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LE TEMPS D'UN RP

Les yeux du monde

Jo'
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Jo'
Mar 13 Juin - 22:41
Le contexte du RP
Mise en situation

La situation


Libye, 2011.
Le soulèvement contre Kadhafi s'est transformé en guerre civile entre les forces armées et les milices rebelles.
La violence est partout - des pères de famille prennent des armes, les militaires sortent les gaz sarins. La population s'écrase si elle ne joue pas le jeu de la surenchère.

Elles ont été dépêchées pour ramener le grondement du monde, journalistes de guerre pour la paix.
Elles en reviendront changées à tout jamais.

Contexte provenant de cette recherche


Disclaimer : ce sujet a été discuté et lancé avant les actualités au sujet d'Israël et de la Palestine. Il n'est absolument pas dans notre intention de romantiser les violences de guerres et guerres civiles de quelque manière que ce soit.
Disclaimer 2 : la lecture de ce RP ne convient pas aux mineur.es. Tous les trigger potentiels sont à risque d'y apparaître.
Disclaimer 3 : une partie du RP est sous hide pour préserver néanmoins les sensibilités des lecteurs et lectrices.


Les yeux du monde 16532433Les yeux du monde 16532434
"Le plus clair de mon temps, je le passe à l'obscurcir" - Boris Vian
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Lun 3 Juil - 20:24
Les yeux du monde Mailan10
Maï-Lan Anderson
J'ai 32 ans, bientôt 33 et je vis à Paris. Dans la vie, je suis journaliste de guerre et je m'en sors avec passion. Je suis une solitaire dans l'âme, je le vis très bien avec moi-même.

Avatar: Karrueche Tientrese Tran. Crédit image: Pinterest et ma pomme
-Paris, 9 rue Fabre d'églantine, 6h37- Février 2011-

Elle émergea trois minutes avant que l'alarme ne sonne. Trois minutes à peser le plomb qui coulait dans ses veines, la rage sourde qui grondait. Elle était crevée, avait besoin de vacances, les avait posées depuis belle lurette au service RH. Enfin ! Le billet pour Bali traînait sur la table, le petit sac à dos ouvert sur le parquet n'attendait plus que quelques fringues et sa brosse à dents. Voyager léger, surtout pas plus ! Carte bleue, passeport, une paire de sandales et hop le tour était joué ! Ceux qui la connaissaient ne s'y méprenaient pas : baroudeuse, expérimentée, elle ne s'embarrassait que du strict minimum, peu importait la destination. Mais il y avait eu ce putain de texto...

Elle finit par se lever, glissa un doigt sur son téléphone pour éteindre cette fichue sonnerie, bâilla ostensiblement à s'en décrocher la mâchoire.  À peine trente minutes pour se préparer. Ne pas arriver en retard, le boss détestait ça. Après tout, pourquoi pas ? Ça lui ferait les pieds, un bout de vengeance, pitoyable et agréable. Pas le temps de se faire un café, les six étages sans ascenseur la tête dans la pâté ça prenait un certain temps, une seconde pour -ne pas- se coiffer. La porte claqua, bienvenue dans la merde.

-Reporters sans frontières, bureau régional français, 36 rue de Vivienne, premier étage-

Réunion avec Deloire, stressant, laminaire, directif. Rien n'allait jamais comme il voulait pourtant les articles se vendaient comme des petits pains, chers, très chers, se taillant de belles parts dans les unes. C'était un principe : râler, distiller des points positifs à petites doses, refuser les hausses de salaire puis les accepter. Gueuler et dans la foulée offrir son meilleur sourire et faire croire qu'on était géniale sur ce coup-là...Bref, un manipulateur de base, risible, pathétique.

-Salut tout le monde ! Le ton sec et froid.

L'équipe se tenait autour de la table de réunion, certains assis, d'autres debout. Viennoiserie et café à disposition, le buffet des grands jours, la belle ironie. Elle distilla un mot de politesse par ci par là avant de venir s'échouer près de sa pote le visage fermé, dur. Bras croisés, elle ne dit rien, étendit les jambes. S'avala une bonne gorgée de noir avant d'ajouter entre ses dents, le regard chevillé sur la porte :

-Je te préviens, je vais me le faire.



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Sam 15 Juil - 20:42

Delphine
Kremms

J'ai 39 ans et je vis à Paris, France. Dans la vie, je suis journaliste et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma chance, je suis mariée et mère de deux enfants et je le vis plutôt comme je peux.

Les yeux du monde Tenor
"Maman Louis il veut prendre ma brosse à deeeeeents !
- Mais même pas vraiiiieuuuh !!"


Delphine soupira, faisant sauter devant son visage la mèche de cheveux mal réveillée elle aussi. On aurait pu féliciter son flegme, son recul, son calme ! Mais la seule chose qui l'empêchait d'exploser là tout de suite à sept heures ce matin, c'était la fatigue. Même aux toilettes, il semblait que le répit était refusé aux mères, a fortiori quand sa progéniture n'a pas encore dix ans et comprend mal le concept d'intimité. Les voix plaintives continuaient à émerger depuis la salle de bain juste à côté.

"T'es qu'un gros dégueulasse !
- Ouaaaaaaah, maman Charlotte elle a dit un gros mooooooot !"


Elle passa ses mains sur son visage, arracha mollement un bout de PQ, et remonta son pyjama bariolé avant de rejoindre le champ de bataille - un champ de bataille d'un autre genre que ceux qu'elle fréquentait pour le boulot, mais face auquel elle se pensait parfois plus désemparée encore.

"Louis rend sa brosse à dents à ta soeur, allez !"

Mais la victime du larcin avait déjà tout oublié et s'intéressait plutôt aux sanctions qui pouvaient l'attendre face à la délation de son frère.

"Hein maman c'est pas un gros mot dégueulasse ? demanda-t-elle de cette voix geignarde qui exécrait Delphine.
- Si, c'est pas joli à dire. Bah tiens ta punition c'est te laver les dents, dépêche-toi on va être en retard. Louis !"


