Flottant dans ta cage de verre, le temps s’écoule au rythme d’une horloge digitale aussi assourdissante qu’insupportable. Les chiffres qui défilent, qui se ressemblent, qui ne t’aident pas vraiment à te rendre réellement compte du temps qui passent. Tu ne comptes plus les heures, les jours… Certains se sont transformés en mois et en années, à tourner dans cet endroit qui ne te sert qu'à dormir, manger et faire les besoins minimums d’un corps humain. La seule dignité qui te reste, c’est qu’au moins, tu peux les faire caché. Le reste est à la vue de garde armée et d’agents de la Ligue qui passent tous les jours.

Qui essayent de copier ton pouvoir, mais sans succès. Beaucoup sont venus, sans rien dire, pour t’observer ou te faire craquer. D’autres ont pris des notes. Certains parlaient avec toi, tentaient d’établir un dialogue que tu n’as jamais offert. D’autres s’écoutaient parler plus que n’essayaient de t’écouter réellement. Tu ne sais plus combien de visage tu as croisé. Un seul revenait avec eux, avec tous ceux qui ont tenté de briser cette carapace que tu t’es créée derrière ton regard vide. Un regard éteint. Jadis, il brillait d’énergie, d’injustice et de mépris pour ces hommes et femmes qui t’avaient enfermés.

Maintenant, il n’y a plus qu’une envie d’en finir, lentement. Plus rien ne te retient. Plus rien ne te pousse à te battre contre eux ou même pour eux. Ils t’ont fait miroiter des promesses sans queue ni tête pour que tu dévoiles des noms à peine entendus au détour d’une visite, des visages que tu n’as jamais vus. Pourtant, ils te gardent en vie, tentent de te maintenir encore conscient dans ce monde. Ils ont besoin de toi, mais tu n’as pas besoin d’eux. Alors ils tentent. Et cet homme, qui revient à chaque fois avec ses agents, en est l’unique responsable.

Un homme proche de la soixantaine, les cheveux grisonnant, le regard clair et le visage d’un père affectif… Que tu n’as jamais fait confiance tant il t’inspirait plus la peur et l’ambition qu’autre chose. Stephen Higgins… Un homme à la stature droite, bien habillé, avec des laissez-passer longs comme le bras. Le seul et unique directeur de la Ligue… Un héros comme on en fait plus, il paraît. Il s’est toujours vanté de son pouvoir de télépathe, tu pencherais plus sur de la manipulation par les mots, mais qu’importe….

C’est d’ailleurs sa voix que tu entends au loin, au détour d’un couloir. Tu soupires, te mettant à léviter pour rejoindre le point culminant de ta prison, le plafond, te collant dos à ce dernier.

- …. Tu verras, il n’est pas très bavard, mais j’espère que tu pourras entretenir le dialogue avec lui. Nous avons cruellement besoin de ses informations… Bonjour..

Que tu entends à peine de là où tu es, séparé du monde par le double vitrage que tu es bien incapable de briser avant d’activer une foutue alarme, fermant la pièce et vidée d’air dans les instants qui suivront. Une vraie forteresse… Tu jettes un œil aux arrivants… Soupirant en voyant un homme qui doit bien avoir ton âge se tenir aux côtés de Stephen. Ce dernier se tourne vers toi, approchant de la vitre en te cherchant avant de lever les yeux vers le plafond.

- Donovan ? C’est Stephen… Je viens te présenter quelqu’un… Montre-toi devant nous, s'il te plaît.

Tu croises à peine son regard, descendant doucement avant de poser pied à terre, mettant peu de temps à habituer ta peau nue au froid du métal au sol. Tu approches lentement pour observer la personne à ses côtés… Très bien…. Soyons poli.

- Donovan, voici un de nos agents les plus prometteur. Je suis certain que vous vous entendrez à merveille… Je vous laisse faire les présentations, je dois partir. Bon courage.

Qu’il lance en tapotant l’épaule de l’homme laissé seul en face de toi. Un mouvement de regard vers le directeur avant de revenir à ton nouvel interlocuteur. Des yeux gris, scrutant la moindre de tes réactions, les cheveux blonds qui se déteindront sûrement avec l’âge et la mâchoire assez carrée, stricte, mais qui laisse paraître aussi l’inconfort de la jeunesse. Qu’est-ce qu’il va pouvoir bien dire ? En quoi celui-là va changer la donne ?

