C'était une drôle d'histoire ça encore. Quelques jours après son retour de son voyage en Norvège, Haruki était venu aux nouvelles. Bon ça, rien de drôle, enfin, rien d'étrange, leurs conversations l'avaient bien faite rire quand même par moment. Mais en effet, que son plus ou moins pas vraiment demi-frère vienne lui parler par SMS n'avait rien de particulièrement surprenant. Par contre. Que leurs conversations les mènent à se prévoir une soirée tous les deux à son club ce samedi soir … c'était nettement plus surprenant. QUOIQUE NON !! Enfin si, c'était surprenant mais il y avait "pire" !! Parce qu'elle l'avait déjà traîné en boîte, à quelques concerts et même à un festival une fois. Mais là, cette fois-ci, c'est LUI qui avait proposé l'idée. Elle en serait tombée de sa chaise. Si elle n'était pas déjà assise par terre devant son canapé quand elle avait reçu ce message.

Haru et Noru (sont sur un bateau, Noru tombe à l'eau. Qui reste sur la bateau ? Haru qui a craqué mentalement et a balancé la tarée par-dessus bord.) … Haru et Noru, ça avait toujours été compliqué. Déjà parce que se retrouver avec un frère/une sœur quand on est pré-ado, c'est pas de la tarte. En plus, parce que leurs caractères étaient difficilement compatibles. En plus, parce qu'elle prenait plaisir à le faire chier et s'en servait même comme argument supplémentaire pour "mais siiiiii maman regarde comment je suis chiante, renvoie moi avec papa". Donc. Ça avait été très compliqué jusqu'à ce qu'elle parte. Et puis c'est devenu juste compliqué normal ensuite. Bizarre en réalité, qu'ils aient poursuivi leur étrange relation à distance mais … elle s'est nettement améliorée en tout cas. Bien qu'ils s'amusent toujours à se casser mutuellement les pieds.

Elle avait cru à une vanne de plus, dans un premier temps, quand Haruki lui avait proposé de sortir ensemble. Au club. Et puis elle s'était prise au jeu. Même si ça lui a aussi foutu une étrange pression de se dire qui LUI allait voir son bébé à ELLE. Le No's Rats.

Savoir qu'il venait le samedi l'avait soulagée un peu quand même. Le samedi, de l'ouverture jusqu'à 2h du matin, c'était HK-C-J-K-pop. Avant de retourner dans l'EDM, et les sons plus dark usuels pour le No's Rats. Parce que en Asie en 2023, c'est pas possible de tenir un club sans passer cette pop [strike]de daube[/sfrike]. Alors No avait cédé le samedi aux greluches (oups). Et quitte à passer de la Kpop (et compagnie) elle avait réservé la scène à celleux qui savent DANSER (pas juste se trémousser). C'était l'une des raisons qui avait fait la renommée rapide de son club. Il y avait donc la scène, réservée aux … fans de kpop (ça a un nom les bêtes là ? Sait pas …), mais aussi aux studios de danse du quartier qui venaient de temps en temps s'y défouler ou se livrer des petites battles. Scène servant aussi aux groupes, deux vendredis par mois. Et puis il y avait les barres de pôle. Et les jeudis aux thèmes plus … undergrounds (erm). Sa propre réputation, à Noru, aussi, faisait marcher le club. Connue par certains par ses podcasts vidéos. Par d'autres pour ses sons. Et puis en plus de tout ça, il y a l'ambiance générale du club. Les énormes tags de rats néons quasi horrifiques dans le couloir d'entrée. Et le décor intérieur d'un futur dystopique digne d'une série cyberpunk où les arts classiques se disputaient au côté destroy et aux néons. Une rosace de cathédrale au plafond, d'immenses masques aztèques aux murs, une tori japonaise démesurée au-dessus du bar en chrome américain des années 50, et depuis quelques jours, une proue de drakkar au-dessus de la scène. Des trucs "ramenés" de ses voyages.

Bref. Ce club, c'était son bébé. Et les instincts despotique de Noru s'étaient réveillés de bon matin ce samedi là. Sachant qu'Haruki allait venir … elle avait secoué tout le monde quasi aux aurores pour mettre sa boîte au cordeau pour ce soir. Tout avait été remis en ordre. Sauf les livres de comptes, bien entendu hehehe …

Et puis elle s'était effondrée en fin d'après-midi chez elle. Pour dormir quelques heures avant de manger et de se préparer pour rejoindre Haru, et le club. Elle lui avait demandé une couleur, elle avait trouvé une robe verte pomme à sequins, qu'elle avait "assortie" avec des bottes oranges. Comme il l'avait dit par messages, ouais, comme ça, il n'allait pas la perdre.