Le temps qu'elle réponde à sa fille, son fils s'était fait la malle dans sa chambre, toujours pas habillé, une chaussette enfilée et le slip mal remonté. Elle l'y suivit, mais il n'entendait qu'à chahuter et lui enfiler pull et pantalon devenait un nouveau parcours du combattant. Dans cet affrontement, lui s'amusait généralement beaucoup, et sa mère voyait son espérance de vie s'étioler avec le stress qu'il lui générait. Puisqu'elle n'était pas souvent avec eux, chaque fois qu'elle l'était, elle était de corvée d'école. Mais, puisqu'elle n'était pas souvent avec eux toujours, elle constatait à chaque occurrence à quel point elle était moins douée que leur père.

Charlotte, l'aînée et fashion victim en devenir, n'était pas compliquée à habiller. Elle prenait une large satisfaction à se faire jolie et lorsque la tenue lui convenait, coopérait délicieusement. Ce matin heureusement, l'ensemble décidé par sa mère lui seyait à sa guise - dans le cas contraire, la petite fille aurait probablement pleuré toutes les larmes de son corps et décrété que, non, on ne pouvait pas aller à l'école vêtue comme un torchon, toute importante que soit l'éducation ... Enfin, ce serait son idée, avec des termes moins intelligibles.

"Allez c'est tartines ce matin." Les enfants s'exclamèrent de joie : tartines, ça voulait dire brioche prédécoupée et Nutella, un mets de secours que papa n'utilisait jamais. Lui se levait volontiers une heure plus tôt et préparait des choses saines à l'avance. Mais lui n'avait pas d'insomnies. Lui n'avait jamais vu de ses yeux des petits du même âge que les leurs tenir des armes. Ou se faire sauter sur des mines. Pour faire semblant de rendre la table, largement fournie par la bouffe industrielle, plus équilibrée, elle déposa une pomme à côté de leur cacao. "Mais maman, observa Charlotte avec toute la douceur du monde, on peut pas la croquer faut la couper ..." Et Louis d'ajouter, moins subtile. "Papa il nous la coupe toujours !"

Elle sentit une pierre couler dans son estomac et en camoufla l'expression en se retournant pour prendre un couteau. Détaillant des morceaux autour des trognons, elle se répétait à quel point elle était mauvaise mère. Qu'il s'agissait de choses dont elle aurait dû être au courant. Ses échecs perpétuels lui rappelaient qu'elle ne se sentait pas à sa place dans cette vie rangée. Comment pouvait-on être à son aise au milieu de rafales de tirs, et se sentir sous l'eau face à deux enfants ? Tandis qu'elle les abandonna à leur collation, elle partit se changer. Un pull en laine ample vint couvrir sa stature fatiguée, et elle rejoignit lâchement ses cheveux de blé en chignon dégringolé. Lorsqu'elle revint à table, Louis lui estoqua un large sourire. "T'es belle maman !" Elle aurait pu pleurer.

*

Delphine et sa famille vivaient en périphérie de Paris, ce qui signifiait qu'il fallait perdre bien des largeurs de temps dans la voiture. Elle aimait ça : elle déposait les enfants à l'école du village et pouvait profiter d'un sas de décompression entre son travail de mère et celui de journaliste, seule. Elle mettait de la musique, de la variété Française niaise dont son mari se moquait parfois un peu, mais qui était la chose la plus éloignée des sons de son quotidien - les cris des enfants, ceux des soldats. Dans les embouteillages, elle se regardait parfois longuement dans le rétroviseur, ses doigts suivant le tracé de sa fatigue et de cet âge qui lui venait doucement. Elle avait parfois du mal à se reconnaître. Et puis la voiture klaxonnait derrière elle, la vie suivait son cours.

*

Le cours de la vie, là tout de suite, c'était la réunion avec Deloire. L'équipe ne savait encore rien de cet ordre de mission si urgent dont la directive mail avait fait mention, mais généralement, si Delphine et Maï-Lan étaient de la partie, ce n'étaient pas de bonnes nouvelles pour le monde. La quadra vit arriver son amie au visage raide et fermé, lui souriant de compassion épuisée, et lui tendit un café servi au thermos disposé à table. Elle-même en était à son troisième.

"Je te préviens, je vais me le faire." Son ton cinglant amusa l'aînée.

Deloire passa finalement la porte, le torse bombé de victoires qu'il n'avait pas gagnées, et posa bruyamment toute une chemise de papelards sur l'ovale de la table de réunion.

"La Libye ! scanda-t-il comme s'il était au théâtre. Ahh, la Libye ..." Un air faussement désolé. Dans un dessin animé, il aurait des dollars dessinés dans les yeux. "... Ca pue vers là-bas c'est moi qui vous le dit !" Comme pour ponctuer son observation, il fit passer un document récupéré par les reporters déjà sur place, à Benghazi.

Citation :
Après deux jours de manifestations pour la libération de Fathi Terbel, autour de 600 personnes se sont réunies devant le principal poste de police de la ville. La répression a été ultra violente mais insuffisante, et l'armée a été dépêchée depuis Tripoli pour venir rétablir l'ordre. Des cartels de milices rebelles se sont fondés pour y répondre. D'après les indics, ils comptent les prendre en guet-apens dans le croissant pétrolier à Ras Lanouf.

Tous les visages s'assombrirent - l'expérience leur permettait aisément d'anticiper ce qu'il se verrait à Ras Lanouf. Tortures. Viols de guerre. Enfants soldats. Guérilla. Delphine observa Maï-Lan - elle savait que ça serait pour elle, qui parle arabe. Si ça n'avait pas été le cas, elle n'aurait pas eu la convocation d'urgence expressément par texto.

"J'en suis, décréta-t-elle donc simplement."

Elle ne laissait pas son binôme y aller avec qui que ce soit d'autre. Et puis là-bas, elle n'oubliait pas qu'une pomme, il fallait la couper.

Fuite en avant.


