Plus tu en découvres et plus tu es bouleversée par tout le mal qui en ressort. Ça ne fait qu'entretenir ta rage et la démultiplie à un point qu'il aurait du mal à imaginer, lui qui est si tranquille. Lui qui a appris à laisser ses émotions de côté. « Cleo, je n'ai pas le pouvoir de faire changer les choses. » Ses mots murmurés sont tellement fatalistes et peut-être que lui tout seul ne peut pas grand chose à tout ça mais il faut bien une personne pour amener au changement. Et si tout le monde pense ça alors clairement, la révolution n'aura jamais lieu. « Tu te trompes Theseus au Bellona. » Et il enchaîne sans te laisser le temps de poursuivre sur ta lancée, comme si il cherchait à te faire comprendre que ton combat et tes espoirs sont des utopies, difficilement réalisables et envisageables dans la dure réalité qu'est la vôtre. « Tu sais, nous avons des écoles pour apprendre, sauf que nous n'apprenons pas via des livres ou des enseignements, nous vivons nos apprentissage. Tu sais ce que dis le gouvernement ? Qu'il y a trois étapes à un règne : l'accession au pouvoir, l'âge d'or et le déchéance. Les dirigeants Ors préparent constamment la guerre pour éviter cette déchéance. Tu n'imagines même pas combien nous sommes prêts à être trahis, à gouverner, à se battre. Je manie moi-même un rasoir depuis l'âge de 5 ans. » Certes, tu étais bien loin de te douter de tout ce qu'ils devaient subir plus jeunes pour accéder à un tel titre mais loin de briser tes convictions, il ne fait que les renforcer. « Tu sais te battre dans ce cas, tu sais comment ils pensent, tu peux les détruire de l'intérieur. Tout ce qu'il te manque, c'est l'envie de te battre. Tu ne m'aurais pas sauvé si tu étais aussi indifférent que tu le laisses paraître. Je me trompe ? » Tu ne t'arrêteras pas d'espérer tant qu'il reste encore une chance de tout changer. Et même si ça devait échouer, tu garderais tes rêves et le poing en l'air pour montrer au monde que ta détermination est sans faille et parce que tu ne peux te résoudre à abandonner tout espoir. Tu ne pourrais pas vivre sans ça. Et lui, dans le fond, il doit en avoir aussi. Tout le monde en a. Mais visiblement, il préfère te fuir que de continuer cette conversation qui pourrait bien remettre en cause toutes ses croyances, son mode de fonctionnement. À ton tour de venir chambouler son univers. N'empêche que maintenant que tu es seule, tu regretterais presque de t'être autant enflammée, peut-être qu'il serait resté si tu avais pris la peine de l'apprivoiser. Mais merde ! Il a pas le droit de te laisser ici, à pourrir. C'est comme enfermer un oiseau dans une cage, le priver de sa liberté de voler, lui couper les ailes. Et lorsqu'il revient, c'est une furie qui l’accueille. Autant soulagée que révoltée de le voir revenir après un temps qui t'a paru beaucoup trop long, tu t'échoues au sol, lamentablement. « Non ! » Son cri te surprend et tu lèves les yeux vers lui. C'est la première fois que tu le vois réagir de la sorte, ton étonnement doit clairement se lire sur ton visage si expressif. Tu l'observes s'approcher de toi et se laisser glisser à tes côtés. « Non. » Il reprend plus calmement et tu ne peux le quitter du regard, intriguée et perdue par la véhémence qu'il a mis dans ce simple mot. « Cleo, je ne sais pas ce qui s'est passé dans cette maisonnette en bas, je ne sais pas pourquoi je n'ai pas pu te tuer, mais je sais, que si je retournais encore et encore, je ne pourrai pas te laisser perdre la vie. Il y a quelque chose en toi qui va bien au-delà de ce que je croyais comprendre et connaître. Je ne peux pas m'expliquer et ça doit te paraître confus, mais tu ne peux pas mourir. » Mais tu ne peux pas mourir. Ces mots résonnent dans ta tête comme une douce mélodie. Ton palpitant s'emballe, profondément touchée par ses paroles que tu ne t'attendais pas à entendre sortir d'entre ses lippes. « Cleo, je trouverai le moyen de te faire sortir, de te transformer. » Quoi ? Comment ça me transformer ? « Tu pourrais être une rose, une violette ou même une jaune. Je te donnerai de l'argent pour que tu vives ta vie, je ne t'enfermerai plus, mais là tout de suite, tu risques la mort et je ne peux pas me le permettre. Moi qui ne craint pas pour ma propre vie, j'ai peur de te voir mourir. » Tes lèvres s'entrouvrent mais aucun son ne s'en échappe. Tu ne t'attendais pas à ses révélations et elles sont loin de te laisser de marbre. Les larmes menacent de flouter ta vision, attendrie par ses mots d'une sincérité bouleversante. « Patiente quelques jours, attendons que ta colère soit calmée, je t'apprendrai à quoi ressemble le monde aujourd'hui, je te donnerai des livres, des cartes, tu en sauras plus qu'aucun rouge avant toi. » Cette fois-ci, les perles d'eau salée s'écrasent sur tes joues et tu viens te glisser entre ses deux jambes, prenant délicatement son visage entre tes mains. « Tu...tu ferais ça ? Pour moi ? » Tu bredouilles avant de le serrer contre toi, enfouissant ton visage dans le creux de son cou. « Et tu risques rien ? » C'est tellement étrange mais tu ne tiens pas à ce qu'il ait des ennuis. Il t'a sauvé la vie et il continue de le faire alors qu'il n'y est même pas obligé. Si lui n'est pas capable de voir la bonté dans son geste, toi tu la ressens clairement. Et elle te décontenance autant qu'elle te touche. Tu redresses la tête pour l'observer à nouveau. « Je..je veux pas que tu meurs non plus. Alors si tu me promets que c'est sans danger pour toi, j'accepte. » Tu te pinces les lèvres et une petite moue se dessine sur ton visage « Mais quand tu parles de me transformer, qu'est-ce que tu entends par-là.. ? » Le terme est loin de te rassurer et tu n'es pas sûre d'être capable de changer du tout au tout, tu es fière de qui tu es. Ton identité et tout ce qui fait ce que tu es, sont des choses extrêmement importantes à tes yeux. Pourtant, on dirait bien qu'il va falloir que tu fasses des compromis pour pouvoir survivre et mener à bien ton combat.

