Honoria est une ville et communauté extrêmement religieuse, elle loue Uba, un dieu aux idéaux phallocrates. Ce dernier réclame un sacrifice féminin tous les 10 ans lors du 13 octobre. Ce sacrifice est nommé l'Élue et est choisie lors de ses 6 ans par le Haut Clergé. Ce titre est désiré et vu comme un cadeau, car une fois nommée, l'Élue est amenée à rejoindre le château de la famille royale Kausar, où elle suivra une éducation rigoureuse et méticuleuse afin de la perfectionner. Mais Raven n'est pas heureuse quand elle est désignée Élue, tout le monde se réjouie sauf la jeune blonde. Sa meilleure-amie s'est enfuit avec ses parents la veille et personne ne semble comprendre pourquoi elle pleure. Alors quand vient l'année de son sacrifice, Raven ne sait pas en qui se remettre et pendant qu'elle considère le futur qui l'attend, quelque-part loin dans la forêt, sa meilleure se prépare à revenir à Honoria pour la sauver.
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Apotheosis
Ven 14 Juin - 17:29
Willow Birdwhistle
J'ai 16 ans et je vis dans la communauté nommée Kalikardia. Dans la vie, je suis une jeune étudiante d'alchimie et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma chance, je suis célibataire et je m'en fiche.
Aubri Ibrag (c) Apothesis
L'herbe haute caressait les doigts de Willow alors qu'elle traversait la prairie qui s'étendait après le campement. L'harmonie entre les oiseaux et les crickets lui offrait un concerto réconfortant. Elle aimait la façon dont le parfum des fleurs lui chatouillait les narines, tandis que le soleil embrassait la peau découverte de ses bras. Depuis son départ d'Honoria, Willow connaissait une paix sans pareil. Les dix années passées dans Kalikardia, la communauté qu'avait rejoint la famille de Willow, lui avait offert un savoir incroyable sur la faune, la nature et même l'occultisme. Il était difficile pour les natifs d'Honoria de se distancer des croyances instruites dès leur naissance, mais pour les quelques personnes qui y arrivaient, Kalikardia était là pour les accueillir. Ici, tout le monde était égal et l'idée même d'aller à contre-sens était inconcevable. Personne ne répondait à un dieu, tout était attribué à l'esprit de la nature, à l'univers et il n'y avait pas de commandement à respecter, juste des règles de bienséance.
Son regard fut capturé par quelques brins de blé. Leur couleur lui rappela la chevelure blonde d'une relation qu'elle avait perdue. Elle chassa la pensée avant de se recentrer sur la raison de sa venue ici. Sa mère, Jemima, lui avait demandé de récolter une espèce de fleurs qui ne grandissait qu'au pied du ginkgo, un grand arbre aux feuilles en forment d'éventails jaunes qui était caché un peu plus loin dans la forêt. Jemima, qui était dédaigné à Honoria malgré ses capacités d’infirmière, était adoré ici. En plus de l’avoir accueilli à bras ouverts, le guérisseur de Kalikardia avait pris le soin d’enseigner à Jemima des méthodes de guérison qui surpassaient ce qu’on lui avait enseigné d’où elle venait. Maintenant, elle savait reconnaître chaque plante pour ses bienfaits et été même capable d’obtenir de quoi guérir depuis des plantes dont l’usage incompris était prohibé par l’entité médical d’Honoria.
Les pieds de Willow, habillées de sandales de cuir, quittèrent l’herbe haute pour rejoindre le sentier. Son père Wyndham, talentueux cordonnier qu’il était, travaillait la matière avec une affection remarquable et était l’auteur des sandales qu’elle portait ainsi que de la ceinture d’alchimiste qui entourait sa taille. Ceinture où étaient attachées plusieurs plantes connues pour leur effet médicinal, deux fioles remplies de liquide, une paire de ciseaux et une petite pochette. Contrairement à sa femme, Wyndham était très apprécié par la population d’Honoria. Il fournissait une grande partie de la ville en chaussures, ceintures et autres objects faits de cuir.