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Lun 31 Juil - 1:23
Les yeux du monde Mailan10
Maï-Lan Anderson
J'ai 32 ans, bientôt 33 et je vis à Paris. Dans la vie, je suis journaliste de guerre et je m'en sors avec passion. Je suis une solitaire dans l'âme, je le vis très bien avec moi-même...

...Et avec mes démons...Mon père est marocain et diplomate. Ma mère est française et universitaire. Il parait qu'une de ses ancêtres était une princesse japonaise, d'où mon prénom. Les quelques nourrices qui se sont succédées me connaissent mieux que mes parents. J'ai grandi dans une très grande et très belle maison dans un quartier très chic à Paris. Fille unique, ma mère m'a justifié cela un soir en proclamant haut et fort qu'elle n'était pas qu'une matrice et que mes envies d'avoir un petit frère ou une petite sœur révélaient un manque de maturité notoire.

Mon père m'a transmis l'envie de parler plusieurs langues. Il connait l'arabe bien sûr, le français, l'anglais, l'italien et se débrouille en japonais, inspiré par les origines ancestrales de son épouse.
Ma mère...Je ne sais pas ce qu'elle m'a transmis. J'imagine qu'elle m'aime à sa façon? De loin? L'avantage en conséquence est que j'en ai acquis le sens d'une liberté solide et rebelle. On me demande quelquefois si j'en ai souffert ou si je souffre aujourd'hui de son indifférence à mon égard? Eh bien non. C'est ainsi depuis toujours, où est le problème? Et puis, je crois que c'est plus subtile que cela, il s'agit plutôt d'un détachement, ça n'empêche pas d'aimer.

J'aime l'aventure autant que les aventures. Il y a pas mal de raisons qui expliquent le choix de mon job et tout autant qui racontent pourquoi ce sont les filles qui m'attirent et me fascinent. Je n'ai pas envie de me limiter à une relation unique et exclusive. Je m'y sens enfermée, cloîtrée.
Explorer, découvrir sans cesse, rencontrer sans limite...Je collectionne des histoires de toutes sortes, plus ou moins courtes, celles d'un soir, d'une vie qui durent quelques semaines...quelques mois...Je les savoure toutes.

Toutes... Exceptée l'Impossible. L'Inaccessible. L’Indicible.

Incandescence glacée

Me mêle et m'emmêle à l'intérieur d'autres corps pour l'oublier.



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Les narines un peu plus dilatées qu'à l'accoutumée, Maï Lan expira un soupir extrêmement discret, apaisé. Se rendait-elle compte de l'effet qu'elle provoquait à chaque fois ? Non évidemment, Dieu merci ! Mariée avec deux mômes... Elle s'amusait parfois à l'imaginer en « maman ». Dynamique, volontaire mais pas autoritaire, convaincue des valeurs qu'elle souhaitait leur transmettre... Tout un tas de situations et de quotidiens à la fois éclectiques et banals lui traversait alors l'esprit alimentant avec plus ou moins de fantasmes les comportements d'une mère aimante. Delphine avait un caractère bien trempé mais dégageait à ses heures cette espèce de douceur intrinsèque qui la brûlait. La métis en rongeait son frein dans son coin, la charriait ou bien grimaçait une moue ironique signifiant la différence fondamentale qui régissait leur vie.

La Lybie. Depuis le mois de janvier, le peuple avait commencé à montrer son mécontentement face au régime de Khadafi et l'arrestation de Terbel mettait le feu aux poudres. Les familles des victimes de la prison de haute sécurité Abou Salim, défendues par l'avocat désormais emprisonné, osaient manifester leur désaccord publiquement. Mais ce n'était qu'une partie de l'iceberg qui se révélait. Les présidents tunisien et égyptien s'étaient faits la malle, la voix des pauvres grondait... Il y avait là quasi un demi siècle de magma politique, économique et social qui soudain bouillonnait, prêt à exploser.

Les termes du contrat de travail étaient clairs et nets : « … s’engage à respecter le règlement intérieur de l’entreprise et plus généralement toutes les observations, ordres de missions et consignes qui pourront lui être adressés dans l’exercice de ses fonctions spécifiquement en tant que journaliste de guerre. Aucun argument de quelque nature que ce soit, hormis des raisons médicales dûment justifiées, ne pourront s'opposer à un ordre de mission couvrant une actualité de conflits armés. »

Fin du paragraphe, dont acte.

Mais ça tombait mal, tellement mal ! Son petit cœur tout rongé...Elle avait besoin de s'éloigner pour respirer, pour un peu d'espace, pour ne plus y penser...

-Ah mes vacances...Ça fleure bon le soleil et la mer, c'est moi qui te le dis...

L'ironie acide. Le regard venin, en plein. Et de balancer abruptement son billet d'avion et ses factures de réservations sur la table serrés par un gros trombone. Elle avait surligné en jaune fluo le montant total : 5675, 37€. Les feuillets blancs glissèrent sur la longueur du bois noir vernis finissant par heurter le gros stylo qu'il avait posé. Mais Deloire ignora superbement le tout, distribuant la suite des informations comme si de rien n'était.

Maï-Lan regarda très brièvement sa comparse, la mine complice. Elle aurait gain de cause sans même avoir à négocier, le silence du boss faisait foi bien qu'il s'étranglera en découvrant ladite somme. Il avait besoin d'elle et savait que s'il refusait, elle avait de quoi le pourrir. Le taxi était en retard...L'avion ne m'a pas attendue...Bâcler le taff une fois sur place...L'internet déconne ici...Tu n'as pas reçu mon papier ?

Ras Lanouf où se situait la plus grande raffinerie de la Lybie. Benghazi où la mort avait déjà frappé. Des images de son pays natal s'imposèrent à son esprit. Là-bas...

" J'en suis."

Elle ne dit rien, retint un sourire, regarda ses collègues au hasard, tourna la tête vers Deloire.  

-متى نغادر؟

Jambes croisées sur sa chaise, Delphine lui colla une pichenette du pied sur le mollet. La joue gonflée en mode grosse flemme, elle précisa d'une voix traînante :

-On part quand ?
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Lun 31 Juil - 10:14

Delphine
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J'ai 39 ans et je vis à Paris, France. Dans la vie, je suis journaliste et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma chance, je suis mariée et mère de deux enfants et je le vis plutôt comme je peux.

