Amara était en colère. Le genre de colère sourde et puissante qui se ressentait dans la moindre parcelle de son corps. Le genre de colère qui irradiait, prenait possession de son esprit et de ses pensées. Elle ne pensait qu’en boucle. Un disque rayé qui n’envoyait que les mêmes informations, encore et encore. Et qui les analysait aussi de la même manière. Encore et encore. Elle n’était pas réellement en colère que Bran décide d’envoyer sa fille voir sa grand-mère. Amara trouvait que Sierra avait sa place en haut des autres. Si Amara était en colère, c’était parce que Bran, non content d’envoyer sa fille avec Asil, le Maure, avait aussi envoyé son autre fils pour aller sauver les fesses poilus de son autre fils. Trop de Cornick. Beaucoup trop de Cornick qui amenait sa fille loin d’elle. Le Maure avait le même statut que les autres dans l’esprit de la rousse.

Alors elle était en colère. Elle pensait, à raison, que Bran mettait en danger sa fille. Elle n’en avait pas déjà assez du serpent ? Il fallait en plus qu’elle se retrouve soumise à la petite famille du Marrok ? Elle ne laisserait pas ça recommencer. Elle avait quatre enfants. Bran avait utilisé sa fille une fois de trop. Gretel et elle avaient peut-être une relation explosive, mais elle ne laisserait pas le chef de tous les loups, et elle disait cela avec une voix cynique, se permettre d’utiliser ses enfants. Jamais. Il était hors de question qu’elle laisse faire. Elle avait prit sa voiture et se trouva devant la maison du Marrok. Elle avait envoyé un message, simple et direct.

« J’ai besoin de vous parler, dans deux heures, chez vous ».

Elle n’avait pas été en retard. Elle avait prévenu à son travail qu’elle devait partir « tôt ». Tôt donnant une heure bien trop avancé dans l’après-midi. Cependant, personne n’avait l’habitude de voir le docteur Kwanita-Nahele partir aussi tôt. Dix-neuf heures pour être à vingt-et-une heure devant la maison du Marrok. Elle toqua à la porte. Elle savait ce qu’elle pensait. Elle savait les sentiments qu’elle avait vis-à-vis de l’idée qu’un homme, non choisi par les esprits, gouvernent les loups. Cependant, une partie d’elle, plus animal, avait une appréhension. Elle se mit à frotter ses mains. Elle allait faire comprendre à cet homme à ne pas toucher à ses enfants … Ou essayer… Ou lui demander pourquoi il était comme ça avec eux. Pourquoi les avoir autorisés à venir ? Pourquoi elle avait l’impression que quelque chose manquer ? Elle n’avait plus de pouvoir chamanique depuis quinze ans mais comme sa fille, elle faisait confiance à son instinct. Et son instinct lui disait d’écouter et d’attendre, de réfléchir, de prendre le temps. Et cela malgré le fait que son sentiment premier était de le secouer en l’obligeant à ne plus toucher à ses enfants. On lui avait dit que Hazel était heureuse avec Asil, mais elle n’appréciait pas ça. Elle n’appréciait pas les dominants. Elle devait s’écouter pourtant. Il le fallait. Elle toqua donc et se trouva devant Leah. Elle se figea. La blonde la regarde de haut avant de sortir en faisant claquer ses talons.

Elle était un instant bloqué sur la blonde, blanche, sexy, qui partait. Elle l’observait et elle se demandait ce que quiconque pouvait lui trouver. Elle réalisa la méchanceté de ses propos et se ravisa. Elle ne la connaissait pas. Le peu qu’elle connaissait été les rumeurs entendu. L’une d’elle étant que Bran l’avait choisi car il se savait incapable de l’aimer. Chouette raison pour devenir la compagne d’un loup. Elle reporta son attention sur la porte. Elle avait envie de grogner contre les murs pour se contenir. Elle n’aimait pas être louve. Elle repensait parfois à sa magie et celle-ci lui manquait. Elle poussa un soupir. Elle avança pour suivre le mouvement. Elle avait dû mal à supporter cette pression. L’idée qu’elle puisse ne plus être libre. Elle avait pris sa liberté en échange de son bannissement de chez elle. Elle avait accepté de se libérer de sa grand-mère, par amour. Elle avait accepté de se retrouver ici, enfermer dans un mode de vie sédentaire, par amour. Elle devait protéger sa famille.

