Je fourre quelques vêtements, une lampe torche (ça peut toujours servir), ma gourde remplie d'eau et de la nourriture dans mon sac à dos. Voilà, c'est décidé. Je m'en vais. Je vais enfin quitter cette maudite ville ! Enfin je vais découvrir d'autres horizons ! Je n'attendais que ça. J'avais besoin de mettre fin à cette existence ennuyeuse. A moi les aventures !
Mes parents m'en auraient dissuadé, c'est sûr. Ils m'auraient dit qu'à l'extérieur, c'est "beaucoup trop dangereux", que je risquerais de me faire attaquer par d'horribles monstres, etc. etc. A force d'être restés trop longtemps dans ce Camp totalement fermé, ils sont devenus si peureux ! Alors je ne leur ai pas parlé. Oui, c'est ce que l'on appelle une "fugue".
Mes parents au travail, je suis seul à la maison. Le moment idéal pour s'éclipser.

Après avoir vérifié que je n'ai rien oublié, j'ouvre la fenêtre de ma chambre. Je me retourne pour voir une dernière fois cette pièce dans laquelle j'ai vécu durant ces seize dernières années. Une dernière fois. A vrai dire, je ne sais pas si je reviendrai ici un jour. Peut-être, peut-être pas. En tout cas, cela ne sera pas pour bientôt ! Je compte bien profiter de ma liberté un bon bout de temps...


Je déambule à travers les rues de San Francisco, tel est le nom de cette ville si je ne me trompe pas. Toutes ces maisons collées les unes aux autres et ces tours immenses qui touchent presque le ciel ; impressionnant ! Des piétons pressent le pas sur les trottoirs, des rangées de voitures attendent sur les routes, des bruits de klaxons dans tous les sens... On ne peut pas dire que cette ville n'est pas animée ! Quelle ambiance extraordinaire ! J'adore déjà ! Mais j'avoue que toute cette agitation me fait un peu tourner la tête...

Sincèrement, je ne sais pas où se cache le danger dont tout le monde me parlait. Cette ville n'a pas l'air si terrible ! Je sais qu'il faut être prudent, mais là, je ne vois pas ce qu'il y a à craindre, si ce n'est de ne pas se perdre.

Je passe devant de nombreux magasins très variés, vendant tantôt des vêtements ou des bijoux, tantôt de la décoration pour l'intérieur d'une maison. Une dizaine de restaurants s'est aussi trouvée sur mon chemin. Il n'y a pas autant de choix à la Nouvelle Rome ! San Francisco est tellement plus grande aussi... Je me demande bien à quoi ressemble la vie dans cette ville. On ne doit pas s'ennuyer !

D'un coup, je sens mon ventre se contracter. C'est vrai que je n'ai pas mangé depuis quelques heures au moins. Et autant d'effort physique pour la marche, ça donne faim ! Je rentre donc dans le premier supermarché que je croise, au coin de la rue.

Il est au moins dix fois plus grand que le petit magasin de la Nouvelle Rome.

Je prends des fruits (qui ont l'air tellement appétissants !) et quelques gâteaux, de quoi réapprovisionner mon stock. Heureusement que les panneaux sont là pour me guider, car sinon je me serai perdu dans tous ces rayons ! Puis je me dirige vers les caisses. Je sors mon argent et m'apprête à payer. Cela ne doit pas être bien cher...

« Quelle est cette monnaie ? »

La caissière observe minutieusement les pièces que je lui ai données, en fronçant les sourcils d'un air interrogateur. Je la regarde à mon tour, et hausse les épaules. Quel est le problème avec mes deniers ?

« Je regrette, mais je ne peux pas accepter ces pièces. »

Et elle me les retend. Je la regarde, stupéfait. Que vais-je faire, je n'ai que ces pièces ?!
La file d'attente derrière moi commence à s'impatienter.

« Ecoutez madame je suis vraiment désolé, mais je n'ai que ça, et... »

Bon, la négociation et moi, ça fait deux, comme vous pouvez le voir là. Alors, tout ce qu'il me reste à faire, c'est de reposer mes articles...

