C’est tout de même dingue la façon dont sa vie a changé en à peine une semaine, à cause de quelque chose d’absolument tragique et horrible. En effet, depuis quelque temps un tueur en série sévit dans les bas quartiers de Londres. Bien sûr la jeune officier a suivi l’affaire dans les journaux, papiers et télévisuels, mais aussi en demandant des informations à ses collègues du poste de police ou ceux des établissements environnants. Cependant, jamais ô grand jamais Hannah Hope Brown n’avait imaginé se retrouver propulsée avec d’autres sur ladite affaire, oui, la jolie rouquine pensait plutôt continuer dans son petit poste de quartier. A donner des contredanses pour excès de vitesse, à faire la loi dans les bars, ou remonter les bretelles de certains jeunes faisant trop de conneries. Cependant, la vie vous réserve parfois des surprises bien étranges et la voilà donc à bosser pour la centrale de police de la ville, rien que ça. C’est sûr que la rouquine aurait aimé arriver dans d’autres circonstances, en revanche elle est tout de même plus que motivée à apporter son aide et peut être qui sait, à faire avancer l’affaire.

Les deux seuls gros points noirs dans cette histoire, en dehors du tueur qui court toujours et des pauvres victimes. C’est que d’un, ses frères n’ont absolument pas apprécié de savoir que leur petite sœur va se retrouver en première ligne, cependant, ils ne vont pas pouvoir faire grand chose. L’enquête prend des proportions telles, que chaque officier un tant soit peu doué et motivé peut se montrer utile pour que les rouages de la justice continue d'avancer. En plus de ça elle n’est ni bête, ni inconsciente, elle ne fera que des choses à sa portée, c’est qu’elle n’est pas wonder woman non plus. Ensuite le petit deux et non des moindres c’est qu’on l’a mise en équipe avec un type dont la réputation le précède, et quelle réputation. Acariâtre, froid, brusque, sarcastique, elle en passe et des meilleurs. En plus de ça et d'après ce qu’on lui a laissé entendre quand elle est arrivée, c’est qu’il ne vit pratiquement plus que pour l’affaire du tueur en série, gentiment surnommé le Red Killer, et que les autres enquêtes il s’en fiche comme d’une guigne ou les bâcle. Charmant ! Ce qu’on ne lui a pas expliqué en revanche, c’est pourquoi cet ancien flic au passé si propre et glorieux est devenu l’ombre de lui-même ? Mystère, mystère...

Toujours est-il que miss Brown espère que tout va bien se passer malgré tout avec lui, la jeune femme est une personne gentille, mais avec du caractére et pas le genre à se laisser marcher sur les pieds. De toute façon, elle verra bien comment ça se déroule en temps voulu, pour le moment son supérieur est plus ou moins en vacance forcée et ne doit revenir que d’ici quelques jours. Enfin, ça s’est qu’elle pensait… Jusqu’à cet appel de la centrale en pleine nuit, à deux heures du matin, pour lui indiquer une adresse, un nouveau meurtre a été commis, une jeune femme rousse est morte. Une fois de plus. La fatigue s’évapore petit à petit alors que la nouvelle s’empare un peu plus de ses pensées et que l’adrénaline coule dans ses veines. Ni une, ni deux, Hannah saute dans ses vêtements, tant pis pour son uniforme, de toute façon elle a sa plaque avec elle, et après avoir récupéré quelques autres affaires, elle enfourche sa moto pour rejoindre la nouvelle scène de crime.

Même si elle vit dans la capitale, l’avantage à cette heure-ci c’est que la circulation est sacrément plus fluide qu’en journée, alors, il ne faut pas bien longtemps à la fliquette pour rejoindre un quartier chaud de la capitale Londonienne. En revanche, de jour comme de nuit, il y a toujours des curieux pour venir s'agglutiner aux abords d'une scène de crime. Comme des papillons nocturnes attirés par la lumière d’une bougie. Bref, après avoir passé le barrage érigé par ses collègues, la rouquine gare sa cylindrée près des véhicules de patrouilles et rejoint la cohorte de policiers qui vont et viennent, entre un petit immeuble qui a connu des jours meilleurs et l’extérieur.

— Officier Brown, se présente-t-elle à un type de la scientifique. La centrale m’a appelée pour… Bah pour venir en renfort sur le nouveau meurtre.

Logique, sinon elle ne serait pas là en même temps. L’homme en face d’elle semble penser comme elle vu la façon dont il la regarde et l’un de ses sourcils haussé à l’extrême, mais il a la délicatesse de rien en dire.

