Elle lui tend son briquet dans un geste mécanique, attend patiemment qu'il vienne le prendre pour l'enfoncer dans sa poche. Combien de fois est-ce qu'elle l'a vu sur les marches du campus, avec Tom ou d'autres, se griller une cigarette avant d'enfoncer ce même briquet au fond de sa poche. Malgré elle, un rire lui échappe à la remarque du brun. « C'est pas franchement plus sexy un malade qui se pourrit les poumons à peine sorti du coma. » Elle hausse une épaule, l'air de dire "chacun ses vices". Elle déteste le voir fumer. Elle sait combien il fume. Mais qu'est-ce qu'elle peut dire maintenant ? Lily, elle laisse couler un silence, au cours duquel elle recrache une nouvelle volute de fumée. Elle s'apprête à rebrousser chemin jusque sa voiture, garée un peu en vrac sur le parking, mais Abel l'interrompt d'une question. Elle se fige, Lily. Puis elle pivote à nouveau, lèvres pincées, avant de hocher doucement la tête. « Ouais... ouais je sais. » Au début, elle ne savait pas. Elle savait juste dans quel quartier il vivait. Mais un an, c'est long, et pendant cette année, elle a fait chaque rue, chaque maison, jusqu'à reconnaître celle de ses souvenirs. Celle dont Abel a si souvent franchi le pas de la porte pour y trouver sa mère aux bras d'hommes violents. Ce foyer qui lui pourrissait l'existence, devant une Lily impuissante. « Pourquoi ? » Finit-elle par demander en relevant ses prunelles brunes vers les siennes, claires, limpides. Aussi beau que dans ses souvenirs, bien qu'il ait maigri.

Abel était en train de l’observer, il la dévisageait même de manière totalement inapproprié mais il s’en foutait complètement, il n’avait honte de rien et il était désinhibé de toute émotion. Il aimait beaucoup cet air qu’il respirait, car il avait vraiment cette impression de ne plus en avoir prit depuis une centaine d’année. Ce qui était incohérent. Puis de toute façon, cette Lily lui tenait compagnie et c’était plutôt sympa. Elle avait un beau cul et c’était un détail non négligeable.

Elle revenait vers lui pour lui demander pourquoi il posait cette question, mais Abel ne savait pas quoi répondre. Se confier ? Pas son genre. Dire la vérité ? Trop personnel. Éluder ? Elle s’en douterait. Mais il choisit l’option qui le convenait. « Parce que j’ai envie de m’émanciper un peu de maman, tu ne crois pas ? » Il souleva les épaules en souriant pour appuyer ses propos. Au moins, c’était clair et net, il avait envie de se barrer loin de chez sa mère. « Tu vas où là ? » Elle était sa seule présence relativement normale alors autant la garder près de lui. Par profit, en fait. Elle avait des clopes, et elle sentait bon, ça suffisait pour qu’il veuille être avec elle.

Il vit débarquer un de ses médecins qui l’obligea à remonter dans sa chambre en l’engueulant violemment pour la cigarette. Il soufflait fort. « Ca vaaaaaaa, c’est qu’une clope ! » Il levait les bras et enfonçait ses mains au fond de sa poche. Il y avait le portable de Lily. Tant mieux, ça l’occuperait.

Pourquoi est-ce que tout à coup, il devenait loquace, souriant, avenant presque envers elle ? C'était plus simple quand il l'insultait presque et lui riait au nez. Pourtant, Lily, elle a les jambes fermement ancrées dans le sol chaque fois qu'il lui parle. C'est magnétique, c'est plus fort qu'elle. Et elle hausse les sourcils à la réponse du brun. « Pourtant y a un peu plus d'une heure la possibilité de vouloir la quitter semblait incohérente. » Elle penche la tête sur le côté, le fixe, et... imite son sourire. C'est plus fort qu'elle. Il peut bien l'avoir totalement oubliée, que son sourire reste la plus belle chose qu'elle puisse voir aujourd'hui. Bon sang, ce qu'il lui a manqué. Son cœur se serre. Et alors qu'il l'interroge à nouveau, elle regarde en direction de sa voiture en haussant une épaule. « Chez moi... j'ai gagné une semaine de vacances. » Et pour illustrer ses propos, elle agite l'arrêt signé du médecin dans sa main, avant de le ranger dans son sac à main.