Elle le suivit et observa. Il l’enferma avec elle. Elle l’observait encore. Elle ne le défiait pas. Sa louve était fasciné par lui, en même temps de le craindre. Elle, elle avait plein de questions que l’homme ne semblait pas vouloir répondre tout de suite. Pourquoi ? Comment ? Quand ? Hein ? Elle le suivait du regard. Elle jaugeait ses gestes. Elle voulait avoir ses réponses sans avoir à les poser. Elle le défie à peine des yeux quand l’homme finit par lui dire de parler.

- Je n’apprécie pas, siffla-t-elle bien malgré elle, que vous utilisiez mes enfants comme vous utilisez votre fils.

Elle sentait sa louve se réveiller. Elle pouvait sentir l’envie de hurler, de cracher, de … N’importe quoi, elle voulait que le jeune homme, pas si jeune mais son apparence faisait parfois oublié l’âge de l’homme, comprenne qu’elle était très sérieuse. Elle était peut-être moins dominante, elle n’avait pas l’aval de elle-ne-sait-pas-combien-de-loup, mais elle était une mère de la pointe de ses cheveux à ses ongles. Elle se calma.

- Hazel est déjà soumis à des … contraintes extérieurs et plus qu’imposante. Je refuse qu’elle, ou mes trois autres enfants, se retrouvent mêlés à des … … dangers. Pourrions-nous ajouter cela dans notre … contrat ?

Lui, loin de ses enfants. Bran ne mérite pas ses enfants. Gahel était une chamane, elle ne serait pas utilisé par le loup. Gretel était une dominante, et Amara avait beau se retrouver en confrontation avec elle, elle refusait que sa fille puisse être utilisé par … par quiconque. Même par sa grand-mère, bien qu’elle l’aime encore un peu.

- Je veux protéger mes enfants, ajouta-t-elle plus bas pour rappeler doucement à l’homme qu’elle ne le défier pas, vraiment, sur le terrain lycan mais bien sur celui des parents.

- Notre accord stipulait que nous vous aiderons, pas que vous envoyez ma fille dans…, elle se calme, se recule, ne préfère même pas regarder le Marrok.

Non parce qu’il était dominant, elle le savait mais ne l’acceptait pas forcément, mais plus parce qu’elle aurait peur de vouloir lui donner des petits tapes derrière la tête pour lui reconnecté les deux neurones en place. Il avait envoyé SA fille, sans lui dire en plus preuve qu’il n’avait pas réellement le cul propre comme on dit, voir sa grand-mère qui la déteste. Avec trois loups dont elle ne fait pas du tout confiance et qu’il pensait dangereux pour sa famille jusqu’à récemment. Elle se demandait bien comment lui expliquer que c’était un abruti, sans utiliser les mots qui fâchent. Elle avait le droit de juger le Marrok sur sa manière de gérer SES enfants. Parce que SES enfants étaient au moins heureux, tous en vie et pas utiliser comme des putains d’armes. Elle respira plusieurs fois, contenant la rage de mère louve qui hurler en elle. Elle détestait être louve. Elle détestait encore plus devoir subir les dires de l’hypocrite devant elle. Une fois que sa famille sera en place, protégé, elle … elle avait envie de dire qu’elle se casserait, mais elle ne sait même pas si elle le pourrait. Et elle déteste ne pas savoir. Elle déteste cet homme, cette situation, elle déteste être veuve et devoir éviter de pleurer son amour parce que ses enfants pourront le ressentir. Elle respire encore plusieurs fois, reprends le contrôle. Elle l’écoute et lâche un rire étouffé.

- Le maure, cracha-t-elle malgré elle, le même Maure que vous nous avez interdit d’approcher car trop dangereux et instable selon vous. Cela me rassure, tiens. Et envoyer pour chercher un autre loup devenu fou par des esprits. Je suis tout à fait rassure, vous avez raison.