« Tu sais te battre dans ce cas, tu sais comment ils pensent, tu peux les détruire de l'intérieur. Tout ce qu'il te manque, c'est l'envie de te battre. Tu ne m'aurais pas sauvé si tu étais aussi indifférent que tu le laisses paraître. Je me trompe ? » Ses mots tombent toujours justes. Ils sont pile là où tu ne les attends pas, pile là où tu pensais éviter d'aller. Elle a senti et compris bien plus de choses que tu ne peux t'avouer. Elle a raison, tu n'avais jamais eu envie de te battre parce que tu ne connaissais aucun rouge, tu n'as jamais eu besoin de te chercher une motivation, le monde tel qu'il était coulait de source pour toi. Sauf que là tout est différent. Enfin, pas assez pour que tu aies envie de risquer ta vie, tu ne connais qu'elle et Cleo peut changer et se protéger. Tu t'en portes garant.

La fureur qui t'accueille à ton retour est tinté d'une urgence plus réelle. Tu n'avais pas conscience qu'elle pouvait décider de mourir ici, tu pensais naïvement qu'elle serait triste, pas suicidaire. Alors tu lui dis la vérité, les mots que tu as sur les lèvres depuis que son regard rouge braise t'a transporté. Il faut qu'elle reste en vie, maintenant que tu as trouvé ce vers quoi ton existence tant. La vie vaut maintenant la peine d'être vécue.