Ca lui brûle les lèvres. De l'interroger. Voir s'il ne se souvient vraiment de rien. Rien la concernant, du moins. De savoir comment il se sent. Ce qu'ont dit les médecins. Mais l'un d'entre eux débarqua à ce moment précis, interrompant la discussion des deux jeunes sous une couche épaisse de reproches et de réprimandes pour Abel. Elle le regarda s'éloigner, presque jusqu'aux portes de l'hôpital. Puis elle jura « Eh merde... » Une habitude qu'elle a un peu trop pris ces derniers temps. « Silverstein. » Elle hausse le ton, juste assez pour qu'il l'entende et s'arrête pour la regarder. Elle fit quelques pas dans sa direction, le médecin rentrant déjà à l'intérieur de l'hôpital pour attendre Abel. « Tu veux t'émanciper de ta mère, c'est ça ? Ma coloc est partie y a quelques mois maintenant. Si ça t'intéresse... t'auras qu'à demander mon adresse quand ils te libèreront, l'hôpital sait à peu près tout de moi je crois. » Elle mord nerveusement sa lèvre inférieure, passe une main dans ses cheveux. « Et si non... ça peut toujours te donner une occasion de me rendre mon téléphone. » Elle soupire, se flagelle mentalement pour avoir abandonné si vite ses résolutions. Et enfin elle sourit Lily. Un sourire qu'elle n'a pas fait depuis un an, avant de tourner les talons, tout en cherchant ses clés de voiture.

Quel ne fut pas sa surprise quand il entendit les mots de cette fille lui proposer d’habiter avec lui ! C’était une étrange personne qui faisait des choses étranges, et pour ça, Abel allait devoir s’y faire. Il croyait aimer sa mère, mais ce n’était pas le cas. Il recevait un message sur le téléphone de Lily qui lui demandait qui c’était. C’était sa mère qui avait envoyé un sms au portable qui l’avait appelé plusieurs fois. Il lui répondrait plus tard. Etrangement, il n’éprouvait pas le besoin de la retrouver à l’instant. Mais la Lily, elle était intriguante, elle. Il se fit tirer en arrière par une infirmière qui lui sommait de rentrer dans sa chambre avant qu’elle le remette dans un coma artificiel qu’elle aura forcé. Dans un sourire mesquin et presque machiavélique, il cria : « On se voit à la rentrée chez nous, ma jolie ! » Et il rit légèrement. Sacré personnage, cette nana.

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Une semaine. UNE SEMAINE enfermée dans cette putain de chambre d’hôpital qui le rendait dingue où il avait passé des centaines (à peine) d’examens médicaux. C’était infernal. Mais la visite de sa mère lui avait donné le sourire et il avait vu une autre femme en face de lui. Elle travaillait en tant que standardiste dans une société pharmaceutique, et elle avait donné tout l’argent qu’elle avait mis de côté pour payer les frais médicaux d’Abel. « C’est le moins que je puisse faire. Avec ce que je t’ai fait subir. » Il l’avait gratifié d’un sourire. Même si elle s’était racheté une conduite, on n’effaçait pas 20 ans en un claquement de doigt. Elle souhaitait le revoir, au moins une fois par semaine et souhaitait lui donner un peu d’argent. Elle n’avait pas idée du cadeau empoisonné qu’elle lui faisait, sachant qu’il n’avait pas prévu de payer son loyer avec. Aujourd’hui, c’était le dernier jour, il lui restait une heure devant lui à tuer avant qu’un taxi vienne le chercher pour l’emmener chez sa mère et qu’il récupère ses affaires. Alors, il s’allongea sur son lit qui l’avait accueilli pendant plus d’un an, et il fouilla le téléphone de Lily. Des photos banales, des jeux, des applications dignes d’une fille modèle. Une part de curiosité l’emporta et il alla regarder dans les messages. Il fronça les sourcils quand il vit son nom apparaitre. Et il appuya sur la conversation.

