Le Temps d'un RP
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LE TEMPS D'UN RP

Au-delà des mirages, le monde est nôtre [ ft Frida K.]

Lobscure
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Lobscure
Sam 06 Avr 2024, 16:49
Le contexte du RP
Mise en situation

La situation

Au-delà des mirages, le monde est nôtre [ ft Frida K.] 870x489_054_fart42802

Au cœur de l'Empire romain, alors que les légions étendent leur influence sur les terres lointaines, deux destins s'entrelacent dans un monde de conflits et de bouleversements.

Elda, fille privilégiée d'un haut général de guerre romain, évolue dans l'opulence de la capitale impériale. Seule femme d'une lignée prestigieuse, elle est destinée à vivre dans l’ombre des siens. Elle aspire à une destiné qui transcende sa condition, quitte à la forger de ses mains.

D'un autre côté, Ulter, un jeune homme issu d'une tribu germaine, est arraché à sa terre natale lors d'une incursion militaire romaine. Capturé en tant qu'otage, il est contraint à vivre dans la villa de la famille d'Elda, loin des siens et de tout ce qui lui est cher.

Leur destin se trouve désormais intimement lié, à une époque où les tensions entre les peuples de l'Empire et les tribus barbares sont à leur paroxysme.




Le dernier acte est sanglant


quelque belle que soit la comédie en tout le reste: on jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais.
- B.P.

KoalaVolant
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Frida K.
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Tournesol
Frida K.
Dim 07 Avr 2024, 11:36

Ulter
J'ai 19 ans et je viens de Germanie, mais suis déplacé à Rome. Je suis cavalier & homme de savoir dans ma tribu, cependant me voici désormais otage de l'Empire. Du reste, en raison de ce que les chefs appellent "don" des Dieux, j'ai la "mémoire absolue" et je vis la chose de façon très inégale selon les moments.

RP avec @Lobscure
An 476, février.

Jamais Ulter n’avait voyagé aussi longuement ni aussi loin de ses terres natales. Presque deux semaines de partance allaient très bientôt trouver leur terme avec l’entrée dans Rome. Il ne connaissait de la Cité Éternelle que ce que quelques voyageurs ou récits lui en avaient appris ; aussi fut-ce pour le jeune Germain un étonnant moment que celui qui l’aspira au milieu de toutes ces constructions. Savoir en théorie était une chose ; expérimenter en était une autre.
Secousses du véhicule. Cahots de ces cascades de pavés sous son assise. Claquement des sabots. L’appréhension commençait à croître entre ses côtes. Il essaya tant bien que mal d’ignorer la lourde présence de deux vigiles, pesants de leur silence, à ses côtés entre ces quatre murs ambulants. Il passa donc un regard discret par la fenêtre, mais ce ne fut que pour se sentir encore plus ceinturé, par des murs plus hauts encore.

Imposantes insulae. D’innombrables édifices qui jalonnaient pêle-mêle une route serpentine que n’épargnaient ni les flaques, ni la boue, ni les passages intempestifs d’un flot permanent de piétons. Sur les trottoirs : des crieurs, des marchands, des prostituées, des mendiants tendant pour un don leur modeste coupelle.
Toute cette agitation… Ulter la sentait déjà se graver dans sa tête. Avec une redoutable précision. Tant de détails, dans mots entremêlés, tant d’odeurs : presque trop déjà entre les étaux de son crâne, surtout quand au même moment s’y superposait la masse de ses souvenirs si nombreux, si détaillés. Au point que s’en abolît parfois, dans sa mémoire, la frontière entre moment présent et moments passés.
Il se rappelait, en contraste avec l’effervescence de Rome, les atmosphères de cette Germanie qu’il ne reverrait pas de si tôt. Cet air si frais qui fouettait le visage lors des chevauchées, et dont il prenait de grandes bolées. La grandeur des espaces, la profondeur des bois qui refermaient sur lui leurs bras de branches lorsqu’il y galopait. La forêt, comme un immense poumon, vibrante de murmures et d’esprits. Et puis il y avait les quelques maisonnettes de sa tribu, les stèles à leurs dieux et à leurs défunts…

Une secousse soudaine le ramena à lui et au présent. Arrêt du véhicule. Il n’était plus question maintenant de rues crasseuses et gueulardes, mais de beaux quartiers. Le Germain voyait une ample domus qu’annonçaient des colonnades à la blancheur éclatante. Assurément, sa destination. L’otage avait entendu le nom du dignitaire chez qui il serait logé : Flavius Marcius Sacerdos.
Pendant ce temps, quatre autres de sa tribu étaient eux aussi envoyés vers d’autres nobles familles de Rome. L’Empire prenait toujours plusieurs otages, pour les disséminer à travers la Cité. Ulter entreprit de se rassurer : un otage était comme un hôte, disaient les lois diplomatiques. On les traitait bien. On les initiait à la romanité. Ce dernier point le fit froncer les sourcils, mais soit : il prit le parti de voir le côté positif de la chose. Curieux, il allait se cultiver plus encore sur l’Empire. Et avec un peu de chance on ne le verrait pas que comme un âpre sauvage.
Assurément, Ulter se savait déjà ce devoir à accomplir : faire honneur aux siens par ce qu’il serait, au travers de son attitude, de ses mots. Néanmoins, il ne pouvait que redouter tout ce qui relevait du non-dit dans cette situation. Ce n’était pas un hasard si Rome avait réclamé des otages. Les tensions étaient bien là. Comment pouvait-il en aller autrement ! Les tribus de Germanie avaient déjà dû se plier à des dons de ressources, à des ponctions de cavaliers… Et si Rome faisait tout pour les pousser au soulèvement et ainsi justifier la guerre ? Encore une.

Le Germain en était là de ses réflexions, quand cela remua autour du véhicule. On prévenait les maîtres. On s’occupait des chevaux. Quelques paroles s’échangeaient entre les esclaves portiers de la domus et les gardes qui s’étaient assurés de la bonne tenue du voyage.
Dans un geste trompeur de son anxiété, Ulter resserra sa fourrure à ses épaules. Son regard resta un instant à errer sur le brillant cuivré d’un de ses bracelets, un torque en forme de serpent ; puis croisa la petite amulette Arbre-Monde à son cou. Il se sentit en position bien périlleuse sur une nouvelle branche de cette immensité.
Lobscure
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Lobscure
Dim 07 Avr 2024, 19:17

Elda Tullia
Sacerdos

J'ai 17 ans et je vis à Rome. Dans la vie, je suis la fille d’un haut général de guerre et je le vis au gré de ses aspirations. Sinon, en raison de mon statut je suis l’objet de désir de tous les patriciens en quête d’union, mais grâce à mes machinations je parviens à échapper cette destinée médiocre que m’impose ma condition.


(♪) Chanson thème - Elda

Elda incarne une force tranquille, un contraste saisissant entre l'innocence qui nimbe son visage et la tempête qui gronde en son sein. Elle porte sur ses épaules le poids de la colère et de la jalousie qui la dévorent, une flamme ardente dissimulée derrière un masque de douceur, mais ce qu’elle dégage n’est que froideur.

Rose négligée qui n’aspire qu’à s’élever, elle est pourtant éclipsée par l'éclat du soleil fraternel. Mais sous le masque de l'Apollon altier, ce héros de pacotille ivre de faux exploits dans l'arène, Elda sait discerner la marionnette des jeux politiques familiaux. Elle aspire secrètement à une destinée qui lui appartient. Son esprit vif et acéré, arborant les reflets d’une intelligence rare, se nourrit de ses ambitions insatiables.




Les étals exhalaient des fragrances enivrantes et attiraient l'œil avec la vivacité des couleurs de leurs soies exposées. Percevant la présence aristocratique parmi leur clientèle, les marchands s'efforçaient d'attirer l'attention de la jeune femme en exhibant avec fierté la qualité de leurs articles du bout de leur bras. Mais Elda n’était pas là pour leurs marchandises. Le pas tranquille, mais pressé et accompagné par sa fidèle servante qu’elle avait intimée du secret de leur présence en ces lieux, elles serpentaient la foule, remontant la rue principale pour gagner celle des bas quartiers. Un voile de discrétion reposant sur son cuir chevelu, elle pénétra un bâtiment qui abritait un bon nombre de citoyens de la plèbe. Là, à quelques étages plus haut, une porte s’ouvrit à elle révélant la présence d'une matrone aux traits syriens. Tendant vers Elda une main fripée, elle attendit que les quelques pièces promises tombent dans sa paume avant de lui présenter une fiole contenant un liquide doré.
— Lorsque toi consommeras, assure-toi être seule, pour heures qui suivent. Ici... » fit la sage-femme en posant une main sur le bas ventre de la jeune femme. « provoquera grande douleur, mais libérera embryon. »
— Pourquoi ne pas vous charger du rituel vous-même ? N'êtes-vous pas sage-femme ? » osa demander la servante d'Elda, son regard empreint d'inquiétude. Le regard de la Syrienne se couvrit d’un voile de terreur alors qu’elle semblait prête à leur fermer la porte au nez.
— Si elle, mourir dans ma demeure, moi mourir dans place publique. » murmura-t-elle d'une voix chargée d'appréhension.
Le regard de la servante d’Elda darda de remontrance, comprenant à ces paroles que le contenu de la fiole n’était pas sans risque pour sa maitresse. Le remarquant, Elda posa une main se voulant rassurante sur son bras.
— Ça ira Fabia, ne t’inquiète pas. Merci. » dit-elle à la syrienne avant de voir celle-ci disparaître derrière la porte. Puis, dissimulant la fiole dans les plis de ses vêtements, elle se tourna vers sa servante. « Retournons aux étals, je ne peux pas retourner à la villa les mains vides. »
— Bien dame Elda. » acquiesça respectueusement Fabia.

Elda était l’archétype du fantasme masculin dès que la puberté l’eue frappée. On lui prêtait des ressemblances avec Vénus. La douceur sur son visage laissant présumer une vertu sans égal, aura causé bien des émois sur son sillage. Dès son enfance, elle avait saisi avec une acuité déconcertante les portes qu'un seul de ses sourires pouvait ouvrir, ainsi que l'art subtil de manipuler son entourage. Parfois des portes qu’elle aurait préféré laisser fermer… Notamment avec son frère jumeau dont la semence avait fini par prendre racine dans le creux de son ventre. Dès lors qu’elle avait réalisé que ce n’était pas un don, mais une malédiction des dieux, Elda avait cessé toute expression de joie démesurée sur son visage. Une beauté sans sourire était comme un soleil sans chaleur. Elle s’évitait ainsi d’attirer plus que de mesure par sa lumière. Et refusant de salir le nom qu’elle portait, même si le viol était chose qu’elle aurai pu dénoncer en ces temps glorieux de l’Empire, elle avait préféré prendre les dispositions nécessaires pour éviter de ternir sa réputation. Elle était une Sacerdos. Fille unique d’une longue lignée d’hommes aux noms cristallisée dans le firmament. Issue d'une famille aisée, Elda n'adoptait pourtant pas les comportements stéréotypés de la richesse. Elle était modeste, brave, la tête sur les épaules, un esprit saillant par-dessus tout, qui faisait d'elle une figure hors du commun et fort appréciée. Mais de ce temps, c’était surtout de son corps dont il était chaque fois question. Comme toutes les jeunes Romaines de son âge, elle était confrontée précocement aux affres de la séduction. Dès l'âge de douze ans, Elda était courtisée, faisant face à un destin matrimonial inévitable. Heureusement, l'amour paternel et ses machinations lui offrirent un répit. Leur entente lui permettait de repousser cette obligation tant qu'elle parvenait à trouver parmi ses prétendants, chaussure à son pied avant ses dix-huit ans.