« Tu...tu ferais ça ? Pour moi ? » Son innocence est si belle. Elle est inconsciente du pouvoir qu'elle a sur toi. Cela ne fait que quelques heures et voilà qu'elle a chamboulé pour toujours ton existence. Tu es prêt à la laisser partir, à la laisser voler de ses propres ailes dans un monde cruel et atroce. Tu l'estimes assez pour la libérer. Son bonheur vaut largement plus que le tien et si elle n'est pas heureuse ici, alors tu ne feras rien d'autre. « Alors si tu me promets que c'est sans danger pour toi, j'accepte. » Et sa candeur te touche. Elle ne semble pas comprendre la nature de ton attachement envers elle, mais elle semble partager tes idées et cela te réchauffe le coeur. Tu as pourtant conscience qu'il ne lui reste que toi, c'est peut être un calcul de sa part, sauf que tu n'arrives pas à la voir comme ça. Cleo est une femme entière, pas une fine manipulatrice. Tu avales ta salive et apprécie la caresse de ses doigts sur ta peau. Elle a osé réduire la distance et s'approcher de toi. Son corps te brûle entre les doigts, elle n'a rien à voir avec une rose ou une or qui partagerait ton lit, elle a tout à voir avec les anges. « Ce sera sans danger, je brouillerai les pistes. » Tu mens, comme tu respires. Elle n'a pas le droit de s'inquiéter pour toi, elle ne peut pas refuser pour ton confort. Tu plonges tes yeux bleus dans son regard et le soutien. Elle doit te croire, elle doit se sauver. « Le plus important c'est d'agir vite avant qu'ils ne se rendent compte. » Tu te mords la lèvre, sont-ils déjà au courant où ont-il brûlé la maison et les corps comme tu le leur as demandé ? Tu as bien étudié après coup, ils aiment pendent les leurs pour montrer au reste de la population ce qu'il advient quand on agit mal, sauf que vous les aviez déjà tué. « Mais quand tu parles de me transformer, qu'est-ce que tu entends par-là.. ? » Sa phrase te coupe dans tes pensées. Tu te racles la gorge et attrape ses doigts entre les tiens, comme pour la retenir. « Tu ne peux pas rester une rouge. » prononces-tu avec douceur, en tenant ses mains. « Même si tu voulais rester une rouge du haut, il te faudrait changer ta couleur de cheveux, porter des lentilles et faire uniquement des tâches manuelles difficiles. Si tu changeais de couleur, c'est à dire de parties du corps. Une transformation c'est compliqué, mais tu résisterais, on choisira ensemble la couleur qui te correspondra le mieux, on étudiera, ça pourrait marcher. » ça doit marcher. Il ne lui explique pas la pyramide des couleurs ni leurs fonctions, elle doit les connaître, il espère juste qu'elle n'a pas imprimé dans son cerveau qu'il lui a proposé d'être une rose, parce qu'elle vaut cent fois mieux que ça et qu'il aurait trop peur pour elle.