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Elles partiraient le surlendemain. C'était une sensation vertigineuse de banalité : Delphine quitterait sa famille dans deux jours et peut-être ne reviendrait pas. Parfois, elle se disait que cela faisait d'elle une mauvaise mère de famille - carriériste au point de risquer de laisser deux orphelins de mère et un veuf. D'autres fois au contraire, elle se figurait que cela faisait d'elle une mère exceptionnelle, qui aurait de quoi inspirer ses enfants. Mais ces questions ne venaient jamais la perturber au moment où elle était dans le travail, car si elle avait une pointe d'appréhension pour l'inconnu, elle s'en allait somme toute comme tout un chacun prend son poste à l'usine ou au bureau.

La salle de réunion recrachait les journalistes convoqués et elle s'attarda un peu pour discuter avec Maï-Lan, se baladant coude à coude du côté de l'administration où elles signeraient les décharges nécessaires, récupèreraient le contact de leur fixeur - un homme avec qui elles avaient déjà travaillé au court de missions dans le Moyen Orient -, leur billet d'avion et les réservations d'hôtel. Delphine avait été l'un des premiers binômes de Maï-Lan et leur équipe avait derechef bien fonctionné. Le feu sauvage de la cadette matchait parfaitement avec le professionnalisme ambitieux de l'aînée, elles étaient toutes deux brillantes dans l'exercice de leur fonction, et pour ne rien gâcher au plaisir, leur sens de l'humour s'accordait à merveille. Avec quelques années supplémentaires d'expérience, Delphine avait partagé avec son binôme tout ce qu'elle savait et l'avait présentée à son monde journalistique avec le plus d'implication possible.

"Je crois que Deloire renifle les congés à cent bornes, plaisanta-t-elle. C'est la malédiction ici, du moment que tu poses une semaine, tu peux être sûre d'être convoquée la veille !"

Elle se souvenait le jour où elle avait quitté le quai de la gare pour prendre une mission, laissant son mari, sa belle-mère et les deux petits partir le jour même pour deux semaines à la Rochelle. Elle était restée un mois à Madagascar pour y documenter la famine.

"... enfin, ça m'étonne pas qu'il ai du flair, avec sa gueule de chien, observa-t-elle d'un certain mépris amusé." Encore que, se dit-elle, ce n'était pas des plus aimables envers les chiens.

Elles arrivèrent au secrétariat où la doucereuse Léandra, tout juste sortie d'un BTS, leur tendit à chacune une chemise plastique avec le nécessaire à l'intérieur.

"Je vous ai mis toutes les coordonnées du fixeur et des reporters à Benghazi et à Tripoli pour que vous puissiez vous informer. Il y a vos téléphones de service et le nécessaire de batteries portables, vos billets d'avion, les documents de location de voiture une fois sur place et votre hôtel pour la première nuit. C'est Ismaël qui vous prendra en charge pour vous trouver un logement à Ras Lanouf." Ismaël, leur fixeur et correspondant sur place, donc.

"Vous faites escale à la capitale pour la première nuit.
- Vu la chute des prix depuis les conflits, vous auriez pu nous lotir mieux que ça !"


Delphine venait d'ouvrir la documentation et constater que la chambre était un miteux placard à balais avec deux lits minuscules et toilettes sur le pallier.

"Pardon, vous êtes supposées être discrètes ..."

La journaliste décocha un sourire complice à la jeune secrétaire qui avait avalé au premier degré son ironie camarade.

"Je sais Léandra, je te taquine. Merci de t'être occupée de tout."

*

"Comment ça tu repars déjà ?"

Les enfants avaient été couchés, Etienne s'interrompit dans le lavage de vaisselle pour s'estomaquer de la nouvelle. Son épouse pointa du menton le robinet toujours ouvert et il coupa le filet d'eau, essuyant ses mains au torchon reposant sur son épaule. Le paradoxe du mariage : se comprendre sans mots mais souffrir du manque de communication. Delphine était toujours assise à table, une bière entamée face à elle.

"Après-demain. Pour la Libye."

Il soupira, serrant les dents.

"J'ai vu aux infos ce qu'il se passe là-bas c'est pas joli joli.
- Sans déconner ?"


Elle était excédée qu'il ne la comprenne pas, qu'il survole la réalité de ce qu'elle vivait en mission, mais elle se ravisa : il se raccrochait à ce qu'il pouvait pour faire du sens de leur quotidien hors du commun, il n'était qu'inquiétude. Mais il n'avait pas le droit de lui en vouloir - lorsqu'ils s'étaient rencontrés elle marchait déjà dans cette voie et la condition de leur mariage était qu'il ne l'empêche jamais de faire le métier pour lequel elle se dédiait.

"Ecoute, tempéra-t-elle, tout est en ordre si jamais ...
- ... si jamais tu rentrais pas.
- Voilà. Mais y a pas de raison que ça se passe autrement que d'habitude."


Un ricanement amer.

"D'habitude hein ? Tu disparais sans nouvelle pendant des semaines, tu reviens et tu dors quatre jours consécutifs, puis tu passes encore deux semaines à être totalement absente. Tu arrêtes de manger, tu picoles, tu dors plus et tu deviens soit insensible soit imbuvable avec les enfants et moi. Vraiment, j'ai hâte !
- Etienne qu'est-ce que tu me fais là ? A quoi tu t'attends hein ?"
Le ton montait doucement. "T'espères que je rentre de ce genre d'endroits comme si de rien n'était ? Que je vois des cadavres démembrés et puis que je vous emmène au cinéma dès mon retour ? Haha ! Bien sûr, j'suis pas la femme qu'espérait ta mère pour toi !
- Qu'est-ce que ma mère vient faire là-dedans Delphine ?"


Elle descendit sa boisson d'une traite, caustique.