Le retour à la villa s’était fait à pied et sans encombre. À son arrivée dans la cour, elle remarqua là la présence d’un véhicule et réalisant que des invités se trouvaient peut-être en sa demeure, elle passa la fiole abortive à sa servante qui comprit immédiatement la tâche qu’elle lui confiait. Fabia la glissa dans un pan de sa tunique avant de regagner la chambre de sa maîtresse d’un pas rapide, qui quant à elle s’aventura dans la demeure à la recherche de son père. Elle le trouva dans le salon en compagnie d’un homme aux allures barbares qui trahissait ses origines. Curieuse, elle s’avança tranquillement, ne cherchant pas à interrompre, mais à annoncer sa présence. Son père la vit et la couvrit d’un sourire tendre, levant un bras en sa direction.
— Elda, ma fille, mon joyau et celui de Rome. » fit-il en la présentant fièrement.
Elle le rejoignit humblement, découvrant face à elle le nouveau venu, certainement pas un nouvel esclave à la façon dont il était traité et habillé. Sa chevelure flamboyante rivalisait en longueur avec la sienne, et ses yeux clairs étaient aussi limpides qu'un lac gelé en hiver. Observant ses atours, elle en déduisit qu'il devait être germain. Elle releva enfin les yeux dans les siens après avoir rassasié sa curiosité. C'était la première fois qu’elle en voyait un de ses yeux. Elle inclina respectueusement la tête en signe de salutation, ne trouvant pas nécessaire d’employer la parole pour se faire. « Elle s’occupera de te faire l’apprentissage de nos coutumes et améliorer ton latin même s’il me paraît tout à fait convenable. » Elda qui n’avait pas été consultée à ce sujet, se retenu de glisser un regard interloqué vers son père. Cependant, quelqu'un d'autre y trouva à y redire.
— Vous mettriez votre fille unique au contact d’un sauvage ? Avez-vous perdu la tête père ? » Le jeune homme qui avait prononcé ces mots acerbes était Caius, son frère. Tout comme elle, frappé d’un généreux hasard de la génétique et d’un charisme trompeur qui en faisait le favori de Rome. Il venait d’apparaître à son tour dans son armure dans lequel il faisait son fier Apollon. « Au mieux, il l’a viol au pire, il l’égorge à la première occasion. » Elda ne broncha pas, refusant de regarder le blond dans les yeux et préférant lorgner sur le bracelet en forme de serpent du Germain. Il descendit les escaliers pour rejoindre leurs hauteurs, se saisissant au passage d’une pomme dans un bol disposé non loin à cet effet. Il y croqua dedans à pleines dents en jetant un regard médisant sur leur invité.
— Cela n’arrivera pas… Cela m’étonnerait qu’il n’ait pas remarqué les crucifiés aux portes de la cité… » fît-il en laissant la menace tacite planer sur son invité. « Et enfin, voici mon fils ; Caius Stertinius Sacerdos. Mes enfants, je vous présente Ulter, fils de Wöldrek. Un jeune homme très intéressant, vous finirez par le reconnaître… Il sera des nôtres pour une durée indéterminée. » annonça t-il.
À ces mots, Elda comprit qu’il s’agissait d’un otage. Une présence importune de plus dans la villa pour témoigner de la perfidie qui se produisait sous son toit. Son regard placide se dirigea par delà la fenêtre, un instant pensive, avant qu’elle ne se retourne vers son progéniteur.
— Père, il me reste encore des préparatifs pour le banquet de demain. Me permettez-vous de vous fausser compagnie ?
— Bien sûr ! Nous en profiterons pour présenter Ulter à nos invités.
Elda esquissa un sourire faible, mais tendre envers son père, qu'elle embrassa sur la joue avant de lui glisser dans la main un petit cadeau pour dissiper les soupçons de sa sortie dans la cité. Cette attention arracha un sourire au général. Puis, elle s'en alla regagner ses quartiers, ignorant son frère qui la dévisageait attentivement.

Elle y trouva là-bas Fabia, qui sortit la fiole de sa cachette pour lui indiquer son emplacement.
— Quand voulez-vous que je fasse venir la sage-femme ?
— Profitons du banquet de demain, lorsque tous seront occupés avec les courtisanes et les danseurs. Nous le ferons à l'étable.
— Ma dame, ce n’est pas convenable pour votre ran…
— Je ne te demande pas ton avis, Fabia. La discrétion est de mise. S’il te plaît, fait le nécessaire tel que je te l’ai demandé. »



Le dernier acte est sanglant


quelque belle que soit la comédie en tout le reste: on jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais.
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Mer 10 Avr 2024, 13:15

Ulter
J'ai 19 ans et je viens de Germanie, mais suis déplacé à Rome. Je suis cavalier & homme de savoir dans ma tribu, cependant me voici désormais otage de l'Empire. Du reste, en raison de ce que les chefs appellent "don" des Dieux, j'ai la "mémoire absolue" et je vis la chose de façon très inégale selon les moments.

RP avec @Lobscure
Les serviteurs firent entrer l’otage au sein de la riche demeure. La gorge d’Ulter se serra davantage encore lorsque la cour intérieure de la domus s’anima des silhouettes de ses habitants. De loin, derrière une colonnade marmoréenne, il nota une jeune femme au pas rapide, secondée d’une servante apparemment pressée d’aller ranger quelque chose ailleurs dans la villa. La noble dame quant à elle approchait du groupe qui se formait désormais autour de lui et du maître du domaine : le général Flavius.
Ça commençait. Le Germain avait conscience qu’à partir de cet instant, il incarnerait une vivante représentation de son peuple auprès des Romains. Point d’impair toléré. Il devait faire honneur. Et dans le même temps, le jeune homme savait qu’il n’était plus qu’un outil aux mains des jeux politiques entre deux peuples. Que son destin ne lui appartenait presque plus. Qu’il suffirait d’un rien à des millia et des millia d’ici, le long de la frontière, pour autoriser à Rome ou à la Germanie (lesquelles se regardaient en chien de faïence) de déclencher la guerre.

Son hôte cependant l’accueillait fort civilement. Voilà qui rassura quelque peu Ulter. Peut-être même se plairait-il entre les murs de cette villa ? Il y aurait probablement tant de choses à y découvrir. Car derrière des peuples et leurs hostilités, il existait des individus. Avec leurs souhaits, leurs craintes, leur culture, leur mémoire ; toutes ces facettes d’un humain qui n’avaient eu de cesse d’attiser la curiosité du Germain.
Au fait des bonnes manières de Rome, Ulter porta un poing à sa poitrine et inclina le haut du buste en saluant le maître à son tour : « Général Sacerdos. »
En se redressant, il découvrit que la jeune femme les avait maintenant rejoints et se tenait même tout à côté de son père. Elle l’observait, l’otage le sentait bien. Mais elle aussi fit preuve d’une grande politesse à son endroit ; aussi Ulter y répondit-il par la révérence qui s’imposait et le titre honorifique dû à son rang, le plus prestigieux à l’endroit d’une femme après le augusta des impératrices : « Domina. »
Aussi discrètement que possible, lui aussi découvrit le visage de cette jeune dame. L’apparente humblesse de ses yeux bruns, le sourire discrètement fleuri à ses lèvres (un sourire sans bonheur, simplement celui qu’exigeait la cordialité), la luxuriante chevelure entourant son visage d’un ovale comme l’aurait sculpté le plus accompli des artistes. Elle avait assurément de la prestance et de l’élégance. Mais c’était une beauté triste, sembla-t-il à Ulter. La froide beauté des statues. Une statue, c’était comme mort. Chez lui, les femmes parlaient haut ; les femmes combattaient ; les femmes étaient même parfois de grandes devineresses ou des cheffes.
Cette femme-là, en face de lui, n’avait apparemment même pas eu son mot à dire pour ce qui était de l’initier à la culture de Rome : Ulter le devina sous les mots de son père et dans l’apathie de la concernée. Il prit donc soin d’acquiescer avec déférence à l’attention du général, mais surtout, ensuite, de s’adresser à elle, car il n’aimait pas qu’on oublie les gens, lui qui ne savait pas oublier : « J’en serai très… honoré… et je vous remercie, Domina, du temps que vous me… consacrerez. »
Ses mots avaient quelque peu hésité, aux prises avec un latin qu’il ne maîtrisait pas encore au mieux, mais la sincérité y était. Logée dans les accents d’une voix chaude quoique hachée de ces R roulants comme les âpres rocs de son nord.

À peine achevait-il ses mots que, cependant, une voix bien moins accueillante s’imposait. Et avec elle, le clinquant d’une armure arborée par un jeune homme plein d’assurance. Ulter serra les dents. Sauvage… Il devait s’y attendre. Il y aurait presque un jeu à boire à faire, autour d’un pari sur le nombre de fois où il entendrait ce qualificatif.
La réponse du général ne fut pas pour le décrisper. Une menace implicite. Et les crucifiés… Oui. L’otage fut très fortement tenté de répliquer quelque chose comme : « Je les ai vus. Rome a le sens de l’accueil. » Il n’en fit bien sûr rien et nul pli ne vint troubler la placide politesse de son visage. Il nota juste avoir entendu, d’un infime hochement de tête. Quant à ce Caïus que le maître des lieux lui présentait, le Germain lui adressa le même salut protocolaire qu’à son père et le cordial : « Seigneur. »
Tandis que ledit Seigneur se retirait sans davantage d’amabilités, l’aigreur d’Ulter retombait déjà. Après tout, il avait bien conscience d’être, pour cette famille, comme un intrus dans leur quotidien. Peut-être qu’eux-mêmes n’avaient pas eu leur mot à dire et devaient, eux aussi, composer avec d’inconfortables circonstances. Quant aux mots du général, le Germain les traduisit comme sa façon d’inquiétude de père pour le bien-être de sa fille.
Il sourit plutôt au compliment indirect que le maître lui adressait. « Intéressant. » Flavius Sacerdos savait-il, pour sa… particularité ? Voilà qui ne l’étonnerait guère et expliquerait que le choix des légats se soit porté sur lui.

Elda Tullia était restée pensive, silencieuse. L’otage espérait qu’ils auraient l’occasion de faire plus ample connaissance, en tout cas si elle le voulait bien (car il serait vigilant à ne pas se montrer plus intrusif qu’il ne l’était déjà).
Elle se retira pour les préparatifs d’un banquet. Un banquet où il serait convié. L’information éveilla en Ulter des sentiments contraires. Il découvrirait Rome et sa société… mais lui, ferait-il assez bonne figure ? Serait-il prêt à tenir de dignes conversations sans avoir l’air trop frustre. Et sa mémoire… Il y aurait tant de visages, d’animation, de paroles échangées… Des centaines de choses qu’il enregistrerait d’instinct et qui, en même temps, se mélangeraient comme d’habitude à des dizaines de souvenirs très précis, très lointains pour certains. Sa mémoire n’allait-elle pas bouillir tel un chaudron sur le feu et lui déclencher encore un de ses familiers maux de tête ?

Pas le temps d’y songer davantage. Un serviteur invita Ulter à lui emboîter le pas à travers la domus, pour la visite des lieux. Un vaste ensemble dont chaque détail imprégna le Germain, à mesure que le dallage aux luxueuses mosaïques se déroulait sous ses pas. Tout l’impressionna… et le remplit en même temps de nostalgie puisque chaque détail lui générait une association d’idée. C’était fatiguant d’évoluer dans le passé et le présent à la fois. Habiter en partie dans ce qui était mort…
Allons, se rassura-t-il. Cela allait se calmer ; ça faisait toujours cet effet de découvrir un nouvel endroit. Les torsades de fleurs au centre du bassin de pluie lui rappelaient les plantes de sa mère. Les fières rangées de colonnes avaient quelque chose d’aussi impérieux que les stèles de Tuisto, Wodannaz et tous ses autres dieux. Les fumées cotonneuses, les fragrances jaillies des lampes embaumaient la maison comme, chez lui, les tables des offrandes.
Un seul lieu différait radicalement : la bibliothèque. Son peuple écrivait très peu. Presque tout se transmettait à l’oral. Ici, la mémoire était couchée sur des volumini ou enfermée dans les pages de codex. Ulter espérait avoir le droit d’y mettre le nez. Mais pour l’heure, un esclave l’invitait à entrer dans la chaude pièce qui serait sa chambre. Ulter s’assit au bord de son lit. Il déballa ses rares petites affaires puis fit ses prières, non sans avoir déposé à l’oratoire le plus proche un petit bâton odorant en guise d’offrande à l’esprit de cette maison. On honorait aussi la Vesta de ses hôtes pour espérer son bon accueil.
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Sam 13 Avr 2024, 19:38

Elda Tullia
Sacerdos

J'ai 17 ans et je vis à Rome. Dans la vie, je suis la fille d’un haut général de guerre et je le vis au gré de ses aspirations. Sinon, en raison de mon statut je suis l’objet de désir de tous les patriciens en quête d’union, mais grâce à mes machinations je parviens à échapper cette destinée médiocre que m’impose ma condition.


(♪) Chanson thème - Elda

Elda incarne une force tranquille, un contraste saisissant entre l'innocence qui nimbe son visage et la tempête qui gronde en son sein. Elle porte sur ses épaules le poids de la colère et de la jalousie qui la dévorent, une flamme ardente dissimulée derrière un masque de douceur, mais ce qu’elle dégage n’est que froideur.

Rose négligée qui n’aspire qu’à s’élever, elle est pourtant éclipsée par l'éclat du soleil fraternel. Mais sous le masque de l'Apollon altier, ce héros de pacotille ivre de faux exploits dans l'arène, Elda sait discerner la marionnette des jeux politiques familiaux. Elle aspire secrètement à une destinée qui lui appartient. Son esprit vif et acéré, arborant les reflets d’une intelligence rare, se nourrit de ses ambitions insatiables.




Il y avait dans les mots du jeune homme à l’accent râpeux, beaucoup de bonhomie et Elda se demanda alors pour elle-même, comment cet Ulter parvenait à accepter si facilement sa situation. Plutôt que craintif, il semblait véritablement curieux de ce qui l’entourait. Il était loin de l’image qu’elle s’était faite des Germains sanguinaires que lui décrivit son père lorsqu’elle n’était encore qu’une enfant. Il n’émanait pas cette violence bestiale qui les caractérisait selon les dires des anciens, ni une volonté destructrice à l’égard de Rome. Au contraire, il ne lui avait pas échappé de voir cet éclat d’intelligence dans son regard. Elda ne traîna pas une fois que les présentations furent faites. Elle avait beaucoup à faire pour le banquet de demain en l’honneur de son père, avant que celui-ci ne reparte pour une énième campagne militaire en Gaule. Elle s’excusa donc avant de prendre congé auprès d’eux pour regagner ses appartements.


***

La Villa des Sacerdos s'élevait sur une colline surplombant la ville de Rome. Les colonnades de marbre blanc encadraient les allées, et des mosaïques délicates parsemaient le sol, racontant des histoires d'exploits glorieux et de dieux capricieux. C’est dans l’atrium s’ouvrant sur les somptueux jardins de la villa paternelle qu’Elda s'affairait avec une grâce insouciante, drapée dans ses plus beaux atours et supervisant chaque détail de la soirée qu'elle avait minutieusement préparé en l’honneur de son père. C’était le premier banquet qu’elle tenait en tant que Domina des lieux depuis la mort de sa mère. Sous le doux éclat des lanternes suspendues, les roses exhalaient leur parfum enveloppant les premiers invités dans un voile fort accueillant. La jeune femme fut ravie de constater que tous avaient répondu à son invitation.

