830, Terres Chaudes (Canada)

Allongée sur le sol, Lenka n’avait que le souffle de sa respiration pour compagnie. Ils étaient arrivés telles des ombres. Silencieuses, imperceptibles. Les ténèbres étaient à nouveau tombées sur son village. Elles n’avaient laissé aucun répit à ses amis, à sa famille. C’était la panique, la peur et l’instinct de survie s’étaient emparés de ses veines. Les corps de ses amis, des membres de sa tribu au sol, Lenka s’était réfugiée sous eux, se faire passer pour morte à son tour. Le rythme de son cœur n’avait cessé d’être effréné. A chaque pas qu’elle entendait non loin d’elle, elle craignait qu’on ne la découvre, qu’ils mettent le feu aux défunts au-dessus d’elle. La jeune femme avait attendu longtemps, priant les dieux de lui accorder pardon et miséricorde. Quel que soit la faute qui les avait poussés à les punir, les siens avaient assez souffert. Lenka avait perdu la notion du temps, elle ne pourrait dire si le bruit assourdissant du silence était tombé sur eux depuis quelques minutes ou des jours. Mais il fallait qu’elle sorte, cette cachette funèbre ne pouvait devenir sa dernière demeure.

Elle repoussa les corps de ces personnes qu’elle avait toujours connu, ses amis, sa famille, sa tribu. Lenka découvrit alors avec effroi tout ce qu’il restait de son chez elle. Les habitations continuaient de se consumer, le sang abreuvait toujours la terre, serpentait vers le ruisseau, comme pour laver cet endroit. Cette vision était pire qu’une bataille entre deux tribus ennemies. Parmi les victimes il n’y avait pas que les guerriers. Les anciens, les enfants, aucun dieu ne leur était venu en aide. Lenka resta là, debout au milieu du souvenir de son village. Hier encore, il y avait de la vie et de la joie dans cet endroit. Désormais seule la désolation régnait en maitre sur ce lieu. Lenka marcha parmi les débris, à la recherche d’elle ne savait quoi. Un autre survivant, un signe que d’autres avaient fui, qu’ils avaient échappé à ce carnage. Puis un bruit s’éleva non loin d’elle et il apparut. Un homme, la peau claire comme la neige et les cheveux couleur du maïs. Elle n’était pas seule. Lenka commença à reculer, à vouloir fuir parmi les arbres, la peur s’emparait à nouveau d’elle. Un autre démon.