Cela faisait déjà plusieurs mois que j'étais dans la ligue des super héros. Plusieurs mois que je me disais qu'enfin, j'avais un toit. Un vrai. Bien sur, mes parents ont tout de suite accepté cette part de moi. Après tout, mon pouvoir était plutôt utile quand on regardait de près. Avoir le pouvoir de création, c'est comme si d'un coup, on avait chaque chose en illimité. Bon, en soit, je devais quand même avoir un morceau de matière à dupliquer pour "l'agrandir" et la modeler comme je le souhaitais.

J'avais fini mes premières études, obtenu mon diplôme et je m'étais tourné vers la chimie. Apprendre le fonctionnement des matières, connaître leurs compositions. Jusqu'à ce que j'ai su, que non seulement, je pouvais dupliquer la matière, mais je pouvais la créer si j'étais assez concentré et que je connaissais sa composition chimique. Comme si d'instinct, je prenais les atomes dont j'avais besoin dans l'air pour former une molécule et la dupliquer pour obtenir la matière. C'était étrange de se dire, que la seule limite de son pouvoir, c'était notre connaissance. Alors je m'étais mis à étudier comme un dingue. J'ai eu un diplôme d'ingénieur en chimie à l'âge seulement de vingt cinq ans. Merci pouvoir.

Mais ce pouvoir devenait trop vite étouffant. Mes parents s'en servaient uniquement dans leurs but alors que je me voyais déjà accomplir de grandes tâches, aider de nobles causes. Alors, je m'étais enfui. J'avais pris qu'un simple sac à dos, ma bagnole et je m'étais enfuit du Michigan pour partir sur New York. La bas, il y avait le siège de le la Ligue des Super Heros. Après tout, on commençait à être nombreux à avoir des pouvoirs. Comme si c'était la prochaine évolution de l'être humain.

La ligue m'as prise sous son aile. Avait compris ma demande. Ce pouvoir était grand, puissant. Et j'en avais complètement conscience. Alors quand je m'étais approché de l'organisation, elle m'as accueillie à bras ouvert. Je pus participer à des missions aux quatre coins de la planète. Je n'arrêtais pas. Mais au moins, j'étais utile à quelque chose.

Jusqu'à ce que le patron en personne vienne me trouver pour une mission spéciale : Stephen Higgins. Il ressemblait à ces chevaliers de la table ronde, la mâchoire carrée, les yeux bienveillants, de larges épaules de père protecteur. Il avait cet aura d'autorité en même temps qu'il semblait toujours amical. Je l'aimais bien. Je m'entendais bien avec lui.

Je mangeais une pomme dans son bureau alors qu'il m'expliquait l'ordre de la mission. Je haussais un premier sourcil alors que je battais mes cheveux blonds en arrière. Un prisonnier ? Ici ? Je savais que la Ligue retenait des personnes malveillantes et qu'elle avait une prison pour super villain ? Mais le savoir et pénétrer dans les locaux, c'était complètement autre chose.

Je me levais en même temps que lui, croquant une nouvelle fois dans ma pomme. Il faut dire que je devais manger tout le temps. Ce pouvoir demande beaucoup d'énergie et j'avais, genre, constamment la dalle. Heureusement, le sort de création, aidait à retrouver une nourriture intacte. Imaginez, il vous reste qu'une bouchée d'un superbe burger, et là, il suffit de se concentrer et POUF ! Le burger est entier. Le rêve je vous dit.

Je me concentrais sur ce que me disait le grand patron. Apparemment, j'étais le seul espoir pour faire parler un type qui parlait pas. La prison se trouvait dans les sous sols. Le contraste entre les murs vétustes, anciens, et les installations flambants neuves, c'était vraiment particulier. Je finis par croquer une nouvelle fois dans ma pomme alors que Stephen s'approcha de la prison en verre pour lever les yeux aux ciel. Au plafond de la cage de verre se trouvait un homme qui devait être pas plus âgé que moi. Il semblait complètement vide, hors de toute réalité.

Il obéit à l'ordre déguisé de Stephen et ce dernier descendit du plafond pour venir poser les pieds sur le sol. Les vêtements qu'il portaient ressemblaient plus à des vêtements d'hôpitaux pour fou. Je fronçais les sourcils. Je n'aimais pas ça. Même si ils ont commis des crimes affreux, personne ne méritait un tel traitement. Stephen fit les présentations et je m'avançais alors qu'il me tapotait l'épaule. Je lui rendis son sourire, chaleureux avant de tourner mon visage vers l'homme qui était en prison.

