« Ooooh les gars, matez un peu la baraque ! Il paraît qu’elle est hantée ! »

James éclata d’un long rire gras. Ce genre de rire stupide que seul un excès de boisson pouvait provoquer ; et la bouteille de vodka presque vide dans sa main était là pour en témoigner… sans parler de son visage rouge et de sa démarche titubante. Cela faisait déjà une bonne demi-heure qu’il avait décidé de se passer de diluant et buvait à même le goulot. Sören et Grimm le suivaient en soupirant, s’arrêtant à hauteur de leur ami en face d’une maison abandonnée. La lumière timide du crépuscule lui donnait une allure plus que lugubre qui arracha une moue contrariée aux trois compères. Pas étonnant que tous les petits du coin refusaient de s’en approcher à moins de dix mètres, cette maison dégageait une aura inquiétante.

« - Allez James il faut bouger sinon ta mère va encore péter les plombs. Déjà que t’es dans un état lament…
- T’es pas cap’ d’y rentrer ! »

Grimm, qui avait entreprit d’attraper le bras de l’ivrogne pour l’entraîner à sa suite, se stoppa et dévisagea ce dernier d’un air dubitatif.

« - Hein ?
- J’ai dis : t’es pas cap’ d’y rentrer !
- James, on a plus dix ans…
- Lopette. »

Un battement de cils plus tard, Grimm se trouvait à califourchon sur le rebord d’une fenêtre dont la vitre brisée laissait un accès de choix à l’intérieur de la demeure. Grommelant à voix basse diverses injures dont la grande majorité lui était destinée, il s’engouffra à l’intérieur. Franchement, quel imbécile ! Tomber dans un jeu aussi puéril à cause d’un ego mal placé. Dans son élan de stupidité, il s’était même vanté de pouvoir y passer la nuit entière. Qui sait quelles horreurs il allait trouver.

L’endroit était aussi sombre et poussiéreux que l’on aurait pu imaginer : des restes de meubles à moitié rongés par le temps, du papier peint décollé et déchiré de toutes parts ainsi que des débris en tout genre. A la lumière du flash de son téléphone portable pour se guider au travers des couloirs obscurs, le jeune homme remarqua aussi quelques tag et écritures sur les murs qui laissaient deviner que la maison n’était pas uniquement visitée par les esprits. Pourtant, ce détail ne parvint pas à le rassurer autant qu’il l’aurait voulu. Car oui, même si jamais il ne l’aurait admis à haute voix, Grimm avait la trouille. Il émanait de ces lieux une ambiance angoissante qui le mettait mal à l’aise sans qu’il ne sache réellement dire pourquoi. Il ne croyait même pas à toute ces histoires de fantômes. Non, il n’y croyait pas une seule seconde… Alors pourquoi avait-il ce sentiment irrépressible qu’il n’était pas seul ici ?

Éteignant le flash de son téléphone dans un réflexe absurde de discrétion, il retint de son souffle et attendit, tendu, écoutant chaque son, chaque craquement émanant de cette affreuse maison. Était-il parano ou quelque chose se rapprochait ? Non. Stop. N’importe quoi ! Au pire, ce ne devait être qu’une souris ou une bestiole du genre. Pas de quoi s’inquiéter. Tournant la tête en direction de ce qui lui semblait être un son étouffé de mouvement, il aperçu soudainement dans la pénombre une silhouette humanoïde qui lui arracha un long hurlement de terreur incontrôlé.

— Tu es sûr que tu n’as rien oublié ?
— Non maman, tu sais comme je suis hyper scrupuleuse avant un tournage, j’ai vérifié mes affaires au moins cinq fois, alors non, je n’ai rien oublié.
— Et ta bombe au poivre et ton portable de secours ?
— Maman, arrête ce n’est pas la première fois que je fais ça, rétorque Sasha avec un sourire tendre. Détends toi, ça va aller comme d’habitude.

Mrs Mitchell lance un regard teinté d’inquiétude à sa fille, qui a beau être rôdé à force de faire de l’urbex, il n’en reste pas moins que chaque nouvelle expédition est toujours synonyme d’angoisse pour la mère de famille.

— Je t'appelle en arrivant sur place et quand je repars, ok ?

La maman hoche la tête avant de déposer un baiser sur la tempe de sa fille et de lui fourrer un pique-nique dans les mains, même si elle a déjà bien mangé. Enfin, Sasha décolle pour rejoindre une maison abandonnée dans le coin de la ville de Glasgow, maison qui serait supposément hantée, autant dire que cela à titillé la curiosité de la blondinette. Sur place, elle s’équipe donc de tout son matériel et commence donc à se filmer.

— Salut mes petites étoiles, dit-elle face caméra pour qualifier sa communauté. Ce soir on va frissonner, puisque je vais visiter une toute nouvelle maison abandonnée et en plus de ça, il parait qu’elle serait hantée, de quoi ravir votre dingue de l’urbex préférée.

Sasha fait un clin d'œil à la caméra avant de faire un plan sur la maison et de parler un peu de l’histoire de cette dernière et des occupants qui y ont vécu plus ou moins longtemps. Elle explique ensuite qu'outre la visite de la maison, elle compte faire un peu de spiritisme et voir si elle ne pourrait pas entrer en communication avec des esprits, si tenté qu’il y en est bien sûr. Avec une légère appréhension, comme à chaque visite car elle ne sait jamais ce qui l’attends, la demoiselle s’avance d’un bon pas et commence son exploration, parlant de ce qu’elle voit, de ce qu’elle ressent, faisant des jolies et prenant des photos quand une scène lui semble assez sympa ou esthétique. De temps en temps, Sasha tendait l’oreille par mesure de sécurité, mais pour le moment aucun bruit suspect, juste le bois de la maison qui travaillait, ou des petits animaux s’agitant ici et là.

Enfin ça, c’était jusqu’à ce qui lui semble entendre des bruits de pas sur le sol un peu plus au rez-de-chaussée, mais difficile à dire les sons sont quelque peu étouffés. Arrêtant de parler, Sasha passe sa caméra en mode nocturne et se dirige vers le son des supposés pas, il est impératif qu’elle en est le cœur net. S’il y a des gens elle doit voir si elle pourra poursuivre son exploration ou non et si c’est autre chose… Bah elle avisera. D’un pas léger, elle s'engouffre dans une pièce puis une autre, avant d’apercevoir ce qui semble être un jeune homme, qui n’a pas l’air d’emmener large. La jolie blonde n’a pas le temps d’avertir de sa présence que l’autre se met à hurler comme s’il venait de rencontrer le diable.

— Hey ! Oh ! Calmos ! Je suis pas un démon venu jouer avec toi ou je ne sais quoi d’autres de surnaturelles, lui dit Sasha avec un calme olympien.

Elle regarde autour d’elle, mais ne voit personne d’autre.

— T’es tout seul, ou je dois m’attendre à voir tes potes hurler à leur tour si je les rencontre dans cette maison ?

La jeune femme allume de nouveau ses éclairages et retire le mode nocturne de sa caméra.

— Au moins, tu t’es pas fait dessus, dit-elle un peu moqueuse.