"Je sais très bien ce qu'elle t'a dit quand on a eu Louis. Qu'un deuxième enfant avec une femme comme moi, c'était signer ton assignation à résidence, que t'avais le droit de vivre une vie normale et que je t'en empêchais.
- Tu vas me la ressortir à toutes les sauces ?
- Et toi, hein ? Combien de fois je vais entendre tes reproches alors que tu savais très bien dans quoi tu mettais les pieds en te mariant avec moi ?
- J'espèrais que ...
- Que quoi ?
le coupa-t-elle.
- ... que ça te passerait !"

Ils étaient désormais debout dans la cuisine tous les deux, le regard changé d'amertume l'un pour l'autre. Leur rixe avait éveillée Charlotte qui les interrompit en débarquant larvée d'angoisse. Etienne décocha un nouveau regard inquisiteur à sa femme et vola au secours de sa fille pour la rassurer et la remettre au lit - Delphine regrettait toute cette situation, regard perdu sur la vaisselle encore sale. Elle alluma une cigarette.


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Dim 6 Aoû - 22:29
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J'ai 32 ans, bientôt 33 et je vis à Paris. Dans la vie, je suis journaliste de guerre et je m'en sors avec passion. Je suis une solitaire dans l'âme, je le vis très bien avec moi-même...

...Et avec mes démons...Mon père est marocain et diplomate. Ma mère est française et universitaire. Il parait qu'une de ses ancêtres était une princesse japonaise, d'où mon prénom. Les quelques nourrices qui se sont succédées me connaissent mieux que mes parents. J'ai grandi dans une très grande et très belle maison dans un quartier très chic à Paris. Fille unique, ma mère m'a justifié cela un soir en proclamant haut et fort qu'elle n'était pas qu'une matrice et que mes envies d'avoir un petit frère ou une petite sœur révélaient un manque de maturité notoire.

Mon père m'a transmis l'envie de parler plusieurs langues. Il connait l'arabe bien sûr, le français, l'anglais, l'italien et se débrouille en japonais, inspiré par les origines ancestrales de son épouse.
Ma mère...Je ne sais pas ce qu'elle m'a transmis. J'imagine qu'elle m'aime à sa façon? De loin? L'avantage en conséquence est que j'en ai acquis le sens d'une liberté solide et rebelle. On me demande quelquefois si j'en ai souffert ou si je souffre aujourd'hui de son indifférence à mon égard? Eh bien non. C'est ainsi depuis toujours, où est le problème? Et puis, je crois que c'est plus subtile que cela, il s'agit plutôt d'un détachement, ça n'empêche pas d'aimer.

J'aime l'aventure autant que les aventures. Il y a pas mal de raisons qui expliquent le choix de mon job et tout autant qui racontent pourquoi ce sont les filles qui m'attirent et me fascinent. Je n'ai pas envie de me limiter à une relation unique et exclusive. Je m'y sens enfermée, cloîtrée.
Explorer, découvrir sans cesse, rencontrer sans limite...Je collectionne des histoires de toutes sortes, plus ou moins courtes, celles d'un soir, d'une vie qui durent quelques semaines...quelques mois...Je les savoure toutes.

Toutes... Exceptée l'Impossible. L'Inaccessible. L’Indicible.

Incandescence glacée

Me mêle et m'emmêle à l'intérieur d'autres corps pour l'oublier.



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Tête vide. Corps en vrac, délicieusement.  Elle s'étira de tout son long, retint un grognement de satisfaction. Vu la lumière qui tentait de s'infiltrer à travers la fenêtre, il ne devait pas être bien tard comme d'habitude. Bizarrement, il y avait toujours ce réveil intempestif aux aurores où elle levait un œil endormi sur ce qui l'entourait. Sourire en coin, elle se rendormait tranquillement non sans se baigner dans les résidus sensuels qui trânaient encore sur sa peau.
Mais ce matin, elle se faufila comme une souris dans l'appartement, s'habilla à la hâte dans l'entrée afin de ne pas la réveiller, prit son sac à dos et sortit en fermant la porte aussi silencieusement que possible. Tout en descendant l'escalier cossu doté d'un épais tapis, elle essaya de se rappeler son prénom ; Barbara ? Sandra ? Non, Cassandra. Oui, c'était ça Cassandra. Adieu jolie brune.

Elles s'étaient données rendez-vous au Terminal 3. Alors qu'elle marchait sous le auvent des piétons qui les abritait en cas de pluie, elle croisa un grand type aux cheveux longs habillé tout en noir, affichant une pancarte sur son torse : «  HUG FREE ». Elle lui sourit mais ne s'arrêta pas. Une suavité d'un autre genre l'attendait.

Une douzaine d'heures de vol. Papotages et voyage, la partie la plus cool, la plus agréable des missions. Un entre deux entre Ciel et Guerre, entre le ronron des moteurs et le claquement des Kalash ou celui, plus vicieux et mutique, qui se cachait entre la vie et la mort. Reporters de guerre. Ça rimait de manière tragique et pourtant, relayer l'information quelle qu'elle soit participait d'une manière ou d'une autre, tôt ou tard, peu ou prou à œuvrer pour la paix. Ce n'était pas grand-chose en regard de ce qui se passait sur les fronts ou dans les rues évidemment ! Mais ça avait au moins le mérite de briser les aveuglements et les silences tout autant mortifères.

Delphine. Un poème à elle seule. Dieu, comme elle l'appréciait ! Malgré leurs différences, âge, expérience confondus et tutti quanti que la cadette s'amusait régulièrement à lui brandir en aberrations, quelque chose fonctionnait parfaitement au creux de leurs âmes. Ça s’immisçait, ça rampait comme une eau douce et un souffle tiède. D'aucuns pourraient dire que leur amitié se résumait à une excellente entente professionnelle ? Convenu. Une complicité ? Banal. Alors quoi ? Alors Meï-Lan savait mais se la fermait, Meï-Lan rêvait mais se censurait. Sa pote mariée avec deux gosses ! In-fran-chi-ssable respect.

-Tiens.