Je laissais Stephen s'éclipser avant de prendre la parole. Autant commencer quelque part.

« 'lut. »

Fis je en mordant dans ma pomme. Il ne me restait plus qu'un trognon. Je soufflais. J'avais encore faim moi. Je regardais ma pomme. La chair se reconstitua, couche après couche. La peau de la pomme s'agrandit sur la surface de la chair blanche et j'avais dans les mains une pomme rouge toute fraiche. Satisfait, je souris, et mordit à nouveau dedans. Je tournais mon regard bleu vers l'homme.

« Askip, t'es pas très bavard. »

Si il était là, dans cette prison, c'est qu'il avait fait quelque chose de mal. Il s'interrogea dessus. Stephen ne lui avait rien dit à ce sujet. Il s'avança jusqu'à être près de la vitre, devant lever les yeux vers lui, la plateforme de la prison bien plus haute que le sol où il se trouvait.

« Qu'est ce que tu as fait pour être là dedans ? »

Je terminais en désignant le verre et la prison dans un geste de la main. J'étais vraiment curieux à son sujet. Si il n'avait pas parlé, j'avais du mal à croire que je pouvais le faire. Mais qui ne tente rien, n'as rien.

Silence.

Il y a un nouveau silence entre vous, le temps que Stephen quitte la pièce, ne vous laissant qu’en la charmante compagnie des gardes. Aussi silencieux que toi d’ailleurs, à croire qu’il s’agisse plus de robot qu’autre chose. Tu suis ainsi le directeur de la Ligue du regard, avant d’entendre le bruit de la porte qui se claque, dans un profond écho. Tu prends une grande inspiration avant de te retourner vers le blond qui essaye de tenter la discussion, mangeant une pomme comme s’il s’agissait de son dernier repas. Tu le vois ensuite, observer le trognon, comme s’il était déçu de l’avoir fini aussi rapidement.

Quel goût peut avoir une pomme ? Tu t’en souviens au moins ? Tu bascules la tête sur le côté en y pensant. Il y a des aliments que tu consommes quotidiennement grâce à la Ligue, mais ce n’est pas non plus du grand luxe, tu en doutes. Cela doit bien faire plus de dix ans que tu ne connais plus la forme ou le goût de fruit différents, de viande ou d’autre aliment que la bouillie qu’on t’offre pour te maintenir en vie. Tu n’as pas le temps d’y réfléchir plus qu’il se produit quelque chose d’étrange. De fascinant, même.

Tu plisses les yeux, te rapprochant un peu plus de la vitre, lévitant au-dessus du sol. Que vient-il de faire ? Vient-il juste de… Récréer sa pomme pour la manger à nouveau ? Tu n’entends pas sa question de suite, essayant de comprendre comment avait-il pu réussir ceci… À moins que... Aurait-il ce genre de pouvoir ? Tu vois qu’il s’approche de la vitre lui aussi. Tu continues de l’observer, de ta plateforme, le surplombant un peu. Tu serres un peu les dents et te mets en tailleur, essayant de te rapprocher un peu plus. Tu poses ta main sur la vitre, sans craindre de perdre le contrôle.

Tu fixes doucement la pomme qu’il a en main avant de regarder ta propre main, te souvenant que toi… Du bout du doigt, ce n’est pas un nouveau fruit qui vient à toi, mais l’inverse. Tout se désagrège, se dissout et disparaît en poussière dans l’air. Ce n’est pas la même chose. Tu grimaces un peu avant de te remettre à flotter dans ta cage de verre, pensif. Tu entends sa deuxième question et soupires. Stephen n’a rien dit ? Étrange. Normalement, ils le savent tous en venant ici.

Tu lèves un sourcil, alors que tu es allongé dans le vide, te tournant un peu vers lui.

- Higgins ne t’a rien dit ?

Fascinant… Bien plus fascinant que prévu. Tu t’approches, ne gardant que ta tête proche de la vitre, le corps comme suspendu par un fil invisible au plafond. Tu lâches un rictus nerveux avant de perdre de nouveau ton sourire.

- C’est nouveau qu’il cache des informations à ses recrues… Quoi que...

Que tu rajoutes en repartant en arrière dans une espèce de pirouette contrôlée.

- Ce ne serait pas nouveau de sa part... Omettre des informations capitales...

Que tu murmures, plus pour toi-même qu’autre chose. Que sait-il de la Ligue ? Comment l’ont-ils approché ? Fait-il partie des enfants sous contrôle ? Ou des petits abandonnés en pleine rue ensuite endoctrinés pour être des toutous redevables ?