A peine le réveil entame sa sonnerie que déjà Evelynn a la main dessus. Elle s'étire paresseusement avant de se décider à se lever. Rapidement, elle se rend compte qu'elle est seule à la maison. Fut un temps, un soupir aurait passé la barrière de ses lèvres mais maintenant, elle est habituée. Son père a quitté le pays, deux jours plus tôt pour une conférence et sa mère... Un regard à l'heure lui rappelle que sa génitrice est déjà à son cabinet depuis au moins deux heures. C'est donc dans une solitude résignée qu'Evelynn déjeune et se prépare. Au moins, elle ne s'éternise pas chez elle et arrive avec relativement d'avance au lycée. Là-bas, elle y retrouve ses quelques amis et c'est ensembles qu'ils attaquent leur journée de cours.

Rien qui ne change de l'ordinaire en somme. Son emploi du temps est réglé comme du papier musique. Ce qui est plutôt ennuyant pour une rêveuse comme elle. La régularité et la monotonie l'ont toujours blasé et son esprit tente toujours de s'y soustraire. Ce qui évidemment ne plait guère à ses professeurs et c'est ainsi qu'elle récolte une énième punition. En cours de math cette fois-ci. En même temps qui peut bien aimer une matière qui dépeint le mode en noir et blanc ? Pas une once de gris dans cet univers de nombre.

Non décidément, Evelynn n'a jamais compris l'attrait de certains de ses camarades pour cette matière. Et eux en retour n'ont jamais compris son attrait pour la littérature et les langues anciennes. Mais Evelynn est une artiste dans l'âme. Pour elle, connaître l'origine de sa langue l'aide à faire danser les mots. Comme elle aime jouer avec les couleurs sur une peinture ou la lumière sur une photographie. Si son père est très fier de son esprit bohème, sa mère apprécie moins. "Comment veux-tu réussir dans ce monde si tu ne gardes pas les pieds sur terre ?" est sans doute devenue la phrase qu'Evelynn a le plus entendu chez elle.

Seulement, cette journée s'annonce prometteuse. Lors de leur dernière heure de la matinée, un envoyé du CPE vient les informer que leur cours de l'après-midi est annulé. Impossible d'entendre la raison de cette annulation tant sa classe exulte de joie. En sortant, ses amis lui proposent de se retrouver pour aller au cinéma. Mais la blonde décline poliment l'invitation. Il fait bien trop beau pour aller s'enfermer. Alors, elle prend la direction de son parc préféré. Seule encore une fois, mais avec le cœur plus léger puisqu'il s'agit de son choix. Sa playlist préférée dans les oreilles, la blonde salue ses amis et les quitte au niveau de l'arrêt de tram situé à côté du lycée.

Il ne lui faut qu'une quinzaine de minutes pour rejoindre le Golden Gate Park. En cours de route, elle décide cependant de s'arrêter dans un supermarché. On a beau être une artiste, la réalité finit toujours par se faire entendre par le biais de son estomac. Rapidement, elle s'oriente entre les rayons pour récupérer un sandwich, un soda et un paquet de chips. Bon et peut être quelques Twix qui lui ont fait de l’œil. La blonde rejoint ensuite les caisses, se plaçant derrière un jeune homme. Pour attendre son tour, Evelynn pianote sur son téléphone, pas vraiment attentive à son environnement. Ce n'est que lorsqu'elle entend la conversation entre la caissière et le jeune homme devant elle. Pas qu'elle soit du genre curieuse mais il lui semble que le garçon a quelques problèmes. En entendant les gens commencer à râler dans son dos, elle ne peut que se sentir mal pour lui. Il ne doit pas être beaucoup plus vieux qu'elle et semble définitivement perdu.

Décidant de prendre les choses en main pour éviter une esclandre, elle enlève l'écriteau qui sépare ses courses de celui du garçon, et s'adresse à la caissière.

"Je vais payer pour nous deux."