Il est en train de se passer quelque chose entre vous, quelque chose que ni lui ni toi ne maîtrisiez. Quelque chose qui ne s'explique pas et qui se vit mais qui pourrait tout de même trouver des explications à ton comportement avec lui. Et pourquoi ses mots te bouleversent autant. Ton cœur serait-il en train de flancher pour l'Or aux yeux dorés, à la fois ton sauveur et ton kidnappeur ? Il se pourrait effectivement bien que se soit le cas. Naturellement et parce que tu es plutôt tactile, tu viens te blottir dans ses bras, cherchant à capter son regard pour t'assurer de la véracité de ses propos. Évidemment que tu ne remets pas en doute sa parole mais puisque tu n'es pas consciente de l'attirance que tu provoques chez lui, tu veux être certaine qu'il est sincère. Et ses iris finissent de te convaincre. Mais avant tout, tu veux exprimer ta gratitude par ces doux gestes. À par tes parents, personne ne s'était comporté de façon aussi altruiste envers toi et ça te fait tout bizarre. Même ton mari ne te considérait pas autant. Les mariages arrangés ne sont pas toujours un succès mais t'avais fini par t'attacher à lui, tu savais qu'à sa manière, il t'aimait. Mais Theseus, c'est différent, inattendu et terriblement fusionnel. Une rencontre qui bouleversera à tout jamais ton monde. « Ce sera sans danger, je brouillerai les pistes. » Qu'il t'assure alors que cette fois-ci, tu sens qu'il ne dis pas vrai. Et tu fronces les sourcils tandis que ses pupilles s'ancrent fermement dans les tiennes. « Le plus important, c'est d'agir vite avant qu'ils se rendent compte. » Et cette urgence d'un coup alors que lors de votre dernière rencontre, il ne paraissait pas s'inquiéter de cette possibilité. Qu'est-ce qui a changé ? Et dans le fond, tu sais qu'il a raison, que soit ils découvriront le pot-aux-roses lorsqu'ils se décideront à pendre les corps de ceux qui se sont rebellés et verront que le tien n'y figure pas comme il le devrait. Ou alors, ils les feront disparaître, étant donné que cette mission n'a pas été annoncée au public et risquerait de déchaîner les foules si ton peuple venait à avoir vent de cette exécution non-officielle. « Theseus... Ils ont tout intérêt à garder ça secret, alors si tu me disais plutôt la vérité, hm ? Ça va te mettre en danger, n'est-ce pas ? » La seule personne qui te reste à la surface et il souhaite déjà se sacrifier pour toi. Pas question. Il en a déjà assez fait. Et même si la colère revient à grands pas, bouillant en toi, tu tiens à savoir de quoi il parle. Tu n'en as pas fini avec lui, loin de là mais t'aimerais savoir ce qu'il a en tête. Tu n'es pas sûre de le suivre quant à cette « transformation » dont il parle et ses mains se glissent -subitement- dans les tiennes, ne faisant qu'accélérer ton rythme cardiaque. La douceur de ce contact t'arrache des frissons que tu ne peux cacher et ignorer. « Tu ne peux pas rester une rouge. » Le constat tombe, brutal et implacable. Mais c'est une réalité que tu as envisagé de considérer depuis qu'il a mentionné l'importance de passer inaperçue afin de survivre au sein de leur société. « Même si tu voulais rester une rouge du haut, il te faudrait changer de couleurs de cheveux, porter des lentilles et faire uniquement des tâches manuelles difficiles. Si tu changeais de couleur, c'est-à-dire de parties du corps. Une transformation, c'est compliqué, mais tu résisterais, on choisira ensemble la couleur qui te correspondra le mieux, on étudiera, ça pourrait marcher. » Tu l'observes, stupéfaite par l'ardeur qu'il met dans ses propos et que tu sens découler de lui. C'est un fait notable et rare que tu n'as pu apercevoir que toute à l'heure lorsqu'il s'est emporté quand tu l'as provoqué en parlant de te suicider. Et tout comme la réaction qu'il a eu à ce moment-là, tu ne t'attendais pas à celle qu'il a -également- maintenant. Tu lis presque du désespoir dans ses grands yeux dorés et ton cœur se tord douloureusement. Tu resserres tes doigts autour des siens puis tu te dégages de son étreinte pour te rapprocher un peu plus de lui, caressant son visage tendrement. « Hey, hey, hey, tout va bien. Et sache qu'il est hors de question que je te fasse courir le moindre risque. Je sais que t'es pas tout à fait franc avec moi alors ne compte pas sur moi pour cette histoire de transformation, je refuse. J'préfère encore rester ici, à tes côtés. » Tu poses ton front contre le sien et ton palpitant déraille, tu commences clairement à t'attacher au jeune homme à qui tu dois la vie. « J'veux pas me retrouver toute seule. J'veux qu'on reste ensemble. Je trouverai un moyen d'aider mon peuple mais en te prenant en compte dans l'équation. » C'était dit et t'espères qu'il respectera ta volonté parce que tu ne changeras pas d'avis. « Tu me voyais en Rose, donc ? » Une petite touche d'humour pour détendre l’atmosphère écrasante qui s'est abattu sur vous en quelques secondes. « Ta Rose ? » Tu le pousses dans ses retranchements, d'humeur taquine et aussi car tu souhaites changer de sujet. Pour toi il est clos et t'aimerais qu'il ne le remette pas sur le tapis. Tes lèvres frôlent les siennes, un air de défi se dessinant dans tes prunelles de braises. En réalité, tu te laisses surtout porter par l'instant et tu ignores totalement que de son côté, tu ne le laisses pas non plus de marbre.

« Ta Rose ? » Le temps s'arrête et tu ne peux plus réagir. Elle s'approche de toi, pose ses si délicates lèvres sur les tiennes, te rend fou de passion, un désir comme tu n'en avais jamais ressenti. Tu es tellement bien, que tu te rends compte que c'est ta place naturelle. Vous deviez finir à deux, à l'autre bout du monde, seuls et heureux. Elle ne peut plus se sacrifier, tu ne peux plus la laisser faire. Tu as besoin d'elle, mais elle ne doit pas avoir besoin de toi. Pourtant tu savoures le baiser, léger et profond à la fois. Quand elle s'écarte, tu rouvres les yeux que tu avais fermé sans y songer et tu la regardes avec force. Tu veux te souvenir de chaque détail de son être avec précision, parce que ce que tu vas lui dire ne risque pas de lui plaire. « Non Cleo. » Pourtant tu tiens toujours ses doigts entre tes mains. « C'est une chose que je m'inquiète pour toi, c'en est une autre que tu commences à t'attacher. » Tu la grondes un peu, dans le sens où tu as peur pour elle. « Tu ne dois pas avoir peur pour moi, ok, jamais. » Comment lui expliquer qu'il ne t'arrivera rien ? Que ce sera elle qui prendra tout ? Tu un or, de la famille Bellona en plus. Si quelqu'un apprenait l'histoire, Cleo serait tuée sur le champ et tout sera oublié au plus vite, la seule qui risque quoique ce soit dans cette histoire, c'est elle. Et ça te fait mal au coeur. « Moi, mon but c'est de te protéger toi. » Un sincère sourire s'étire sur ton visage et tu lèves tes doigts pour caresser son menton. tu remontes doucement vers ses joues et essuie une trace de larme. Elle est si délicate.