De toute façon, il ne peut pas non plus la manquer. Comme à son habitude en début de soirée quand elle vient au club, No s’est perchée sur la petite allée métallique qui passe au-dessus du bar. Et qui est réservée au staff et à quelques danseurs lors de certains événements. Les avant-bras posés sur la rambarde, elle observe avec affection son petit monde et les êtres qui viennent le partager. Constitués à cette heure-ci le samedi soir d’une majorité de jeunes femmes entre 16 et 25 ans. (Ouais, c’est un créneau dans la semaine où ils ne sont pas très regardants sur l’âge des gens à l’accueil …) L’écran du téléphone entre ses mains s’illumine et Noru y lit un message d’Haruki lui signalant qu’il est arrivé.

Regarde au-dessus du bar.

qu’elle lui renvoie. Elle le repère en première et attend qu’il en fasse de même avant de lui adresser un grand signe de salutation, et puis un autre pour lui signifier de ne pas bouger. Et elle file en trottinant sur la plate forme métallique pour descendre l’escalier en colimaçon dans un coin à toute vitesse et le rejoint pour se jeter à cou. Littéralement.

“Saluuuuuuuuut !!! ça fait si longtemps en vrai ?! ça va ? pas trop peur ? je t’ai prévu un solo sur scène dans quinze minutes ? ça te va ?”

Ouuaiiis, non, même pas elle a attendu qu’il réponde à sa salutation pour le charrier. A croire qu’il lui a vraiment beaucoup manqué. Enfin, que ça lui a manqué.

“Limonade nature ou tu mets du sirop dedans ?”

Vraiment beaucoup.

Haruki regardait son téléphone avec une certaine incrédulité. C'était lui qui avait proposé après tout. Il ne savait pas pourquoi il s'était senti pousser des ailes récemment. Il manquait de centre d'intérêt, il avait envie de sortir de sa zone de confort. Et qui disait sortir de sa zone de confort disait Noru selon lui. Elle était un électron libre et pourtant elle parvenait à attirer tout le monde autour d'elle.  Il avait toujours été fasciné par sa capacité à rencontrer des gens,  se faire des amis n'importe où. La jeune femme ne passait pas inaperçue mais ça n'était pas tant à cause de sa garde-robe originale que de son caractère. Par bien des aspects, elle donnait vie à n'importe quel espace morne. Même son bureau de comptable qui ressemblait à s'y méprendre à une backroom parfois, il était évident pour lui qu'elle aurait su l'égayer.

Ils se détestaient cordialement lorsqu'ils étaient jeunes. Haruki avait toujours eu du mal avec le fait qu'elle soit tout ce que lui n'était pas. Et puis, lui qui était si respectueux et si bien sous tous rapports, ne comprenait pas, et sans doute même enviait, sa capacité à se moquer des règles et à faire ce qu'elle voulait. Le plus rageant dans tout cela, c'était sans doute que ça lui réussissait. Était-ce juste une chance insolente ou sa vision du monde qui défiait sans même le vouloir l'humanité toute entière ? L'une des raisons pour lesquelles ça avait toujours hérissé Haruki, c'était que lui, s'était toujours senti brimé dans sa vie, il s'était obligé à être comme ça, à se comporter comme ça. C'était son mode par défaut, son mode sans échec. Peut-être d'ailleurs que ça lui allait un peu trop bien d'être comparé à un ordinateur. Vu toutes les fois où on lui avait dit qu'il était froid et qu'il n'avait aucune émotion. On l'avait même déjà qualifié de brique.