La femme acquiesce et passe tes achats. Avec un sourire, Evelynn passe devant le garçon pour payer. Tout cela réglé, elle lui tend ses achats.

"Et voilà tes courses."

« Je vais payer pour nous deux. »

Je me retourne, pour voir qui venait de dire ça. C'est une fille, une blonde, qui ne doit pas être beaucoup plus âgée que moi. Ses courses se confondent désormais avec les miennes. Je suis tellement surpris que j'en perds mes mots. Je la regarde un moment, immobile, avant de la laisser passer, toujours sans rien dire. Je baisse légèrement la tête. Je suis si honteux de la laisser payer toutes les bêtises que j'ai prises ! J'aurais très bien pu les laisser, elles n'étaient pas indispensables non plus...

"Et voilà tes courses." me dit-elle en me les tendant.

Je les prends d'un geste nerveux, et hoche la tête en guise de remerciement. Toujours aucun mot ne veut sortir de ma bouche. Elle reste fermée comme, comme... non, juste fermée.

Sans réfléchir, je tourne les talons et sors du supermarché. Cela ne me ressemble pas pourtant, de fuir comme un voleur - pardonnez-moi cette image... Normalement, j'aurais dû la remercier dignement, ou au moins porter ses courses ; enfin, je ne sais pas, faire preuve d'un minimum de galanterie, non ? Eh bien non, à la place, je m'éclipse aussi furtivement que lorsque je suis venu. Sans raison apparente.

Je la vois sortir à son tour du supermarché.

Je dois rectifier mon comportement. Je dois m'excuser auprès d'elle, et la remercier en face, c'est la moindre des choses ! Sinon, je paraîtrais réellement pour un sauvage...

Je m'avance lentement vers elle, puis accélère le pas pour la rattraper.

« Hey ! Attends ! », je m'exclame.

J'arrive à sa hauteur. Et sans perdre un instant -pour ne pas regretter ce que je viens de faire-, je lui dis :
« Merci, pour tout à l'heure, d'avoir payé mes courses. C'est... C'est vraiment très sympa. Et... »

Je cherche mes mots. Là encore, ça ne me ressemble pas. D'habitude, je suis tellement sûr de moi ! En fait, je pense que je ne sais pas vraiment comment me comporter dans cette ville. Tout parait si... différent du Camp Jupiter. Il me faudra sûrement un petit temps d'adaptation.

Le garçon semble définitivement mort de honte. Evelynn comprend tout à fait. Brrr elle frissonne à l'idée de s'être trouvée dans cette situation. Un petit sourire compatissant s'attache à ses lèvres tandis que le garçon récupère ses affaires. Il hoche la tête mais ne semble pas décidé à parler. Finalement, il quitte les lieux.

Evelynn le regarde partir. Il doit forcément être étranger pour ne pas avoir de dollars sur lui. Sans doute n'a-t-il pas pensé à faire du change, se retrouver perdu au milieu d'une contrée étrangère fait vite perdre ses moyens. Combien de fois est-ce que cela lui est arrivé quand elle a suivi son père dans ses voyages ? Trop pour toutes les compter. Et c'est pour cette raison qu'elle se retrouve à compatir pour ce garçon. Elle espère que les choses s'arrangeront, même si elle doute le revoir un jour.

Finalement, après avoir secoué brièvement la tête pour reprendre pied avec la réalité, la blonde se décida à ranger ses affaires dans son sac à dos avant de quitter le supermarché pour reprendre sa route. Jouant avec ses écouteurs sans pour autant les enfiler tout de suite, elle reporte son attention sur son téléphone, faisant défiler les photos instagram. Soudain, elle entend quelqu'un l'appeler. Ou tout du moins le croit-elle. Quand elle se retourne, Evelynn se retrouve nez à nez avec le garçon du supermarché.