Je levais les yeux sur lui. Jusqu'à ce que je vois qu'il fixait ma pomme avec beaucoup d'intérêt. Je m'étais approché de la vitre, alors qu'il avait posé un pied à terre. J'avais recréé ma pomme. C'est cela qui semblait le perturber. Je l'observais alors qu'il avait posé la main sur la vitre comme si il voulait se rapprocher un peu plus, en tailleur pour être à mon niveau. Je levais mon visage vers lui. Il avait des yeux bleus profond magnifique. Je reculais quand il se redressa pour retourner flotter dans les airs et s'allonger dans le vide. Il ressemblait au chat du Cheshire ainsi. Jusqu'à ce qu'il se mette à parler.

Cela me surpris. Je ne pensais pas qu'il émettrait le moindre son. Selon Stephen il ne parlait jamais. Mais là, il avait une question. Sa voix semblait rauque, peut être à force de ne pas être utilisé ? Il finit par croquer sa pomme encore alors que je l'observais. Il avait quelque chose dans le regard c'était sur. Je n'arrivais pas à définir quoi cependant, ne le connaissant pas. Je voulus répondre à sa question mais il reprit, certainement plus pour lui même, que cela le surprenait que Stephen cache des informations. Je haussais un sourcil curieux. Il semblait y avoir une haine entre les deux. Il repartit dans une pirouette. Cela me fis sourire. Il ressemblait vraiment au chat du royaume des merveilles. Il avait murmuré quelque chose que je compris à peine. Je préférais me focaliser sur sa question principal.

« Stephen m'as rien dit à ton sujet ouais. Du coup, je me suis dit que t'allais le faire. Mais s t'es pas ok, je m'en balance. »

En vérité, pas du tout. J'étais très curieux à son sujet. Il semblait jeune, de ma tranche d'âge en tout cas. Et je me demandais vraiment ce qu'il faisait là. Mais il ne voulait pas donner ce pouvoir à l'homme enfermé. Il était peut être naïf sur certains sujet, mais il n'était pas idiot.

« Si t'es là, c'est que t'as fait une connerie je me trompe ? »

On était pas envoyé en prison ultra sécurisé pour rien. Il finit sa pomme et contempla une nouvelle fois le trognon. Il observa la cage. Elle avait une trappe à un endroit pour laisser passer les plateaux repas. dans un espèce de sas. Il se concentra de nouveau et refit une pomme complète, rouge, brillante, alléchante. Il posa la pomme dans la trappe et la donna à l'homme emprisonné. Il lui sourit et lui indiqua de la paume de la main qu'il pouvait prendre la pomme et la manger. Lui avait assez mangé pour le moment.

Il continua de parler, et cette fois ci, s'assit en tailleur sur le sol de pierre.

« Elle est pas empoisonnée ou quoi que se soit de ce genre. Je l'ai juste reconstitué. C'est cadeau. »

Je l'observais à travers la vitre. Il semblait pourtant droit dans ses bottes et cela le perturbait. Il avait l'habitude que les super-vilains, le contraire des super-héros, soient complètement rempli de toute genre de trouble. Alors même si il ne parlait pas aujourd'hui, je reviendrais tous les jours si besoin, pour tenter de communiquer avec l'homme.

Rien. Évidemment. Il n’a rien dit, donnant l’espoir au jeune homme que tu t’ouvres de toi-même. Tu comprends lentement ce qui se trame dans la tête du directeur. Pensant que son pouvoir pourrait t’intéresser, tu serais bavard, en confiance. Mais la confiance aux gens, tu l’as perdu il y a plusieurs années maintenant. Tu retournes dos au plafond, t’allongeant ainsi en fermant les yeux, le laissant parler. Il s’en fout qu’il dit ? Alors pourquoi il y a un fond de curiosité dans sa voix, son regard ? Comme d’habitude, ils sont tous ainsi, voulant savoir à tout prix avant que tu ne les décourages.

Une connerie ? S’il savait. Parfois, en cauchemar, tu revois le visage de ton frère entre tes mains, perdant son sang à chaque respiration. Tu revois aussi le visage de ce héros, se déchirant entre tes doigts, perdant sa peau à chaque seconde… Se désintégrant lentement sous ta colère d’adolescent, sous ses cris et la peur dans le regard des civils. Mais cela n’avait servi à rien. Ton frère était mort, enterré dans une fosse commune et l’affaire a été étouffé, pour le bien de La Ligue. Tu avais été arraché à tes parents, disparu eux aussi. Qui sait ce qui leur est arrivé, ce que Stephen a pu leur dire.