Alors qu’elle approchait de la pente menant au ginkgo, un lapin quitta subitement le feuillage pour rejoindre le sentier. Il sembla s’arrêter un moment pour observer la jeunette avant de reprendre sa course effrénée. Willow ne put s’empêcher de sourire en voyant sa petite queue blanche disparaître dans l’herbe. Elle avait toujours ressenti beaucoup d’empathie vis-à-vis des animaux, empathie qui lui provenait sûrement de sa mère qui lui répétait toujours qu’il n’y avait rien de plus digne qu’un animal. Sentiment qu’elle partageait, surtout depuis qu’elle vivait dans la forêt et que leurs apparitions se faisaient plus fréquentes. Elle reprit sa marche en humant une chanson qu’elle avait entendue dans la matinée. La musique était un des nombreux loisirs partagés dans la communauté, que ce soit la harpe, le luth, la flûte ou le chant, il n'était pas rare d'entendre des mélodies tout au long de la journée. Il lui arrivait souvent de rejoindre les chants de groupe, appréciant la façon dont l’harmonie de leurs voix se mêlant aux instruments créait une ambiance conviviale et saisissante. Elle dut pousser sur ses jambes pour gravir la pente, mais la vue de l’arbre aux feuilles jaunes sembla lui faire oublier la rudesse de l’exercice. Le ginkgo était magnifique. Ce vieil arbre était plein d’histoires, beaucoup de personnes de Kalikardia aimaient dire que son âme viellait sur eux et qu’il semblait s’embellir d’année en année. Son tronc était grand et long et son feuillage offrait une grande zone d’ombre. Willow s’approcha doucement de lui, de façon presque cérémonieuse, et posa délicatement sa main sur son écorce. Elle fit comme on lui avait appris et ferma les yeux avant de prendre une grande inspiration. Il paraissait que le ginkgo pouvait prévenir l’avenir ou même communiquer avec les personnes qui prenaient le temps de s’assimiler à lui. Elle expira lentement en essayant de s'enraciner, de se connecter à la terre, puis elle fit ce pourquoi elle était vraiment là. Elle visualisa le visage de la petite fille qu’elle avait abandonné, de la personne qu’elle aimait le plus, elle fit tout ce qu’elle pouvait pour se concentrer sur son visage, sur ce dont elle se souvenait. Et contre toute attente, quelque chose arriva. Tout se passa très vite, mais elle vit Raven, pas comme la petite fille de six ans qu’elle connaissait, mais comme la jeune femme qu’elle était. Elle reconnue immédiatement son visage malgré les années qui les séparaient. La vision la choqua, mais elle fit tout pour rester concentré. C’était comme si elle avait ouvert une fenêtre, elle la vit pendant un instant avant de voir une vision plus grave, du feu. L’image se distordu, comme brûlée et Willow tomba à genoux. Le choc lui fit réaliser qu’elle avait arrêté de respirer et elle ouvrit les yeux, haletante. Pendant un instant, il lui fut impossible d’arrêter le flot de larmes qui coulaient de ses yeux. Elle s’en voulait, c’était de sa faute, elle aurait dû se battre, convaincre ses parents d’emmener Raven avec eux. Elle aurait dû faire quelque chose, n’importe quoi. Elle finit par retrouver son calme, bien que toujours secoué parce qu’il venait de se passer. Il ne restait que six mois avant l’exécution de Raven. Willow tenta de se recentrer sur le moment présent, elle n’aiderait personne en restant à genoux à pleurer. Elle prit les ciseaux qu'elle utilisait pour la récolte et coupa soigneusement cinq fleurs qu'elle ramena à la ceinture en cuir qu'elle portait autour de la taille. Elle remercia silencieusement l’arbre et essuya ses yeux avant de se relever, puis elle épousseta sa robe avant de prendre une grande inspiration.