« Merci, pour tout à l'heure, d'avoir payé mes courses. C'est... C'est vraiment très sympa. Et... »

Si le début de sa réplique est sortie à toute vitesse, le garçon semble ne plus savoir quoi rajouter. Alors Evelynn enchaîne aussitôt avec un sourire rassurant pour lui éviter de se sentir trop mal à l'aise :

« De rien. C'était normal. Ce genre de situation c'est jamais agréable. »

Penchant la tête légèrement sur le côté, elle le détaille alors, cherchant un détail sur son visage pouvant indiquer sa nationalité.

« C'est drôle, pour un étranger, tu n'as pas d'accent... »

Soudain, la blonde réalise qu'elle a laissé sa réflexion s'échapper à voix haute. Sentant ses joues rosirent, elle tente de s'excuser.

« Désolée, c'est pas... Enfin... J'aurais pas dû dire ça. »

Elle secoue la tête pour reprendre contenance. Puis elle lui tend sa main pour reprendre de zéro par des présentations digne de ce nom.

« Bref, moi c'est Evelynn. »

Elle semble comprendre ma gêne, car elle enchaîne rapidement, pour ne pas laisser de blanc dans la discussion. Je reprends progressivement le contrôle, me sentant plus relâché. Je ne vois pas pourquoi je m'en faisais autant ! Il n'y avait aucune raison de craindre quoi que ce soit...

C'est alors plus serein que je confirme ce qu'elle a dit.

« C'est sûr que c'était super gênant ! Et tous les gens qui grognaient derrière aussi... Cela ne m'était jamais arrivé un truc pareil, avant ! »

"C'est drôle, pour un étranger, tu n'as pas d'accent..."

Je hausse les sourcils. Alors comme ça, elle croit que je suis étranger ? Pourquoi donc ? A cause de ce que j'ai dit ? De ce que j'ai fait ? Oh, je savais que je ne me comportais pas comme il fallait ! Pauvre idiot je fais...
Mais cette phrase semble lui avoir échappé car elle s'excuse tout de suite après, regrettant d'avoir fait cette remarque. Puis elle me tend la main et se présente. Evelynn, elle s'appelle. Je lui tends la main à mon tour.

« Et moi Conrad. Et ne t'inquiète pas, il ne faut pas t'en vouloir. », j'ajoute avec un sourire. « En un sens, je suis un peu étranger à tout ça car je viens de la... »

Je m'arrête d'un coup, me rendant compte qu'allais commettre une terrible erreur. "Ne jamais dévoiler l'existence du Camp Jupiter !" Je ne connais pas cette fille. Peut-être qu'elle est une demi-déesse romaine -tout est possible-, mais dans le doute, mieux vaut rester discret sur ce sujet. Je me dépêche de trouver de quoi terminer ma phrase sans paraître trop incohérent.

« ... je viens d'une minuscule ville perdue au fin fond des Etats-Unis, alors cette immense ville de San Francisco m'est totalement nouvelle ! »

Dans une certaine mesure, ce n'est pas totalement faux. La Nouvelle Rome n'est certainement pas la plus grande ville américaine !

Dès que la phrase lui échappe, Evelynn sait qu'elle a gaffé. Le regard de son interlocuteur vacille et il semble se crisper de nouveau. Pourtant, la jeune fille sait à quel point cela est gênant voir même blessant de se faire pointer du doigt de la sorte. Elle l'a suffisamment vécu pour ne pas se permettre d'agir de la sorte. Fort heureusement, le fait de recommencer tout de zéro semble rattraper les choses. Le garçon accepte ainsi sa poignée de main vigoureusement. Et se présente à son tour.

Conrad donc, la rassure alors. Ouf... Evelynn sent le poids dans son ventre s'évaporer. Elle n'est pas forcément des plus à l'aise dans les relations humaines alors autant éviter de trop gaffer quand elle rencontre de nouvelles personnes.

Le sourire du jeune homme s'efface en même temps que sa voix se baisse. Il cherche de nouveaux ses mots et cela intrigue la blonde.

« ... je viens d'une minuscule ville perdue au fin fond des Etats-Unis, alors cette immense ville de San Francisco m'est totalement nouvelle ! »

Tout s'explique ! Evelynn comprend alors mieux l'air désorienté de Conrad. Certes, San Francisco n'est pas aussi tentaculaire que sa voisine californienne qu'est LA, mais elle est assez grande pour être déroutante pour des campagnards. Un sourire apparaît sur ses lèvres.