Et te voilà, ici, à cause de ça. Tu entends le bruit de la trappe qui sert à faire le lien avec l’extérieur, pour ton plateau-repas. Tu fronces les sourcils, voyant un point rouge. Tu descends un peu, t’approchant pour voir ce qu’il avait mis à l’intérieur avant de voir qu’il s’était assis. Tu lèves un sourcil, te posant au sol, posant ta tête sur un de tes genoux. Tu attrapes doucement la pomme, entre tes doigts, évitant de l’entourer complètement, relevant ton auriculaire. Tu observes la pomme doucement. Un cadeau ? Tu souris un peu et la tends vers lui, vers cette vitre qui vous sépare.

- Vu ton pouvoir… Ce n’est pas toi qui serais capable de l’empoisonner… Bien au contraire…

Que tu prononces, le regard triste, serrant définitivement ta main sur le fruit qui lentement… Très lentement… Noirci, se détruit, rongée de l’intérieur avant de disparaître en poussière. Tu desserres le poing, tournant la main pour avoir la paume vers le sol, regardant en dessous, comme cherchant s’il restait quelque chose, mais… Comme d’habitude, non… Plus rien… Comme à chaque fois… Tu redresses ensuite la tête en entendant du bruit. Un homme habillé en blanc avec un plateau, entouré de quelques gardes avec des bâtons électriques qui entrent. Tu soupires en te redressant, levant les mains pour reculer.

- Tu devrais partir… C’est l’heure du repas… Ou alors… Apprécie le spectacle...

Que tu dis en souriant alors qu’ils vous entourent, approchant au maximum de la cage. La vitre s’élève et ils n’attendent même pas pour te ruer de coups, attendant que tu t’effondres au sol pour déposer le plateau, renfermer le tout et s’en aller comme si de rien n’était. Et toi, comme d’habitude, tu t’es laissé faire, le corps fatigué… Sur le sol. Tu fermes les yeux… N’entendant plus rien autour…

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C’est sûrement le matin. Tu y crois. On te fait des prises de sang, on t’injecte quelque chose et tu manges ta bouillie servie en mâchant doucement. Les scientifiques s’en vont, toujours entourés de ces gardes aux coups faciles. Tu soupires un peu, mangeant tranquillement, adossé à la vitre avant d’entendre la porte qui s’ouvre de nouveau. Tu lèves un sourcils, voyant revenir le blond de la dernière fois. Tu ne sais pas combien de temps à passer depuis sa première visite. Tu ne relèves pas vraiment la tête, te contentant de manger, l’ignorant doucement… On verra bien ce qu’il veut cette fois.

Il lévitait dans sa cage, l'observant alors qu'il s'était assis en tailleur. Il finit par redescendre, attrapant la pomme. Un sourire passa sur son visage mais Caleb a été incapable de déceler la nature de ce sourire et le fond de sa pensée. L'homme tendit la pomme vers lui pour qu'il la voit correctement. L'observant, il comprit soudainement pourquoi Stephen tenait tant à ce qu'il parle avec lui. Il se leva d'un bond, reculant alors que la pomme se désintégra littéralement sur place, passant de la poussière à rien. Il n'y avait plus rien. Juste le souvenir qu'elle ai un jour, existé. Caleb déglutit. Un tel pouvoir de destruction était vraiment à craindre. Est ce pour cela qu'il était enfermé ?

« Depuis combien de temps t'es là dedans ? »

Il avait soudainement peur de la réponse. Peur que cet homme, en seulement quelques actes et mots ébranlent ses convictions. Mais il ne répondit pas à sa question pour observer la porte derrière Caleb qui s'ouvrit. Observer le spectacle ? Quel spectacle ? Il fronça les sourcils quand l'homme sourit. La cage s'ouvrit et ils se précipitèrent sur l'homme qui ne répondit même pas. Le choc et la violence le secoua. Là, c'était injuste. Là, en l'occurrence il n'avait rien fait. Il ne pouvait pas regarder ça plus longtemps. Il s'en alla, sentant la colère bouillir dans son sang. Il traversa les couloirs, les étages, montant quatre à quatre les escaliers, préférant ne pas rester enfermé dans une boite métallique en ce moment.

Il n'attendis pas qu'on lui donne l'autorisation et passa devant la secrétaire de Higgings qui lui aboya qu'il était en réunion. Rien à carrer !!!

