Salut, moi, c'est Élaïne et je vais vous raconter mon histoire.
Certaines personnes aiment dire que l'on naît avec une cuillère en or dans la bouche mais pour ma part, elle était en or sertie des plus beaux diamants que le monde a à offrir avec une domestique pour me la tenir.
Prétentieux n'est-ce pas ? Et bien, vous n'allez pas être au bout de vos surprises.
Suite à l'épidémie de Covid qui a ravagé le monde entier, une grande partie de l'Humanité a disparu. 70% des êtres humains ont été emportés par cette maladie créée par l'Homme. Accident ou but recherché ? Nul ne le sait. Mais pour éviter l'extinction complète de la race Humaine, il fallait redresser le taux de natalité. Ce petit détail était le cadet des soucis des survivants. Pillage, fête, sexe... tout était devenu un prétexte pour vivre comme bon lui semblait. Sans loi. Sans règle. Sans personne pour vous dicter ce que vous deviez faire. C'était sans compter sur les personnes les plus éminentes sur cette Terre. Éminentes ? Non. Riches ! Les dix plus grandes richesses se réunirent, comme un sommet du G20, pour échanger sur l'avenir du monde. Leur Monde. Dans un univers dépourvu de statut social et de loi, leur argent et leur pouvoir ne servaient plus à rien. Impossible. Eux qui avaient bâti leur réputation sur leur travail ou sur celui de leurs parents. Être légal de la plèbe, quel cauchemar !
Pour asseoir leur pouvoir sur ce qui reste d'Humanité, ils mirent en place le système de mariage arrangé. Toutes les personnes, âgées de minimum 20 ans, devront se plier à cette règle. Et pas des moindre. Une jeune femme de 20 ans pouvait se retrouver mariée à un quinquagénaire. Quelle horreur rien que d'y penser ! Mais comme tout bon Gouvernement, il avait ses failles. Lesquelles ? L'argent bien évidemment ! Qui n'a jamais vu un politicien véreux qui absout tous les crimes pour quelques billets ? Et ça, la Haute Société l'avait bien compris. Prête à tout pour garder leurs privilèges et leur statut, ils dépensaient des fortunes pour avoir un bon parti. Un mariage lucratif pour les deux familles mais aussi pour l'État. Tout le monde y trouvait son compte. Tout le monde, sauf, les "petits gens". Et pour les rebelles dans l'âme, une milice a été soigneusement étudiée pour palier à ce cas de figure. Militaires, gendarmes, garde du corps, ils ont tous été sélectionnés pour remplir la tâche de veiller au bon déroulement de ces mariages. Les prisons servaient de camp de redressement pour remettre sur le droit chemin tout ceux qui refuseraient de se plier à ce système. Et bien entendu, les pauvres en faisaient surtout les frais.
Voyez-vous où je veux en venir ?
Gérard, mon père, était issu d'une famille modeste. Un jour, il eut marre des brimades de ses camarades de classe sur sa condition sociale et il décida de changer son destin.
Fils de gérants d'une petite épicerie de quartier, il voulait s'extirper de cette petite vie et s'élever au-dessus de tout ceci. Il n'a jamais manqué de rien mais il n'a jamais eu le dernier IPhone à la mode ou la dernière console sortie alors que ses amis se vantaient des habits couteux ou du nombre de cadeaux qu'ils avaient tout au long de l'année. Autant dire qu'il lui était impossible de rivaliser avec eux et finit par devenir leur petit larbin. Excédé par cet écart de vie, il travailla dur à l'école et fonda une société nommée G4S. Porté par son ambition, sa société s'éleva et demeure, à ce jour, au rang de firme multinationale et leader incontesté du milieu de la sécurité.
Quant à Rose, ma mère, elle était issue d'une famille aisée. Fille d'un avocat au Barreau de Paris et d'un médecin à l'hôpital Saint-Louis, son destin était tout tracé. Ses parents avaient de grands projets pour elle. Suivre les traces de l'un de ses parents. Mais à côté de ça, Rose a peu grandit avec ses parents. Trop pris par leur carrière respective, ils n'accordé d'importance qu'aux résultats scolaires de leur fille. La moindre petite incartade et c'était réunion d'urgence dans le salon. Dans ces moments-là, étrangement, ils étaient toujours tous les deux réunis à la gronder. Pas d'excuse de réunion, d'audience, d'opération ou autre. Non. Elle était leur fille. Donc leur image.
Vous allez sûrement me demander comment mes parents ont pu se rencontrer alors que tous les séparer ? L'une était emprisonnée dans une cage dorée tandis que l'autre rêvait de s'en bâtir une. L'adage qui dit "
les opposés s'attirent" prit tout son sens dès que leurs regards se sont croisés. Elle, elle fuyait son quotidien trop stricte et lui, il avait des rêves plein la tête. C'est au détour d'une rue, au moment d'appeler un taxi, qu'ils se rencontrèrent pour la première fois. Un regard. Une seule seconde a suffi pour sceller leur destin à tout jamais. Et depuis ce jour, ils ne se sont jamais quittés.