Ce soir, il voulait montrer qu'il était capable aussi de s'amuser et de sortir. Le jeune homme savait qu'il pouvait se lâcher. Ce qui lui manquait c'étaient plutôt les occasions. Alors pour ne pas faire trop tâche, il avait opté pour une tenue un peu décontractée. Il aimait bien les vêtements un peu originaux, il n'avait juste pas toujours l'occasion de les porter. A son boulot, il était coincé en chemise, pantalon noir et cravate la plupart du temps. Ça lui donnait une impression confuse d'étouffer. Alors en l'honneur de Noru, il avait attrapé sa veste violet brillant et un pull col roulé bleu canard. Il avait associé le tout avec plus de sobriété, en portant un jean bien coupé slim noir et des baskets blanches. L'important lorsqu'on se choisissait un style c'était de savoir allier l'originalité avec l'élégance. C'était son crédo en terme de mode. Il ne put s'empêcher d'esquisser le début d'un sourire lorsqu'il redressa la tête et l'aperçut. Elle avait tenu parole et portait une robe vert pomme. Elle s'était jetée sur lui et lui n'avait pas bronché. Ça l'avait plus surpris que dérangé. Il avait même resserré un moment son étreinte sur elle.

Il prit une moue légèrement irrité en haussant un peu les yeux au ciel, mais c'était presque plus du jeu que de la véritable irritation. " Tu n'arrêtes donc jamais de dire n'importe quoi ? Tu n'as qu'à aller danser, vu que tu es déguisée en carotte, on te verra bien comme ça au milieu de la scène. Mais bon, c'est une couleur qui te va plutôt bien" Un petit sourire en coin naît au coin de ses lèvres. C'est agréable pour lui de pouvoir aussi la taquiner sans qu'elle se vexe. Les nanas sont super susceptibles du moins, celles qu'il avait fréquenté jusque là. " Si par limonade, tu entends gin tonic, je pense qu'on a moyen de s'arranger." Il se penche pour la fixer bien droit dans les yeux. " Je ne suis pas aussi coincé que tu le penses. Je suis venu pour m'amuser et je compte bien le faire." Son air avait été sérieux un moment avant de se fendre d'un sourire. "C'est peut-être toi qui est pas prête pour ça." Puis il se détourne l'air de rien, avec l'air de le plus naturel du monde. "En tous cas, c'est pas commun ici la déco, laisse moi deviner, d'ailleurs, c'est toi là-bas sur le mur non ?" demande-t-il avec un petit air mutin alors qu'il montre un des deux rats tagués à l'entrée. La soirée venait de commencer mais elle battait déjà son plein.

"T'sais c'qu'il s'passe quand une carotte twerk ? Ça attire les chauds lapins."

Oui. C'est tout ce qu'elle trouve à répondre. Et oui, l'humour est pourri. Mais ça fait partie de son charme. (Hein, dit, ça fait partie de son charme …) Elle le regarde avec les yeux très très grands ouverts quand il reprend son air sérieux. Elle attend la suite et se marre à ses quasi menaces.

"Ahah !! C'est cela oui ! Toujours prête ! Jsuis une vraie scoot moi !"

Le jeune homme lui montre les deux rats au mur en leur suggérant une ressemblance avec No qui reste impassible et répond du tac au tac.

"Bah !! C'est nous, chéri voyons. C'est nous deux !"

Elle tire la langue à Haruki d'un air revêche. Et elle lui accroche les doigts des siens, les mains dos à dos et non paume contre paume, puis l'entraîne vers le bar. Jamais personne n'aura eu une barmaid à sa disposition aussi rapidement en boîte. Mais bon. C'est la patronne alors ceci explique cela. Elle lui demande un Leonardo pour Haruki et un Michaelangelo pour elle. L'un étant un gin tonicité amélioré de couleur bleu et l'autre un rhum arrangé citron gingembre orangé. Pendant que la brunette au carré court et aux lèvres bleues s'affaire, No se colle à son improbable compagnon de soirée, sur le ton de la confidence. (Enfin elle doit lui hurler dans les oreilles pour se faire entendre, mais on se comprend.)

"Lan est mignonne, gentille, maligne, et … un poil vicieuse. Mais elle est adorable, sérieuse et ordonnée. Elle a un chat. Elle est proche de sa famille. Et elle est pas contre les plans à trois mais je ne te dirais pas comment je suis au courant."

Bah oui, on se le demande bien, tiens. Un grand mystère dans ce monde, encore …

"Et bien entendu elle est célibataire sinon je te raconterai pas tout ça."

Comment ça elle s'est mise en tête de lui trouver une gonzesse ??? Mais absolument. Tout à fait. Elle lance un regard entendu à Haru avant que son employée fasse glisser leurs consommations en leur direction. Et puis elle remercie la jeune femme avant d'attraper les verres et de tendre le sien au jeune homme.