Respiration qu’elle bloqua. Pendant une seconde. Deux secondes. Trois secondes... Elle allait retourner à Honoria ; elle allait retourner à Honoria et sauver Raven du triste destin qui l’attendait.
J'ai 16 ans et je vis au sein du culte d'Uba, dans la ville d'Honoria. Dans la vie, je suis l'élue destinée à être sacrifiée et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma chance, je suis célibataire et je respecte mes vœux de célibat et de chasteté en tant qu'élue.
Les cloches dissimulées au sommet de l'église d'Uba, plantée au centre de la ville fortifiée d'Honoria, sonnèrent l'heure de la prière. L'ensemble des hommes se rassemblèrent alors bruyamment sur la grande place dans l'attente du prêche de Son Éminence.
Les femmes restèrent à l'arrière, en retrait comme à l'accoutumée, et elles attendirent en silence tandis que leurs enfants essayaient de se tenir le plus convenablement possible. Tous savaient, en dépit de leur jeune âge, que leur mère serait sévèrement châtiée s'ils ne répondaient pas aux attentes des adultes.
Raven Halliwell, l'élue destinée à être immolée en sacrifice à la divinité Uba, se plaça devant les rangées impeccables formaient par les femmes de la communauté. Vêtue d'une robe et d'un voile blanc rappelant celui d'une jeune mariée, elle s'agenouilla à même le sol en gardant la tête baissée et toutes l'imitèrent alors.
Dans cette marée humaine principalement vêtue de noir, personne ne pouvait ignorer la présence de l'élue parmi eux. Ainsi, dans une osmose effrayante, elles joignirent leurs mains devant elles à l'unisson en entendant les portes de la cathédrale s'ouvrirent en grinçant. Son Éminence s'avança, suivi de la famille royale d'Honoria, et ils foulèrent alors du pied le parvis de l'église juxtaposé à la grand place.
Le brouhaha des hommes cessa immédiatement et tous baissèrent la tête en signe de respect. Pour autant, aucun d'eux n'imita la position adoptée par les femmes, tous demeurèrent debout.
Son Éminence observa longuement l'assemblée devant lui avec un air satisfait. Il tapa contre le parvis d'un coup sec et sans appel avant de racler la gorge pour commencer son sermon. « Que les femmes se taisent dans les assemblées, car il ne leur est pas permis d’y parler. Que la femme écoute l’instruction en silence, avec une entière soumission. Je ne permets pas à la femme d’enseigner, ni de prendre autorité sur l’homme ; mais elle doit demeurer dans le silence. »
Tous répondirent d'une même voix. "Car telle est la volonté d'Uba, et nous la respectons."
-
Les genoux en sang après avoir maintenu une position parfaite à même les pierres rugueuses, Raven faisait de son mieux pour ne pas grimacer à chacun de ses pas. Son Éminence avait répété le même sermon encore et encore jusqu'au déclin du soleil. Trois heures s'étaient alors écoulées. La robe blanche de l'élue, jusqu'alors immaculée de toute tâche, commençait à voir plusieurs points rougeâtres, de tout diamètre, altérer le tissu. "Uba, de grâce, pardonnez-moi." souffla Raven, pantelante, avant de changer de direction.
Elle ne rentrerait auprès du roi qu'après avoir lavé sa robe, autrement… Elle frissonna et trouva refuge près d'un vieux puits où personne ne trainait plus à cette heure tardive. Accrochée à une potence au centre du puits se trouvait une poulie hissant un seau à hauteur de la tête de la jeune femme. "Vide..." constata la jeune fille avant de laisser le seau tomber au fond du gouffre. Elle entendit le bruit du récipient atterrissant dans l'eau et tira sur la corde pour remonter le seau chargé d'eau après avoir attendu un temps qu'il ne se remplisse.
Elle but à grande gorgée à l'aide de ses mains jointes, après avoir remercié Uba, et s'autorisa même à passer de l'eau sur son visage trempé de sueur. L'été était particulièrement rude cette saison et Son Éminence, que l'on éventait tout le long de son sermon, s'appliquait à châtier quiconque s'évanouissait lors de son prêche.