Portée par l'ambition débordante de Gérard, Rose voulu devenir une femme digne de se trouver à ses côtés et qui puisse le soutenir. C'est donc tout naturellement qu'elle suivie la voie de la justice, dans les pas de son père. Avocate, spécialisée dans les droits entrepreneuriales, elle s'associe avec son compagnon pour suivre cette grande aventure vers l'inconnu.
La crise sanitaire, liée au Covid, ne les a pas épargné. Une baisse considérable du chiffre d'affaire s'est faite ressentir. Mais un nouvel essor s'en suivi. La peur constante des survivants de subir cette nouvelle tendance au pillage se faisait ressentir. Ils étaient donc près à investir une grande partie de ce qui leur restait pour protéger leur foyer et les êtres aimés. Malgré le chaos ambiant, mes parents se frottaient les mains sur ce business juteux provoqué par cette maladie. Les "nouveaux riches" comme on appelait ceux dont la fortune flambait après le Covid, étaient devenus les
nouveaux Peoples de ce nouveau monde. Leur vie, leur réussite, tout était bon pour faire couler de l'encre et assouvir ce besoin malsain d'exposer la curiosité des mortels.
Plusieurs années plus tard, on arrive au meilleur moment de leur vie. Ma naissance. Bébé tant attendu pointa le bout de son nez. Des parents absorbés par leurs carrières. Des domestiques qui étaient là pour me divertir. Des cadeaux pour compenser le manque de temps de mes parents. Tout était réuni pour faire de moi, une
princesse.
Vingt années passèrent et me voilà à l'âge légal pour recevoir ce maudite lettre. Que suis-je devenue ? Une magnifique jeune femme, aux formes parfaites qui font chavirer les coeurs. Du moins, ça, c'est sur le papier. Scolarisée dans les meilleures écoles, avec tous les enfants de riches, mes fréquentations ne sortaient pas du lot. Qu'est-ce qui était le pire : Se demander à chaque instant si une personne t'accoste pour ce que tu es, ou plutôt le nom que tu portes, ou recevoir cette fameuse lettre qui me collera à tout jamais auprès d'un parfait inconnu ? Quel dilemme !
Parfois, je me demande ce que serait ma vie si j'étais issue d'une famille de classe populaire. Notre quotidien serait agrémenté de rires, de chamailleries mais au moins, je vivrai entourée de mes parents. Un profond soupir sortit de ma bouche sans que je m'en aperçoive. Cela ne reste qu'un doux rêve malheureusement.
Deux années s'écoulèrent depuis que j'ai atteint cet âge légal et aucune lettre en perspective. Finalement, Dieu ne m'avait pas abandonné. Je continuais de suivre mon train de vie habituel et mon quotidien qui apportait son lot d'aléas. Je commençais à croire, sans peine, que j'étais passée à travers les mailles du filet.
À côté de cette chance inestimable d'être toujours célibataire, je voyais mes amis être forcés de se marier les uns après les autres. Certains étaient ravis du choix de leur partenaire alors que d'autres... Malgré qu'on soit tous issu de la même caste sociale, certains étaient tombés sur des milieux plus bas. Certes, ce ne sont que des clichés que les classes populaires sont plus... difficile à vivre ? L'écart de vie se fait ressentir. Trop peut-être. Cela créé des mariages malheureux pour nous et eux, ils gagnaient au Loto. À l'aide !
Tandis que je ne recevais toujours pas cette fameuse lettre, mes amis lançaient les paris sur le moment où je l'aurai enfin et comment serait mon mari. Parfois, l'idée m'effleurait l'esprit mais la peur m'empêchait d'y penser.
Lors d'une sortie au bar, mon téléphone se mit à sonner. Papa. J'ignorais l'appel. Maman se mit à m'appeler. J'ignorais à nouveau. Papa me rappela. Là, je commençais à me dire qu'il se passait quelque chose. Mes deux parents qui essaient de me joindre en boucle. D'un coup. Du jamais vu ! Sauf lorsque mes résultats étaient en baisse mais ce n'était pas le cas. Je répondis en panique. J'eus à peine le temps de lâcher un
allô, que mes parents se mirent à huler.
Élaïne, ça y est ! Tu l'as reçu ta lettre ! Dirent-ils en hurlant de joie dans tous les sens pendant que mon visage se décomposa. Cela a prit du temps et surtout beaucoup d'argent mais on a enfin réussi à te dégotter un bon parti. Un excellent parti même. Cette union renforcera notre influence et augmentera le pouvoir de notre société à l'international. Tu es heureuse, n'est-pas ma chérie ?? En plus, il parait que c'est un jeune homme des plus raffinés et qui a une très bonne réputation. Soudoyer ce politicien véreux aura porter ses fruits malgré tout. On fêtera ça demain comme il se doit chaton, on retourne au boulot. Aller bisous.