« … Je t'en supplie, reviens. » « … Ce qu'on a, tous les deux. » « … les projets qu'on avait ensemble. » « Trois choses ne peuvent être longtemps cachées : le soleil, la lune et la vérité.
Quand la dernière éclatera, alors l’âme perdue dans les limbes renaitra. » « … C'est ma faute, Abe. »

Il clignait des yeux plusieurs fois afin de comprendre ce qu’il lisait. Il regardait les dates, il regardait les heures, il relisait les messages. Il n’y comprenait rien. C’était quoi cette histoire de soleil, de lune, de vérité ? Quels projets avaient-ils ensemble ? Pourquoi n’avait-il aucun souvenir d’elle ? Il n’avait aucune idée de qui était cette fille. Mais il semblait attiré par elle d’une manière irrémédiable. Il ferma le téléphone, encore plus confus qu’avant.

Son taxi arriva, et il grimpa à l’intérieur. Le trajet fut rapide jusque chez sa mère, elle n’était pas là. Elle avait laissé les clefs au même endroit que d’habitude, sous ce pot de fleur immonde, et il fit une valise. Il avait malgré tout un traitement à prendre tous les jours qui comportait un nombre incalculable de cachets, et il devait se rendre à l’hôpital une fois par semaine pour faire des examens. Abel était un cas d’école. Son sac fait (il avait si peu d’affaire) il partit en direction de l’université, et des résidences qui allaient avec. Il était heureux finalement de retrouver une vie sociale. Que devenaient ses anciens amis ? Et Tom ? Où en était-il ? Et prioritairement, Lily était-elle toujours d’accord pour l’accueillir dans sa demeure étudiante ?

« Prolongé ? » Elle fixe le médecin d'un air ahuri, alors que celui-ci rédige déjà un nouvel arrêt d'une semaine, devant l'air abattu de l'étudiante qui souffle comme une adolescente en crise. "Oui, je prolonge votre arrêt. Vous ne vous êtes pas reposé le moins du monde, Lily. A vraie dire, je me demande même si votre état n'est pas pire que la dernière fois que je vous ai vue." La jeune fille soupire, et se redresse, suffisamment pour tendre le bras et poser sa main par dessus le papier du docteur. « C'est tout simplement parce que je tourne en rond chez moi. Et me forcer à rester dans mon logement étudiant, c'est le meilleur moyen de raccourcir mon sommeil. » Parce que plus elle est seule, plus elle pense à lui. Plus elle pense à lui, moins elle dort, moins elle mange, Lily. Au moins en cours, elle a Mackenzie pour veiller sur elle, même si cette dernière n'ose plus faire la moindre remarque à la jeune femme. Après de longues négociations et un combat de regards digne d'un western, le médecin finit par lever sa main... Pour malgré tout tendre le papier à la brune. "Il n'est pas signé. C'est un arrêt de deux semaines. Utilisez le si vous en avez besoin. Vous en aurez peut-être besoin." et devant la curiosité manifeste de Lily, il conclue simplement en réajustant ses lunettes "Monsieur Silverstein a été libéré aujourd'hui, et il a dit qu'il ne retournait pas chez sa mère."

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Quand elle se gare sur le parking des résidences, elle a mille questions en tête, Lily. Abel est-il vraiment venu jusqu'à elle, ou bien a-t-il repris contact avec des copains susceptibles de l'héberger ? La dernière option ne l'étonnerait pas, à dire vrai. Abel a toujours su s'entourer, et sans elle dans le tableau, c'était parfaitement logique qu'il se tourne vers ses potes, plutôt que vers la fille bizarre qui l'a sauvé il y a un an. Elle plie sa nouvelle ordonnance pour la ranger au fond de son sac à main, convaincue de ne jamais s'en servir, et manque de se heurter à quelqu'un au détour du couloir où se trouve sa chambre. « Désol.. » Elle lève le nez, et se fige brutalement quand elle reconnaît ces grands yeux bleus devant sa porte. « Abel ? » Elle le regarde quelques secondes, baisse les yeux sur sa valise, et les relève pour le regarder. « Je... j'avoue que je ne pensais pas te voir ici. »