Pour le banquet, Elda avait fait appel aux meilleurs cuisiniers de Rome. Des mets délicats étaient disposés sur des tables d'argent étincelantes : des tranches de porc rôti au miel et aux herbes, des volailles farcies aux fruits secs, des poissons fraîchement pêchés et des légumes colorés. Des amphores de vin rouge et blanc étaient soigneusement alignées, tandis que les serviteurs de la villa veillaient à ce que les invités soient comblés. Elda circulait gracieusement parmi eux, échangeant des salutations chaleureuses et veillant à ce que les coupes soient toujours pleines. Cette liqueur était une arme redoutable à qui savait en jouer, catalyseur potentiel pour livrer dans l'étreinte trompeuse de l'ivresse les secrets les mieux gardés de Rome. Entre la musique, les danseurs et les catins, on ne savait où donner la tête. Des bras émergeaient de partout pour vous saisir ou vous tâter avec curiosité. Ce qui était le cas de ce pauvre Ulter dès son arrivée dans l’atrium. Elda savait y échapper en restant à distance et surtout, au-dessus de la mêlée. Son père croulait déjà sous les louves et s'enorgueillissait de la supériorité de l’Empire romain. De son côté, Caius, adulé de ses courtisans, se pavanait en racontant à qui voulait bien l’entendre ses exploits dans l’armée. Il y avait toute la noblesse romaine recueillie dans leur demeure et la jeune femme comptait bien profiter de la soirée pour faire sa marque avant que ses invités ne sombrent dans la langueur teintée de concupiscence de fin de soirée. Loin des festivités frivoles, son esprit était préoccupé et surtout bien tiraillé. Elle comptait profiter de l’occasion de ce soir pour tisser habilement ses relations et celles de son père qui serait trop occupé à se noyer dans le vin, mais il lui fallait aussi descendre aux écuries où la sage-femme et Fabia l’attendaient.

À travers les volutes de fumée d'encens et les rires étouffés des convives, Elda échangeait des mots savamment choisis avec certains des invités, se retenant de déverser ses connaissances sur les jeux de pouvoir et des intrigues qui animaient les hautes sphères de la société romaine. Quintis, un ami de son père, conscient de son génie et de son intuition remarquable, l'emmena vers le sénateur Lucius Valerius, un homme à la carrure imposante et au visage austère, connu pour sa finesse politique et son influence à la cour impériale.
— Lucius Valerius, permettez-moi de vous présenter Elda, la fille de ce cher Flavius. » dit Quintis en s'inclinant respectueusement.
Lucius Valerius inclina la tête en signe de salut, ses yeux scrutant Elda avec un mélange de curiosité et d'intérêt.
— C’est un plaisir, jeune dame. On m'a dit que vous avez un esprit vif et une perspective unique sur les affaires de notre Empire. J'aimerais beaucoup connaître votre opinion sur la gestion des provinces frontalières qui préoccupe actuellement la cour impériale. »
Elda ne se laissant pas démonter par la condescendance du ton qu'il avait employé ce faisait et répondit avec une assurance aisée.
— Une stratégie défensive combinée à des opérations de guérilla pour déstabiliser les forces ennemies pourrait être efficace. De plus, investir dans l'infrastructure et le développement des régions frontalières pourrait contribuer à gagner le soutien des populations locales et réfréner les invasions barbares... »
Les yeux de Lucius Valerius se posèrent sur Elda avec une admiration nouvelle. Elle parlait comme un véritable général de guerre, mais avec une voix de miel. Il y avait de quoi surprendre.
— Votre analyse est perspicace et bien réfléchie, Elda. Vos idées pourraient être précieuses pour notre Empire, si elles étaient mises en œuvre. Malheureusement, ce n’est là, pas votre place. Je crains que vous n’ayez de voie à suivre dans ce domaine. »
Elda sourit légèrement, consciente des limites imposées par sa condition que lui rappelait subtilement le sénateur.
— Je suis consciente des défis auxquels je fais face, monsieur le sénateur... Mais je crois fermement que la valeur d'une idée ne dépend pas du genre de celui ou celle qui la propose. Je continuerai d’apporter ma contribution à la grandeur de Rome, quel que soit le moyen.
— Voilà un problème auquel j’aurais peut-être une solution, Elda... Qu'en est-il de vos devoirs matrimoniaux ? Ne devriez-vous pas être déjà mariée à votre âge ?
Tout en portant sa coupe à ses lèvres, il laissa son regard glisser sur les courbes de son corps. Elda, bien qu'elle perçût l'intérêt matrimonial sous-jacent de la question, resta stoïque et répondit avec dignité.
— Eh bien... Je ne suis pas réticente à l'idée, pourvu que le mariage repose sur un véritable partenariat, le respect et une compréhension mutuelle.
La jeune femme qui craignait que ses ailes ne soient coupées en prenant son envol exprimait ses conditions sans retenue.
Lucius Valerius, eu un sourire en coin trahissant son amusement face à la réponse d'Elda.
— Vous avez l'art de manier les mots avec élégance, Elda. Il est rare de rencontrer une femme aussi éclairée que vous. Peut-être pourrions-nous explorer ensemble les possibilités d'un tel partenariat, qui sait ?
Elda, tout en reconnaissant la proposition voilée du sénateur, garda son calme et répondit avec finesse.
— Je vous remercie pour votre compliment, monsieur le sénateur. Quant à votre suggestion, je suis honorée. Cependant, je souhaite prendre le temps de réfléchir à cette proposition et d'en discuter plus en détail avec mon père avant de prendre une décision.» déclara t-elle promptement, évitant de l'offenser. Lucius Valerius hocha la tête, respectant la prudence d'Elda tout en continuant à la regarder avec un intérêt grandissant.
— Bien sûr, prenez le temps qu'il vous faut pour y réfléchir. Sachez simplement que je suis convaincu que notre union pourrait être bénéfique pour tous les deux, ainsi que pour l'Empire.
La jeune femme se détacha du sénateur après l’avoir salué avec respect. Il en était toujours ainsi. Chaque fois qu’elle parlait des enjeux de Rome, l’on ramenait la discussion sur son statut. Cela l’agaçait plus que de mesure.

Elle s’en allait retrouver sa servante aux écuries, lorsqu’une main ferme l’agrippa par le bras pour l’arrêter dans sa course.
— Que te voulais Lucius ? » demanda son blondinet de frère en levant ses yeux sur le concerné plus loin, un éclat de jalousie déplacé dans l’œil.
Elda se soustrait vivement à son emprise, avec un dédain dissimulé. Elle replaça calmement le voile qui ornait sa taille dans le creux de ses bras et lui envoya un regard noir.
— Profite du banquet Caïus.
La jeune femme lui tourna le dos, puis parcourut une dernière fois l'assemblée du regard pour s'assurer que tous étaient présents avant de se faufiler vers les écuries. Cependant, une absence vint contrarier son plan : le Germain. Il ne figurait pas parmi les convives. Peut-être s'était-il retiré dans une autre partie de la villa, fatigué d'être ainsi sollicité pour ses manières et ses vêtements étranges.

Comme de fait, elle le trouva dans les jardins. Il lui faisait ultimement barrage vers l’écurie où l’attendaient ses deux complices pour le rituel. Elle prit son mal en patience, s’approcha doucement aux côtés du jeune homme et en profita pour lever les yeux vers le ciel étoilé. Un jour, elles crieraient son nom.
— Ce n’est jamais plaisant d’être l’objet de tous les regards, mais l’on s’y fait. Ici à Rome, les mots se portent comme le glaive. Demain je t’apprendrai à en manier quelques-uns. » Commença tranquillement Elda pour briser le silence. Elle se doutait bien que les mains baladeuses et les rumeurs calomnieuses sur son peuple devaient déferler à flot au banquet. Elle respectait son besoin de se retirer, mais préféra qu’il le fasse ailleurs. « La bibliothèque t’est ouverte, si tu le souhaites Ulter. Sinon, va donc profiter des bains au lavacrum... »



Le dernier acte est sanglant


quelque belle que soit la comédie en tout le reste: on jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais.
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Tournesol
Frida K.
Lun 22 Avr 2024, 20:25

Ulter
J'ai 19 ans et je viens de Germanie, mais suis déplacé à Rome. Je suis cavalier & homme de savoir dans ma tribu, cependant me voici désormais otage de l'Empire. Du reste, en raison de ce que les chefs appellent "don" des Dieux, j'ai la "mémoire absolue" et je vis la chose de façon très inégale selon les moments.

RP avec @Lobscure
La nuit tendait son voile sur le ciel de Rome. Comme en miroir aux étoiles de là-haut, c’étaient ici-bas les lanternes de la villa Sacerdos qui piquaient d’éclats l’obscurité. Ulter se fondait dans ce tableau tandis qu’arrivaient les convives. Sa façon de se détendre et ne penser à rien (ou au moins de choses possible, ce serait déjà pas mal).
Dans l’attente du banquet, il avait passé l’après-midi à explorer la domus, imprimant ses circuits sous ses pieds et dans sa tête. Non sans chercher à comprendre ce que représentaient les mosaïques. D’abord timide, le Garmain avait finalement osé interroger un intendant, qui avait accepté de répondre. Ici, le motif retranscrivait la lutte d’Héraclès. Là, on voyait Romulus tétant la Louve. Plus loin, des fresques de César élevé au rang de divinité. Écrire des histoires dans la pierre, on faisait cela aussi, chez lui. Oh de manière plus rustique, mais quelques stèles figuraient Wodanaz et ses corbeaux, Freja la lumineuse, Tuisto le double… et même Mercure que Rome avait exporté aux Germains.
Puis il y avait eu les bruits de la cuisine où la domesticité s’affairait à préparer les mets. Le soleil avait achevé sa course et désormais tous les feux du domaine brillaient pour les hôtes. Depuis son coin discret, Ulter les entendait. Et attendait qu’on l’introduisît.

En parfaite jeune matrone, Elda régnait sur l’atrium et le triclinuim où son pas précis virevoltait d’un invité à l’autre, selon ce qui semblait être pour cette femme une partition devenue instinctive. Assurément, elle serait une dame du monde. Ulter la voyait faire, impressionné. C’était un autre genre de guerre qu’elle maîtrisait là : exécuter les codes sociaux pour ne pas se faire dévorer par eux, mais en être maîtresse. Telle flatterie à telle personne, tel sujet de conversation, tel mouvement subtil pour échapper aux mains trop ivre ou trop caressantes des mufles de la soirée. La domina l’impressionnait. S’il pouvait avoir la moitié de son aisance en société !

« Voici Ulter, fils de Wöldrek de Germanie, otage mais surtout notre hôte. » finit par annoncer diligemment le général, à trois de ses amis revêtus de leurs plus nobles toges.
L’intéressé se présenta, avec les marques de politesses qui s’imposaient. Ses yeux mémorisèrent les quelques silhouettes : ici un sénateur, là un militaire, et son voisin direct qui semblait un de ces très riches patriciens accompagné de son épouse parée d’une vertigineuse coiffe bouclée.
Il fut invité à s’installer sur les banquettes pour le festin. Le Germain changea plusieurs fois de positon jusqu’à en trouver une assez confortable pour lui, peu accoutumé à manger couché ! Ulter sentit bien que des prunelles le scrutaient, au mieux attendries, au pire déjà moqueuses…

Le Germain faisait sensation. Ses habits, tresses et bijoux se trouvaient qualifiés de « barbares » ou « primitives ». Il eut autour de lui un essaim de dames, bouche peinturlurée comme pour la guerre et si souriante à la fois ; vite rejointes par leurs hommes. Les hôtes d’Elda posèrent moult questions sur la Germanie, auxquelles ses réponses se voulurent douces, mais pas moins fières pour autant.
Ulter espérait calmer ces curieux, autant que faire honneur à la bonne tenue de la soirée d’Elda. Exprimer en quoi les « sauvages » étaient eux aussi civilisés. Avec émotion, Ulter parla des Sages de Germanie ; de la majesté des forêts ; de l’habileté des cavaliers et des prêtresses ; des femmes soldates… Il ne manqua pas, aussi, de traduire des similitudes avec Rome plutôt que des points d’hostilité : le respect aux dieux et aux anciens, le goût des longs poèmes, l’ardeur au combat pour l’honneur de sa tribu. Il aimait conter ce genre de choses et sa voix trouvait alors plus d’assurance.

Arriva la montagne de nourriture. Du pain grillé, des olives, des venaisons assaisonnées de miel et d’herbes. La mâchoire d’Ulter manqua de s’en décrocher : en Germanie, on en eût consommé le tiers. Où tracer la frontière de ce qu'il était nécessaire de prendre à la nature ? Il se régala toutefois, notamment des fruits cuits sous leur calotte de glace, qui lui rappelaient ses montagnes enneigées au plus fort de l’hiver. Ulter ne vit dans ce festin aucune des extravagances dont certaines mauvaises langues disaient que tous les Romains étaient friands : abats d'autruche, flamant rose, utérus de brebis, tétines de truies en ragoût, murène rôtie… Rien de ce clinquant vulgaire ici ; Elda avait du goût. La sobriété : meilleure marque de l’élégance intelligente.