Ils raccrochèrent sans que je puisse rétorquer quoi que se soit. Encore sous le choc de ce qui vient de se passer, je lâcher machinalement un
bisous à ce soir dans le vent sans réaliser qu'ils avaient déjà raccroché.
Un soupir s'extirpa de mes lèvres sans que je m'en aperçoive.
Mes amis, eux, l'avaient bien entendu. Casanière de nature, je sortais peu me changer les idées. Trop matrixée peut-être par les idéaux de mes parents à devoir réviser encore et encore. Ni une, ni deux, ils m'attrapèrent par le bras et me secouèrent dans tous les sens pour me faire revenir sur Terre.
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Aller, filez-moi l'argent les gars. J'ai gagné le pari. Elle rejoint les bancs des mariés ça y est.-
Comme quoi y'a une justice, je me demandais si on ne t'avait pas oublié.-
J'espère que tu auras un bon mari, pas comme le mien !
Les commentaires allaient bon train. Comment pouvais-je leur en vouloir ? Mes parents ont hurlé si fort que la Chine a pu les entendre. Leurs voix résonnent encore dans ma tête. Toujours abasourdie par cette annonce soudaine, je peine à accuser le coup. Un homme va partager ma vie. Un parfait inconnu. D'ici quelques jours, je vais devoir revêtir son nom. Apprendre à vivre avec lui. Avec ses habitudes. Ses humeurs. Mes humeurs. Quelle angoisse ! Rien que de l'imaginer, mon coeur se serra.
Sans que je comprenne pourquoi, mes jambes avançaient toutes seules sous l'impulsion de ma petite bande d'amis. Leurs voix étaient comme camouflées dans mes oreilles. J'avais l'impression d'être sous l'eau. Je voyais seulement leurs sourires. Les larmes montaient peu à peu mais je les réfrénais. Pleurer ne changerait rien.
Sans comprendre ce qui m'arrivait, me voila dans une cabine d'essayage avec Ely, ma meilleure amie, qui m'aidait à enfiler un tutu rose affreux, un body rose en matière synthétique horrible et une cagoule de licorne à la face défoncée au CBD. Comment j'ai fait pour atterrir dans cet endroit pour qu'elle m'habille de la sorte ?
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Aller souris Éla ! Tu vas le faire fuir le pauvre avant même qu'il te voit ! Ce n'est pas si dramatique que ça, après tout, tu peux faire un mariage heureux comme moi !Mais oui, c'est vrai ça. Ely s'est mariée à ses vingt ans, il y a deux maintenant. Un mariage dont tout le monde rêve. Un mari aimant et aux petits soins avec elle. Un coup de foudre dès qu'ils se sont rencontrés à leur nouveau cocon. Et depuis, ils filent le parfait amour bien qu'ils peinent à accueillir leur petit bébé. Même la médecine ne parvient pas à les aider.
Ces quelques mots suffirent à me remonter le moral et sortir la tête de l'eau. On célébra un enterrement de vie de jeune fille digne de ce nom avec des défis les plus pourris et gênant qu'ils puissent trouver.
Et là, c'est le drame !
Les garçons eurent la bonne idée de nous emmener voir Annabelle au cinéma. J'ai une sainte horreur des films d'horreur parce que je suis une flipette. À tous les coups, ce soir, je ne vais pas fermer l'oeil de la nuit à m'imaginer la moindre ressemblance avec le film. Seule. Chez moi. Dans le noir. Avec comme seule arme pour me défendre, Tao, mon doudou panda roux. Ils m'y trainèrent de force dans la salle et c'est deux heures plus tard, que j'en ressortis en larmes et traumatisée. Je ne verrai plus jamais les poupées de porcelaine comme avant. Les yeux pleins de larmes, j'essayais de les essuyer comme je le pouvais malgré cette énorme cagoule licorne droguée. Imaginez une femme vêtue d'un affreux tutu de mauvaise qualité avec une cagoule licorne droguée qui pleure comme une enfant de 8 ans comme si elle avait vu un fantôme. La honte !
Tentant d'essuyer les perles d'eau salée qui dévalaient mes joues, le nez de ma licorne heurta quelque chose. Ou plutôt quelqu'un. Les yeux bouffis, le nez qui coule et la tenue sexy incroyable, j'essayais de le dévisager et de m'excuser. En tentant de prendre un mouchoir dans mon petit sac, la corne de la licorne le frappa à nouveau. Prise de panique, je commençais à gesticuler dans tous les sens et la licorne s'emballa, frappant tout sur son chemin. Mes amis, hilares, filmaient la scène plutôt que de me venir en aide. Ely m'attrapa par les épaules et m'ordonna de me calmer.
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Ce n'est qu'un film Élaïne, tu n'as rien à craindre. Tu vas tuer quelqu'un avec ta licorne si tu continues.Elle me sécha les yeux et me replaçait cet objet de souffrance sur ma tête.
Inspire et expire. C'est avec un semblant de calme que je recouvrais mes esprits.
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Je... je suis désolée pour... enfin vous savez... la licorne.