Il avait fini par trouver la résidence dans laquelle résidait Lily, et après multiples recherches, discussions, et lectures sur les murs, il avait trouvé la chambre de la jeune brune. Les gens le regardaient comme s’ils voyaient un mort-vivant entrer dans leur lieu de vie, et c’était drôle de les voir réagir. Mais il se rendait de quelque chose : il avait un an de retard. Tout le monde était dans la promo du dessus, mais lui non, lui, il était toujours au même endroit. C’était une claque dans la gueule parce qu’il se disait qu’il allait être en retard toute sa vie, et qu’il serait toujours à la traîne. Soit il prendrait des cours du soir, soit il choisirait de travailler à côté des études. Seules ces deux options s’offraient à lui. Mais alors qu’il était en pleine réflexion, il atterrit devant la porte n°42 et se tamponna avec quelqu’un. « Aïe ! » Il se frotta la tête et ses boucles volaient dans tous les sens. Il leva la tête et vit apparaître la jeune femme devant lui. « Oh, Lily ! » Il allait omettre avoir lu les messages. Pas besoin de rendre la cohabitation plus étrange qu’elle n’allait déjà l’être. Il tendit la main à Lily, amusé, et se présenta comme s’ils ne se connaissaient pas. « Enchanté, j’m’appelle Abel Silverstein, j’ai 22 ans, je sors d’un coma et j’suis ton nouveau coloc ! » Il avait l’impression d’entrer à l’université la veille et que son seul but était les fêtes étudiantes. Un vrai bleu. « Bah, tu me l’as proposé… Et je n’ai nulle part où aller. » Il haussa les épaules pour accompagner ses propos. Chaque chose en son temps, il allait devoir être patient pour démêler tout ça. Pour l’instant, il avait juste envie de boire. Beaucoup. Son médecin le lui avait interdit mais à quoi bon écouter les docteurs ? Il était jeune, et voulait faire la fête ! C’était tout ce qui lui importait.

Il poussa la porte de la chambre et il vit une grande chambre aux murs blancs, quelques décorations légères mais pas bien impressionnants, un lit, une armoire d’un côté, la même chose de l’autre. Ils allaient devoir partager une chambre relativement grande pour les accueillir, mais Lily ne savait pas encore qu’elle avait fait rentrer le démon dans sa demeure. « C’est celui-là mon lit ? » Il se jeta dessus, et constata le confort. « Ouais, bof. Ça va, c’est mieux que l’hôpital. » Il sortit les affaires de sa valise pour les ranger dans l’armoire, et il prit le temps d’accrocher sur le mur son poster géant de son concert de Linkin Park avant la mort du chanteur, paix à son âme. Il rajouta aussi tous les tickets de concert qu’il avait pu faire au-dessus de son lit, il jeta ses chaussures en plein milieu de la pièce, et mon dieu qu’il puait des pieds, puis il ouvrit la fenêtre, posa un cendrier sur sa table de chevet et alluma une clope.

Si seulement il savait le coup que ça lui mettait au coeur, de le voir se présenter ainsi, comme s'ils ne s'étaient jamais parlé. Lily elle reste muette quelques secondes, un instant, bouche ouverte, avant de se ressaisir. Et de tendre la main en retour. « Lily Abernathy, 22 ans, ta nouvelle coloc. » Elle pince les lèvres en un fin sourire, et hoche doucement la tête en ouvrant la porte de sa chambre avec ses clés lorsque Abel rappelle qu'elle lui a proposé cette cohabitation. « Je sais. Mais t'aurais pu tout aussi bien décider de squatter chez tes potes... elle se mord la langue, ferme les yeux, et reprend la fin de sa phrase. Rappelle toi, tu ne le connais pas. ... Je suppose. » Puis elle le laisse rentrer à l'intérieur de la pièce dans laquelle elle vit seule depuis un moment maintenant.