"J'en ai trois à te montrer. Et si y en a une qui t'intéresse …"

Elle fait un signe circulaire de la main, l'air de dire … bah qu'il connaît la suite. Il connaît la suite, hein ? Oui bien sûr qu'il connaît la suite. Et puis Nono sursaute d'un coup et lève sa main libre à ses lèvres comme si elle avait fait une bêtise.

"Annh !! Enfin j'ai pensé qu'aux gonzesses ! Mais tu fais que dans les gonzesses, hein ? Ça a pas changé depuis ?"

Sait-on jamais, hein. Tout est possible. Ça se trouve c'est même pour ça qu'il trouve pas chaussures à son pied. Parce qu'il essaye de rentrer dans des escarpins alors qu'il est plus derbies. Ok. Cette métaphore est chouïa étrange.

Il avait un peu ri devant le ridicule de cette blague mais il avait voulu donner le change. Ou plutôt, il avait inconsciemment décidé de donner le change. Sa streetcred était en jeu voyons. Après tout, il avait travaillé dur pour avoir ce visage inexpressif. Autant en profiter.
Ses yeux se perdent sur les deux rats qui semblent le contempler en retour. " Ok, mais alors j'suis le bleu et c'est pas négociable." Il se laisse entrainer au bar pour un verre qu'il attrape reconnaissant. Lorsqu'elle se penche vers lui, il a un moment de freeze comme s'il ne savait pas à quoi s'attendre. Ils n'avaient jamais eu ce genre de proximité physique avant, non ? Pas dans ses souvenirs en tous cas, ou du moins ça ne l'avait pas fait réagir. L'instant est de courte durée parce que manifestement Noru a décidé de jouer les entremetteuses pour lui ce soir. Sauf qu'il ne sait pas s'il est d'humeur. Peut-être un petit truc pas sérieux pour se défouler mais pas vraiment envie de s'investir. Et en plus de ça manifestement, il y avait plusieurs candidates.

"Noru, on est pas dans un épisode du Bachelor. Je viens de me faire larguer, je suis vraiment obligé de remonter en selle. Non parce que vu comme ça, je suis en train de me dire que la chorégraphie de k-pop au moins, ça a l'air moins pire." Très loin au fond de la zone qui ressentait encore des émotions, il y avait eu un léger vent de déception. Il était venu pour passer la soirée avec elle et pour la voir. Mais voilà qu'il venait d'arriver et qu'elle était déjà prête à le refourguer à n'importe laquelle de ses copines qui lui paraissait valoir le coup. Elle n'avait pas envie de passer du temps avec lui, de boire avec lui, de danser ou de s'amuser. Simplement parce qu'elle pensait probablement qu'il n'était pas fun même si elle semblait avoir dit le contraire. En même temps, même lui ne savait pas trop ce qu'il voulait dire par s'amuser et se lâcher. Qu'est-ce qui lui pourrait lui faire plaisir ? " Je n'ai pas changé de bord que je sache. Mais, je suis venu pour te voir. Tu veux déjà te débarrasser de moi, c'est ça ?" dit-il avec un ton taquin. Dissimuler par un trait d'humour quelque chose qui était une véritable blessure, c'était un talent. Ça se cultivait tous les jours. Est-il redevenu encore une fois un de ses projets sans même s'en rendre compte ?

C'était peut-être pour ça qu'ils s'entendaient mieux à distance. Elle avait l'air de se soucier plus de lui lorsqu'ils n'étaient pas dans la même pièce. Intérieurement, il se morigéna et décida d'arrêter de broyer du noir. Bordel, il était venu pour essayer de s'amuser et voilà qu'il laissait des pensées lui pourrir la vie. Ce soir, il n'avait pas envie de penser, il avait juste envie d'expérimenter. Il ne savait juste pas encore quoi. " Ce soir, j'ai envie d'expérimenter un truc fou quelque chose que j'ai jamais fait. Les nanas ça peut attendre un autre jour. Est-ce que t'as une idée phénoménale à me proposer ? Si non, dans cinq minutes je cours torse nu en rond après avoir bu six shots de vodka hein."

"Meeeh."

Elle géant. Est-ce surprenant d'apprendre que Noru aile le bachelor ? Non.

"Aaah non !! Mais non !! C'est juste que. Fin on parlait gonz et relation au tel. Donc. Bref."