Pendant que le général Flavius et son fils Caïus étaient déjà bien avinés, Ulter notait tout le soin qu’Elda prenait seule à l’organisation. Alors qu’il prêtait l’oreille, de loin, à la conversation autour d’elle, le Germain sursauta en se sentant caressé dans le dos par une courtisanes. Il serra les dents et se décala aussi subtilement que possible sur sa droite.
Là, des esclaves posaient quatre vasques d'un cristal étincelant et un lot de plumes de paon destinées à se faire vomir : ainsi les plus gourmands invités pouvaient-ils goûter à tout ! Ulter ignora les gerbeurs et dégusta un nouveau verre de vin, quand soudain quelque chose lui tira les cheveux. En se retournant, Ulter se trouva nez à nez avec une autre femme, qui tenait sans gêne une de ses tresses entre les doigts. Le rouge monta au visage de l’otage. Ses prunelles se figèrent.

— C'est vraiment joli, ça ! Je peux toucher ?
— Vous avez déjà commencé, il me semble.

La grossière convive n’entendit même pas sa réponse, poursuivant son exploration capillaire. Avant que le Germain n’ait à pousser l’intruse, un tribun vint heureusement à sa rescousse en invitant Madame à le rejoindre au milieu de quatre danseuses. Elle laissa l’otage en paix.

— C'est toi-même qui te coiffes de la sorte ? demanda alors un légat.
— Oui.
— Oh je ne savais pas que vous étiez des artistes !
Dans sa bouche, le compliment sonna plus condescendant qu’autre chose. Comme lorsqu’on félicitait un enfant de son premier dessin.
— C'est un genre de rituel ?
— C’est coutume. Aimons nos cheveux soigner. Les a longs, l’homme libre. Fait… dedans… toutes sortes de motifs selon nos… rôles sociaux, tâtonna Ulter, pas encore maître de son latin.
— Que c'est pittoresque ! pépia l’autre, dos tourné, déjà plus intéressé par la danse des filles de joie.

Ulter noya sa contrariété dans une nouvelle bonne descente de ce vin épicé. La boisson commençait à chauffer entre ses oreilles, mais il fallait bien cela pour tolérer sans se fâcher les malotrus de la soirée. Les éclats de voix entre deux couples intriguèrent alors l’otage, qui entendit au vol :

— Quel inculte tu fais, mon pauvre Atticus ! Ovide, tout de même ! Tout le monde a déjà lu un peu de Ovide, à part ce sauvage, là, peut-être…

Comprenant qu’il était visé, le Germain entendait ne pas laisser passer. Il répondrait. Courtoisement et calmement comme il avait déjà vu Elda le faire, mais il répondrait. Dans un placide sourire, il dit :

— De nom je connais, Seigneur. Mais je n’ai en effet pas encore eu le plaisir de le lire. (Un temps) En revanche, nombre de lieder je connais.
— De quoi ? couina la moqueur.
Lieder. Nos poèmes.
— Ah oui ? Voyons ça ? grimaça le dénommé Atticus. Un poème d’amour, par exemple ! Pour intéresser nos dames ! ajouta-t-il en désignant les épouses restées attentives à sa gauche.

Ulter se pinça la lèvre : quel abruti. Pourquoi une femme ne s’intéresserait qu’à de la poésie portant sur l’amour ou la beauté ? Après avoir fait passer son envie de rétorquer quelque chose comme « Non. Un sur la gloire éphémère de vos services trois pièces. Pour intéresser vous. », le Germain s’employa tant bien que mal à traduire en latin quelques vers de chez lui :

— À l’ombre de dolmens
Et de spectres de… les cieux,
Brille une forêt d’yeux
Entre les bras… de les chênes –
Par grandes senteurs ocrées
L'assemblée fait sacrifice
À… les morts et vivants
Ses chants sont transe dans… l… le vent –
Ô voix de nos esprits
S’élèvent pour sacrer
Les volontés d’acier
De toute main qui prie.


Une femme l’applaudit et se fendit d’un « Merci, c’était beau. » malgré les quelques fautes de langue, tandis que l’autre dame et son mari, pendant qu’Ulter parlait, avaient souri d’un sincère intérêt, sans arrière pensée. Ledit Atticus toutefois les entraînait déjà vers une autre connaissance attablée plus loin, laissant Ulter aux songeries dans lesquelles le poème l’avaient plongé.

Rêveur, le Germain navigua entre les buveurs, les courtisanes et le groupes de discussion, jusqu’à ce qu’il finit par intercepter la conversation entre le sénateur Lucius Valerius et Elda.
Resté à distance, Ulter cligna des yeux : avait-il bien entendu ? Des infrastructures dans les régions frontalières aux « barbares » ? Sans compter la stratégie de la défense pour mieux jouer l’attaque. C’était ce qui avait acculé sa tribu, au point de devoir accepter la livraison d’otages. Par les Dieux, oui, Elda était bonne tacticienne. Ulter n’avait pas oublié que sous les fards de la politesse, cette famille demeurait ennemie de son peuple. Mais cet instant le lui rappela plus que jamais. Il se donna contenance en observant la chorégraphie des danseuses autour du bassin. Il ne put cependant s’empêcher de se demander à quelle sauce, avec les manœuvres de cette femme et de sa lignée, seraient encore mangés les peuples aux frontières. L’Empire n’avait-il pas déjà assez de toutes ses conquêtes ? Ne pouvait-il envisager de leur foutre la paix ?
Quoi que. À trop se gaver de nouvelles provinces, Rome finirait par imploser, Ulter en était presque certain. La Louve aurait la panse qui éclaterait. Elle se noierait dans ses tripailles. Car la Fortune était pareille à un balancier vite lassé de demeurer auprès d’un même bénéficiaire.
De déplaisants détails tirèrent Ulter de ces considérations : les regards libidineux de ce sénateur sur la domina. Ils avaient beau tous complimenter son intelligence, décidément ces types ne perdaient pas le Nord : ils voyaient toujours la femme à séduire, à épouser, à exhiber en parure. Quant au sous-texte : on n’attendait guère d’Elda qu’elle donne son avis ouvertement… Ulter réagit d’un sourire en coin à l’habile façon dont la domina envoya (tout en politesse !) balader le sénateur et son « partenariat ». Il ignorait à qui il se frottait, celui-là. Une fois de plus, l’otage s’autorisait un temps à oublier leurs deux peuples adversaire, pour apprécier les qualités d’individus particuliers.

Quand il se retourna puis fit quelques pas en sens inverse, Ulter se trouva soudain nez à nez avec Caïus après que celui-ci eut échangé quelques mots brefs avec sa sœur. Sœur qui ne s’était pas fait prier pour décamper, non sans un regard noir. Décidément, quelque chose de pas clair sévissait entre les deux enfants Sacerdos. En une seule première journée, l’otage avait surpris le spectacle de tensions, même parfois silencieuses et le temps d’un clin d’œil.
Caïus loucha un air de mépris sur le Germain, qui n’eut guère l’envie de se laisser impressionner. Il poursuivit sa route comme si de rien n’était ; en direction cette fois-ci des jardins. L’otage avait pris soin de dire « au revoir » à la plupart des convives, notamment aux quelques-uns à s’être montrés agréables et curieux avec lui ; à présent il en avait assez (et son crâne alcoolisé tout autant) : un peu de repos ne serait pas de trop. Les fleurs du jardin auraient la courtoisie de ne pas lui tirer les cheveux !

Il y fut rejoint par Elda, qui le sortit de ses pensées de plus en plus brouillées. Ulter prit soin de se relever et de lui adresser un léger sourire. La sympathie de sa remarque le toucha, l’étonna même quelque peu. Mais après tout, être l'objet de tous les regards déplacés, Elda en savait quelque chose... Ulter avait été témoin des attitudes des hommes à son endroit et compatissait.
« Je vous en suis reconnaissant. Et merci, domina Elda, pour cette… raffinée soirée. Subtil c’était. » Le vin aidant, une lueur joueuse et entendue traversa son regard lorsqu’il ajouta : « Et dire qu’il y en a pour raconter que ces sauvages à Rome mangent tétines de truie, utérus de brebis et œufs peints en or. »
Rien de moqueur dans sa voix ; Ulter était sincère, il expérimentait tout autre chose que ces rumeurs. Or il ne pouvait que se rappeler que dans l’autre sens, bien des romains décrivaient eux aussi des sauvageries de son peuple.
Ses prunelles retrouvèrent douceur et grand intérêt quand Elda lui mentionna la bibliothèque. « Oh ! Aimable c’est, mais mieux sera avec vous, pour me guider vers les meilleurs livres à découvrir. Et pourrez comme ça vous, me dire… lesquels sont… que vous préférez. » Quoi de mieux que d’être accompagné du concerné pour découvrir sa culture. « J’attendrai donc pour ce. Mais le bain, volontiers. »
Ulter vit que la domina paraissait pressée. Après une telle réception, elle devait vouloir se reposer ! Il ne la retiendrait donc pas plus longtemps. « Je vous souhaite la nuit bonne. » la salua-t-il en inclinant le haut du buste.
Lobscure
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Lobscure
Sam 29 Juin 2024, 02:48

Elda Tullia
Sacerdos

J'ai 17 ans et je vis à Rome. Dans la vie, je suis la fille d’un haut général de guerre et je le vis au gré de ses aspirations. Sinon, en raison de mon statut je suis l’objet de désir de tous les patriciens en quête d’union, mais grâce à mes machinations je parviens à échapper cette destinée médiocre que m’impose ma condition.


(♪) Chanson thème - Elda

Elda incarne une force tranquille, un contraste saisissant entre l'innocence qui nimbe son visage et la tempête qui gronde en son sein. Elle porte sur ses épaules le poids de la colère et de la jalousie qui la dévorent, une flamme ardente dissimulée derrière un masque de douceur, mais ce qu’elle dégage n’est que froideur.

Rose négligée qui n’aspire qu’à s’élever, elle est pourtant éclipsée par l'éclat du soleil fraternel. Mais sous le masque de l'Apollon altier, ce héros de pacotille ivre de faux exploits dans l'arène, Elda sait discerner la marionnette des jeux politiques familiaux. Elle aspire secrètement à une destinée qui lui appartient. Son esprit vif et acéré, arborant les reflets d’une intelligence rare, se nourrit de ses ambitions insatiables.




La présence du Germain ne l'importunait guère, car il avait su jusqu'à présent se montrer discret et plein de bonhomie. Elle l'accueillit dans ses jardins sans préambule ni les démonstrations maniérées qu'elle réservait habituellement au public. Un sourire réprimé fleurit au coin de ses lèvres lorsque le Germain la félicita pour le succès de la soirée à laquelle elle s'était dévouée avec une grâce subtile.
— Allons, Ulter, tu n'as pas besoin de gagner mes faveurs. Garde tes flatteries pour mon père, elles te seront plus utiles.
Ulter ajouta qu'il s'attendait à des mets décadents, ce à quoi Elda répondit, l'air pensive :
« J’imagine, est sauvage celui dont les manières nous échappent... Au fait, Ulter, ce poème plus tôt... J'aimerais que tu me le récites dans ta langue un jour. »
Elda, confinée à une vie domestique oppressante, n'avait jamais entendu parler une des nombreuses langues germaniques. Son monde se réduisait à la villa, aux chemins de gravier menant à la basse cité, au marché et aux écrits de généraux de guerre qui lui tombaient parfois sous la main. Aussi loin qu'elle le désirât, jamais elle n'avait pu s'éloigner de la demeure et encore moins de l’Empire. Elle se leva lentement des marches sur lesquelles elle s'était assise en l'écoutant, et lui suggéra les bains pour renvoyer poliment sa présence. Il la salua avec respect, et elle répondit d'un faible sourire.

Ce n'est que lorsqu'elle le vit disparaître au tournant d'une allée de colonnes qu'Elda se détourna pour rejoindre les écuries. Elle y trouva, comme convenu, Fabia qui l'attendait, lanterne à la main, auprès d'une sage-femme dont le visage austère ne lui inspira guère confiance. La sage-femme ne perdit pas un instant et tendit la main, dans laquelle Elda déposa une pochette remplie de pièces. La douce servante avait préparé un lit de fortune avec un amas de paille dans un des enclos vides de l'écurie et y installa sa domina en l'aidant à s'allonger. Ce n'est qu'alors que la sage-femme déballa de son petit baluchon une collection d'outils précaires et d'apparence tortionnaire qui firent frémir Fabia d'inquiétude pour sa maîtresse. Elda, voyant l'effroi dans les yeux de sa servante, l'encouragea à sortir de sa stupeur.
— Fabia, donne-moi la fiole.
— Oui, domina.
La servante passa le flacon au liquide doré à la jeune femme, tandis que la quadragénaire s'accroupissait à leur hauteur, écartant les cuisses d'Elda et quelques pans de sa robe pour dégager le passage, avant d'entamer des incantations rituelles pour invoquer le soutien de quelques dieux susceptibles de prendre en pitié la jeune femme. Elda but le contenu d'un trait, puis saisit entre ses dents une lanière de cuir que lui tendit la sage-femme. Elle comprit alors que les prochaines minutes risquaient d'être éprouvantes.