Il ouvrit la porte en grand et vit Higgings derrière son bureau en train de parler face à son ordinateur portable. En voyant la colère de Caleb, ce dernier affirma à son interlocuteur qui le rappellera. Il finit par s'appuyer sur son siège alors que Caleb fulminait littéralement. Ce qu'il venait de voir, cela lui déplaisait énormément et ternissait l'image qu'il avait de la ligue. Il faisait les quatre cents pas dans le bureau du président alors qu'il lui adressa un oeil noir.

« C'était quoi ça en bas ? »
« T'as t-il parlé ? »

Caleb en revenait pas. Il s'arrêta, observant l'homme avec dédain. Il reprit, en pointant d'un doigt accusateur le sol.

« Et vous trouvez ça normal de battre un homme juste parce qu'il a fait une connerie ? Qu'est ce qu'il a fait au juste pour se retrouver là dedans ? »

Caleb était furieux.

« Cet homme est dangeureux. Il a tué l'un des héros les plus célèbre de notre temps. Billy Jones, l'homme à la force surhumaine. Nos médias ont fait passer ça pour une retraite anticipée, mais la stricte vérité est qu'il est mort et l'homme en bas de chez nous est son meurtrier. Je veux juste éviter un autre accident. Son pouvoir est très dangereux et incontrôlable. »

Stephen l'avait regardé avec bienveillance, ses propos contrastant avec son regard. Il soupira et se leva pour se diriger vers Caleb. Mais ce dernier recula. Il ne savait plus qui croire. Bien sur qu'il avait entendu parler de Billy Jones. Mais il ignorait qu'il venait de parler avec son meurtrier.

« Il m'as parlé. Mais ne m'as rien dit de particulier. »

Puis il s'en alla du bureau sans entendre si Stephen l'appelait derrière. Il s'en alla de la ligue, préférant marcher dehors. Il avait erré, zoné, fumant clope sur clope alors qu'il marchait hagard. Il ne fumait pas beaucoup. Seulement quand il était dans un état de stress, comme maintenant. Il souffla la fumée alors qu'il trouva un banc le long de l'Hudson pour réfléchir. Mais il se doutait bien qu'il ne trouverait pas de solution comme ça.

Il n'était pas retourné le voir depuis quelques jours. Il n'arrivait pas à se dire qu'il laissait faire cela. Il était un meurtrier aux pouvoirs incontrôlable. Mais d'un autre côté, il n'avait vu qu'un garçon de son âge, enfermé dans un aquarium. Qui pourrait tolérer une telle situation ? Il se serait donné la mort depuis longtemps.

Il se décida le lendemain matin. Il était venu les mains vides cette fois. Stephen lui avait laissé le champ libre, en guise de bonne foi. Il était d'humeur sombre et maussade. Bien loin de l'homme curieux et enjoué qu'il était la dernière fois. Les mains dans les poches, il arriva, d'une démarche nonchalante, alors que le meurtrier dans sa cage, mangeait sa bouillie. Le menton levé, il observa un instant le jeune homme.

« Yo. » Il baissa son regard vers la cage, observant le mécanisme. Il finit par reprendre, évitant sans subtilité son regard et son visage. « Stephen m'as dit. T'as tué Billy. »

Il fit le tour de la pièce, observant chaque recoin. Ce qui le dérangeait, c'était la présence des caméras qui observait constamment ce qui se passait dans la pièce. Il pouvait créer, pas déplacer. Et il devait surtout toucher l'objet en question. Il continua à faire le tour, contournant la cage.

« Il m'as dit aussi que ton pouvoir était incontrôlable et que c'est pour ça, les coups. » Après avoir observé la pièce il revint à sa position initiale, devant la porte. « J'te le dis, même si t'as tué Billy, j'suis pas d'accord pour ça. Et je pense pas que ton pouvoir soit incontrôlable. »

Quelque chose avait changé. Quelque chose de différent de la première fois. Le blond de l'autre côté semblait… Froid. Distant. Tu fronces légèrement les sourcils, le suivant du regard, mâchant mollement ce que tu mangeais. Lui, cherchait à ne pas croiser ton regard, se contenant de balader dans la pièce qui gardait ta cage. Mur en acier, des caméras à chaque angles, des gardes à la porte, le dispositif coupe oxygène au plafond, le système qui servait à soulever la vitre… Rien de plus. Rien d'autre n'était réellement visible. Et lui, il en faisait le tour. Tu l'écoutes tranquillement, essuyant le bords de tes lèvres à l'aide du mouchoir offert sur ton plateau que tu déposes à terre.