Légèrement monomaniaque, Noru. Un peu trop tendance à se focaliser sur un seul sujet et à s'emballer souvent toute seule dessus. Et puis. En vrai. Elle se dit qu'elle le gaver. Ou qu'il ne va rien comprendre. Ou qu'il ne va pas avoir envie de la suivre dans ses délires. Alors impliquer quelqu'un d'autre dans l'équation, ça lui donne une porte de sortie, ou en tout cas une autre possibilité que "elle". Enfin elle n'a pas envie de le coincer dans une situation inconfortable. Juste avec elle. Parce que c'est ce qu'elle l'effet qu'elle fait, non ? Enfin l'effet qu'elle lui fait.

Nono essaye de trouver une façon de dire ça qui ne soit pas complètement bizarre et bancale. Mais Haruki reprend la parole et lui fait une demande encore plus bizarre que celle de vouloir passer une soirée avec elle. Plus que la demande en mariage et il aura fait le tour des demandes improbables qu'il pourrait lui faire. Ah et puis vivre ensemble aussi. Ahah. Eh bah en tout cas, elle le regarde trois secondes la bouche ouverte avant de rire à gorge déployée. Oh oui. Elle a très très envie de voir ça, tiens.

"LIBÉREZ LE DANCEFLOOR !!"

Qu'elle beugle comme une folle tout à coup en encadrant les bras en grand pour signaler à tout le monde de dégager. Sauf que personne ne bouge. Enfin personne n'arrête de danser. Déjà parce que presque personne ne l'entend. Et en plus parce que ceux qui l'entendent la regardent en se demandant qui c'est cette tarée qui utilise le mot "dancefloor" au vingt et unième siècle. (Oui parce qu'en vrai, la plupart des gens le samedi soir ne savent pas qui elle est.)

Noru pouffe toute seule et puis se tourne vers Haru, les bras aussi croisés que le permettent son verre entre ses mains.

"Ok, ok, pas de nana, mais un truc fou …"

Et légal. Plus ou moins légal en tout cas. Enfin plutôt légal quooiiiiii. Elle réfléchit, fronce son nez qui se plisse.

"AH !! Du bubble soccer ça te dit ? Ou de la motoooo. Jpeux t'emmener jusqu'à la salle en moto !!"

Elle considère le verre entre ses doigts une seconde, et en boit une gorgée en haussant les épaules.

"Ça va c'est mon premier. Enfin après le premier. Mais c'est un truc de fou de monter sur une moto derrière moi après deux verres de rhum, non ?"

La relativité selon Noru. La folie selon Noru. Le frisson selon Noru. (La mort selon Noru.) Tout est vachement relatif avec elle.

"NAN !! JE SAIS !! OH MY FUCKING GOD !!"

Illumination du siècle ! Elle dédaigne son téléphone d'un élastique en haut de sa cuisse et sort du club à toute vitesse en laissant Haruki planté là pour passer un coup de file de l'extérieur.

Il ne répond pas tout de suite se contentant de siroter son cocktail en la voyant couper court au sujet. Pour être honnête, un sujet qu'il n'était pas d'humeur à aborder de toute façon. C'est fascinant d'observer la vitesse à laquelle son cerveau fonctionne et le chaos qu'il engendre. Surtout le chaos en fait. Il y a quelque chose d'intriguant et d'inquiétant à regarder Noru réfléchir, un peu comme d'observer une tornade au loin et de prendre conscience à la fois de la beauté et de la puissance de la chose, mais également du potentiel danger que ça représente. Il allait acquiescer pour la moto même si ça semblait une très mauvaise idée. Mais ce soir il était partant pour une très mauvaise idée. Toutefois avant qu'il ait pu réellement dire ou même faire quelque chose, elle était déjà parti et l'avait laissé en plan là en plein milieu de la pièce. Il détailla l'endroit d'un coup d'œil, il jeta un regard circulaire à l'endroit. Quelques yeux se posaient sur lui. L'homme serait peut être aller aborder une jeune fille en temps normal (il ne savait pas trop comment mais ça marchait assez bien pour lui de ce côté-là) mais il n'avait aucune envie de se créer ce genre de problèmes ce soir. Honnêtement, il ne savait pas ce qui était pire entre le fait que la nana dorme chez lui qu'il dorme chez elle. Comment partir de chez elle sans la froisser ou comment la faire partir de chez lui sans qu'elle pense que c'était un bed & breakfast ? Une question en deux parties mais il n'avait la réponse ni à l'une, ni à l'autre.