« Cleo, je suis franc avec toi, je ne risque rien et je ferai en sorte que tu sois heureuse. Tu ne resteras pas enfermée ici, je te le promets. » Instinctivement tu as envie de déposer un baiser sur son front, tu n'oses pourtant pas. Tu te contente de la regarder avec passion. Il y a trois minutes elle voulait aller se faire pendre, et voilà qu'elle jure qu'elle souhaite rester ici toujours ? Dans combien de secondes changera-t-elle d'avis ?  « Je ne veux pas que tu sois une rose, tu seras une rose à vie et les traitements fait aux roses... je ne pourrais pas. » Tu ne finis pas ta phrase, parce que tu n'as pas réellement peur que quelqu'un la veuille et te la prennes, c'est plutôt pour elle plus tard, si elle décide de te quitter, si elle se rend compte de qui tu es. Elle te voit comme un sauveur, elle te pense différent, mais tu es exactement comme tous les autres Ors de ton âge.

« Choisis une couleur et je me charge du reste, je t'en prie, je veux que tu sois saine et sauve aussi longtemps que la vie te permettra d'être vécue. » Actuellement les Ors vivent plusieurs centaines d'années, tandis que les bas-rouges atteignent rarement les 50 ans et jamais plus. Si elle vit en surface, elle pourra allonger sa durée de vie, mais il veut faire plus pour elle. Son objectif ? Vieillir avec elle, mais elle ne pourra jamais être une or. Un soupçon de tristesse s'installe dans ton coeur et tu comprends enfin l'injustice qu'elle essayait de te décrire. Avant elle, cela n'avait pas de sens et le fonctionnement de la société de paraît de plus en plus clair. Cloisonnés et séparés pour mieux annihiler.

Tu regrettes presque de ne pas l'avoir réellement embrassé parce que ce simple baiser a fait naître en toi de nouvelles sensations que tu n'avais jamais ressenti auparavant. Tes yeux se retrouvent happés par les siens si insistants, si envoûtants. Pourtant, tu captes dans son regard une lueur toute autre et tu sens déjà que tu ne vas pas aimer ce qui va franchir ses lippes. « Non Cleo. C'est une chose que je m'inquiète pour toi, c'en est une autre que tu commences à t'attacher. » T'as l'impression de te faire réprimander par ton père et tu une petite moue se peint sur ton visage, tes lèvres s'entrouvrant pour protester mais il reprend la parole. « Tu ne dois pas avoir peur pour moi, ok, jamais. » Tu te dégages de sa prise et pointe un doigt accusateur contre sa poitrine, sourcils froncés. « Tu dis ça comme si c'était simple ! Et de toute façon, je changerai pas d'avis Theseus, j'pensais avoir été claire ! » Le ton monte et la colère se rallume aussitôt, assombrissant tes prunelles. Il ne peut pas te demander ça. « Moi, mon but c'est de te protéger toi. » Son sourire te brise le cœur et ses caresses provoquent un raz-de-marée de frissons. Tu baisses la tête, ton indignation se transformant en peine. Parce que tu sais qu'il serait capable d'aller contre ton gré pour ce qu'il pense être bien pour toi. Et t'aurais beau crier que ça ne changerait rien. Et ce constat revêt un goût amer dans ta bouche. « Cleo, je suis franc avec toi. Je ne risque rien et je ferai en sorte que tu sois heureuse. Tu ne resteras pas enfermée ici, je te le promets. »  Tu sens ses iris t'observer intensément et ça te déstabilise. Tu secoues la tête, la gorge serrée. « Et si j'suis heureuse avec toi, hein ? Comment tu vas faire ? » Tu le fixes à nouveau, ton humeur changeant rapidement en sa présence. Il te chamboule et il ne s'en rend même pas compte ! « Je ne veux pas que tu sois une rose, tu serais une rose à vie et les traitements fait aux roses... je ne pourrai pas. » Tu l'écoutes sans l'interrompre, sentant que tu vas réellement exploser. « Choisis une couleur et je me charge du reste, je t'en prie, je veux que tu sois saine et sauve aussi longtemps que la vie te permettra d'être vécue. » Ça sonne comme des adieux. Les larmes menacent de briser le barrage de tes cils et tu te recules brusquement, bouleversée par ses propos. Alors quoi ? Tu te transformes et vous repartez chacun de votre côté ? De quel droit prend-il toutes les décisions à ta place ?! Tu commences à faire les cent pas, la rage se décuplant dans tout ton être. T'es en colère contre la société, contre ceux qui l'ont rendue ainsi et la gouvernent, contre lui, contre toi, contre tout. Et puis, petit à petit, c'est le chagrin qui s'insinue vicieusement en toi et te pétrifie sur place. Tes jambes deviennent trop faibles pour te supporter et tu t'écroules à terre, tes mains heurtant sans ménagement le sol. Tu t'es clairement attachée au jeune homme et ton cœur hurle à l'injustice. T'es sans dessus-dessous. Et ça paraît hallucinant de te mettre dans un tel état pour quelqu'un que tu viens tout juste de rencontrer mais c'est plus fort que toi. Tu ne contrôles pas les réactions de ton corps qui te ravagent toute entière. « Je veux rester avec toi... » C'est la seule personne que tu connais à la surface et en réalité, même si tu fais la fière, t'es terrifiée à l'intérieur. Ce nouveau monde qui s'offre à toi est tellement différent du tien qu'il t'effraie. « M'abandonne pas Theseus.. » Me laisse pas. Tes mots ne sont qu'un souffle déchirant, poignant.