Lily n'a jamais trop pris le temps de décorer sa chambre. Un plaid au bout de son lit, un polaroid posé sur sa table de chevet, quelques cours disposés sur un bureau, avec des feuilles griffonnées de son écriture. Elle aurait bien dit à Abel de faire comme chez lui, mais elle évite, d'abord parce 1) Elle sait à quoi ressemble chez lui et elle n'était pas vraiment fan, et 2) Il prend déjà ses aises en testant son lit. « C'est une résidence étudiante, faut pas t'attendre au grand luxe. » Elle-même déteste son lit, mais au moins, ses parents lui avaient offert un meilleur matelas. Elle va ranger ses papiers dans son bureau, suivant du coin de l'oeil un Abel... qui s'occupe déjà de créer son parfait coin de Paradis. Ouais, si on omet ses chaussures au milieu de la pièce, que Lily attrape du bout des lacets pour les jeter vers l'entrée. « Par contre, que les choses soient claires. Je peux quand je veux avoir une colocataire soigneuse qui fait attention à mon espace de vie. Alors les chaussures qui puent, c'est dehors, sinon.. je me gênerais pas pour que tu reviennes pour découvrir tes draps roses et imprégnés de mon parfum. » Si elle n'imposait pas de règles immédiatement, les choses allaient très vite devenir instables. Elle s'asseoit sur son lit pour mieux le regarder, impassible, tandis qu'il allumait sa cigarette. Au moins, il fume à la fenêtre.

Elle imposait déjà des règles. C’était déjà épuisant d’avoir un quotidien rythmé par des règles médicamenteuses constamment, alors s’il devait en avoir ici, il devait en imposer aussi. Il allait payer autant que Lily, il pouvait se le permettre. « Ok, ok. Désolé, j’pue des pieds ! » Il leva les bras en signe d’innocence. « Mais j’ai mes propres règles aussi… » Il se mit à réfléchir un instant. Avait-il réellement des règles à imposer ? Il n’en voulait pas réellement, pourquoi les imposer aux autres ? Il s’assit sur le lit, juste en face de Lily et croisa les jambes. Il la regardait dans les yeux comme elle était en train de le faire et un certain duel de regard se mit en place. « Non, en fait j’ai aucune règle. » Il se mit à rire légèrement quand une idée lui traversa l’esprit. Il se demandait pourquoi elle était là, dans son cerveau, quelque part, mais il fallait qu’il lui en fasse part, car c’était plus fort que lui. « Ah, si. » Il baissa la tête, regardant ses mains, puis il releva la tête dans un sourire diabolique. « Tu as le droit de me mater sous la douche, si tu veux. » Et il était fier de lui, c’était ça le pire. Il finit par écraser sa clope dans le cendrier et de le fermer pour éviter toute odeur de tabac froid dans la chambre. Il prit entre ses lèvres un cure-dent, réflexe étrange qu’il ne comprenait pas mais il le fit rouler de l’autre côté de sa bouche. Il ne lâchait pas Lily du regard. « Tu étudies quoi ici Lily ? » Elle était bien trop belle pour ce monde, cette fille. Mais trop prude, ça se voyait. Elle était vierge, et il était bien trop genleman pour prendre la virginité d’une fille comme ça.

Il songeait à la soirée qu’il avait prévu. Il voulait sortir, boire, faire la fête. C’était son mantra de la journée. Peut-être même se vider les couilles avec une première année. 18 ans, c’est légal non ? Son besoin irrépressible de sortir était presque dérangeant, d’autant plus qu’il avait l’impression de passer à côté de quelque chose. Mais quoi ?

