Tout est aller si vite que j'ai à peine eu le temps de remarquer que le monde a plus ou moins changé. Si j'ai retrouvé ma fille ainsi que mon mari, il m'a fallu quelques jours de plus pour constater que petit un, mes pouvoirs ont complètement disparu et que petit deux, mes frères ne semblent pas être dans le coin. Du moins, je n'en ai croisé aucun depuis mon retour ici. Sont-ils... non, impossible. Ils ne peuvent pas avoir disparu juste pour ça, je refuse de le croire. Je dois les retrouver et ça tombe, car j'ai des excuses à présenter, notamment à Viktor. Si j'ai étais invivable pour ma fratrie ses derniers temps - et je le reconnais -, j'ai étais d'autant plus dure et horrible avec Vik. Mes mots ont dépassé mes pensées, car j'étais en colère et c'est tombé sur lui. Je regrette toutes les horreurs que j'ai pu lui dire et je me dois d'aller lui présenter mes excuses. Parce qu'il faut bien que je commence quelque part, je décide de me rendre chez lui, pour voir si par le plus grand des hasards, il ne serait pas chez lui. Je sonne ensuite à sa porte et attends de voir si quelqu'un me répond. Je m'attends bien à ce qu'il ne veuille pas me voir, à ce qu'il me claque la porte au nez, mais je veux absolument m'expliquer avec lui. C'est mon frère et je ne pensais pas toutes les méchancetés que je lui ai dit. D'aussi loin que je m'en souvienne, nous avons toujours été là l'un pour l'autre et je ne veux pas que ça se finisse ainsi. Je me souviendrais toujours de ce jour où, lorsque nous étions enfants, j'ai désobéi aux ordres de notre "père", pour lui sauver la vie. Reginald lui a toujours refusé d'être comme nous, mais moi, je me fais toujours du souci pour lui. Il ne méritait pas d'être laissé de côté et d'être ignoré parce qu'il était blessé. Oh oui, je me suis fait sévèrement réprimander par la suite, mais ça en valait le coup.

Plus de pouvoir… C’était habituel, pour Viktor, de ne pas avoir de pouvoir. Il avait passé la majorité de sa vie à croire qu’il n’avait pas de pouvoir… et à se supporter dans un corps qui n’était pas le sien. Il avait passé la majorité de sa vie à se mentir, à mentir à tout le monde, sur ce qu’il était, comment il se sentait, et comment il aurait dû se sentir. La normalité n’avait rien de normal quand on faisait parti de la Umbrella Academy … Et il ne s’était jamais senti aussi bien que maintenant qu’il pouvait être véritablement lui-même. Il n’avait plus de pouvoir. Il était revenu à la base de son histoire. Mais il était devenu un homme, ce qui était le plus gros avancement dans cette histoire …

Le seul souci, c’est qu’avant, l’autre lui qui devait se cacher derrière une image de femme, il avait une famille, au moins. Vanya avait une famille. Des frères, certes pour la plupart dysfonctionnel, une mère, certes robot, un père, certes psychopathe, et une sœur. Il avait une sœur, depuis toujours. Une sœur qui n’avait pas hésité à écraser son cœur, à en faire de la bouilli sous ses grandes chaussures en lui mentant, en utilisant ses sentiments pour elle, en allant jusqu’à donner Allan, le garçon qu’il considérait comme son fils, à l’ennemi pour qu’il se fasse tuer. Allison l’avait trahi. Elle avait arraché la moindre parcelle de bonheur qu’elle pouvait trouver dans ce bordel d’apocalypse qui le suivit comme une crotte au cul d’un chien malade.

Il avait beau réfléchir. Il ne voyait pas comment pardonner à Allison. Et quand il pensait à cela, ça lui faisait serrer son cœur déjà meurtrie par tant de perte. Il avait tout perdu. Il avait perdu sa famille, la femme qu’il a aimée, le fils qu’il a aimé, ses pouvoirs. La seule chose qui lui reste était cette identité qu’il n’arrivait pas à changer. On pouvait toujours voir qu’il n’était pas « homme de naissance ». Il était toujours femme, biologiquement, dans son intimité. Il n’était toujours pas dans une transition complète. Et c’était la dernière chose sur laquelle il pouvait se tenir en ce moment.

Partant du groupe de parole pour les personnes LGBT+, il se fit arrêter par Irisa. Cette femme avait fait l’inverse de lui. Elle était née dans le mauvais corps et elle avait pris son corps de femmes que récemment. Elle était devenue une femme magnifique, avec des boucles rousses qui entouraient un joli visage de poupée. Personne ne pourrait dire que cette femme n’était pas née femme. Elle était si belle. Irisa lui donna son numéro de téléphone, et Viktor, pour la première fois depuis longtemps, sourit. Parce que le monde dans lequel ils étaient… Ils n’avaient rien. Il ne pouvait pas parler de tout ce qui le ronge de l’intérieur. Irisa lui fit un bisou sur la joue avant de lui dire de venir lui parler à n’importe quelle heure. Mais que pourrait-il lui dire ? « Salut, je suis Viktor, le fait le plus important chez moi n’est pas la transition de sexe que j’ai fais –qui est pourtant déjà un beau morceau- mais que je fasse parti de la Umbrella Academy, que j’avais pas de pouvoir, puis que j’ai fait trois apocalypses, et que maintenant j’ai à nouveau perdu mes pouvoirs, tu veux venir boire une verre ? ». Il ne pourrait jamais dire ça.

Il rentre chez lui en soupira. Laissant son souffle se dissiper dans l’air chaud de l’été. Il n’avait plus personne. Ses frères ne comprendraient jamais. Et Allison l’avait trahi. Alors qu’il montait les marches vers son appartement, elle était là. Viktor dû faire un pas en arrière pour ne pas sursauter face à cette apparition. Malgré tout ce qu’il pense, malgré leur passé, quand il la vit, il vit rouge, et la première chose qu’il réussi à dire fut :

- Qu’est-ce que tu fous là, Allison ? Tu n’as pas une famille à t’occuper ?

Parce que rappelons-le bien, Allison avait trahi son frère, ses frères, en s’alliant avec l’autre, pour récupérer sa famille ici, dans ce monde. En tuant par la même occasion la famille de Viktor. Il ne sait pas comment il pourrait lui pardonner. Et pourtant, cette pensée fit naître à nouveau un pincement dans son cœur. Fais chier.