Il finit d'une traite son verre, se commanda rapidement deux shots histoire de pouvoir se mettre plus en confiance (?) et se demanda sincèrement ce que faisait la jeune femme depuis tout ce temps. Ce coup de fil n'en finissait pas. Ok, il dramatisait peut-être un peu mais lorsqu'on était seul et sans distraction le temps semblait cruellement très long. Il prit le chemin qu'elle avait emprunté précédemment pour essayer de la localiser. Il l'aperçut finalement qui parlait dans son téléphone et s'approcha d'elle pour poser une main sur son épaule afin qu'elle remarque sa présence. Maintenant qu'il était là, il se sentait comme un gosse qui va chercher sa mère parce qu'il n'a pas trouvé quelqu'un pour jouer. Il murmura lorsqu'elle lui donna un peu d'attention "On fait quoi du coup ?". Haru n'était même pas certain qu'elle l'ait entendu par-dessus le brouhaha, ou juste le fait qu'il suspectait fortement qu'elle ait un trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité.

Ouuaaaiiiiiiss …. Elle aurait pu eviter de se casser comme ça. Mais son idée demandait un minimum d'organisation (de la part de quelqu'un d'autre) alors il fallait réagir vite. Une main se pose sur son épaule et si sa bouche n'était pas déjà bien trop occupée à terminer sa phrase, Noru aurait sans doute hurlé. Mais à la place de ça elle a juste la voix qui part dans les décibels alors qu'elle termine ce qu'elle a à dire et lance un regard de rapproche amusé à Haruki. Et puis elle remercie son interlocuteur avant de raccrocher. Et de se tourner pour de bon vers le jeune homme. Qui est vachement près, tiens. Ce qui ne dérange pas Noru outre mesure qui va même attraper les pans de sa veste pour le rapporter encore plus d'elle. (Des fois qu'il était pas déjà assez proche…)

"Tu vas voir … j'ai très très hâte de te voir là bas. Je suis certaine que ce sera … très instructif."

Allez savoir si c'est le mot "instructif", le ton qu'elle emploie, leur proximité, ou son sourire franchement paaaas … innocent (ou le mélange de tout ça), mais ça a presque l'air vachement salace comme plan. Noru pouffe et glisse sa main dans celle d'habitude et ajoute avant de s'écarter :

"Tiens donc. Tu as osé boire de l'alcool sans moi !! "

Ouais. Elle était assez proche de lui pour sentir l'alcool dans son souffle dans un endroit qui n'est pas dépourvu d'odeurs… Et puis Nono l'entraîne à sa suite vers le vestiaire où elle récupère son propre casque et son casque de … de gens qu'elle ramène chez elle en général, erm. Elle le donne en Haruki alors qu'ils sortent enfin du club. Dans un environnement où il peuvent causer sans crier. Ou sans se rapprocher.

"Je garde la surprise ! Fais moi confiance. C'est à… dix minutes de là à peine. Sept avec moi qui conduit."

Ouais, elle a le chic pour rassurer les gens, No. Elle se dirige vers une ducati fuchsia garée juste à côté de la porte de derrière et s'y installe comme si cette position ne faisait pas du tout remonter sa robe très très très haut. Rien à foutre. Et elle laisse Haruki s'installer derrière elle. L'invitant à bien se tenir. (Comme s'il n'avait pas déduit tout seul qu'il avait tout à fait intérêt à le faire …)

Sept minutes plus tard, elle n'a pas menti la bougresse, ils se garent à côté d'un grand complexe sportif dans lesquels ils découvrent plein de jeunes armés de battes de base-ball qui frappent dans la balle lancées par des lanceurs automatiques.

"C'est pas ça. C'est franchement ultra basique comme date. Pas un truc de fou."

Oui elle a utilisé le mot "date" et pas "sortie entre pote". Déjà parce que "date" ça va plus vite à dire, et en plus parce que avec Nono, toutes les soirées entre potes peuvent se transformer en date. La jeune femme à nouveau la main d'Haruki pour l'entraîner sur quelques mètres avant d'empreintes des escaliers qui descendent. Leur attention est tout de suite attirée sur leur gauche. Ou d'autres bande de jeunes, cette fois armés de haches, s'amusent à les balancer sur une cible en bois. Avec plus ou moins de succès.