Sa vie entière a toujours été régentée par des règles, par une organisation précise, simple. Ses parents lui ont appris à faire comme ça, et elle sait très bien qu'Abel, il est différent. Qu'Abel, il préfère aller au feeling, il préfère profiter de la vie. C'est ce qu'il voulait, aussi, pour Lily. Mais sans lui, s'amuser n'avait pas le moindre sens. Elle confirme d'un hochement de tête. « Oui, tu pues des pieds. » Mais elle ne s'attendait pas à ce qu'il dise vouloir poser ses propres règles. Depuis quand il avait une règle quelconque ? Elle le fixe sans détourner les yeux - ce qui lui prend un effort fou - pour que finalement... il rie. Constate qu'il n'a pas la moindre règle. Et Lily, elle secoue la tête en retenant un rire et en baissant les yeux, soulagée de voir qu'elle le connaît, même sans que lui, la connaisse. Ah, si. Hm ? Elle relève la tête pour le regarder, surprise. Tu as le droit de me mater sous la douche si tu veux. Et elle reste figée, Lily. Ce sourire, cette phrase, c'est pire que tout. C'est son Abel. Son Abel. Et elle détourne les yeux pour masquer un voile de larmes qui la traverse, faisant mine de ranger sa table de chevet. « Ca ira, merci pour la proposition. » Murmure-t-elle la gorge nouée, en haussant simplement les épaules.

Elle se redresse avec l'envie violente de s'allumer une cigarette. Depuis quand est-ce qu'elle devenait si dépendante à la nicotine ? Jusque maintenant, c'était plus pour penser à lui qu'autre chose. Elle sentait le regard d'Abel peser sur elle. Et pourquoi est-ce qu'il pose tant de questions ? « La littérature. » Même si ces derniers mois, ses notes ont chuté. Royalement chuté. Elle devrait se rattraper avant que ses parents ne l'apprennent, mais... C'est trop difficile pour elle de se concentrer sur ses cours, quand ses pensées sont toutes accaparées par le brun aux yeux bleus. « En général, j'ai cours de 9h à 18h, mais le soir, je bouge souvent à la bibliothèque. » Elle sort de son chevet une clé, et se dirige vers le lit du brun pour la lui tendre. « Ca risque de t'être utile pour naviguer quand je suis pas là. » Et elle évite son regard, préférant de loin détailler sa fenêtre plutôt que le visage de celui qu'elle aime.

Abel avait envie de changer de voie. Il ne savait pas où, mais les études littéraires l’épuisaient et ne lui donnaient pas envie. Quelque part, au fond de son crâne, il voulait travailler dans le médical. Mais l’idée n’avait pas encore assez germé à la surface pour qu’il puisse émettre la possibilité. Et si cette idée était caché, c’était parce qu’il n’avait pas tous les éléments. Aussi étranges soit les événements qui s’étaient produits ces dernières années, aucune raison médicale ne les expliquaient. Mais évidemment, Abel ne se rappelait pas de ces événements. Il ne se rappelait que de son coma, de ces cauchemars incessants. Il continuait à en faire depuis son réveil. Pire, il avait peur de s’endormir car terrorisé à l’idée de ne pas se réveiller. Ca allait être drôle d’observer Lily dormir en lisant un livre ou deux, ou en pianotant sur son téléphone ou en se branlant sur un porno. Drôle et pervers à la fois. Les caractéristiques parfaites d’un Abel Silverstein dont les hormones lui travaillent beaucoup trop.

Il hocha la tête à la réponse de Lily, et récupéra la clef qu’elle lui tendit. Elle était postée pas loin de lui, près de la fenêtre, et il avait une irrémédiable envie de la toucher. Il tendit le bras pour que ses doigts frôlent au moins sa cuisse mais il se ravisa au dernier moment. Ce geste avait eu un effet étrange. Presque animal. Il secoua la tête pour reprendre ses esprits. « Tu t’amuses un peu parfois ? Non parce que dans ton programme, on se fait chier. » Il se leva pour fouiller son armoire et trouver comment s’habiller pour sortir le soir. « Si je sors ce soir, tu veux venir avec moi ? » il l’interrogea du regard en soulevant un sourcil. Puis il tentait de dompter ses cheveux qui étaient une galère à coiffer, d’autant plus qu’ils étaient devenus cassant depuis qu’ils n’avaient pas été coiffé correctement durant son coma. Il prenait la brosse à cheveux et se débattait comme un damné. « Tu veux bien m’aider ? J’sais pas, t’es une fille, tu dois savoir comment ça fonctionne. » Il louchait sur ses cheveux en tentant de regarder les mèches juste au-dessus de ses yeux.