Elle n’a jamais vraiment prêté attention aux histoires des hommes, Maria. Chacun sa place, elle le sait. En vérité, cela lui convient. Il y a des choses que les femmes ne peuvent pas comprendre, elle le sait aussi. Et c’est d’ailleurs moins fatigant ainsi. Les responsabilités, elle s’en tient aussi loin que possible. Effacée en public, caractérielle entre les murs de la domus. Gamine capricieuse qui entend bien décider de son futur. Elle a longtemps échappé tant bien que mal au mariage, pendant plusieurs années. Pas terrifiée de devenir une femme, pas effrayée à l’idée d’être une épouse, mais terrorisée à la pensée d’être donnée à quelqu’un de mauvais, de lâche ou d’inintéressant. Comme beaucoup avant elle et sans doute tout autant après elle, Maria voulait choisir son mari et en a fait baver à quiconque osait lui proposer un potentiel bon parti. Au diable les paroles de sa mère qui tentait de la raisonner, les cris de son père qui voulait imposer son autorité et les jérémiades de sa jeune sœur qui se résigne trop vite. Marie ne voulait pas du voisin, d’un ami de son père, d’un vieux cousin tout aussi riche qu’il soit.

Pourtant, son père a enfin décidé que le caprice est terminé. Il lui a choisi quelqu’un, l’a promise avant qu’elle n'ait le temps de protester. Elle a eu beau pleurer et hurler, Maria, rien y a fait. Alors elle boude, passant son temps à râler bien fort pour que chacun l’entende. « Mademoiselle ? Il y a un visiteur pour vous. » La jeune femme souffle bruyamment. Évidemment, le tout nouveau fiancé vient la rencontrer… Elle préférerait rester enfermée dans sa chambre. Cependant, elle se redresse et laisse sa servante arranger les plis de sa toge. Une fois présentable, elle soupire avant de prendre la direction du patio où elle est attendue. C’est lentement qu’elle approche de l’homme qui lui tourne le dos. Ne comptant pas lui rendre la tâche aisée, elle se contente de se racler la gorge, un sourcil levé en attendant qu’il se tourne vers elle et qu’elle puisse découvrir l’ampleur de son malheur.

Sethos était en train de traverser la place. Il était le corps raide, droit, strict comme le veut le monde. Il a besoin de montrer sa force autant que sa détermination. Il va juste là où il faut. Il traverse la place, et il lance un regard à ceux qui l’entoure. Il était là. Et il était fort. Sa famille était puissante dans la ville. Il devait se montrer à la hauteur de sa famille. Alors, strict, droit, il traverse la vie et se dirige vers sa destination… La maison de sa future femme. Il n’avait pas le choix. Il devait … Il devait se marier à une femme qu’il ne connait pas pour le pedigree de sa famille. On lui avait dit, il le faisait. C’était logique. Il avait 25 ans. Il était plus que le temps de se marier. Surtout qu’il y avait des tensions hors de la ville qui l’appellerait peut-être à disparaître. Sethos arriva dans la maison et se présenta à la porte, se courbant pour passer un portique trop petit pour lui. Les gens petits, il ne les comprendrait jamais. Pourtant, il ne se sentait pas si grand que ça. Un mètre 85 environ, ou en tout cas cette taille dans l’unité de mesure de l’époque. Il était grand. Se courbant, il attend dans le pation. Il ne sait pas s’il doit craindre cette rencontre ou l’attendre. Doucement, il approche sa main du pétale d’une fleur et caresse le duvet naturel alors qu’un sourire se dévoile sur ses lèvres. Il aime la douceur de la nature. Il aimerait qu’on invente des oreillers qui gardent la douceur des plantes pour pouvoir y dormir. Il souriait encore quand il entendit quelqu’un se racler la gorge. Il se retourne avec ce sourire, et il la voit. Il se bloque un instant. Il sent le vent qui passe à travers la demeure et il observe le léger déplacement d’une mèche de ses cheveux. Elle était magnifique. Il cligne des yeux. Quelque chose lui renvoie une image, plus vieille encore, comme s’il l’avait connu sans la connaître. Il ne sait pas. Son cœur tambourine dans sa poitrine et il s’approche pour faire une révérence vers elle.

- Dame Lepida, je suis Sethos Maximilus Caecilius, j’aimerais vous proposer une sortie ensemble pour apprendre à nous connaître.

Se marier, oui. Se marier à une inconnue, oui. Mais ne pas apprendre à la connaître ? Jamais. Il voulait apprendre à la connaître … surtout maintenant qu’il la regarde et sent en lui quelque chose prendre feu, monter dans son cœur et éclater dans son âme. Il la connait. Et il veut être son mari.