« Et si j'suis heureuse avec toi, hein ? Comment tu vas faire ? » Le temps s'arrête un court instant et ton coeur  se réchauffe, se peut-elle qu'elle t'aime vraiment ? Tu lui offres une liberté nouvelle, une possibilité de vie, un retour et même une révolution et voilà qu'elle décline tout pour lui ? Tu as du mal à la croire, comment pourrait-elle aimer quelqu'un qu'elle ne connaît pas le moins du monde ? Un monstre comme tu peux l'être ? Il suffit peut être qu'elle rencontre ton père pour s'enfuir à tout jamais. Tu es prêt à prendre ce risque, tu ne peux pas l'enfermer dans ta vie sans qu'elle ne sache réellement tout ce qu'elle a à perdre. « Cleo, tu ne me connais pas, tu ne vois que le gentil or qui t'a sauvé la vie, mais que sais-tu de moi ? » Ta voix se brise, ton coeur se serre. Qui es-tu réellement ? A-t-elle réussi à franchir des limites invisibles et à pénétrer à l'intérieur de ton coeur ? Comprend-elle mieux que tout le monde qui tu es ? Ton père te juge faible et si tu n'étais qu'un homme plein de sentiments, de beaux sentiments d'amour qui plus est ?

« Je veux rester avec toi... M'abandonne pas Theseus.. » De ses mots tu entends ses larmes. Elles ne sont pas là, pas encore, mais elles vont venir. Tu commences à voir comment elle marche et par quels états elle passe avant de sourire à nouveau. Les émotions sont un langage si violent. Elles traversent son petit corps avec une force si soudaine que tu t'étonnes qu'elle soit encore debout après tout ça. « Aussi longtemps que tu voudras de moi. » murmure-t-il avec douceur en plongeant ses doigts sous son menton. Et les larmes ne sont pas si loin pour toi, toi qui n'a jamais pleuré, toi qui est bouleversé par son chagrin. Tu lui relèves la tête et avances ta bouche, tu veux goûter à ses lèvres à nouveau. Tu veux sentir cette chaleur unique qu'aucune rose ne pourra jamais te transmettre. Tu veux sentir le goût de son souffle, de ses larmes.

Tu la prends dans tes bras pour la serrer contre toi. « Cleo j'ai peur pour toi, comme je n'ai jamais eu peur de ma vie. Si tu restes une rouge, je ne dormirai plus la nuit, je monterai des stratagèmes, je ... pour moi, fais-le, si tu ne vois pas d'avantage pour toi. » Elle ne comprend pas ce qui te motive, mais elle ne comprend pas le monde qui vous entoure. L'endoctrination des rouges a bien réussi, elle est à des lieues de comprendre ce qui vous arriverait réellement si elle se faisait prendre. Et toi, qui n'avait pour but que de devenir un sang-égal, un bon père de famille dans une dizaine d'année et un guerrier... voilà que tu envisages une autre possibilité de vie, une vie plus simple, sans règles, uniquement avec elle. Comment a-t-elle pu te transformer en si peu de temps ? Comment sa pureté a-t-elle pu te toucher aussi violemment ?