— Par où est-ce que je commence ? Mon supérieur est là ?
— Non, il n’est pas encore là, répond son vis-à-vis avec un drôle de rictus. Ce qui est plutôt étonnant, en général quand le Red Killer sévit il est toujours le premier sur les lieux. Bref, officier Brown, je ne doute pas de votre envie d’aider et de bien faire, mais tant que votre supérieur n’est pas là, vous allez devoir attendre. Vous savez, par rapport à la procédure, je ne peux pas laisser une bleue se balader comme ça.

La rouquine hoche la tête, elle comprend même si elle est frustrée de ne pas pouvoir être déjà en action. L’homme de la scientifique prend ensuite congé et elle… Bah, elle n’a plus qu'à patienter en croisant les doigts, pour que son super supérieur daigne bouger rapidement son postérieur.

Ça y est.
Il est de retour , il a frappé à nouveau.
Et , dans un sens , aussi cruel que cela puisse paraître , je m'en suis senti soulagé . Car , peut être qu'enfin je pourrai avancer dans cette enquête. Comprendre ce qui s'est passé . Libérer mon esprit.
Enfin , j'en suis bien loin encore. Bien trop même.

Je sais que je ne dois pas me louper , que j'épuise mes dernières chances avant un renvoi de la police définitivement. Austin m'a dit plusieurs fois que je ne devais pas perdre ce boulot, que je devais me remettre dans le droit chemin.
Je suis d'accord. Mais , pas pour les même raisons.
Certes , je ne veux pas me retrouver à la rue. Cela dit , je désire surtout retrouver l'enfoiré qui a tué mon épouse. Je pourrais le tuer de mes mains , mourir le lendemain...peu importe.
Tant qu'il paie.

Au fond de moi , je sais que j'ai vrillé. Je veux dire , je ne suis pas totalement con. Je sais que j'aurai dû me recentrer sur les enquêtes du moment , au lieu de les négliger pour un tueur endormi.
Bref. Aucun de mes collègues ne me supporte encore , aucun ne croit que j'ai pu être un jour un bon flic. Je vais leur prouver que je suis le seul capable de résoudre cette affaire , malgré tout ce qui s'est passé . Et , ce jour-là, ils pourront bien fermer leurs grandes gueules.

Le vrai soucis , c'est que mon responsable a décidé de me coller une partenaire. J'en voulais pas. J'en ai pas besoin même , de ce poids supplémentaire . Mais , je n'avais pas le choix , ça faisait partie des conditions pour me donner une derniere chance. Donc , si pour mettre la main sur le Red Killer , je dois subir une jeune qui ne connaît rien à la vie, je vais m'en sortir. Du moins , je vais essayé de la supporter.

Je suis parti de chez moi sitôt que j'ai appris que le tueur avait sévi à nouveau. Malheureusement, ma voiture a décidé d'être chiante à démarrer, peut-être à cause du froid...En tout cas , ça m'a bien fait chier.
J'ai pas besoin de me faire remarquer encore pour ça.
Je me dépêche donc de rejoindre la scène de crime , sitôt que j'arrive à proximité des lieux.

"Lieutenant Evans !" , je présente mon badge à un collègue de la scientifique, qui me connaît depuis un bail. J'allais avancer lorsqu'il m'arrête.

"Euh...hum...Evans il y a ta nouvelle partenaire qui attendais juste là..." , il me la désigne discrètement , et j'ai l'impression de me prendre le ciel sur la tête.

Une jeune.
Une rousse.
Mon chef a décidé de me torturer ?
Ou de me faire une mauvaise blague ?
Me filer quelqu'un d'expérience , c'était trop dur ?

"Ooh putain...ok..." , je fais signe à celle qui doit être l'officier Brown si je me souviens bien. "Il aurait pu faire l'effort de ne pas prendre une potentielle victime , merde..." , je marmonne mais assez fort pour qu'elle puisse l'entendre.

"Je suis le lieutenant Liam Evans. Je te préviens directement : c'est moi qui prends les décisions ici. Et , je veux pas entendre de protestations à longueur de journée. Tu te la boucle et t'apprends." , je commence à marcher vers la scène de crime. "Ah , et je ne suis pas là pour faire ami-ami. Ta vie ne m'intéresse pas." , autant prendre les devants. On rejoint le légiste que j'interpelle immédiatement. "Alors , qu'est ce qu'on a ?"