Elle pinçait ses lèvres, elle essayait vraiment de ne pas exploser. Parce que sa fille était parti, là-bas. Bran, le grand manitou, pourrait sentir qu’au-delà de la colère, il y avait une peur sincère et profonde pour sa fille. Une peur qui lui faisait oublier tout le reste, jusqu’au fait qu’elle était là parce qu’elle lui avait demandé un service. Elle respire doucement encore, elle essaie de respirer. Elle avait eu vent de la relation entre le Maure et sa fille. Elle l’avait vu aussi, fugacement. Mais elle n’arrivait pas à enlever le poids sur sa poitrine… Alors, d’un coup, elle relâcha la pression et elle posa des yeux bien plus compatissants et tristesse vers l’homme qui lui faisait face.

- Votre vie doit être bien triste. Je suis réellement désolée de ce que vous pensez devoir donner aux autres.

Elle pensait toujours que l’homme n’avait pas sa place au-dessus de tout. Elle pensait toujours que le Marrok était un être qui ne devrait pas exister… mais une personne avait pris ce travail. Ce stupide travail. Et … Elle trouvait cela triste que toute sa vie se régisse selon cette mission qu’il s’est imposé. Quel âge avait-il ? Depuis combien de temps n’avait-il pas simplement était un père ? Un père et rien d’autres ? Un père et pas un Marrok ? Elle se le demandait vraiment.

- Je …, elle réfléchit.

Aurait-elle réussit à faire ce que sa fille pouvait faire ? Non. Est-ce que ça change quoi que ce soit à la sensation de l’avoir abandonné, et laisser dans la douleur et la souffrance ? Non plus. Parce qu’elle était une mère. Que sa fille soit, dans son âme, plus vieille qu’elle, qu’elle soit plus forte, plus dominante, ou plus puissante, elle s’en fiche, Amara. Ce sont ses enfants. Que Gretel soit plus dominante qu’elle la dérange quand elles ont un conflits, mais ça sous entends aussi que sa fille se  mettrait en danger « pour elle », pour la protéger. Que Gahel soit une meilleure chamane qu’elle la dérange parce qu’elle ne pourrait pas la protéger. Pour Hazel, c’est pareil. Elle était touché par les esprits, et le serpent voulait d’elle … mais ça mettait sa fille en danger, ça la mettait en première ligne. Et elle détestait l’idée que sa fille soit en danger.

- J’aurais préféré prendre sa place, oui.

Mais elle ne l’aurait pas pu si on voulait que la mission soit efficace. C’était sa fille. Sa fille qu’elle avait nourrie, vue grandir. Sa fille est une des prunelles de ses yeux. Ses enfants étaient la raison de sa survie, de son bonheur … et elle n’arrivait pas à concevoir qu’elle puisse les laisser en danger. Bien qu’elle croit en la puissance de sa mère, elle sait aussi ses défauts, elle sait ce qu’elle était prête à faire pour le bien du peuple dont elle a la garde … et ça ne ferait plaisir à personne. Amara, qui n’avait vu Asil avait sa fille qu’une fois, écouta les paroles de l’homme.

- Et oui, cela me déplait, souffla-t-elle plus désabusé qu’en colère, je n’ai, pour le moment, vue aucune preuve de ce que vous avancez pour le Maure et je ne compte pas le croire aussi simplement !

Le Maure. Il y avait combien de loup disponible dans le monde ? Tellement ! Une quantité infinie. Et pourtant sa fille qui ne voulait plus de compagnon depuis l’autre avait trouvé un compagnon parmi les plus dangereux. Elle avait entendu tellement de chose sur l’homme qu’elle en eu un frisson d’effroi. Si on blesse ses bébés, dominant ou pas, marrok ou pas, elle se vengerait. Amara était mère avant tout. Ses enfants étaient ce qui avait de plus précieux. Risquerait-elle sa vie pour éviter que ses enfants risquent la sienne ? Oui. Sans le moindre doute. Et elle ne peut que juger que le Marrok était un homme mauvais, et surtout un mauvais père, pour penser ainsi. Elle se souvient de l’histoire qu’on lui avait soufflé, une rumeur qui disait que le Marrok avait été manipulé par sa mère pour être une arme. En quoi est-ce différent de ce qu’il fait maintenant ? Il manipule par les sentiments au lieu de la peur, mais c’était la même chose.

- Cessez d’être le Marrok alors, et devenez un père. Parce que sachez qu’en tant que parent, je pourrais brûler le monde pour protéger mes enfants, tout comme vous l’avez dit pour le Maure.