Recueillies dans cet espace exigu presque plongé dans la totale pénombre et depuis de longues minutes déjà, les trois femmes demeurèrent dans un silence chargé d'appréhension. Enfin, les premières contractions se manifestèrent, contraignant la jeune domina à se contorsionner douloureusement.
— Il semble bien accroché, domina… Je n'aurai pas le choix que de l'extraire avec mes instruments.
La jeune femme hocha la tête, incapable de répondre sous la douleur qui lui tenaillait les entrailles. L'horreur se lisait sur le visage de Fabia lorsque la sage-femme inséra une petite scie dentée dans l'intimité d'Elda, laquelle détourna les yeux pour ne pas absorber sa peur. La douleur était si vive qu'Elda ne put retenir un hurlement. Heureusement, c'était le moment de la soirée où, ivres, ses convives somnolaient déjà sur place et la musique couvrait assurément ses cris.

La fatigue semblait la submerger. Elle sentit alors entre ses cuisses la chaleur d'un fluide épais se répandre et, enfin, la sage-femme lui annonça :
— C'est fait.
Les mains rouges, la quadragénaire enveloppa le fœtus d'un tissu et le plaça dans son baluchon. « Ne vous inquiétez pas, domina, je m'occupe de vous en débarrasser. »
Alors qu'elle se redressait pour partir, Elda attrapa son bras. Le souffle saccadé, les boucles de ses cheveux collant à ses tempes perlantes de sueur, mais elle ne perdait rien de sa combativité.
— Si jamais… vous faisiez preuve d'indiscrétion concernant nos affaires, je vous ferais trancher la gorge. » menaça-t-elle le souffle faible avant de la libérer de son emprise.  
— Il faudrait déjà que vous surviviez cette nuit, domina. Vous avez perdu beaucoup de sang et notre affaire s'arrête ici. » répondit-elle d'un ton égal.
Impuissante, Elda la laissa repartir par les jardins, tandis que Fabia l'aidait à se relever. Elle parvint à se redresser, quoique péniblement, et ne pouvait se passer de l'appui de sa servante qui peinait à la maintenir droite. Le visage de Fabia blêmit à la vue du sang qui se répandait à leurs pieds, tachant la robe de sa jeune maîtresse.
— Votre robe est… entièrement…
— Ça ira… Amène-moi à ma chambre, Fabia.

C'est ainsi que deux silhouettes se faufilèrent discrètement mais lentement dans les dédales de la villa, à l'écart des festivités. Elda peinait à marcher droit et, sans l'aide de Fabia, elle n'aurait certainement pas pu se tenir sur ses pieds. Néanmoins, la pensée de ne plus porter en elle ce crime contre les dieux l'apaisait, au moins spirituellement.

***
Au lendemain du banquet, Elda s'assura d'être la première levée pour que personne ne spéculât sur son absence de la veille. Elle veilla aux moindres détails du petit déjeuner sur le balcon pour détourner l'attention de sa personne. À la table, des fruits frais, des noix, du pain et de l'eau fraîche étaient disposés. Elda avait aussi cueilli quelques fleurs du jardin pour décorer la table, leurs arômes se diffusant au gré du vent. Elle fut vite rejointe par son père, qu'elle accueillit avec un sourire faible mais solaire pour masquer sa petite mine et son teint livide. Cela fonctionna, puisqu'il baisa son front comme à l'accoutumée avant de s'affaler dans son fauteuil et de se servir du vinum d'une jarre sans rien remarquer de son teint pâle ou des perles de sueurs à ses tempes. Malgré sa faiblesse, Elda se sentait soulagée de ne plus porter ce fardeau et observa un instant son père en silence, heureuse que les choses puissent reprendre leur cours. Elle vit Ulter, l'accueillit en silence, plongeant ses prunelles dans les siennes pour y lire ses premières impressions de la famille Sacerdos qui devait maintenant se former dans son esprit. Il ne manquait plus que son frère pour compléter ce tableau familial disparate. Ensuite, Elda comptait bien échapper sa présence grâce à Ulter, puis finir par lire les quelques rapports sur l'avancement des troupes de son père à la frontière en s’invitant dans ses quartiers généraux.



Le dernier acte est sanglant


quelque belle que soit la comédie en tout le reste: on jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais.
- B.P.

KoalaVolant
Au-delà des mirages, le monde est nôtre [ ft Frida K.] 0us6
Frida K.
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Tournesol
Frida K.
Dim 21 Juil 2024, 13:35

Ulter
J'ai 19 ans et je viens de Germanie, mais suis déplacé à Rome. Je suis cavalier & homme de savoir dans ma tribu, cependant me voici désormais otage de l'Empire. Du reste, en raison de ce que les chefs appellent "don" des Dieux, j'ai la "mémoire absolue" et je vis la chose de façon très inégale selon les moments.

RP avec @Lobscure
Ulter répondit d’un sourire sobre, authentique, quand il fut question de flatterie. Son compliment avait été sincère, cependant souligner la chose pour se défendre… ce serait précisément la réaction d’un flatteur ! Sans doute Elda préférerait-elle cette simplicité. Quant à réserver les amabilités à son père, le Germain répliqua avec un haussement de sourcil :
« Merci pour le conseil. »
Songeur, il accueillit avec respect ce que soulignait la jeune femme quant à la prétendue sauvagerie. Ulter ne savait encore dire si sa vis-à-vis parlait ainsi pour les formes, afin de se le mettre dans sa poche par stratégie, ou si elle croyait à cela. Pourtant, cela aurait été mentir que le Germain ne se reconnaisse pas touché par cette sagesse. Bien rares avaient été les Romains à parler de la sorte.
« Volontiers ! » accepta-t-il, comme Elda souhaitait entendre à l’occasion sa langue natale. Voilà qui ferait un riche terrain de conversation et Ulter se retrouvait quelque peu dans cette curiosité que manifestait la jeune femme pour les parlures des autres coins du monde.
Mais déjà, il fallait se séparer. Ne pas retenir la domina plus longtemps ; elle devait avoir hâte de se reposer après avoir mené une pareille soirée de main de maître.

Ulter se dirigea vers les bassins où il ne fut pas fâché de se délasser dans un bain frais. Il s’offrit un bon moment, dans l’eau, pour se détendre puis s’occuper à défaire sa complexe coiffure. Il se plongea entièrement sous la surface liquide, comme si cette immersion pouvait soulager son crâne des agitations de cette réception, dont les échos lui sonnaient encore entre les temps.
En émergeant, l’otage poussa un profond soupir. De détente ou de mélancolie, il n’aurait su le dire. Tant se souvenirs revenaient. De ces moments et de ces gens qu’il ne reverrait plus avant si longtemps… Les visages de ses sœurs, de son père lui apparaissaient. Et la jeune Clothilde, qu’il était prévu qu’il épouse s’il n’avait pas été désigné pour servir d’otage. Pourvu qu’elle trouve dans la tribu un autre homme qui la rendrait heureuse. Et pourvu que les taxes romaines ne deviennent pas de plus en plus lourdes. À présent que Rome avait des otages, il ne manquerait plus que les généraux poussent les Germains à la révolte pour les envahir.
Ulter serra les dents. Tout en se frictionnant, il s’efforça de plonger dans des souvenirs plus heureux. Les libations en l’honneur de Freija et Wodanaz ; ce soir où il avait eu l’honneur de diriger les récitations religieuses aux côtés de Wertügern le Mène-Meute, chef de la tribu ; ses longues chevauchées dans les denses forêts de sa Germanie.
Avec sous son crâne les notes de musique de son enfance, dans ses narines les bonnes senteurs de venaisons et fruits grillés, il gagna sa couche. Prit le temps de sécher ses cheveux et dormit.

***

Le lendemain, Ulter fut réveillé dans le cours de la matinée par les bruits de la ville. Il n’était pas encore habitué au remuement de la cité, qui n’avait rien à voir avec le calme de son village.
Le Germain se leva. Quand il eut refait le complexe canevas des tresses à l’arrière de son crâne, Ulter erra dans la domus presque spectrale à cette heure. Le général et son fils dormaient encore ; seule Elda, paraissait-il, s’était levée très tôt. À présent, c’étaient les ombres des esclaves affairés à leurs tâches qui bougeaient ici et là. Mutiques et travailleuses. L’otage lui-même progressait de ses mouvements discrets, des gestes de silence et qui ne pesaient rien. Comme si lui-même n’était pas vraiment là, fantôme dans ce domaine où il était et demeurait étranger. Où il n’avait rien à faire, personne à qui être utile… Où il était objet des politiques qui le dépassaient.
Ulter déglutit. Il s’en voulut presque de telles pensées, quand il devrait plutôt s’inquiéter de ce qui allait arriver à sa tribu à des centaines de miles de là ! Il accéléra le pas jusqu’aux écuries. Le contact des animaux l’avait toujours tant apaisé.

En passant le seuil du local, les hennissements et les regards curieux de plusieurs chevaux l’accueillirent. Un nuage de poussière éclaboussée de lumière lui voltigeait devant les yeux quand les montures s’ébrouaient dans la paille. Ulter sourit d’en voir certaines jouer à se papouiller.
Alors qu’il avançait entre les boxes, un curieux frôlement sur ses orteils arrêta son attention. Ses yeux plongèrent au sol pour y découvrir un bout de tissu, pris entre son pied et le cuir de sa sandale. Ulter se pencha. Il reconnut aussitôt le mouchoir qu’avait, la veille, la servante d’Elda à sa ceinture. Il n’avait vu cette esclave qu’un bref instant, mais assez pour que le Germain se souvînt de tous les détails de son habillement.
Sa curiosité redoubla lorsqu’il nota du sang séché sur le tissu. Que s’était-il passé ici ? Qu’avait fait cette jeune femme ? Il eut beau regarder alentour, le Germain ne nota rien d’autre de suspect. Mieux valait garder le tissu avec lui. Le cacher dans les tours de sa propre ceinture en attendant de savoir s’il devait en parler ou pas. Quelque chose lui disait que des événements étranges se passaient dans cette domus. Mais pour l’heure, il rangea cela dans un coin de sa tête pour aller, comme si de rien n’était, profiter du copieux petit déjeuner, orné de fleurs, qui avait été préparé sur le balcon.

***

Les jours passaient. À table, le Germain appréciait les conversations du général. Sans oublier que cet homme restait au service de ceux qui voulaient coloniser ses terres, Ulter devait au moins reconnaître qu’en tant qu’individu, ce paterfamilias était tout à fait respectable.
C’était à se demander comment il pouvait avoir engendré un tel fils, qui ne manquait jamais l’occasion d’une pique ou d’un propos dégradant pour les peuples non romains. Comme s’il fallait les civiliser… Ulter préférait opposer son silence à ses bassesses. Et ne pas baisser les yeux devant cette brute épaisse. Comment, par les dieux, avait pu se passer toutes ces années la cohabitation entre un tel fils et sa sœur ? Ils n’avaient tellement rien à voir l’un avec l’autre.
Elda, justement, proposait régulièrement à Ulter de l’accompagner tantôt dans le péristyle, tantôt dans la bibliothèque où ils appréciaient converser. Le lendemain du banquet, l’otage s’était inquiété de la pâleur fébrile de la domina, mais il mit cet état sur le compte des grands efforts qu’elle avait mis la veille dans la bonne tenue de cette exigeante soirée. Heureusement, les jours suivant, la jeune femme reprenait des couleurs. Ulter répondit volontiers à ses curiosités quant à sa famille, exprimant le bien qu’il pensait de son père et de sa compagnie à elle. Il fut honnête et ne cacha pas non plus sa stupéfaction pour les comportements abrupts et méprisants de Caïus, demandant même :
« Est-il comme ça depuis toujours ? Quelle vaillance il doit falloir pour le supporter. »
Après tout, Elda et lui avaient convenu d’être sincères. L’otage préféra donc ne pas faire de ces compliments qu’il ne pensait pas à propos de Caïus. Elda était loin d’être bête, elle aurait senti la moindre remarque hypocrite. Et puis Ulter avait bien noté qu’elle-même fuyait son frère autant que faire se pouvait !
Plus tard, ainsi que la domina l’avait demandé, Ulter lui donna à entendre une poème sacré de chez lui, dans sa langue originale puis avec sa tentative de traduction :

ᛋᚢᛋᛒᛁᚾᛏᚢ ᛅᛁ ᛁᛏᛁ ᛅ ᛚ ᛅᚱᛒᚱᛁ ᛁᚴᛋᛒᚬᛋᛁ ᛅᚢᚴᛋ ᚢᛁᚾᛏᛋ
ᚾᛁᚢᚠ ᚾᚢᛁᛏᛋ ᛁᚾᛏᛁᛁᚱᛁᛋ, ᛒᛚᛁᛋᛋᛁ ᛒᛅᚱ ᛚᛅ ᛚᛅᚾᚴᛁ,
ᛘᚬᛁ-ᛘᛁᛘᛁ ᛋᛅᚴᚱᛁᚠᛁᛁ ᛅ ᛘᚬᛁ-ᛘᛁᛘᛁ,
ᛅ ᚴᛁᛏ ᛅᚱᛒᚱᛁ ᚴᚢᛁ ᛋᛁ ᛏᚱᛁᛋᛋᛁ ᛋᚢᚱ ᛋᛁᛋ ᚱᛅᚴᛁᚾᛁᛋ ᛒᛁᚱᛋᚬᚾᚾᛁ ᚾᛁ ᛋᛅᛁᛏ ᚬ.
ᛅᛚᚬᚱᛋ ᛁᛁ ᚴᚬᛘᛘᛁᚾÇᛅᛁᛋ ᛅ ᚴᛅᚴᚾᛁᚱ ᛏᛁ ᛚ×ᛁᚾᛏᛁᛚᛚᛁᚴᛁᚾᚴᛁ,
ᛅ ᚴᚱᛅᚾᛏᛁᚱ ᛏᚢ ᛘᚬᛏ ᛋᛁ ᛏᛁᚴᛅᚴᛅᛁᛏ ᚢᚾ ᛘᚬᛏ,
ᛒᚢᛁᛋ ᚢᚾ ᛅᚢᛏᚱᛁ, ᛏᚢ ᚠᛅᛁᛏ ᛋᛁ ᛏᛁᚴᛅᚴᛅᛁᛏ ᚢᚾ ᚠᛅᛁᛏ, ᛒᚢᛁᛋ ᚢᚾ ᛅᚢᛏᚱᛁ.