Bon sang, voilà l’officier fortement désappointé de devoir attendre son supérieur et dans le froid en plus, si au moins les températures n’étaient pas si négatives, ça lui serait déjà plus agréable. Cependant, ce qui l’enquiquine vraiment c’est de voir les autres flics aller et venir tranquillement pendant qu’elle doit simplement regarder de l’extérieur. Qu’elle ne touche pas à la scène de crime très bien, il y a un protocole et des procédures à respecter, en revanche ils auraient pu la laisser voir un peu ce qui se trame là-haut. Merde, ça fais deux ans qu’elle est entrée dans les forces de l’ordre, tout doucement Hannah commence à avoir de l’expérience, à faire son nid.Elle sait quoi faire en plus de ça, les formalités la rouquine les connait par cœur, ce n’est pas pour rien qu’elle est sortie major de sa promotion. Bah nan, encore et toujours elle est considérée comme la bleue, la petite jeune qu’il faut former et qui risque de faire tout et n’importe quoi. Sérieusement, comment peut-on prouver qu’on est capable de quoi que ce soit, si on ne vous laisse même pas essayer ?!

Miss Brown secoue doucement la tête en continuant d’observer le bâtiment de plus en plus dépité, sa moue finit cependant par disparaître lorsqu’elle capte un mouvement à sa droite. Un homme à l’air pas très avenant lui fait signe de loin, avant de s’avancer vers elle, sans aucun doute son supérieur et le type n’a même pas ouvert la bouche, que la jeune femme sans que ça va être le fun total avec lui. Comment peut-elle en être si sûr ? Rien qu’avec son attitude fermé et qui respire le dédain et ça se confirme quand il remue les lèvres pour prendre la parole. Enfin, plutôt pour marmonner. Belle entrée en matière par ailleurs, elle est vaguement au courant qu’elle est rousse et que potentiellement ça pourrait intéresser le tueur. Même si le fait qu’elle soit flic peut être rédhibitoire pour lui. Puis mince quoi, ça ne se dit juste pas ! Enfin, Hannah se contente de plisser les yeux, même si lui dire sa façon de penser est très tentante, bah, ce connard c’est son supérieur donc mollo.

Il n’y va quand même pas de main morte. La rouquine fronce les sourcils, serre la mâchoire, et réussit à ne rien dire, du moins pour le moment, du moins tant qu’il y a du monde autour. Ce n’est pas comme si le commissaire ne l’avait pas prévenu de l’attitude du lieutenant, de fait elle va devoir trouver le juste milieu entre ne pas se laisser marcher sur les pieds et ne pas dépasser les bornes avec lui. En attendant et mains dans les poches, l’officier se contente de suivre Evans, pour le moment du moins.

— Toujours le même type de victime, toujours le même modus operandi, explique le légiste avec une pointe désarroi dans la voix. Jeune femme rousse de 22 ans…

Le type s'interrompt quelques secondes et regarde étrangement Hannah, sans aucun doute interloqué par la couleur de ses cheveux. Oui, il ne faut aucun doute que ça risque de troubler plus d’une personne, mais non, elle n’est pas une victime potentielle. N’en déplaise au lieutenant joyeux.

— Femme de ménage, finit-il par rependre. Elle vivait seule dans un petit appartement au quatrième étage, très gentille, sans histoire, elle était bien appréciée de ses voisins. On l’a retrouvée dans sa chambre, allongée sur le lit vêtue d’une robe blanche, les poignets ouverts et toute la pièce était remplie de Camélia rose. On analyse encore la scène de crime, mais, pour le moment on n’a rien trouvé, comme toujours ce salop ne semble avoir laissé aucune trace.

L’officier Brown hoche la tête tout en noircissant son calepin des infos que le légiste leur donne, en effet, le tueur ne semble pas avoir changé sa façon d’opérer. Pour avoir étudié les autres affaires, la rouquine ne serait pas étonnée de découvrir que la victime a été droguée, avant que le serial killer ne lui tranche les veines. Bon, elle n’est pas profiler, mais, ça lui donne l’impression que le meurtrier a comme de la compassion pour ces jeunes femmes, comme s’il ne voulait pas qu’elle souffre avant de mourir.

— C’est tout pour les informations ? questionne l’officier.

Elle devait se la boucler, mais elle ne l’a pas fait. Oups !

— Pour le moment oui, si on a des nouvelles données on vous le fera vite savoir.

A nouveau elle hoche la tête et sourit gentiment au légiste pour le remercier, l’homme fait de même puis prend congé. Parfait, parfait la voilà seule avec l’autre casse burnes.

— Comme vous aviez l’air si prompt à prendre les choses en main, je n’ai pas eu le temps de me présenter. Je suis l’officier Hannah Hope Brown, c’est vous qui prenez les décisions, mais je ne peux pas garantir de ne pas protester et encore moins de la boucler, ce n'est pas mon genre. Surtout au vu de la façon dont vous me traitez sans aucune raison.