Elle n’hésiterait jamais. Pour aucun d’eux. Elle tricherait, mentirait, jouerait avec les sentiments pour protéger ses enfants. Elle ne sait pas l’ironie de cette phrase. Elle ne doute pas que demander au Marrok d’être un père était vraiment une ironie dramatique. Elle n’a jamais eu de père à proprement parler. Elle ne savait pas grand-chose en tout cas. Mais ce qu’elle sait, c’est qu’elle n’était ni sa mère, ni sa grand-mère, et que pour elle, avant d’être louve, avant d’être chamane ou anciennement chamane, avant d’être une femme, elle était mère. Elle lança un regard désolé et triste mais où couve la détermination. Elle était désolée pour lui. Qu’il soit ainsi devenu qu’un monstre pour sa propre famille. Elle était triste qu’il ne ressente pas le besoin de sauver ses fils avant tous les autres. Parce que c’était sain. Qui voulait sauver le monde quand on sait que violeur, tueur, et autres salopards trainent leurs carcasses ? Qui voudrait sauver le monde alors que son enfant risque la mort ? Elle était triste pour lui. Elle avait même envie, d’en un élan que sa louve lui dicte malgré elle, de le prendre dans ses bras pour lui faire ressentir plus fortement ce qu’il devrait ressentir. Parce qu’il le fallait. Pour le bien de l’humanité, un homme n’avait pas à être à la tête des loups. Surtout pas un homme qui a oublié comment marche la famille.

Bon Dieu… Ce qu’il l’agace… PRODIGIEUSEMENT. Il savait très bien la réponse à la seconde question. Elle ne pourrait pas. Mais ça ne change rien à sa peur, son appréhension et au fait qu’elle déteste ne pas pouvoir elle-même s’occuper de sa grand-père. Bran n’avait-il dont un quotient émotionnel dans toute la dominance superflu qui émane de lui ? Elle avait beau se sentir intimité, dominé, par lui, elle ne pouvait s’empêcher de penser « je suis un meilleur parent ». Elle n’arrivait pas à s’enlever de la tête que Bran avait oublié comment être un membre d’une famille… Alors que la famille était la chose la plus importante du monde.

- Je m’en prendrais à lui, affirma-t-elle, en tant que mère.

Si Bran n’arrivait pas à comprendre ce que risque le Maure, d’elle, elle n’y peut rien. Elle n’y peut rien. Elle sera obligée de réagir comme une mère. Elle était une louve. Elle était une ancienne chamade. Mais elle était une mère. Et elle réagirait comme une mère. Un Marrok incapable d’être un père au milieu de l’Histoire ou pas. Elle se fige, l’écoute, se tend, sent sa colère tournoyer en elle. Se sent intimidé. Retient son regard autant qu’elle le peu avant de se forcer à calmer sa colère et de regarder ailleurs.

- C’est vous qui n’arrivez pas à être les deux, dit-elle avant de se reculer, et je crois toujours qu’aucun homme ne doit se croire au-dessus des esprits.

Elle ne lui souhaita pas une bonne journée. Elle souhaitait qu’il ait le nez qui coule et atchoum au point d’avoir des chatouillements de ses poils dans son nez. Ouais. Adulte et mature. Elle n’avait aucune envie d’apprécier ou d’accepter les « bienfaits » de l’existence du Marrok. Elle rentre chez elle. En colère. Agacée. Elle laisse ses affaires et … Merde. Gretel. La colère d’Amara était palpable, elle bouillonnait en elle… et elle avait beaucoup de mal à ne pas puer la colère … et elle sait … ELLE SAIT … que sa fille sera d’accord avec l’autre abruti. Pas pour toute cette histoire de famille, mais pour laisser Hazel. Mais elle ne peut pas faire autrement Amara. Elle ne peut pas. Elle ne veut pas perdre une autre personne qu’elle aime. Elle ne le peut pas. Elle n’y survivra pas.

- Gretel. Tout va bien ?

Sa louve, sous sa peau, bouge. Elle en a marre de devoir se taire. Elle est resté silencieuse, trop silencieuse, beaucoup trop silencieuse face à l’abruti de service … mais sa louve voulait se battre, elle voulait montrer qu’elle n’était pas faible. Elle voulait… Elle laisse ses affaires dans l’entrée et va dans la cuisine. Elle a besoin de boire un thé. Tout de suite. Pour se calmer les nerfs.