Suspendu j'ai été à l'arbre exposé aux vents,
neuf nuits entières, blessé par la lance,
moi-même sacrifié à moi-même,
à cet arbre qui se dresse sur ses racines
personne ne sait où.
Alors je commençais à gagner de l'intelligence, à grandir :
du mot se dégageait un mot, puis un autre,
du fait se dégageait un fait, puis un autre.


C’était l’épisode de la pendaison de Wodanaz. Une mort puis une résurrection qui donna au dieu un nouveau regard, une sagesse sur le monde. La langue d’Ulter martelait, tantôt râpeuse et forte de sons tranchants comme de l’acier trempé, tantôt plus délicate dans ses sons coulés comme une douce boisson. Une émotion certaine lui allumait les yeux tandis qu’il partageait ces fragments de sa culture. Il espérait que cela plairait, ou tout du moins satisferait la curiosité de sa vis-à-vis.

Ulter était du reste sensible au temps qu’Elda consacrait à lui permettre de perfectionner son latin. Mais ce qu’il préférait demeurait leurs enthousiastes conversations dans la bibliothèque. L’imposant nombre de ces volumini, de ces codex et tout ce qu’ils avaient à enseigner étaient pour l’otage source de ravissement. Autant que la culture d’Elda qui lui offrait de mieux se guider au milieu de tout cela, sachant mieux grâce à elle par quels ouvrages commencer, où chercher telle thématique chez tel auteur… Pour Ulter, fréquenter des livres écrits relevait même de l’exotique ! Chez lui, la parole transmettait. L’on contait, l’on récitait, l’on apprenait par cœur, mais l’on fixait rarement sur de la cire ou du parchemin. Il fit part à Elda de cette différence d’approche du savoir :
« Vous arrive-t-il de partager à l’oral des textes ? Chez moi, cela vit beaucoup par la voix. Ça circule, ça se dit et se mémorise plus que ça s’écrit, et l’on apprécie comment à chaque fois, une parole résonne différemment selon la voix qui la porte. Ou bien vous préférez… le silence de la lecture ? Juste vous et les mots fixés sur une page. »
Il confia à sa vis-à-vis avoir bien aimé découvrir, sans leur bibliothèque, les poèmes champêtres d’Ovide mais surtout les réflexions des sages Marc-Aurèle et Épictète.

***

Le temps coula, durant lequel Ulter et Elda appréciaient la compagnie l’un de l’autre. Cela toutefois ne dépassait jamais les bornes de la décence et nul dans la domus ne soupçonnait rien d’inconvenant. Ce dont il était du reste hors de question pour Elda et Ulter eux-mêmes.
Il était cependant certain qu’une confiance mutuelle s’était nouée entre les Sacerdos et le Germain, si bien qu’il fut autorisé à chevaucher en compagnie de Flavius et sa fille dans les vastes parcs du domaine, voire parfois avec Elda seule. Un bonheur, pour l’otage, que de renouer avec ces trots et ce grand air, quand bien même n’y soufflait pas la revivifiante fraîcheur des sommets de Germanie.

Trois semaines qu’il était chez les Sacerdos, quand Ulter fut convié à accompagner la domina dans une de ces promenades matinales. Après quelques trots à une allure tranquille, agrémentée d’une conversation reprise comme de coutume là où ils l’avaient laissée, Ulter proposa de se dégourdir en prenant un peu de vitesse.
Son buste très en avant, tout contre la monture, le Germain semblait partager avec elle les tambours du galop jusque dans les battements rapides de son cœur. Vibrations. Poumons plus pleins qu'une outre ! Le vent lui perçait l’ouïe, valdinguait à ses tempes dans une vitesse libératrice. Ça pulsait ! Et les sabots du cheval remuaient une terre luisante, grasse de perles de pluie !
Quand enfin il calma la foulée de sa monture, il se redressa. Le visage rouge de cette bonne course, tourné vers Elda. Comme pour lui partager la joie de cet instant et demander d’un regard si elle appréciait elle aussi.

Mais le sourire d’Ulter vint à s’affadir ; ses sourcils se froncèrent au-dessus de son regard soucieux. Il croyait décerner… là, dans les buissons environnants… d’étranges silhouettes qui, si proches les unes des autres dans l’ombre, semblaient ne former qu’un seul monstre informe. Aussitôt, le Germain pointa les intrus derrière Elda et alerta :
« Domina ! »
La masse noire et mouvante se défit, les corps hostiles saillirent des fourrées, lames et bâtons en main. Des brigands ! Ils allaient vouloir leur passer sur le corps pour accéder à la domus et piller ! Ulter comprit aussitôt qu’Elda et lui allaient devoir travailler ensemble à se défendre en attendant que des serviteurs arrivent. Le Germain donna l’alerte d’un long cri, sa monture se cabra. L’orage sauta à terre le temps d’y ramasser un long et massif bâton en guise d’arme, avant de remonter en selle. Déjà, les molosses armés fondaient sur eux !
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Sam 27 Juil 2024, 18:06

Elda Tullia
Sacerdos

J'ai 17 ans et je vis à Rome. Dans la vie, je suis la fille d’un haut général de guerre et je le vis au gré de ses aspirations. Sinon, en raison de mon statut je suis l’objet de désir de tous les patriciens en quête d’union, mais grâce à mes machinations je parviens à échapper cette destinée médiocre que m’impose ma condition.


(♪) Chanson thème - Elda

Elda incarne une force tranquille, un contraste saisissant entre l'innocence qui nimbe son visage et la tempête qui gronde en son sein. Elle porte sur ses épaules le poids de la colère et de la jalousie qui la dévorent, une flamme ardente dissimulée derrière un masque de douceur, mais ce qu’elle dégage n’est que froideur.

Rose négligée qui n’aspire qu’à s’élever, elle est pourtant éclipsée par l'éclat du soleil fraternel. Mais sous le masque de l'Apollon altier, ce héros de pacotille ivre de faux exploits dans l'arène, Elda sait discerner la marionnette des jeux politiques familiaux. Elle aspire secrètement à une destinée qui lui appartient. Son esprit vif et acéré, arborant les reflets d’une intelligence rare, se nourrit de ses ambitions insatiables.




Les jours passaient sans grand bouleversement, chaque matin se fondant dans la répétition monotone du précédent. Elda se levait à l'aurore, accueillant la lumière du jour comme salvatrice de nuits agitées ; toujours était-elle prédatée aux cauchemars lorsqu’elle ne l’était pas de l’ombre fraternelle. Elle laissait sa bonne servante Fabia brosser ses cheveux avec une minutie presque rituelle et la draper de ses vêtements. Ensuite, Elda s'occupait de préparer le petit-déjeuner elle-même. Une tâche qu'elle considérait insignifiante mais qu'elle accomplissait par convenance. Si la jeune domina n’avait cure de ce genre de tâche domestique et de cette monotonie assommante, elle le faisait pour la bienséance, et force était de constater qu’elle y était plutôt douée. Elda Sacerdos se révélait être une maîtresse de maison attentive, puisqu’elle aimait s’occuper des siens et de ses hôtes. Peut-être pour mieux les mettre dans sa poche. Son père et son frère n'étaient pas à l'abri de ses manipulations subtiles. Sous son masque de bienveillance, Elda était une calculatrice née qui ne prenait jamais une décision sans espérer en tirer quelque bénéfice pour elle ou sa famille. Ainsi, lorsqu'elle dressait la table le matin, c'était autant pour attirer son père et son frère à déjeuner que pour glaner des informations sur les affaires militaires et jauger l'humeur du second. Quand elle se laissait courtiser lors des banquets, c'était pour extorquer des faveurs ; et lorsqu'elle remplissait les coupes, c’était pour faire de l’ivresse sa meilleure arme et ainsi délier les langues de quelques secrets bien gardés. Elda s’assurait toujours d'être au-dessus de tous. L’apparence aguichante que lui prêtait son genre lui prodiguait l’avantage d’être sous-estimée par son entourage, et ses silences marqués masquaient une intelligence acérée qui lui permettait de cerner les motivations des autres.

C’est donc après avoir veillé aux affaires domestiques qu’Elda se rendait généralement au Forum, ce cœur battant de la politique romaine, en compagnie de Fabia. Elles déambulaient parmi les colonnades majestueuses, allant et venant, attentives aux discours enflammés et aux débats stratégiques sur les politiques en place. Certes, jeune était-elle pour se prêter à ce genre de chose, mais il n’en était pas moins qu’elle portait en elle une sagesse née de l’observation silencieuse des jeux de pouvoir qui se jouaient autour d’elle depuis son plus jeune âge. À commencer au sein de son foyer. Elle écoutait les sénateurs et leur débat stérile autour des alliances et des guerres aux frontières, s’imaginant la réplique à ces hommes souvent aveuglés par leur propre importance. Elda chérissait Rome, sa grandeur historique et la complexité de ses habitants. Mais elle discernait également ses faiblesses, son hypocrisie, et les ambitions vaines qui menaçaient de précipiter l'empire dans le chaos. « Si seulement j'étais née avec une trique entre les jambes ! » pensait-elle avec une ironie mordante, regrettant amèrement de ne pouvoir participer activement aux discussions. Elle toussota légèrement pour chasser cette pensée inconvenante, puis se mit en route pour la villa, les étals de la mode romaine n'offrant rien qui puisse éveiller son intérêt ce jour-là.

Elda se surprenait à attendre avec une impatience croissante ses moments passés avec le jeune otage, Ulter. Il lui était une évasion bienvenue non seulement de la solitude imposée par une vie domestique terne, mais aussi de la présence de Caïus, qui n’osait l’approcher lorsque le Germain était à ses côtés. Non pas qu’il craignait le jeune homme, mais le dégoût de sa personne le faisait se tenir loin comme la peste. Et lorsque sa présence était inévitable, Caïus n’hésitait pas à lui envoyer des remarques belliqueuses pour rappeler au jeune Germain où était sa place. Ulter n’y perdait jamais la face et savait répondre de la plus noble des façons : en ne répondant rien. Il se contentait de plonger ses prunelles claires et patiente dans celles de son opposant sans jamais riposter de front. Il ne donnait ainsi rien à Caïus, qui n’attendait que le moindre écart de conduite chez l’otage pour faire de lui ce que bon lui semblait.

Un jour, alors qu’Elda faisait la lecture à Ulter de quelques passages d’Ovide et des Métamorphoses sous l’ombre d’un arbre, Ulter se montra curieux sur la personne de son frère. Un sourire narquois se dessina sur les lèvres d'Elda alors qu’elle refermait l’ouvrage. L'audace de l'otage, qui prenait désormais ses aises au sein de la villa, l'amusait. Mais, anticipant les sous-entendus de sa question, elle préféra éluder.
— Caïus est... Caïus, répondit-elle avec une résignation feinte. Il a son caractère. Il y a des jours où tout Rome le célèbre, et d'autres où seuls nos chiens le tolèrent.
À ces mots, Elda se perdit dans la contemplation de bien lointain souvenirs à cette évocation, et pas des plus plaisants. Si au départ ses nuits étaient voilées de terreur et de résistance, elle avait fini avec l’âge par accepter avec une monotonie presque effrayante les visites nocturnes de son jumeau. C’en était devenu une routine que de ne fermer l’œil la nuit avant de recevoir sa visite. Ainsi, elle l’attendait chaque nuit patiemment dans la chambrée de ses quartiers, dans l’attente d’être dépossédée d’elle-même une nuit de plus. Et tandis qu’il lui imposait ses caresses et que ses yeux brûlaient de désir, les siens brûlaient d’une seule envie : le voir se vider de son sang. Elle fut ramenée à la réalité par le lyrisme de la langue natale d’Ulter, qui avait entamé le début d’un poème. Elle écouta d’une oreille attentive les vers, même si dans ses oreilles ce n’était qu’une succession de sons qui n’avaient aucune résonance dans son esprit. Il lui offrit la traduction en latin et les mots la percutèrent bien plus qu’elle ne l’aurait cru. Ou peut-être était-ce tout simplement le moment choisi et le thème du poème. Car oui, si Elda se sentait comme morte, elle caressait elle aussi l’espoir de se voir un jour renaître. Son regard s’était terni et la jeune domina le remercia du partage avant de le quitter pour s’affairer ailleurs et retourner à sa solitude.