Sourire narquois

— Ah, et je ne suis pas là pour faire ami-ami, votre vie ne m'intéresse pas, je veux juste faire au mieux pour qu’on arrête ce tueur. Oh et avant que vous ne commenciez à râler, de nous deux, c’est vous qui êtes sur la sellette pas moi…

Qu’il prenne ça comme une menace, elle s’en fiche mais le lieutenant Evans va devoir se mettre dans le crâne que l’officier Brown ne se laisse pas faire !

J'ai probablement exagéré de connerie en faisant la remarque qu'elle est rousse à voix haute. Ouais , au delà du fait que c'est pas très respectueux, c'est surtout très con. Mais , je suis un con , c'est pas spécialement nouveau.
Puis , je m'en fous en fait. Qu'elle me déteste et me méprise : ce sera sans doute bien plus simple que le contraire.

Cela dit, elle ne dit rien. Ça m'étonne d'ailleurs. La plupart des nouveaux ont une grande gueule qu'il faut rapidement dresser pour les faire se tenir à carreau, convenablement. J'attends de voir combien de temps exactement elle va bien pouvoir rester tranquille. Parce que j'ai comme un doute qu'elle soit une exception en ce domaine. Enfin, je peux me tromper...Bref. Il est temps de rejoindre la victime et de questionner le légiste.

C'est clairement pas l'instant le plus agréable. Les années de métiers n'y changent rien. Toujours cette boule dans la gorge au moment de poser les yeux sur la victime. Une pauvre jeune femme qui n'a sûrement jamais fait de mal , jamais méritée un tel traitement. Comme mon épouse en son temps.
Le seul point positif du Red Killer, si on peut dire ça, c'est que ses victimes ne sont pas retrouvées dans un état complètement déplorable. Vidée de leur sang , mais pas écrabouillée ou que sais-je encore.
Parce que , des corps choquants j'en ai vu , et pas qu'un. Ce sont des choses que l'on oublie pas.

La pauvre jeune femme était bien une personne sans histoire. Encore une fois , je m'interroge sur les motivations du tueur.
Qu'est-ce qui le motive à ôter la vie à une femme de ménage ?
L'intérêt ?
Un désir inexplicable ?
Une soif de violence incontrôlée ?
Ce dernier point j'en doute, au vu de la "propreté" de ses victimes, et du fait qu'il semble éviter de les faire souffrir. Point assez étonnant pour un tuer en série ,d'ailleurs.

Je jette un œil à ma nouvelle collègue qui prend visiblement soin de noter toutes les informations, ce qui fait un bon point pour elle. Pourtant, je fronce les sourcils à sa question au légiste.
OK, je me suis trompé, elle ne sait pas se la boucler.
Mais , je ne dis rien, tournant le regard vers le type qui confirme n'avoir rien de plus à nous dire :

"Merci pour ces éléments. Bon courage à votre équipe." , phrase banale, politesse de mise , face à ce légiste qui me connaît bien après toutes ces années. Il connaît parfaitement le mode opératoire du tueur d'ailleurs , donc je le crois sur parole quand il dit que rien ne change.

Ah.
La rousse veut parler.
Je lève un sourire en l'écoutant alors que le type est partit.

Je rêve.

Elle se fout littéralement de ma gueule.
Je vois rouge, c'est le cas de le dire.

Grand soupire de ma part, pour me contenir , car oui, je n'ai pas le droit à un faux-pas. Mais, clairement, va falloir qu'elle apprenne à rester à sa place cette Hannah Brown.

"Nul besoin de te présenter, je sais qui tu es depuis plusieurs jours." , je fais remarquer d'une voix blanche, au souvenir des longs discours de mon supérieur sur l'officier. "Dans ce cas là, si tu n'es pas capable de rester à ta place , je te conseille simplement de ne pas l'ouvrir pour des broutilles ou des conneries. Si tes interventions sont énervantes, mais somme toute utile, je pourrais m'y habituer."

Je n'aime pas sa remarque sur le fait que je puisse être viré. Absolument pas. Et , je me rapproche d'elle ensuite, le regard noir.

Qui est-elle pour me juger ?
Pour se croire meilleure que moi ?

Ça me rend déjà fou. Elle m'insupporte par ces seules paroles. Si j'en avais le pouvoir , je l'aurais déjà renvoyé. Malheureusement, j'ai pas mon mot à dire , au vu de la baisse de ma réputation.

"Au moins, nous sommes d'accord pour le tueur. Maintenant, tu vas arrêter de faire ta maligne. Sur la sellette ou non , je reste celui qui fera les rapports d'enquête et sur toi. Alors évite ce genre de provocation. J'ai pas la tête à ça, surtout pas venant d'une bleue , qui n'a rien vécu dans sa vie, aussi bien personnelle que professionnelle." , des mots durs mais qui me semblent plus que nécessaire pour la remettre à sa juste place. C'est facile de juger , mais elle , elle n'a pas senti l'amour de sa vie agoniser dans ses bras.