Tu le fais glisser par la trappe de la dernière fois avant de te mettre à tapoter sur la vitre. Trois coups… Long. Le garde le plus proche vient récupérer le tout avant de sortir, laissant sa place avec un autre qui attendait dehors. Mécanisme bien huilé. Tu te lèves pour rejoindre le seul endroit un peu intime et insonorisé de la pièce avant d'en ressortir quelques secondes plus tard, te lavant rapidement les mains. Tu soupires un peu en entendant les questions du blond, te mettant à léviter au milieu de ta cage, le regard vers le plafond, comme si tu cherchais à t'allonger sur un lit invisible.

Billy … Billy Jones… Ce nom. Cela fait bien des années que tu n'avais pas entendu ce nom. Tu souris un peu avant de te retourner pour croiser le regard de ton interlocuteur. Tu t'approches doucement de lui, sans toucher la vitre et basculer la tête sur le côté avant de jeter un regard sur l'une des caméras. Tu te doutes bien que de l'autre côté, des agents vous surveillent, orchestrés par Higgins lui-même, impatient que tu puisses offrir quelque chose à son disciple. Tu viens au sol pour te poser en tailleur, un coude sur le genoux, ta tête dans ta main, doigts qui tapotent ta joue en rythme.

- Serais-tu capable de me donner l'heure, le jour, le mois et l'année actuelle ? De mémoire ?

Question purement rhétorique de ta part. Bien sûr qu'il le peut. Il doit avoir une montre à son poignet, classique ou connectée. Tu as bien compris que la technologie à l'extérieur avait grandement avancé, que tout avait changé rapidement. Alors tu poses la question avec innocence, sachant très bien où tu voulais aller.

- Maintenant que tu m'as répondu, observe l'horloge là-bas.

Que tu montres du doigts. Ce repère temporel foireux qui n'affiche sûrement rien de ce qu'il a dit. L'heure est décalée, le jour n'est pas le bon, le mois est en retard et l'année recule sûrement… Ou avance, qui sait. Mais au moins, avec ce qu'il a dit, tu peux te remettre à te repérer dans le temps.

- Voilà pourquoi je ne pouvais répondre à la question de la dernière fois. Mais merci à toi de m'avoir offert le temps. Si je calcule bien… Cela doit faire onze ans que je suis ici…

Que tu dis calmement, sans une once de colère dans la voix, juste de la fatigue.

Caleb avait observé du coin de l'œil après un temps à l'éviter complètement. Il avait fini son plateau depuis un moment et était sorti de la pièce sur le côté et se lavait les mains. Il avait fait le tour de la pièce pour observer chaque recoin avant de revenir sur le devant. Le mécanisme était bien rôdé de toute évidence. Il s'était remis à voler dans sa cellule. Ainsi, il ressemblait à ce chat de Alice au pays des merveilles. Caleb s'était déjà fait cette réflexion la dernière fois.

Alors quand il revient sur le sol pour se mettre en tailleur face au blond, il lui demanda si il connaissait l'heure.

« Il doit être 9 ou 10h du matin. On est le 10 mars 2023. »

Il lui avait demandé de le faire de mémoire. Alors après avoir énoncé ce fait, il observa sa montre à son poignet en sortant la main de sa poche. Il regarda les aiguilles et la trotteuse faire frénétiquement le tour du cadran.

« Non il est 9h20. »

Il remit sa main dans sa poche, le pouce dehors pour bloquer son geste dans une nonchalance non dissimulé. Puis il lui montra l'horloge sur le mur et Caleb suivit son geste du regard. Il fronça les sourcils et observa l'objet n'indiquer ni la bonne heure ni la bonne date. C'était quoi le but en fait de tout ça ? Cela le frustrait. Son empathie se réveillait et cela le dérangeait. Qui aimerait être enfermé dans un tel lieu ? Et quand Donovan reprit la parole, il retourna son regard vers l'homme enfermé.

Onze ans ?

A cette information, Caleb n'hésita pas à s'approcher de la cage transparente et à franchir la ligne marqué au sol par un scotch jaune et noir comme une barrière invisible de sécurité. Aussitôt les agents se déplacèrent pour venir le chercher mais une voix retentit dans les hauts parleurs présents. Une voix que Caleb connaissait bien, comme un rappel dur qu'ils étaient surveillés.