« Cleo, tu ne me connais pas, tu ne vois que le gentil or qui t'a sauvé la vie, mais que sais-tu de moi ? » Tu sens le désarroi s'emparer de lui, comme si t'avais réussi à briser les barrières qui mènent à son cœur avec tes émotions que tu ne retiens pas et tes mots, à la fois durs et tendres. Un sourire doux étire tes lèvres et tu caresses son visage du bout des doigts. « Et alors ? N'importe quel Or ne se comporterait pas comme toi. Tu aurais pu me livrer mais tu ne l'as pas fait, ça montre une certaine bravoure. Tu es bon Theseus, peut-être un peu trop dans le monde dans lequel tu as grandi. Mais c'est pas un mal de ressentir des choses, ça fait partie de nous et toi, eh bien, tu as gardé ton humanité tout simplement. Je ne dis pas que tu es parfait mais tu es humain. La perfection ça existe pas de toute façon. » T'espères que tes paroles bienveillantes auront le don d'apaiser ses tourments parce que même si il n'a peut-être pas fait toujours les bons choix, ce geste et ce qu'il s'apprête à faire pour toi, ça en montre assez pour voir sa propre bienveillance. Et on dit souvent que ce sont nos actions qui nous définissent, pas nos mots. Et tu n'as pas besoin de connaître tout son passé pour être sûre qu'il vaut la peine d'être connu. Mais la colère puis le chagrin reprennent bien vite possession de ton être. Si tu acceptes la proposition de Theseus, vous serez forcément séparés et tu as peur de te retrouver seule dans un univers que tu ne connais pas. C'est la seule personne qui t'est familière ici et qui ne te trahira jamais, t'en es persuadée sans réellement savoir pourquoi ni comment. Les larmes commencent à s'agglutiner au barrage de tes cils et ta gorge se serre. Tu viens tout juste de le rencontrer, apprendre à le connaître un peu plus et il te faudrait maintenant le quitter. Si ce n'est pas une injustice, tu ne vois pas ce que ça peut être d'autre et tant que le système restera tel qu'il est, vous n'aurez aucune chance d'être ensemble finalement. Et ce constat te détruit. « Aussi longtemps que tu voudras de moi. » Tu entends subitement ses murmures et tu le sens s'approcher de toi, ton palpitant vibre férocement dans ta poitrine tandis que tu sens ses doigts sous ton menton, t'obligeant à relever la tête. Tu croises brièvement son regard brillant avant que ses lèvres ne s'écrasent contre les tiennes et que tes larmes se joignent à votre baiser aussi intense que déchirant. Tu tiens à lui faire comprendre à quel point tu t'es attachée à lui et que, par conséquent, il serait très peu probable que tu ne te lasses de sa présence. Pourtant tu le savoures comme si c'était le dernier et te blottie tout contre lui, enfouissant ton visage dans le creux de son cou, le souffle court. « Cleo j'ai peur pour toi, comme je n'ai jamais eu peur de ma vie. Si tu restes une rouge, je ne dormirai plus la nuit, je monterai des stratagèmes... pour moi, fais-le, si tu ne vois pas d'avantage pour toi. » Tu prends le temps de réfléchir, tiraillée entre ton désir de rester à ses côtés et celui de, simplement, garder ton identité. Tu aimerais que cette opération ne nécessite pas quelque chose de permanent, juste un déguisement mais tu te doutes bien qu'il en faudrait plus que ça pour les tromper. Malheureusement. Et dans le fond, tu es touchée de voir à quel point il se soucie de toi. C'est pourquoi, c'est d'autant plus dur de devoir prendre une décision qui ira contre sa volonté mais qui préserverait votre relation naissante qu'une décision qui vous obligera -plus ou moins- à garder vos distances et vous rendra, forcément, malheureux. « Très bien. Alors je veux être une Or. » Tu te redresses pour le regarder, plantant tes iris dans les siens. « Et avant que tu refuses, sache que t'en sais rien si c'est mortel ou pas. Ça se trouve, ils disent juste ça pour éviter ce genre de choses. Et puis, je suis coriace, l'oublie pas. » Tu as entendu vent que cette transformation, en particulier, était à haut risque. Souvent, elles ne réussissaient pas, apparemment. Mais ce ne sont que des rumeurs, pas des faits avérés ou en tout cas, tu n'as jamais vu les papiers qui le prouvent par a + b. « Et les autres le sont tout autant. Je pourrai très bien y rester pour n'importe laquelle alors pourquoi pas tenter le coup ? Ça vaut la peine d'essayer Theseus. » Tu cherches à le convaincre, sachant déjà pertinemment qu'il serait probablement contre. Et peut-être à juste titre. Mais t'es prête à tenter le tout pour le tout. Ça pourrait marcher et tu y crois sincèrement en réalité. Tes lippes se posent sur les siennes, une nouvelle fois pour l'amadouer un peu, certes, mais également parce que t'en as envie. T'aimerais que les choses soient plus simples et que la vie soit plus juste avec vous, qu'elle n'essaie pas de vous mettre tout le temps des bâtons dans les roues. C'est trop demandé visiblement mais c'est pas grave, t'es pas non plus du genre à abandonner facilement. Tu te persuades que tu pourras garder Theseus et lancer ta révolution sans savoir que d'autres gens sont aussi déterminés que toi à faire cesser toute cette mascarade et à sauver ton peuple. Et tous les opprimés.