"Bien. Tout est clair maintenant, j'imagine." , je reprends ensuite, après cette pause. "Vu que tu aimes tant parler , je t'écoute. Quelles sont tes premières conclusions ou remarques ?"

Elle est censée avoir bosser sur le dossier du tueur. Je lui donne une opportunité de faire encore sa maligne alors elle a intérêt à la saisir , et pas en faisant la conne.

D’accord, très bien sans doute qu’elle a fait un peu fort sur le coup, mais elle n’allait pas s’écraser face à ce type et hocher la tête en souriant comme une gourdasse à tout ce qu’il dit. Ce n’est pas parce qu’il est son supérieur, avec un mauvais caractère et qu’il est sans doute de mauvaise humeur qu’elle va arrêter d’ouvrir sa bouche et surtout accepter de se faire traiter comme une moins que rien. Enfin tout de même, la prochaine fois, parce qu’il est sûr qu’il y aura une prochaine fois, Hannah tentera de mieux choisir ses mots et de lui rentrer frontalement dans le lard. Le mot tenter étant très important, car pas sûr qu’à ladite prochaine fois, elle se souviendra d’être un peu plus subtile, plutôt que de laisser parler ses émotions brutes. Fichu manie de vivre à fond ses sentiments. Bref, tout ça pour dire qu’elle va se faire remonter les bretelles et ça ne se loupe pas bien évidemment. Si elle a un sacré caractère, il semble que l’homme face à elle en ait tout autant.

Donc oui, l’officier Brown encaisse de son mieux, à défaut de le faire sans broncher elle se contente de marmonner, se répétant en boucle dans sa tête qu’il est son supérieur. Et vu la teneur des propos du lieutenant, c’est quasi un miracle qu’elle n’ouvre pas sa mouille. La rouquine mériterait carrément un bon point. Cependant, la phase se prendre un savon n’a pas l’air d’être finie, si Hannah ne sait pas gênée pour lui cracher sa bile à la tronche, lui non plus. On va dire que c’est de bonne guerre, en revanche cette fois-ci il est hors de question qu’elle reste silencieuse. Il ne faut pas déconner.

— Je ne fais pas ma maligne et ce n’est absolument pas une provocation de ma part, répond-elle avec autant de calme que possible. Sachez cependant que si vous me traitez bien, j’en ferais de même, de plus c’est vous qui avez commencé cette relation professionnelle sur de mauvaises bases, pas moi. Alors je suis peut-être une bleue, mais j’ai vécu des choses dans ma vie, il n’y a pas d’âge pour ça…

L’officier secoue doucement la tête en décroisant les bras, à quoi bon lui parler, se défendre, il la prend déjà, au mieux pour une bleue tout droit sortie de l’académie, au pire, pour un parasite. L’idéal serait qu’elle l’évite autant que possible, mais vu qu’ils vont bosser ensemble, ça risque d’être sacrément compliqué. Quant à savoir si tout est clair maintenant ? Sûrement pas. Cependant, elle se garde bien de le dire et se concentre plutôt sur la scène de crime, pour délivrer ses premières conclusions au lieutenant trouduc. Hannah retourne donc sur ses pas pour rejoindre le salon, car il est sûr que la victime n’est pas arrivée dans sa chambre toute seule comme une grande. Si le séjour est un peu en désordre il s’agit plus de celui de la vie quotidienne, un magazine qui traîne sur la table, une paire de chaussures jetés négligemment sur le sol, un manteau posé de travers sur un fauteuil. En revanche, ce qui l’interpelle sur la table de la cuisine, ce sont les deux verres, l’un est encore plein et l’autre à moitié vide. Est-ce qu’elle connaissait le tueur ? Ça expliquerait qu’il n’y ait pas eu d’effraction dans les ordres affaires, et il est plus que sûr que ce sera le cas ici aussi.

— Notre victime devait connaître le tueur, du moins avoir une certaine confiance en lui pour l’inviter à entrer, explique t-elle en montrant les deux verres. Il n’a pas bu, peut-être pour ne pas laisser trop de traces, elle a bu en tout cas, sans doute que la drogue qu’il utilise à chaque fois se trouve dans le verre…

La rouquine quitte ensuite le salon tout en continuant de parler.

— Il déplace la victime du salon à la chambre, qu’il a peut-être préparée avant de l’y emmener mais ça reste une hypothèse. Le tueur habille la jeune femme de sa robe blanche et lui tranche les veines, avant de repartir.