"C'est très drôle ça par contre. On pourra le faire après si tu veux. Mais nous. Je nous ai réservé ça !"

Elle attire l'attention d'Haru sur la droite. Où une grande paroie vitrée estampillée "FURY ROOM" les sépare de l'antichambre de la réelle fury room. lesaissant apercevoir des cotes de travail rouges, des masques dignent d'avoir appartenu aux membres de Slipknot, … et sur les murs, un assortiment varié et coloré de masses, pieds de biche et battes de base-ball qui ici, ne serviront pas à taper dans des balles …

"Aloooooors, alors ?! Ça te plait ???"

Qu'elle demande. Contenant du mieux sa propre excitation. Nono en tout cas, ça lui plaît vachement.

Est-ce qu'ils ont toujours été aussi à l'aise l'un face à l'autre ? Certes quand ils s'engueulaient plus jeunes sans doute qu'ils s'étaient déjà retrouvés quasiment front contre front. Haruki ne s'en souvenait pas tellement et son esprit n'était pas vraiment concentré sur ça. Il se laisse faire facilement quand elle l'attrape par les pans de sa veste comme s'ils avaient toujours fait ça. La situation est pourtant inédite mais elle parait si familière.
" Je vais finir par croire que ça risque d'être effectivement instructif." laisse-t-il échapper avec un léger sourire. Il ne sait pas ce qui se passe ce soir mais ça ne le dérange pas. Pour une fois, il n'a pas envie de se prendre trop la tête ou de réfléchir. Sa petite vie bien rangée peut bien rester au placard pour ce soir.

" Les cons ça ose tout, c'est à ça qu'on les reconnait."  rajoute-t-il alors qu'il la suit pour enjamber la moto. Sa petite voix intérieure lui dit que ça n'est pas raisonnable. Cependant, il enfile quand même le casque et monte gentiment à l'arrière de la moto. Il enlace sa taille en priant le seigneur pour qu'il arrive en vie malgré tout. A grande surpris, il arrive dans son intégralité. Même s'il essaie de faire le mec cool, il a quand même un petit soupir de soulagement. Il doit admettre qu'il est un peu déçu lorsqu'il voit les battes de baseball mais il ne doutait pas vraiment du fait que Noru avait prévu quelque chose. Elle est tellement imprévisible que c'est compliqué de savoir quel est son plan mais au moins on n'est jamais déçu. Le mot date lui donne une impression étrange comme s'il était "content" qu'elle puisse considérer ça comme ça. Mais pourquoi serait-il content de savoir qu'il est une possibilité ? Remarque c'est toujours agréable de savoir qu'on peut être désiré, c'était ça le truc convenable à se dire, non ? Et voilà, même pas cinq secondes sans que le rabat-joie qui vivait à temps complet dans son crâne décide de lui prendre la tête. Il était content qu'elle ait dit que ça soit un date, pas besoin de se torturer sur le pourquoi du comment. Sois plus comme Nono, soit plus spontané.

" Oui tu serais pas du genre à m'emmener à un date ultra basique, je serais très déçu de toi." Lorsqu'il voit la porte de la fury room, il regarde l'endroit avec envie et une certaine crainte. Il sait qu'au fond de lui, il a toujours eu envie de tout envoyer bouler, de tout casser, de juste pouvoir se défouler sur quelque chose. Mais il ne sait pas ce qu'il se passera s'il commence parce qu'il n'a jamais lâché la pression. " C'est une super idée, j'ai toujours voulu casser des trucs. Mais à la maison c'était ta spécialité." ajoute-t-il en lui jetant un petit regard taquin en coin. Il trottina pour entrer dans la salle en premier. "C'est moi qui donne le premier coup !" Pendant un instant, on dirait un enfant, il lui a fait un sourire innocent et joueur. Il attrape une masse et commence à mettre un coup un peu timide sur un meuble expulsant d'un coup le tiroir. C'était un petit meuble fragile, le coup d'après est bien plus violent et le meuble vole en éclats. Il commence à frapper sans s'arrêter, sans même réfléchir, les coups sont violents et erratiques. Pendant qu'il frappe, il sent une colère sourde monter en lui comme quelque chose qu'il ne connaissait pas. L'adrénaline lui pompe dans le sang. Toujours obligé de se conformer, de porter le bon costume, de dire la bonne phrase, d'avoir la bonne émotion, de ne pas montrer les émotions d'ailleurs, c'était mieux, d'être poli, de respecter les règles. Toutes ses règles. Toutes ses putains de règles qui l'ont encerclé jusqu'à faire de lui un prisonnier. Il ne se sentait jamais libre, il devait toujours obéir à des règles,  avec les nanas, devant ses parents, il  était juste un petit soldat discipliné. Ça le foutait en rogne et avant même qu'il le réalise des larmes de frustration glissent le long de ses joues. Il finit par s'arrêter de frapper essouflé, sentant la sueur couler le long de ses joues pour prendre une pause. Il s'essuie les yeux, discrètement (ou du moins il espère que c'était discret, mais n'en est pas sûr. C'est difficile de garder sa dignité). "Je ne pensais pas que ça me soulagerait autant." Il tourne la tête vers elle. " Et toi comment tu t'en sors avec tes petits bras de T-rex ?" Il s'approche pour pincer affectueusement la peau de ses avants bras.