Les après-midi qui suivirent, Elda consacrait son temps à une tâche tout aussi noble mais bien plus délicate : la transmission de sa culture à Ulter. Elle abordait cette tâche avec une patience et une rigueur qui trahissaient sa passion pour toute sorte de savoir, le savoir étant à son sens une source de pouvoir inestimable et sous-estimé. Elle se plaisait à lui raconter les légendes et les histoires des grands hommes de Rome, à lui enseigner les subtilités de la langue latine et les rudiments de la philosophie stoïcienne, espérant ainsi éveiller en lui une curiosité et une compréhension plus profondes de son monde. À ses curiosités, elle répondait chaque fois. Comme lorsqu’il se questionna sur l’existence de leurs archives pour préserver leur histoire.
— Chez nous, les deux pratiques ont leur place. Les orateurs romains, comme Cicéron, sont célèbres pour leur art de la rhétorique, pour captiver les foules et inspirer les esprits. L'oralité est une force, un moyen puissant de persuasion et de transmission, mais nous apprécions aussi la quiétude de la lecture, où les mots peuvent être pesés et médités. C'est une autre forme de dialogue, plus… introspective, disons. La lecture offre une profondeur, une permanence que l'oralité n'a pas toujours. Une voix s’estompe et les paroles meurent. Les idées soufflées continuent d’exister, mais elles se meuvent et sont interprétées de bien différentes façons. L’écriture permet d’y remédier. Et puis, je n’ai jamais rencontré à Rome des gens avec une mémoire comme la tienne, Ulter…
Elle appréciait sa curiosité intellectuelle et sa capacité à apprendre rapidement les concepts, même si son latin restait encore approximatif. Ce qui la frappait le plus était son absence d'hostilité pour le peuple romain malgré tous les torts causés envers le sien, ce qui le conduisait aujourd’hui ici avec elle. Malgré les violences que sa tribu devait probablement endurer à des milliers de milles de là, Ulter ne montrait aucune rancœur. Cette attitude étrange intriguait Elda. Un jour, désireuse de tester sa sincérité, la jeune domina décida de s'enhardir à provoquer Ulter à ce sujet.

Dans la douceur d’une fin d'après-midi, elle l’amena dans les écuries de la villa pour leur première balade à cheval seuls ensemble. C’était un lieu où les odeurs de foin frais et de cuir tanné se mêlaient. Tandis qu'ils s'avançaient parmi les stalles, les chevaux hennissaient doucement à leur passage, reconnaissant la jeune domina qui passait souvent par là. Elda s'arrêta devant une stalle particulière, où se trouvait une jument lusitanienne. Sa robe beige éclatante semblait capter les derniers rayons du soleil, illuminant l'animal d'une lueur presque dorée. Elda ouvrit la porte de la stalle et entra avec une aisance familière.
— Voici Aurea, dit-elle en caressant doucement le flanc soyeux de l'animal. Elle est avec moi depuis ma plus tendre enfance. Et à côté se trouve ta monture, Magnus. Il a son caractère… mais une fois gagné sa confiance, il te sera un compagnon formidable. C’est aussi le plus rapide de nos chevaux.
Après avoir laissé à Ulter un moment pour se familiariser avec sa monture, Elda guida le jeune homme vers les bordures d’un étang isolé, un écrin de sérénité caché au milieu du domaine connu d’elle seule. Le chemin les y conduisant serpentait à travers des bosquets verdoyants et épais, qui rendaient l’ascension difficile. Lorsqu'ils arrivèrent enfin au bord de l'étang, la lumière du crépuscule baignait le paysage d'une lueur dorée, faisant scintiller l'eau calme comme une surface de verre poli. Elda laissa sa jument assoiffée de fraîcheur s'abreuver paisiblement, ses naseaux effleurant la surface miroitante, et enfin, les deux cavaliers descendirent de leurs montures. Elda attacha les rênes des chevaux à des branches basses, puis se tourna vers Ulter, s'approchant lentement de lui. Ses pas feutrés sur le sable humide du rivage. L'air était doux, chargé des fragrances des fleurs et des plantes aquatiques, mais elle-même dégageait un parfum subtil qui s’élevait dans l’air lorsque le vent venait soulever sa chevelure. Elle s'arrêta à quelques pas de lui, le regard rivé dans le sien, comme pour laisser à ses mots tout le poids de la question qu'elle allait lui poser.
— Dis-moi, Ulter, comment peux-tu rester si impassible alors que les régiments de mon père piétinent tes terres et violentent ton peuple pour les dépouiller de richesses qu'ils n'ont pas... Cela ne te donne-t-il pas envie, parfois... de me passer le couteau sous la gorge ?
Ses mots flottaient dans l'air, empreints d’une sincérité crue et d’un sérieux déconcertant. Sa gestuelle et le panorama contrastaient avec la gravité de sa question, créant une discordance troublante entre la douceur de l’instant et l'intensité de ses propos. Elle n’attendit pas sa réponse pour s’écarter de lui et pénétrer dans les eaux froides, tout habillée, d’un pas tranquille, comme elle le faisait parfois au cours de ses promenades pour se rafraîchir. Mais cette fois-ci, ce geste impromptu était pure provocation. Une manière de tester Ulter sur un terrain bien plus subtil et bien plus glissant que celui de la guerre entre leurs peuples ou ses pulsions meurtrières vis-à-vis d’elle. La transparence de ses vêtements imbibés d’eau venait dessiner ses formes lorsqu’elle en sortait, et Elda s’amusait du regard fuyant du pauvre otage en regagnant le rivage. Était-ce donc de la pudeur, du respect, ou quelque chose de plus complexe qu’elle avait cru percevoir dans ses yeux ? Une lutte intérieure entre l’attirance et la peur, peut-être ? C’était la première fois qu’Elda opérait de ses charmes sur Ulter et se plaisait plus tard à nourrir cette ambiguïté entre eux par moments. C’était là, pour la jeune femme, un jeu de pouvoir autant qu'une exploration de ses propres désirs et curiosités masqués. Il y avait des jours comme cela, où étrangement Elda pouvait se montrer cruelle dans ses manières. Jamais dans la démesure, seulement pour tester la vaillance de nouveaux venus venant se heurter à son monde. La jeune femme éprouvait une profonde aversion pour la faiblesse et ceux qui s’en faisaient un manteau. Ulter, cependant, avait une manière singulière de ne jamais incarner son statut de victime de Rome, même face à des circonstances qui en auraient brisé beaucoup d'autres. Elle admirait cette force tranquille chez lui, ce refus obstiné de se laisser définir par ce que sa famille souhaitait faire de lui.

Et puis, par une journée où le soleil de Rome semblait embrasser la terre de sa lumière dorée, Elda et Ulter décidèrent de quitter l'atmosphère oppressante de la villa pour une balade à cheval. Elda, habillée d'une tunique légère aux couleurs de la mer, montait avec une grâce naturelle, tandis qu'Ulter, dans ses accoutrements uniques, guidait son cheval à ses côtés avant de décider de partir au grand galop. Elda, qui n’avait pourtant pas l'habitude de prendre autant de vitesse au dos d’Aurea, n’y pensa pas deux fois pour se laisser emporter par cette idée. L’air fouettait ses joues et balayait ses cheveux de son visage. Une sensation bien agréable qu’elle découvrait là. Les pas des chevaux les menèrent à travers des collines verdoyantes et les chemins boisés du domaine, où la nature offrait un répit bienvenu à la rigueur de la cité. Elda appréciait ces moments d'évasion avec Ulter. Elle se surprit à lâcher un doux rire lorsqu’il se retourna vers elle, mais soudain, le regard du Germain changea. Le calme fut brisé par des bruits de pas précipités et des murmures menaçants. Ulter fit signe à Elda en pointant derrière elle, mais avant qu'ils ne puissent réagir, un groupe de brigands surgit de la végétation, leurs visages sales et ternes avec des yeux brillants de malveillance. Elda sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Elle avait entendu parler de ces bandits qui rôdaient autour de la ville, mais n'avait jamais imaginé qu’ils s’aventureraient sur ses terres.
Les brigands étaient armés de couteaux et de bâtons, leurs regards glissant sur Elda avec une avidité inquiétante. L'un d'eux, un homme au sourire torve, s'avança, une main tendue en avant, cherchant à apprivoiser la monture d’Elda avec son approche. Son regard ne quittait pas la jeune domina.
— Regardez ce que nous avons là, murmura-t-il, une noble demoiselle et son esclave.
Elda se redressa sur sa monture, tentant de dissimuler son appréhension derrière une façade impassible.
— Laissez-nous passer, dit Elda d'une voix ferme, mais sans menace. Et peut-être mon père vous épargnera-t-il de périr dans l’arène.
Le brigand éclata de rire, suivi par ses comparses. Elda, ressentant le danger croissant, agrippa les rênes de son cheval plus fermement tandis qu’Ulter derrière elle lâcha un cri de guerre. L’homme remarqua leur manège et empoigna rapidement la bride de son cheval, ce qui fit la bête se cabrer subitement sur ses deux pattes arrières. Elda glissa de son dos et tomba lourdement au sol, heureusement sans mal, mais à la merci des brigands. Elle releva vers eux un regard menaçant et sentit une colère sourde monter en elle. Le premier qui lui agrippa la cheville reçut un coup de pied sec sur le nez, le second qui tenta de lui arracher sa robe reçut une pierre sur le front. Elle avait malmené deux hommes en sang, et le groupe, comprenant qu’elle ne se laisserait pas si facilement faire, fondit sur elle comme un seul homme.



Le dernier acte est sanglant


quelque belle que soit la comédie en tout le reste: on jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais.
- B.P.

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Univers fétiche : Historique
Préférence de jeu : Les deux
Tournesol
Frida K.
Sam 17 Aoû 2024, 16:34

Ulter
J'ai 19 ans et je viens de Germanie, mais suis déplacé à Rome. Je suis cavalier & homme de savoir dans ma tribu, cependant me voici désormais otage de l'Empire. Du reste, en raison de ce que les chefs appellent "don" des Dieux, j'ai la "mémoire absolue" et je vis la chose de façon très inégale selon les moments.

RP avec @Lobscure
Le bon mot d’Elda à propos de Caïus et des chiens tira un léger rire à Ulter. Il sentit toutefois bien qu’elle ne souhaiterait pas en exprimer davantage, par pudeur. Lui aussi eut donc la pudeur de ne pas relancer à propos de ce fâcheux sujet, mais il semblait évident que quelque chose n’allait vraiment pas entre la domina et son frère.
Ulter le devinait dans ce regard trouble que la jeune femme portait au loin, pour conjurer l’image de Caïus comme on conjurait un cauchemar en pensant à autre chose.

Sans doute était-ce pour ces raisons, d’ailleurs, qu’Elda fuyait autant que possible le domicile et préférait se rendre au forum, au marché, à l’écoute des nouvelles politiques, ou le plus loin possible dans le parc de leur domus dans l'espoir d’échapper au triste sire. Ulter avait noté qu’elle s’autorisait ce type de déplacement, après ses longues heures passées à travailler de son mieux au bien-être du foyer. Le Germain eut, en y repensant, un pincement au cœur. Chez lui, une femme comme elle serait libre de parler fort, de prendre part aux concertations politique, et même de devenir une grande guerrière. Sans avoir à recourir aux appâts de l’attirance et des charmes féminins pour se faire tant bien que mal entendre de ces messieurs…

¤

Un même navrant constat traversa Ulter quand il offrit à la domina ce poème à propos de Wodanaz, dieu germain conscient de sa propre mort, suspendu. Avant de pouvoir renaître plus sage encore qu’il ne l’était. L’otage ne s’était pas attendu à ce que ces vers touchent autant Elda. Il ne sut dire si cela l’honorait ou l’attristait. Un peu des deux sans doute : elle portait intérêt à sa poésie, et malheureusement elle souffrait de ce qu'un tel poème lui renvoyait.
Le Germain en eut la gorge serrée. Le jeune femme aussi avait un esprit vif, des projets et ambitions sans doute plein la tête… Mais sa condition et son sexe la laissaient comme suspendue, quasi morte entre deux monde sans appartenir vraiment à aucun : ni celui du foyer, ni celui de la politique.

Ulter aurait aimé trouver quelque chose de réconfortant à dire. Il craignit de déclarer quelque chose de plus maladroit qu’autre chose. Aussi s’apprêta-t-il à relater un poème épique de chez lui, moins lugubre, davantage tourné vers la victoire et les louanges des grandes femmes de sa nation ; cependant Elda s’en allait déjà, probablement émue ou tout simplement appelée ailleurs par quelque travail à accomplir. Ulter garda donc pour lui l’émotion que ce temps d’échange lui avait inspiré. En si peu de mots, uniquement au travers de quelques vers et regards, la domina et lui paraissaient s’être compris en bien des points. Il s’en trouva remué, le cœur battant pour cette jeune femme comme rarement il l’avait eu pour quelqu’un d’autre…

¤

Cette attirance, qui lui apparaissait de plus en plus claire, se faisait particulièrement vivace lors des moments qu’ils passaient, dans les jardins ou l’atrium, ou bien à la bibliothèque, à converser de leurs us et coutumes, de leurs cultures et réflexions. Comme cet après-midi là où l’otage confiait à Elda son amour pour la transmission orale. Elle lui semblait si fédératrice, si chargée de vie, et un si bon exercice pour la mémorisation ; tandis que les parchemins lui faisaient toujours ce drôle d’effet de mots fixés à jamais sur de la peau morte…
Il accueillit cependant avec une grande curiosité l’approche qu’avait Elda de ces questions. Assurément, quand les mots étaient des armes dans une arène politique, il fallait savoir les manier avec la voix et la gestuelle.