Hannah passe une main dans sa longue crinière rousse, l'air soucieuse, ils ont tout de même pas mal d’éléments en leur possession. Mais toujours pas de motif pour ses meurtres, personne ne le voit jamais faire, il entre fait ce qu’il doit faire, puis repart sans être inquiété plus que ça. Quoi que, il y a bien quelque chose qui change par rapport à d’habitude, mais à vérifier. La rouquine se tourne ensuite vers Liam qui semble l’avoir bel et bien suivie durant son petit exposé, bon au moins il a eu l’air intéressé parce qu’elle a dit. Enfin, difficile de dire ce qu’il se passe dans la caboche de ce type...

Je dois l'avouer : quitte à me faire imposer un partenaire , j'aurais préféré au mieux choisir , au pire que cette personne se la ferme. Qu'elle soit discrète et pas rentre dedans.
Parce que elle me fait clairement chier , celle là. Je ne sais pas ce qu'elle croit , ou si elle se rend compte de à qui elle parle...mais , je ne peux pas laisser passer. Je préfère taper fort , histoire de couper court. Ça me fatigue ces bleus qui pensent tout savoir , qui se foutent de toi ouvertement en plus...

Je suis peut être sur la sellette, mais j'ai accompli déjà bien plus que toi , ma jolie. Bref. Je crache mon venin , espérant que ça suffira :

"Restons-en là." , je dis finalement après avoir écouté sa réponse , pleine de maîtrise , je dois le concéder.

Une fois sur le lieu du crime , j'attends ses conclusion. Elle aime parler , alors autant qu'elle en profite. Je regarde également les différents objets éparpillés dans la pièce.
Je m'attarde sur une photo de famille , ou d'amis , je ne saurais dire. Elle avait l'air heureuse cette femme , et ceux qui l'accompagnent aussi.

Je reste un petit moment le regard fixe sur cet instant de bonheur figé , la gorge nouée. Chaque fois , ça me donne envie de vomir. Je pense aux pauvres parents de cette jeune femme à qui des collègue sont allés annoncer la triste nouvelle...Une vie coupée en pleine jeunesse.

Les souvenirs de ma femme bien sûr , encore une fois. Je ferme les yeux quelques secondes pour reprendre le contrôle de mes émotions. Pas le moment de m'énerver contre ce tueur. Surtout pas devant madame je sais tout Brown. Alors , je me retourne vers elle , pour l'écouter , attentif.

Mon regard suit les deux verres posés sur la table. Effectivement, l'un est toujours rempli.
Si le tueur met sa drogue dans la boisson , comment a-t-il fait pour qu'elle ne le remarque pas ? Quand bien même , son hypothèse reste parfaitement viable , mais je préfère la laisser terminer , avant de rajouter quelque chose.
Si elle a raison , et que c'est un proche de la victime , ça réduirait le champs des possible. Mais , pour quel motif , encore une fois ?

Le reste est assez logique , et j'observe la chambre à mon tour. Je note intérieurement quelques points à transmettre à l'équipe chargés des analyses , certains endroits à inspecter notamment , retenant un soupire.

"Tu as sûrement raison , en ce qui concerne les verres." , je dis finalement en reportant mon regard vers la pièce principale. "Qui sait si ce n'était pas une habitude pour eux de se retrouver comme ca...Ça expliquerait comment il aurait pu mettre une substance dans son verre sans qu'elle ne s'en rende compte..." , je réfléchis à voix haute , le regard perdu dans le vide.

Finalement , je lui fais signe qu'on peut ressortir de la pièce . Je rejoins des collègues à qui je transmets les quelques informations quand eux me donnent l'identité et le domicile des parents de la victime. Je me retourne ensuite vers la jeune femme :

"Si ton hypothèse du proche est juste , sa famille pourrait éventuellement nous donner quelques pistes." , je commence.
Je redoute toujours cette partie , n'étant pas à l'aise dans le fait de voir la souffrance dans les heux des autres. La sensation de me voir moi-même , il y a quelques années...

"Aller les voir serait la suite logique." , je continue. "Ça peut attendre demain , histoire de les laisser digérer l'annonce. À moins que tu n'ai quelque chose à redire ?" , j'ajoute un peu plus ironique.

"On peut se retrouver au bureau à 8h demain matin. Comme ça on ira ensemble chez les Kane." , façon même si ça lui plaît pas, c'est le même tarif.

Hannah hoche la tête, au moins sont-ils d’accord sur ce point, il vaut mieux en effet qu’ils en restent là. Du moins pour le moment, parce que la rouquine le sait très bien, au vu de leur caractère respectif il est plus que sûr qu’ils vont à nouveau se crêper le chignon. Enfin, statu quo pour le moment, le calme avant la tempête comme on dit. Une fois sur la scène de crime, Evans attend ses premières conclusions et hypothèses, bien, c’est le moment de lui montrer qu’elle en a dans la tête. Mais aussi que c’est un vrai moulin à parole quand on lui laisse l’occasion d’ouvrir la bouche. Certains dirais son claque merde, mais elle les emmerdent et avec le sourire s’il vous plait.