Elle lui tendit le paquet de chewing-gums qui les empêchaient d'avoir les oreilles bouchées lors de l’atterrissage.

-On est en avance, ça n'ouvre que dans une heure. Café ?

Ce parfum qui lui renversait le cœur et...

-Et ton départ ? Il t'a encore pourrie ?

Elle n'y allait pas par quatre chemins, secrètement agacée qu'on puisse lui faire du mal. Dans la salle d'embarquement, on entendait parler arabe, anglais. Les destinations filtraient les langues. Le gobelet à la main, elle souriait.

C'était si bon de la retrouver.


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Mar 15 Aoû - 9:49

Delphine
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J'ai 39 ans et je vis à Paris, France. Dans la vie, je suis journaliste et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma chance, je suis mariée et mère de deux enfants et je le vis plutôt comme je peux.

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Elle était partie comme une voleuse au petit matin. Un sac à dos technique et une valisette suffisaient largement pour les semaines qui l'attendaient, elle devait voyager léger. Elle avait fui la maison sans même jeter un oeil dans la chambre des petits ou sur son mari endormi - à ce dernier, elle dirait qu'elle l'aurait fait pour qu'on ne lui reproche pas d'être apathique. Elle fuyait vers un monde qu'elle comprenait mieux, mais surtout avec quelqu'un qui la comprenait parfaitement.

Le voyage, et l'aéroport en particulier était probablement le moment le plus agréable de ses missions. Déjà délestée des obligations familiales, elle n'avait pas encore les pieds dans la guerre, et pouvait partager cet entre-deux avec une collègue et amie dont la complicité dépassait l'entendement. Toute explosive de leurs deux caractères, leur relation était paradoxalement extrêmement paisible, bâtie sur une sororité sans faille qui les rendaient gardiennes l'une de la vie de l'autre, un sens de l'humour acerbe, et une réconciliation tacite qui n'avait pas même besoin qu'on la formule. Les deux femmes avaient trop vu la guerre pour qu'elle puisse s'immiscer entre elles.

"Tiens."

Maï-Lan avait sa tête des nuits courtes et Delphine l'observait d'un air plaisantin. Elle la trouvait belle, talentueuse et forte. Parfois jalousait-elle un peu son train de vie sans attaches ni enclumes. Sa vie de famille la rendait heureuse oui (ou du moins, l'avait rendue heureuse à un moment), mais elle regrettait parfois la femme qu'elle aurait pu être. Une femme qui découchait la veille d'un départ pour la mort. Elle empoigna les chewing-gums d'un sourire entendu.

"On est en avance, ça n'ouvre que dans une heure. Café ?"

Ca allait de soi ! Elles s'installèrent côte à côte un gobelet en carton à la main, la chaleur filtrant par le papier dans leurs paumes, et un fumet doucement tartré s'échappant vers leurs visages. Elles s'adonnèrent à leur activité préférée : observer la vie en déblatérant distraitement, comme deux vieilles dames qui jouent les commères et tirent des conclusions dont elles s'offusquent ou plaisantent. L'avantage était qu'à l'aéroport, le melting pot de langues permettait qu'elles ne soufrassent pas de risquer d'être entendues - ou plutôt, comprises.

"Et ton départ ? Il t'a encore pourrie ?"

Décidément, Maï-Lan lisait en elle aussi bien que le contraire. Delphine s'habilla de nonchalance, comme si la situation lui glissait dessus, mais toutes deux savaient que ce n'était pas le cas.

"Oh bah, c'est la routine ! Avant un départ je fais bien attention à penser à mon passeport et à ma prise de bec maritale !" Elle ria doucement avant de poursuivre. "J'aurais dû marier un journaliste, pas sûre que ça se serait mieux passé, mais on se serait trop rarement vus pour avoir le temps de se prendre le chou !" Oeillade camarade, puis le visage furetant. "Et toi alors ? Nuit agitée j'ai l'impression ?"


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Dim 20 Aoû - 1:21
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Maï-Lan Anderson
J'ai 32 ans, bientôt 33 et je vis à Paris. Dans la vie, je suis journaliste de guerre et je m'en sors avec passion. Je suis une solitaire dans l'âme, je le vis très bien avec moi-même...

...Et avec mes démons...Mon père est marocain et diplomate. Ma mère est française et universitaire. Il parait qu'une de ses ancêtres était une princesse japonaise, d'où mon prénom. Les quelques nourrices qui se sont succédées me connaissent mieux que mes parents. J'ai grandi dans une très grande et très belle maison dans un quartier très chic à Paris. Fille unique, ma mère m'a justifié cela un soir en proclamant haut et fort qu'elle n'était pas qu'une matrice et que mes envies d'avoir un petit frère ou une petite sœur révélaient un manque de maturité notoire.

Mon père m'a transmis l'envie de parler plusieurs langues. Il connait l'arabe bien sûr, le français, l'anglais, l'italien et se débrouille en japonais, inspiré par les origines ancestrales de son épouse.
Ma mère...Je ne sais pas ce qu'elle m'a transmis. J'imagine qu'elle m'aime à sa façon? De loin? L'avantage en conséquence est que j'en ai acquis le sens d'une liberté solide et rebelle. On me demande quelquefois si j'en ai souffert ou si je souffre aujourd'hui de son indifférence à mon égard? Eh bien non. C'est ainsi depuis toujours, où est le problème? Et puis, je crois que c'est plus subtile que cela, il s'agit plutôt d'un détachement, ça n'empêche pas d'aimer.

J'aime l'aventure autant que les aventures. Il y a pas mal de raisons qui expliquent le choix de mon job et tout autant qui racontent pourquoi ce sont les filles qui m'attirent et me fascinent. Je n'ai pas envie de me limiter à une relation unique et exclusive. Je m'y sens enfermée, cloîtrée.
Explorer, découvrir sans cesse, rencontrer sans limite...Je collectionne des histoires de toutes sortes, plus ou moins courtes, celles d'un soir, d'une vie qui durent quelques semaines...quelques mois...Je les savoure toutes.