« Vrai qu’il y a un admirable art, à savoir porter des paroles jusqu’au bout d’une place publique. Et même les incarner de son corps entier. Des mots peuvent abattre un homme ou vous subjuguer une foule entière, j’ai eu l’occasion d’admirer le récit de telles prouesses dans les compte-rendus judiciaires en votre bibliothèque. Chez moi aussi, j’ai pu sentir comme les guerriers vibraient lorsque Wertügern le Mène-Meute, un de nos chefs, les haranguait. »

Les yeux d’Ulter se brouillèrent d’émotion quand Elda parla de ces dialogues intérieurs auxquels conviaient les livres. Voilà qui donnait une certaine consolation lorsqu’on était seul… Si seul… Il ressentait cela depuis qu’il était ici à Rome : sans Elda et sans ses nombreuses lectures, l’otage serait isolé comme les pierres des morts. Et quelque chose lui disait que la domina avait elle aussi à composer avec la solitude : l’on n’aurait pas, dans le cas contraire, une telle sensibilité aux voix intérieures stimulées par la lecture. Ulter roula légèrement la tête dans ses épaules et sourit, gêné et honoré à la fois de l’admiration d’Elda pour sa mémoire.

« Je… Ce me touche… Vrai que c’est un don que m’ont fait les dieux. Avec lui, l’apprentissage rien qu’en écoutant me semble aller de soi. Et à d’autre moments, un son, une image, une parole peuvent d’un coup m’amener tout un cortège de souvenirs très précis. Trop, parfois : on se perd quelque part entre le présent et le passé tellement vivace qu’il se mélange au maintenant. » (Un peu plus rieur) « Ici en tout cas, je suis heureux de ce donc qui permet, je l’espère, qu’un élève trop ennuyeux je ne sois pas. »

Il avait l’avantage d’aller vite à retenir et, ainsi, espérait en effet ne pas trop ralentir sa professoresse déterminée dans ce qu’elle voudrait faire d’autre de ses journées.

¤

Il plut à Ulter, un matin, d’aller découvrir les nobles montures en compagnie d’Elda. Même si les écuries restaient, pour le Germain, attaché à un souvenir bien plus désagréable : ce bout de tissu ensanglanté qu’il y avait découvert. Un tissu encore en sa possession et qui cachait un secret pas encore découvert par l’otage. Il avait pourtant été fort attentif ces dernières semaines, mais il ne lui semblait guère qu’un crime ou quelque malhonnêteté se soit orchestrée dans la villa.

Ulter tenta de ranger dans un coin de sa tête ce sordide détail. De ne plus y penser tandis qu’Elda lui présentait une magnifique jument à la robe couleur crème, auréolée de cette lumière qui passait les portes du box. Après un sourire reconnaissant à la jeune femme, il fit connaissance avec Magnus, un beau frison quelque peu fourbu. Le Germain retrouvait en cet instant tout le bonheur de jadis, lorsque dans sa tribu il passait du temps avec des amis et les chevaux. Les soigner, aller courir avec eux, les nourrir, autant d’activités qui lui manquaient en ville.

Le brave Magnus claqua des sabots, tout fier devant Ulter qui poussa un souffle de rire. Il lui présenta sa main, sur laquelle les naseaux de l’animal poussèrent un chaud filet d’air. L’otage avança la main pour donner à l’animal une caresse le long du chanfrein.

« Salut, Magnus. » s’amusa-t-il à dire au cheval en lui tapant amicalement le dos. Puis se retournant vers Elda : « Quelles magnifiques montures vous avez ! »

En guise de réponse, Magnus s’ébroua et donna un petit coup de museau contre la joue d’Ulter. Il prit son temps à lui faire faire quelques pas, puis à le sceller et à le monter quand le destrier se fût assez accoutumé à lui. Le Germain se retourna vers Elda, presque un air d’enfant dans le regard alors qu’il retrouvait les grisantes sensations de l’équitation. Et de ce contact si chaleureux avec ces compagnons à quatre pattes.

« Merci. De partager ces cavalcades avec vous je me réjouis. »

Et ils s’engagèrent, au gré d’une foulée soutenue, jusqu’à l’étang de la villa. L’heure crépusculaire le teintait d’éclats dorés. On eut dit de l’or fondu qui brillait de tous ses feux ! Et l’eau lisse comme un miroir accompagnait, de son doux murmure, les hululements qui traversaient la ramure des arbres environnants. Ulter oublia un instant la monture, la présence d’Elda et tout de sa situation, pour s’imprégner d’un pareil paysage. Par certains aspects et quand bien même le climat était bien plus tempéré que dans ses rudes montagnes, il y retrouva la clarté cristalline des lacs de sa Germanie. Et plus encore, cette impression que des défunts et des divinités chuchotaient dans mes sifflements des vents entre les branches.

Un hennissement d’Aurea ramena l’otage à l’instant présent. Ses yeux furent alors cueillit par ceux, d’une intensité rare, de la domina qui le regardait alors avec sérieux. Et pour cause, la question qu’elle lui adressa n’avait rien de légère. Ulter n’était pas naïf, un sujet aussi grave devait bien finir par arriver. Ils ne pouvaient pas faire, ni l’un ni l’autre, comme si la brute réalité politique n’était pas toujours là, rampante, malgré les appréciables moments partagés.
Tout en attachant les rênes de Magnus, Ulter ouvrit la bouche pour répondre, mais il fut pris court par le mouvement aussi imprévu que sauvage avec lequel Elda plongea toute vêtue dans l’étang. Au moins cela lui laissa-t-il le temps de peser ses mots et ainsi espérer ne rien dire de stupide. Quand il tourna de nouveau les prunelles vers la jeune femme, il aperçut ses formes sculptées par l’harmonie des plis et des transparents du tissu.

Aussitôt, par réflexe de respect et de pudeur, Ulter avait piqué des yeux au sol. Il se mordilla la lèvre : il ne pouvait plus se cacher son affection pour Elda. Pour sa culture, sa curiosité, pour son caractère mais aussi pour les souffrances qui la traversaient quand bien même elle n’en parlait pas. Ces sentiments, déjà présents en temps ordinaires, remuaient dans le ventre du jeune homme alors que cette situation d’érotique proximité le prenait de cours.
C’était aussi de la distance lucide et prudente qui transparaissait l’attitude du Germain : il avait bien conscience que rien ne devait se produire entre Elda et lui du fait de leurs rangs respectifs. Sans compter l’insulte qu’y verraient la famille de la jeune femme d’une part, la tribu d’Ulter d’autre part ; on ne se commettait pas avec l’ennemi.
Il carra les épaules, s’adossa à un tronc et reprit contenance. La question que la domina lui avait posée demeurait encore très précise sous son crâne. Ulter engagea enfin :

« Idiot je serai de m’illustrer par un comportement violent. Il n’y aurait pas meilleure façon de valider la mauvaise image que beaucoup de vos pairs de nous ont. Je suis ici, je n’ai pas choisi. Autant vivre ce le plus sagement possible. » (Un temps) « Mais ce serait mentir que ne pas reconnaître que, si occasion d’aider les miens se présentait, je le ferai. »

Il avait parlé aussi directement qu’Elda, répondant à sa sincérité abrupte par la même franchise Son ton se fit ensuite moins grave, mais pas moins honnête.

« Et puis, aucune raison je n’ai d’attaquer gens respectueux et ouverts à ce que je suis. Vous encore moins : je sais ne pas réduire toute une personne à seulement un aspect, la politique à laquelle elle appartient. » (Un fond d’émotion lui revint, se souvenant du poème de la pendaison de Wodanaz, symbolisant cette situation mort-vivente, empêchée, qu’Elda et Ulter partageaient ; elle en raison de son sexe, lui de sa situation d’otage.) « Il me semble aussi que… nous sommes vous comme moi suspendus malgré nous. »

Il y avait du reste des choses qui ne leur appartenaient pas, ni à elle ni à lui. Ce qui se jouait aux frontières de l’Empire et qui pouvait prendre des tours surprenants. Rome grandirait encore, ou bien, exploserait à force d’avoir les yeux plus gros que le ventre. C’était une possibilité de plus en plus sérieuse et qui traversait l’esprit d’Ulter.
Son visage songeur était resté sérieux. Ses yeux demeuraient tranquillement en communication avec ceux d’Elda, avec qui il se trouvait en ce moment si proche. Pour tromper le trouble que dégageait ce moment intense, Ulter, une fois qu’il aura prêté attention aux paroles qu’Elda aurait après ses affirmations, s’emploiera à délacer ses bottes et remonter ses braies pour aller tremper le bas des jambes dans l’eau. Il resterait quelques instants assis au bord de l’étang, rêveur, les pieds dans l’eau.

En revenant vers les chevaux, le Germain prit soin lui aussi de conduire Magnus vers l’étang afin qu’il s’y désaltère. Il en profita pour lui soulager les sabots de quelques graviers qui s’y étaient méchamment incrustés. Ce à quoi la monture réagit d’une allègre secousse de sa crinière, qui envoya quelques gouttes d’eau asperger Ulter et Elda. Le Germain rit et lui donna une petite tape taquine à l’encolure.

¤

Le soleil ardait Rome cet après-midi. Raison de plus pour prendre une bonne bolée de fraîcheur au gré d’un grand galop, auquel Ulter se réjouit de voir Elda se prêter volontiers. Tous deux se surprirent à rire sous le coup de l’adrénaline, comme après un jeu dans lequel avaient eu besoin d’éclater tant de sensations fortes. Moment de grand air et de libération !
Il avait cependant été de courte durée : voici que la horde de gredins armés et crasseux entourait la domina et l’otage. Ulter fronça les sourcils de colère en voyant l’un des malfrats chercher à dompter la monture de la jeune femme. Un esclave, disait ce type ? La voix rauque du Germain jura :

« ᚻᛖᛁᛘᛞᛚᛚᚱ ! Tu vois souvent des esclaves à cheval, tête de bite ?! »

Les menaces d’Elda ne calmèrent pas les intrus, bien au contraire… Ils éclataient de rire et se montrèrent bien décidés à leur passer sur le corps, avant sans doute de rejoindre la domus pour y piller le maximum de richesses. Ulter s’était élancé pour ramasser une solide branche en guise d’arme. Il fondit vers la troupe qui s’affairait à immobiliser Elda pour lui infliger ce que l’otage imaginait trop bien…
Sous les mouvements précis d’Ulter, Magnus se cabra. Les battements de ses sabots assommèrent un premier agresseur, que le Germain termina d’un puissant coup du lapin en pleine nuque.
Le reste des hommes s’acharnait encore sur la domina, qui luttait de toutes ses forces contre les poignes brutales des assaillants. Sa robe déchirée, couverte de boue, allumait les plus viles pensées dans les yeux des brigands. Ulter se rua contre un des agresseurs, permettant à la jeune femme de se libérer pour reprendre part à l’affrontement.

Coups de poings. Brisures d’os sous les assauts des bâtons. Tintement des lames. L’otage fut quitte d’une coupure sur la joue et de quelques bleus le long des bras. Les os de ses épaules lui donnaient l’impression de vouloir se disloquer, mais il avait combattu sans relâche aux côté d’Elda. Son visage suait tandis qu’il abattait ses dernières charges contre un des gredins.
Les forces conjuguées du Germain et de la domina finirent par mettre le reste de la troupe en fuite, aidés du reste par l’arrivée d’une troupe de domestiques armés. Enfin, ils avaient rejoint le bout du parc après le hurlement perçant qu’avait poussé Ulter afin de les prévenir. Les bandits décampèrent, se sachant désormais en sous-nombre.

« Que je ne vous revoie pas !! Je n’oublie jamais un visage ! » cria l’otage à la bande en déroute.

Plié en trois, les mains à ses genoux, Ulter haletait. Ce n’était pas trop tôt… Au moins, ils avaient échappé au pire ; surtout Elda. L’otage regarda vers elle et haleta discrètement :

« Ça va ? Rien de c… cassé ? »

Déjà, les gardes se tenaient devant la domina et l’otage. L’un d’eux s’avança et pointa sa lance vers le corps du bandit qu’Ulter avait assommé. Il se tourna vers Elda :

« Maîtresse, que faisons-nous de celui-ci ? Et pour les fuyards, quels sont vos ordres ? »

Ulter entre temps s’était redressé. Il essuya le sang qui perlait encore à sa joue. Il se serait réjoui de voir la situation bien se régler, avec plus de peur que de mal, si la silhouette prétentieuse de Caïus ne venait pas de se dessiner à son tour. Il approchait de son pas fier, comme si c’était lui, qui pourtant arrivait après la bataille, qui allait régenter l’incident.
La première chose qu’il vit fut la robe bleue toute déchirée de sa sœur. Elle lui découvrait les jambes. Des hématomes parcouraient son corps et sa chevelure en désordre laissaient tout deviner d’une lutte effroyable. Il n’en fallut pas davantage à Caïus pour darder un regard incendiaire vers l’otage à ses côtés.

« C’est un scandale ! claqua la voix du jeune patricien. Voilà ce qui arrive quand on laisse un sauvage prendre ses aises en notre demeure !! Tu vas payer ça. Gardes ! »

Ulter roula des yeux. Il repoussa le serviteur qui approchait de lui. Il ne sut dire ce qui le mettait le plus en colère : cette énième injure... ou que la première réaction de Caïus ne soit même pas de s’inquiéter de la santé de sa sœur ! Une chose était néanmoins certaine : cette fois-ci Ulter ne resterait pas silencieux. Rester indifférent à de grossiers propos xénophobes étaient une chose ; tolérer un seul instant une accusation aussi grave en était une autre. Ulter répondit donc sans hésiter, d’un ton grave et râpeux :

« Nous n’avons pas été trop de deux, la domina et moi, pour tenir tête à une bande de voleurs. »
« Silence !! » tança Caïus avant de se tourner vers Elda.
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Au-delà des mirages, le monde est nôtre [ ft Frida K.]
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