucoup moins bon. En règle générale, tu fonces, tu réfléchis ensuite, mais Cheng lui, te demande d'écouter ton coeur.

Ces conseils contradictoires ne t'aident absolument pas, mais tu essaies de faire au mieux. Souvent, tu choisis ce que ton père voudrait parce que ses coups sont les plus violents, mais tu essaies de tout prendre en compte, voilà pourquoi tu n'attaques plus, voilà pourquoi t'essaies de parler.

- Shao Jin, maître du feu dans une nation en guerre. Ou Collégien, je sais plus, c'est compliqué, ça se mélange un peu.

Tu es déstabilisé par tes propres mots, tu ne sais plus trop où tu en es, mais tu ne le montres pas. Restant bien droit dans tes appuis.

- Et toi ? T'as pas l'air d'avoir la moindre maîtrise, ni de venir d'une des quatre nation de Ya Tai, j'imagine que tu viens d'ailleurs. Ton prénom, Kesler, sonne étrangement.

Tu l'as sûrement mal prononcé, c'est étrange comment tu le comprends sans la moindre difficulté, mais que son nom sonne si étrangement à tes oreilles.