Après ses paroles bienveillantes qui te déchirent malheureusement le coeur -comment peut-elle avoir autant d'empathie ? tu ne le mérites pas- vous vous embrassez et là, c'est le bonheur que tu touches des lèvres. C'est à la fois exaltant et profond, comme si tu ressentais enfin ton attachement à elle. Et tu comprends encore plus à quel point il est sincère, que tu ne te fais pas un devoir de l'aider, mais qu'il y a quelque chose en elle qui t'explose de l'intérieur. Elle est tellement vivante comparé à ton espèce de neutralité habituelle. Puis elle te lâche une nouvelle bombe, sans te laisser le temps d'apprécier cet instant de bonheur.

« Très bien. Alors je veux être une Or. » Tu rigoles avec douceur, puis devant son regard flamboyant tu comprends qu'elle est sérieuse. Tu n'as pas le temps de lâcher un "c'est non" catégorique qu'elle reprend. « Et avant que tu refuses, sache que t'en sais rien si c'est mortel ou pas. Ça se trouve, ils disent juste ça pour éviter ce genre de choses. Et puis, je suis coriace, l'oublie pas. » Tu n'arrives même plus à rire ni même à sourire. Tu es dépité, parce que tu sens combien elle va se battre, tu sais d'avance qu'elle va tout faire pour obtenir ce qu'elle veut et pourtant tu sais aussi que tu auras le dernier mot. Que se passera-t-il si, lorsqu'elle sera inconsciente, tu choisis pour elle sa couleur ? Elle va te haïr. Or tu ne peux pas, tu ne veux pas. « Et les autres le sont tout autant. Je pourrai très bien y rester pour n'importe laquelle alors pourquoi pas tenter le coup ? Ça vaut la peine d'essayer Theseus. » Tu hausses un sourcil. « Je n'ai JAMAIS entendu parler d'une telle opération, c'est impossible de devenir un Or Cleo, personne ne l'a jamais fait, et n'a jamais réussi. Tu crois bien qu'un coup d'état aurait été lancé et réussi si cela avait été le cas. Voyons. » Tu essaies de discuter avec elle, mais tu sais d'avance qu'elle n'acceptera aucun argument. Pourtant elle ne peut pas, elle doit oublier cette idée atroce. « Cleo, il te faudrait tout refaire en toi, ta taille devra être doublée, ça veut dire étirer chacun de tes muscles, chacune des pores de ta peau, chacune de tes veines. Outre le fait que ça demande une travail phénoménal et irréalisable, c'est une douleur intense qui t'attend. Et puis, non, c'est juste non. » Ta voix est soudainement devenue plus grave, plus fermée. « Si tu veux mourir, alors je te laisse là et je me barre. JAMAIS tu m'entends, jamais je ne participerai à ça. Je préfère encore t'endormir, te transformer en rose et que tu me haïsses, plutôt que ne serait-ce qu'imaginer...  » Tu t'arrêtes en pleine phrase, parce que tu aurais dit "ta mort" et que ça te fait mal. N'a-t-elle réellement conscience de rien ? Ou ignore-t-elle vraiment tous les dangers ?

« Ecoute, je ne peux plus t'entendre parler comme ça, soit tu choisis une couleur parmi celles que je t'ai proposé, soit je le fais, mais arrête de tourner autour s'il te plait. » Tu t'es rembrunit, un peu plus sec, mais ça te fait peur tout ça. Plus vous passez de temps ensemble, plus tu seras repéré et plus longtemps elle reste dans cette cabane, plus le risque de répression sera élevé. Non, décidément, elle n'a pas conscience de ce qu'elle risque, à moins qu'elle soit prête à tout perdre ?