Toutes... Exceptée l'Impossible. L'Inaccessible. L’Indicible.

Incandescence glacée

Me mêle et m'emmêle à l'intérieur d'autres corps pour l'oublier.



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Une routine qui rouillait, qui blessait, qui écorchait. Des mois et des mois, des années que Maï se la fermait, n'exprimant qu'une partie de ce qu'elle aurait pu lui dire et pour cause. Delphine s'était peu à peu confiée, par petites touches d'abord jusqu'à cette fameuse soirée où elle lui avait tout déballé sans pudeur, aidée par quelques verres qui avaient fait péter les frontières. De son côté, la métis lui avait partagé son homosexualité sans détour. Son aînée s'était exclamée : « Tu perds rien ! » Auquel cas elle avait répliqué que non elle n'y perdait rien, que même elle y gagnait, et patati et patata. Elles s'étaient lâchées sur le sujet pour finir en crise de fou rire, incapables le lendemain de se souvenir pourquoi.

Certains malheurs ne faisaient pas de bruit. Ce que vivait Delphine la dépassait, elle ne comprenait pas pourquoi au vingtième et unième siècle une femme acceptait de subir autant d'incompréhensions, de non dits, de soupirs, de disputes récurrentes, d'ennui, d'épuisement moral... Car hormis ses deux enfants et son boulot, qu'est-ce qui la faisait véritablement vibrer ? Qu'en était-il de ce  pétillement dans les yeux qui étoile tout ce qu'on voit ? Elle arrivait souvent au bureau le regard lointain ou préoccupé. Cela passait au bout de quelques minutes mais sa cadette percevait cet espèce de poids diffus qu'elle trimballait sans cesse. Pour résumer, Delphine n'était pas heureuse. Elle l'avait connue ainsi et ça lui fendait le cœur. Mais elle gardait cela enfermé à double tour à l'intérieur.

-Ou pas de mariage du tout, fin de l'histoire qui n'en est pas une et vive la liberté. Chacun chez soi c'est l'idéal je te jure. Tu n'imagines même pas le sentiment de liberté absolu quand tu pètes tranquille sans politesse obligée dans ton lit ou en regardant ta série favorite. Le calme, zen, la musique comme et quand tu veux, le bordel qui traîne qui ne dérange personne, la bouffe que tu fais pas, la porte des toilettes que tu laisses ouverte, te balader à poil si t'en as envie...Pfff, je pourrais te faire une liste longue comme le bras ! Ja-mais je n'aurai de fil à la pattes, ja-mais ! Et surtout pas de gosses, ça c'est le comble de l'aliénation !

Elle rit franchement, adorait provoquer son amie qui tentait parfois de lui vendre des aspects agréables de la vie à deux avec progéniture. Mais Maï-Lan la soupçonnait de tenter de se rassurer plutôt que de lui ouvrir l'esprit sur des possibilités qu'elle n'envisageait pas.

-Mmh ? Tu dis ça parce que tu trouves que j'ai une sale gueule ? Dis le moi franchement au lieu de jouer ta curieuse.

La mine ironiquement amusée, satisfaite de sa pirouette, elle sortit un miroir de poche de son sac, s'observa en faisant quelques mimiques puis sortit tout de go :

-Oui effectivement j'ai le teint pâle, ajouta t-elle avec dérision. Dis moi, on aura les traditionnels gilets pare balles ? Je dis ça c'est ridicule mais je ne sais pas pourquoi, je ne la sens pas cette mission. J'avais vraiment besoin de vacances sérieux. J'ai hâte qu'elle soit bouclée.

Elle soupira. Lui sourit derrière son gobelet. Une ultime gorgée.

-Tu en veux un autre ? Au fait, j'ai pris des clémentines pour l'avion.

Des banalités au milieu d'un essentiel mutique. Leurs regards se croisèrent. Une fois de trop. Comme d'habitude.
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Mer 23 Aoû - 10:54

Delphine
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J'ai 39 ans et je vis à Paris, France. Dans la vie, je suis journaliste et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma chance, je suis mariée et mère de deux enfants et je le vis plutôt comme je peux.

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Elles partagèrent l'hilarité de la diatribe de Maï-Lan. Elle n'avait pas tort et parfois Delphine ne voyait plus que ça : les chaînes qui l'enserraient. Elle se sentait égoïste compte tenu du temps qu'elle passait à l'étranger - et à vrai dire, elle aimait ses enfants, comme elle aimait son mari. C'était d'être cette mère de famille qui l'exécrait. C'était cette solitude languissante dans son estomac chaque fois qu'elle était dans la maison, alors que dans les faits, elle souffrait de n'être jamais, jamais seule. Cette sensation que sa vocation qui servait au monde entier était détournée par ... trois personnes. Et elle avait beau les affectionner fort, ces trois personnes ne compensaient pas ce qu'elles lui empêchaient d'investir à grande échelle.

"Mmh ? Tu dis ça parce que tu trouves que j'ai une sale gueule ? Dis le moi franchement au lieu de jouer ta curieuse."

Delphine se mit à rire. "T'as la gueule de quelqu'un qui a pas passé la nuit dans son lit, en tous cas ! J'ai pas dis que ça te réussissait pas ..." Un ton légèrement lascif et une œillade appuyée pour marquer le compliment. L'aînée ne flirtait pas, ou pas consciemment du moins, mais elle n'était pas dupe. Elle sentait parfois le désir en Maï-Lan, fugace, joueur, lorsque leurs regards duraient trop longtemps et qu'une fraction de seconde ses cils papillonnaient entre ses lèvres et ses yeux. Mais elle n'y prêtait pas attention - elle se figurait qu'elle la trouvait jolie, et voilà tout. Avant même d'apprendre qu'elle était de l'autre bord, elle avait senti cette passion sur elle sans trop d'incidence - après tout, il est courant, lorsque deux femmes sont très amies, que leur proximité leur donne des airs d'idylle. C'était doux et candide de jouer sur ce terrain et ça ne voulait - croyait-elle - rien dire. Evidemment elle tenait cette position parce qu'elle se pensait absolument hétérosexuelle et vouée à s'enfermer dans sa maternité. Elle n'avait aucune idée du désir et de l'amour qu'abritaient ces jeux qu'elle voulait sans conséquence et qui surtout n'ombrageaient pas la sororité puissante qui les réunissaient et outrepassait tout.