La rouquine se met donc à expliquer ce qu’elle comprend de ce qu’elle voit, et comme à son habitude elle est tellement à fond dans ses propos, qu’elle ne remarque même pas que Liam ne l’écoute pas vraiment. En effet, le lieutenant semble avoir le regard un peu perdu dans le lointain, en observant des photos de famille ou d’amis poser sur un meuble du salon. Un mal pour un bien disons, car il est sûr que si l’officier avait remarqué ça, elle aurait demandé à son supérieur s’il y avait un problème. Et ça serait répartie comme en quarante. Donc oui, pas plus mal que la jeune femme reste à fond dans son blabla. Passant du salon à la chambre, miss Brown y termine sa tirade, attendant une réaction de Evans. Réaction que la rouquine imagine négative, après tout, leur relation pro n’a pas débuté sous un ciel bleu. La voilà donc carrément surprise quand il dit, contre toute attente, qu’elle a sûrement raison.

Enfin, ça ne concerne que les verres, mais tout de même.

— En effet, si se retrouver de cette façon était une habitude, c’est que notre victime lui faisait donc assez confiance pour lui tourner le dos. Je suppose que c’est à ce moment-là qu’il a dû glisser la substance dans son verre.

Tout en suivant Liam à nouveau dans la pièce à vivre, Hannah se fait la réflexion de vérifier si les substances utilisés sont les même que sur les précédents meurtre. Après les résultats de l’analyse toxicologique bien évidemment. Et aussi, si les autres enquêteurs ont également trouvé deux verres, sur la table de la salle à manger ou ailleurs. Perdu dans ses réflexions, l’officier but sur son lieutenant quand il fait volte face vers elle. Néanmoins, elle se recule rapidement pour éviter de se prendre une remarque ou deux dans les dents.  

Réflexion qu’elle se prend de toute façon à cause de son attitude du début. La rouquine pince les lèvres, se retenant de dire une remarque acerbe, ça ne risque pas d’arranger la situation sinon.

— Non, non, vous avez raison ça peut attendre demain, la famille ne doit pas être en état de répondre, ou même de penser.

La jeune femme hoche la tête, c’est donc tout pour le moment.

— Très bien lieutenant, je vous dis donc à demain au poste. Passez une bonne nuit.

Un dernier regard à l’attention de son supérieur, puis elle rejoint sa moto pour rentrer chez elle.

Je ne suis peut être pas content que Hannah soit là, ceci dit , j'écoute ce qu'elle a me dire. Surtout que sa théorie me semble vraiment cohérente. J'hoche donc la tête , presque convaincu que le tueur était un proche de la victime , quelqu'un de confiance en tout cas , et que la jeune femme ne le regardait pas en permanence. Ce qui explique qu'elle ai pu être drogué.
L'image de ma femme , ces même interrogations me reviennent brièvement , et je dois lutter contre. Je ne peux pas me permettre de faiblir devant Brown. Il est plus important de retenir nos conclusions , et d'en faire part à l'équipe qui s'occupe de tester les substances.

Je lui fais savoir un peu sèchement qu'il serait mieux d'aller interroger la famille demain. Ils n'auront pas plus digéré , c'est certain , mais une partie du choc sera passé. Et , je n'ai pas la cruauté d'aller les voir , alors qu'ils viennent sûrement à peine d'apprendre la nouvelle. Elle est d'accord avec moi. Tant mieux. J'aurais vraiment pas aimé qu'elle ouvre encore sa gueule aujourd'hui , je crois.

"À demain , oui." , je réponds simplement en la suivant du regard tandis qu'elle regagne sa moto.

Une moto ?
C'est original.
Je l'observe encore quelques instants , avant de détourner le regard et de regagner ma voiture. J'échange des informations avec les équipes , parlant de nos premières conclusions. Pour la première fois depuis des mois , voir des années , j'ai des retours positifs.
En rentrant chez moi , j'ai du mal à savoir quoi penser de cette journée , de cette première expérience avec la nouvelle. Supporter une telle partenaire sera compliquée pour moi , pour quantité de raisons. Je crois que c'est aussi le fait de ne pas avoir le choix qui m'agace.
J'ai du mal à dormir. De l'anxiété sûrement.