« Je comprends. C'est un peu effrayant de se retrouver dans une ville si grande. Surtout que les gens sont pas forcément accueillants dans ce genre d'endroits. »

L'épisode du supermarché le prouve. A croire que les citadins oublient ce qu'est la patience.

« Mais c'est surtout une superbe ville qui regorge d'endroits géniaux ! Tu as déjà visité des choses ? »

Malgré ses nombreux voyages, Evelynn est toujours restée très attachée à cette ville qui n'est pourtant pas sa ville de naissance. Mais San Francisco a su charmé son coeur et si elle aime la quitter ce n'est que pour mieux y revenir.

Fort heureusement, elle croit à mon histoire - qui n'est, je le répète, pas entièrement fausse - et ne pose pas davantage de questions à ce propos. Même, elle tente de me rassurer, en disant que c'est normal d'être déboussolé dans une ville aussi grande, et que les gens d'ici ne sont pas forcément les plus sympas. Je hausse les épaules. Pour le moment, je ne peux pas trop juger, je n'ai pas vraiment rencontré beaucoup de personnes - mis à part la caissière (si on appelle cela rencontrer) et elle. Et Evelynn m'a l'air très aimable, au contraire !

Mais je préfère ne rien dire -pour une fois- et la laisser parler. Ce n'est que lorsqu'elle me pose une question que je lui réponds, sur un ton désormais plus décontracté :
« Non je n'ai encore rien visité, ni rien vu de spécial en fait. Je viens d'arriver. Les seules choses que j'ai vues pour le moment sont les rues et ce supermarché. Mais j'imagine bien qu'il y a un tant de trucs passionnants à voir, et que San Francisco ne se limite pas à ce simple magasin ! »

Une idée folle me traverse alors l'esprit. Et si elle me guidait à travers cette ville et qu'elle me montrait des lieux intéressants ? Mais je la chasse immédiatement. C'est vrai, on ne se connait qu'à peine, et je ne peux pas lui demander une chose pareille. Surtout qu'elle a sûrement d'autres choses à faire, des choses plus importantes...

A la place, je lui demande :
« Tu as l'air de bien connaître cette ville. Tu y habites depuis longtemps ? »

Histoire d'amorcer ma demande ? Ah non, certainement pas, je n'y reviendrai pas ! Mais peut-être pourra-t-elle me conseiller des coins sympas à voir...

Ce fut avec soulagement qu'Evelynn vit Conrad se détendre. Elle l'écouta lui expliquer qu'il n'avait pas encore eu le temps de découvrir la ville comme il se devait. Elle retint un rire en entendant sa dernière phrase. Non heureusement San Francisco ne se limitait pas à ce seul endroit. Encore heureux quand on voyait ce qui venait de s'y passer !

« « Tu as l'air de bien connaître cette ville. Tu y habites depuis longtemps ? » »

Evelynn hocha la tête.

« Cela va faire bientôt 10 ans que j'habite ici. C'est ma mère qui a choisi d'y venir et elle a plutôt eu une bonne idée !  »

La blonde sentit son sourire s'agrandir.

« Depuis le temps j'ai pu découvrir pas mal de coins sympa ! D'ailleurs j'allais au Golden Gate Park ça te dirait de venir ? »

Bon ils se connaissaient quasiment pas mais Conrad lui inspirait confiance. Il n'avait pas l'air bien méchant et si Evelynn pouvait se rendre utile en partageant sa passion pour sa ville alors cela valait le coup. Mais elle ne voulait pas paraître envahissante ou quoi. Alors quand Conrad accepta son invitation, elle se sentit soulagée.