Maï-Lan lui fit part de ses inquiétudes et Delphine savait qu'elle avait un sixième sens pour ce genre de choses. Bien sûr, elle n'était pas sereine elle-même de se rendre dans un pays aussi instable et en plein soulèvement, mais elle n'était pas plus soucieuse qu'à l'habitude. Elle la couvrit d'un regard compatissant, et désormais plus inquiet lui aussi. Elle tenta de la rassurer. "On a pris toutes les précautions, y a pas de raison qu'on rentre pas de cette mission." Elles se sourirent, terminant leur café.

"Tu en veux un autre ? Au fait, j'ai pris des clémentines pour l'avion." Delphine s'attendrit, affectionnait particulièrement cette tendre prévenance chez sa partenaire sous bien des couches de caractère. "I'm good, merci." Elle prit sa main comme une collégienne et posa sa tête sur son épaule. A vivre l'une sur l'autre dans des camps ou des chambres d'hôtel minuscules, elles étaient devenues parfaitement à l'aise avec l'expression physique de leur affection. "Je ferais équipe avec toi rien que pour les p'tites attentions ! soupira-t-elle sur le ton de l'humour."

Elles allaient bientôt s'envoler.[/b]


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Sam 2 Sep - 11:18
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J'ai 32 ans, bientôt 33 et je vis à Paris. Dans la vie, je suis journaliste de guerre et je m'en sors avec passion. Je suis une solitaire dans l'âme, je le vis très bien avec moi-même...

...Et avec mes démons...Mon père est marocain et diplomate. Ma mère est française et universitaire. Il parait qu'une de ses ancêtres était une princesse japonaise, d'où mon prénom. Les quelques nourrices qui se sont succédées me connaissent mieux que mes parents. J'ai grandi dans une très grande et très belle maison dans un quartier très chic à Paris. Fille unique, ma mère m'a justifié cela un soir en proclamant haut et fort qu'elle n'était pas qu'une matrice et que mes envies d'avoir un petit frère ou une petite sœur révélaient un manque de maturité notoire.

Mon père m'a transmis l'envie de parler plusieurs langues. Il connait l'arabe bien sûr, le français, l'anglais, l'italien et se débrouille en japonais, inspiré par les origines ancestrales de son épouse.
Ma mère...Je ne sais pas ce qu'elle m'a transmis. J'imagine qu'elle m'aime à sa façon? De loin? L'avantage en conséquence est que j'en ai acquis le sens d'une liberté solide et rebelle. On me demande quelquefois si j'en ai souffert ou si je souffre aujourd'hui de son indifférence à mon égard? Eh bien non. C'est ainsi depuis toujours, où est le problème? Et puis, je crois que c'est plus subtile que cela, il s'agit plutôt d'un détachement, ça n'empêche pas d'aimer.

J'aime l'aventure autant que les aventures. Il y a pas mal de raisons qui expliquent le choix de mon job et tout autant qui racontent pourquoi ce sont les filles qui m'attirent et me fascinent. Je n'ai pas envie de me limiter à une relation unique et exclusive. Je m'y sens enfermée, cloîtrée.
Explorer, découvrir sans cesse, rencontrer sans limite...Je collectionne des histoires de toutes sortes, plus ou moins courtes, celles d'un soir, d'une vie qui durent quelques semaines...quelques mois...Je les savoure toutes.

Toutes... Exceptée l'Impossible. L'Inaccessible. L’Indicible.

Incandescence glacée

Me mêle et m'emmêle à l'intérieur d'autres corps pour l'oublier.



Avatar: Karrueche Tientrese Tran. Crédit image: Pinterest et ma pomme
... " J'ai pas dit que ça te réussissait pas …" Et de lui lancer un sourire minaud, noyer le poisson, point final. Elles n'étaient que deux filles parmi des milliers d'autres, suspendues dans l'immensité des destinations affichées et de celles, indécelables, de leurs mondes subtils. Assises côtes à côtes en attendant le signal de l'embarquement, Maï se laissa prendre la main, penchant légèrement la tête sur son amie à son tour. Elle souriait béatement, à la fois parce que Delphine ne pouvait s'en rendre compte et parce que c'était son grand jeu secret, une partie éphémère qui ne durait que quelques minutes tout au plus. Mais cette joie...Cette joie pure qui l'envahissait lorsque les voyageurs qui passaient ou bien ceux assis en face d'elles les croyaient ensemble. Elle remarquait les expressions fugitives sur les visages, jubilait, lâchait enfin son sentiment dans ses yeux crépitants soudain . Oui, on est ensemble ! On s'aime ! Ça se voit n'est-ce pas ? Une réalité parallèle s'installait le temps d'une poignée de respirations. Elle se sentait heureuse tout simplement. Tout simplement...

Le hublot renvoyait un noir d'altitude. Mais la métis y voyait plein de couleurs et de rires. Une vie à deux. Des heures douces. Une mèche de cheveux remise à sa place avec tendresse. Un murmure volé. Une surprise pour son anniversaire. Un café préparé sucré d'amour. Les effluves de l'invisible dans un quotidien partagé.  "Je ferais équipe avec toi rien que pour les p'tites attentions ! " « Combien t'en manque t'il ma mie ? Combien es tu aimée ? Si tu savais, si tu savais... »

Mais Delphine ne savait pas et ne saura jamais.

Il y eut l'atterrissage au petit matin, le taxi, l'hôtel, la prise de contact avec Ismaël.

-Les lits sont vraiment pourris.

De fait, les sommiers grinçaient, la peinture s'écaillait sur les murs, la fenêtre coinçait. Une mauvaise nuit banalement affligeante en perspective.

Ce n'était rien en regard de ce qui se passait plus loin.


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