"C'est pas vraaaiiiiii !! Je suis juste extrêmement maladroite !"

Bah bien sûr ! Bon ok, on peut accuser sa forte poigne (?) pour tous les verres qu'elle a cassé en les nettoyant … mais pour le reste … les assiettes qui volent quand elle pétait les plombs à table … les ampoules brisées dans la chute des lampes qui de prenait ses projectiles … c'est nettement plus difficile d'y trouver une excuse. Eheh.

"Ravie que ça te plaise, très cher !!"

Qu'elle s'exclame, fort fière d'elle et contente du contentement d'Haruki. Elle le suit, l'imite. Se prend un pied de biche pour commencer à péter les trucs en verres parce qu'elle aime bien ce bruit. Avant de s'attaquer à des petits meubles un peu plus costauds. Et puis No s'arrête. Elle le guettait du coin de l'œil, Haru. Vraiment curieuse de le voir agir dans ce genre de … situation. Et elle est frappée par la violence de ses coups. Leur frénésie. Puis par les larmes qui aperçoit sur ses joues. Et elle se sent soudain excréments mal. Presque coupable. Haruki s'arrête et la jeune femme sentourne illico pour coller un coup sur le truc le plus proche d'elle. Pour faire genre elle a pas vu ?? Sauf qu'elle a vu. Et ça la secoue carrément.

"Tu vas voir ce qu'ils savent faire mes bras de T-REX."

Ça ressemble à une menace. Et c'en est une ? En quelque sorte ? Noru laisse tomber son pied de biche par terre et se rapproche d'Haruki pour passer ses bras derrière sa nuque. Et le serrer contre elle. Tout simplement. Elle a envie de lui dire qu'elle est désolée. D'avoir été une grosse chieuse toute leur vie commune. Pas contre lui. Ça c'est presque … normal ? Mais plutôt avec leurs parents. Parce que tous les moments où elle était chiante, tout le temps quoi, elle n'a pas franchement laissé la place à Haru de l'être. Comme un ado doit l'être. C'est un truc dont elle a confusément pris conscience avec le temps. Même si elle n'arrive pas franchement à l'exprimer avec des mots. Ni à lui dire qu'elle est désolée. Pour ça ou simplement pour compatir aux larmes qu'elle a vu. Alors Noru le serre contre elle. Un petit peu. Avant de s'écarter, de récupérer son pied de biche et de regarder ce qui reste à casser autour d'eux avec une attention presque mélancolique.

"Tu as déjà vu Hook ? Le film ? Avec Peter Pan devenu adulte, amnésique, avec deux gosses ? Dedans Crochet kidnappe les gamins pour se venger. Et il y a une scène où il emmène Jack, le fils, péter des horloges, des pendules, ou des réveils. Et Jack cite les trucs qui le mette en colère avant de frapper … tu me fais penser à lui."

La jeune femme fronce le nez, fait racler son arme sur le sol de la pièce en se déplaçant vers un autre meuble pas trop défoncé. Elle lève à nouveau le pied de biche à hauteur de sa tête.

"Moi j'aime juste péter des trucs."

Qu'elle annonce avant de coller un grand coup dans l'espèce de guéridon dont elle pète le plateau supérieur en deux. Large trop fort pour une nana qui "aime juste péter des trucs".