« C'est à deux rues d'ici. Tu vas voir c'est super beau !  »

Prenant la direction du parc, elle lui expliqua que cet endroit détonait du reste de la ville et représentait un bien agréable poumon de verdure. Elle n'était pas la seule à en profiter pour trouver du calme mais avec ses horaires de lycéenne, il n'y avait généralement pas foule. Ils trouvèrent donc un coin tranquille près du point d'eau, juste à côté des colonnes antiques. C'était ici qu'Evelynn venait le plus souvent car il s'agissait d'un endroit assez isolé. Et puis le charme de ces fausses ruines lui plaisait beaucoup.

« Alors qu'est-ce qui t'as motivé à venir ici, à San Francisco ? »

Lui demanda-t-elle avant de croquer dans son sandwich. La blonde souhaitait en savoir plus sur le garçon. Elle n'osait cependant pas commencer par des questions trop personnelles. Alors cela lui semblait plus simple d'attaquer par sa venue en ville.

Effectivement, je ne m'y étais pas trompé, elle habite ici depuis 10 ans. C'est sûr qu'en 10 ans, on a bien le temps de faire le tour de la ville ! Elle doit sûrement connaître tous les moindres recoins de San Francisco... Elle ferait un bon guide. Mais écartons cette idée !

Et pourtant, elle semble avoir lu dans mes pensées. Elle me propose de l'accompagner à un parc. Là, je souris de plus belle en lui répondant :
« Mais bien sûr ! Ce serait un grand plaisir de découvrir ce parc !
- C'est à deux rues d'ici. Tu vas voir c'est super beau !
- Je n'en doute pas ! »

Je la suis alors jusqu'à ce fameux parc. Et en effet, qu'est-ce qu'il est beau ! De l'herbe, des arbres, des fleurs de toutes les couleurs, des points d'eau et même des monuments ! Un endroit pour les amoureux de la Nature. Et tout simplement pour ceux qui veulent se reposer. Car il semble bien calme. C'est apaisant. Il y a aussi des jardins à la Nouvelle Rome, mais ce parc est plus grand et plus... majestueux peut-être ? Ou bien est-ce l'effet de la découverte qui me procure cette sensation ?

Je l'écoute me décrire un peu ce parc, un endroit différent du reste de la ville. Puis nous nous asseyons dans un coin tranquille, où peu de monde s'y trouve, à côté d'un point d'eau et de colonnes antiques. Ironie du hasard ? Je pars de la Nouvelle Rome, et voilà que des ruines de colonnes se retrouvent encore devant moi ! A croire qu'elles m'ont poursuivi jusqu'ici... Mais bon, cela ne change pas au fait que je ne suis plus à la Nouvelle Rome. C'est fini. Je suis parti, et je suis à San Francisco !

La voir manger son sandwich me donne faim, alors j'ouvre à mon tour mon sac et en sors un paquet de gâteaux que je m'étais acheté dans ce supermarché - ou devrais-je dire qu'elle m'a acheté. J'en prends un, et tends le paquet dans sa direction.

« Tu en veux un ? Après tout, c'est le moins que je puisse faire pour te remercier encore, pour tout à l'heure. »

En même temps, je réfléchis à la réponse que je pourrais lui donner à sa question. Ce qui m'a motivé à venir ici ? Encore une fois, je ne dois pas me risquer à lui parler de la Nouvelle Rome, sujet totalement interdit ! Ces deux mots ne doivent pas franchir ma bouche, je dois y veiller. Mais pour ne pas trop partir dans les mensonges, je lui dévoile un peu de vérité, tout de même.

« Eh bien, tu vois, avant je n'avais jamais quitté mon trou paumé. Pourquoi ? Ben... »

Je cherche rapidement une autre excuse, avant de poursuivre :
« Parce que je ne pouvais pas. Enfin, c'est un peu compliqué... »

Et voilà, je m'enfonce ! Je dis n'importe quoi, je dois me reprendre !

« Et donc, j'ai été curieux de découvrir cette ville, et je suis parti en sac à dos jusqu'ici. Et voilà, après, tu connais la suite. »

Bon, ma capacité à expliquer est à revoir.

Je croque une nouvelle fois dans un gâteau, pour cacher ma nervosité.