Je me réveille un peu plus tôt , et tente d'ignorer la fatigue. Grand café noir , et je pars en avance au poste. Une fois là-bas, j'essaie de préparer quelques questions. C'est toujours délicat. Je déteste cette partie. Car , je connais mon manque de tact , mais aussi parce que je hais voir la souffrance des gens dans leurs regards. Elle me rappelle trop la mienne.
Je relève la tête quand j'entend du bruit , remarquant que c'est Brown grande gueule qui vient d'arriver.

"Salut. Assis-toi , il est encore tôt." , je lui dis rapidement en regardant à nouveau mes quelques documents. J'en trié certains , avant de lui tendre la feuille où j'ai noté quelques questions , notamment sur les proches que les parents pouvaient connaître de nos victimes. "Je reconnais n'être pas très doué avec les familles." , je continue sans la regarder. "Enfin , peu importe. Est-ce que tu aurais d'autres suggestions ?" , elle doit sûrement été surprise que je la traite un peu mieux. "Vu qu'on est forcé de travailler ensemble , je vais essayer de ne pas rejeter ton aide. Je tiens à ce boulot. Mais...bref laisse tomber. Alors ?" , je préfère ne pas ajouter grand chose. Sinon , je vais m'embrouiller. Je ne serais pas spécialement plus aimable. Je veux juste pouvoir travailler normalement.

Cette première rencontre avec son supérieur n’aura finalement pas été de tout repos, l’homme à mis ses nerfs à rude épreuve. Mais Hannah est plutôt contente de ne pas avoir laissé son sale caractère prendre le pas sur le reste, du moins pas trop, pourvu que ça dure. Elle va d'ailleurs avoir besoin de tout son self control demain matin, parce que si elle n’est pas du genre à se laisser faire, il semble que le lieutenant non plus. Ah, si seulement il avait été charmant ça aurait tout changé, surtout qu’il est plutôt bel homme, hélas son côté grognon et rude gâche vraiment le tableau. Tout en rentrant chez elle, la rouquine pousse un soupir et masse sa nuque pour la dénouée, une bonne nuit de sommeil ne lui fera pas de mal. Surtout que le lendemain, en plus de devoir affronter à nouveau Liam, ils vont rencontrer la famille en deuil et ça, c’est sans doute pire que l’autre râleur.

Miss Brown secoue doucement la tête de gauche à droite, non, ce n’est pas le moment de repenser à ça. Il est impératif qu’elle dorme bien pour être en forme au réveil. Et donc, son pyjama et au lit. Sa nuit et sans rêve et quand elle ouvre les yeux sur le monde, elle se sent apte pour la journée qui l’attend et ça ira encore mieux après un bon petit-déjeuner. C’est une condition sinequanone pour bien travailler, ensuite une douche, des vêtements chauds et c’est parti. Alors qu’elle gare sa moto dans le parking souterrain du poste de police, la jeune femme se fait la réflexion qu’elle ne devrait pas arriver les mains vides. Pourquoi ? Une façon de briser la glace avec lui et de faire un pas en sa direction, en revanche s’il fait mine d’ignorer la main tendue, il pourra aller se brosser, elle ne risque plus de se montrer sympa de si tôt.

Du coup après être passé dans un Starbuck du coin, la voilà à l’intérieur du commissariat, même pas le temps de poser ses affaires que Liam l’interpelle. En voilà qui est au taqué et vu sa mine fatiguée, on pourrait presque se demander s’il n’aurait pas dormi ici. S’emparant des boissons chaudes, parce que oui elle s’en est pris une aussi, Hannah rejoint le bureau de son supérieur.

— Bonjour, dit-elle tout en prenant place sur le fauteuil face au bureau. Oui je sais, j’aime bien venir au bureau quand c’est encore calme, c’est plus simple pour travailler.

L’officier pose le café, elle l’a pris noir et serré sans doute comme l’âme du lieutenant. Tu parles d’une allégorie. La miss se retient donc de sourire, il risquerait de croire qu’elle se fout de lui. La rouquine note quand même qu’il ne lui a pas demandé comment elle allait. Ça viendra sûrement après le quatrième rencard, ah, ah ! Toujours est-il qu’elle s’empare de la feuille, tout en sirotant son chocolat chaud et en écoutant Evans.

— J’en prends bonne note, de mon côté je vais essayer de me montrer plus avenante avec vous. Mon but ce n’est pas de devenir votre amie, mais si on dois bosser ensemble, ce serait chouette que ça ne se fasse pas dans une mauvaise ambiance.

Elle lit ensuite les quelques questions avant de planter ses yeux verts dans ceux de Liam. Ah tiens, lui aussi à ses pupilles de cette couleur, peut-être bien leur seul point commun en dehors du mauvais caractère.

— Elles sont bien vos questions, elles manquent juste d’une pointe d’empathie et de douceur. Vous permettez que je reformule ?