Il était aussi pieds et poings liés que ce Donovan. Et pourtant, il mourrait d'envie de le libérer par curiosité. Qu'est ce que son pouvoir pouvait faire, avec le sien ? Comment les exacts opposés allaient réagir à la présence l'un de l'autre ? Mais il ne pouvait rien faire ni dire et il restait un meurtrier. Qu'est ce qui empêcherait ce Donovan de se retourner contre lui ? Il ferma les yeux un instant, sentant le mal de tête pointer le bout de son nez. Il pourrait faire facilement évanouir les gardes en leurs insufflant un peu trop d'oxygène dans les poumons. Il pourrait aussi s'occuper des caméras depuis le poste de sécurité mais ce serait beaucoup trop de choses à faire pour juste parler.

Et surtout, il ne pouvait rien dire de trop important si ils étaient constamment surveillés.

« Onze ans... Bordel, ca fait long merde. »

Qu'est ce qu'il pouvait dire de toute façon ? Il aurait aimé que ces caméras soient coupés et que les gardes s'en aille pour parler librement.

« Alors, qu'est ce qui s'est passé pour Billy ? J'ai eu la version du grand patron mais j'ai pas eu la tienne. »

Il espérait que l'homme en cage puisse au moins l'aiguiller un minimum pour comprendre ce qui s'est passé. Comment se faire un opinion avec une seule version de toute manière ?

Il ne cesse de s’approcher, comme un enfant trop curieux. Il ne cesse de franchir certaines limites qu’impose Higgins, tu le sais, tu le vois. Mais qui sait… Peut-être qu’à force de conviction, il réussira à détourner l’attention du grand chef de la Ligue pour avoir ce qu’il désire. Il est jeune, ambitieux, peut-être pour cette raison qu’il est là, devant toi. Vouloir autre chose et t’amadouer sont la seule solution pour parvenir à ses fins. Alors il répond à tes questions, t’aide à remettre dans ta tête un espace-temps plus logique, correct. Il sort sa main des poches, regardant sa montre et te donnes l’heure.

Il est tôt, de matin. Début d’année.

Tu calcules rapidement le temps passé ici alors. Plus de dix ans entre ses murs, à voir les changements, les améliorations de la prison, les changements de personnel, et ton humeur qui descend, qui perd espoir et la colère qui se mue lentement en quelque chose de plus défaitiste. Mais qu’importe. Tu entends la voix d’Higgins dans les haut-parleurs qui demande aux gardes de laisser le blond tranquille alors qu’il s’approche. Tu sens qu’il ne dit pas tout ce qu’il veut, nerveux, regardant autour de lui, cherchant les caméras. Tu bascules la tête sur le côté en souriant. Il veut savoir.

Tu hausses les épaules, essayant de te remémorer cette journée de l’enfer, le stress, la colère, le sang sur tes mains. Bien sûr qu’il avait eu la version du chef de la Ligue, le responsable de tout ça, celui qui tenait à ce que ce fait divers reste caché, reste dans les archives noires de l’enseigne. Tu te masses la nuque.

- Tu veux vraiment savoir ?

Tu te redresses pour balader un peu dans la cage, dans les airs pour t’aérer un peu l’esprit, retrouver les brides de mémoire. Tu avais quel âge ? Tout juste dix-sept ans non ? Un enfant qui essaye de devenir adulte. Tu te grattes la tempe.

- Qu’est-ce que tu sais de Billy ? Un héros de type super force, défenseur de la veuve et l’orphelin non ?

Tu pouffes avant de revenir vers lui.

- Moi j’ai juste mémoire d’un homme immonde, un espèce d’abruti qui osait utiliser ses privilèges de super-héros pour attirer de pauvre demoiselle naïve dans ses draps… Mais bon… Tu me diras… Ce n’était qu’un homme, il avait le droit. Il avait ses groupies, n’est-ce pas ?

Tu secoues la tête négativement.

- Cela n’empêche pas que mon frère ait été témoin de quelque chose, qu’il voulait lui tenir tête, mais bon.. En tant que non super, il s’est rapidement retrouvé comme dégât collatéral d’un excès de colère d’un héros… Mais ça la fout mal dans les médias non ?

Tu redresses la tête, entendant comme une petite alarme. Hum. Tu ne peux pas en dire plus avant que les gardes ne viennent te frapper encore une fois avec leurs bâtons électriques. Tu soupires et recules, levant les mains devant toi, comme pour dire que tu es innocent.

- C’est notre parole contre la leur… Ne l’oublie jamais...