La jeune femme détacha le seau avant de le poser au sol et elle releva sa robe au-dessus de ses genoux pour nettoyer ses plaies. Son regard se posa sur la maison face à elle, celle où son amie Willow et sa famille habitaient avant qu'ils ne désertent, et son cœur se serra. "Willow..." murmura-t-elle et un vent venu de nulle part sembla transporter ce simple mot au-delà des remparts d'Honoria, quelque part dans l'horizon lointain.
L'enfant aux boucles brunes n'était jamais revenu ici. Pourtant, Raven ne l'avait jamais oublié. Elle se souvenait parfaitement de leurs douces après-midis où elles courraient dans les prairies en toute insouciance, à l'abri des regards désapprobateurs. Elles avaient tressé leurs cheveux ensemble, s'étaient fabriquées des couronnes de fleurs avant de se les offrir et avaient inventé autant de jeux que possible — leur imagination paraissant être leur unique limite.
La blonde sourit face à ces souvenirs dans lesquels elle commençait à se perdre.
Le clocher de l'église la rappela à l'ordre et elle se releva d'un bond en grimaçant. Le crépuscule prenait place dans le ciel, il fallait qu'elle se hâte de retourner au château avant que le roi ne fasse envoyer des soldats à sa recherche. Cette pensée la terrifia et elle courut à en perdre haleine, maudissant ses genoux endoloris.
-
On l'examina de la tête aux pieds afin de s'assurer que rien ne lui était arrivé — en dépit de l'état de ses genoux. Un homme médecin sortit des quartiers de la jeune fille et fit son rapport au roi avec un sourire rassurant. "N'ayez crainte, Votre Altesse, la pureté de l'Élue demeure intouchée." Aalam soupira d'un air rassuré et Son Éminence pénétra dans la chambre de Raven sans plus de cérémonie. "Où étais-tu donc passé ?" Raven s'inclina devant l'homme et garda la tête baissée, ses jambes tremblaient. "Je vous présente mes plus plates excuses, Votre Éminence, j'étais assoiffée." tenta-t-elle d'expliquer en essayant de ne pas bégayer. "J'ai dû faire un détour pour aller puiser de l'eau." Il tapa sa canne sur le sol pour la faire taire et elle sursauta. "Tu ne peux pas errer seule dans les rues, Raven. Dois-je te rappeler que tu es vitale à la survie d'Honoria ?" Elle secoua la tête et des mèches blondes obscurcirent sa vision. "Non, j'en ai conscience, Votre Éminence, cela ne se reproduira plus." Le regard de l'homme se durcit et il lui releva le menton à l'aide d'un de ses doigts gantés. "Car ?" s'agaça-t-il, l'air impatient. "Car telle est la volonté d'Uba, et je la respecte." répondit-elle machinalement. Il hocha la tête et retourna en soupirant avant de quitter la pièce.
Elle entendit le bruit distinct des clés verrouillant les portes de sa chambre et s'effondra sur le sol, pantelante. Elle l'avait échappé belle.
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Apotheosis
Dim 16 Juin - 16:14
Willow Birdwhistle
J'ai 16 ans et je vis dans la communauté nommée Kalikardia. Dans la vie, je suis une jeune étudiante d'alchimie et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma chance, je suis célibataire et je m'en fiche.
Aubri Ibrag (c) Apothesis
Willow descendait la pente en courant, le bas de sa robe fermement empoigné entre ses mains. Il lui restait cinq heures avant l’arrivé du crépuscule et il faudrait compter trois heures de marche pour arriver à Honoria. Elle poursuivit sa course effrénée tout en préparant son périple dans sa tête. Si elle voulait échapper à ses parents, elle devrait trouver une bonne excuse. Tamal, son professeur d’alchimie, un grand homme de trente-sept ans à la peau dorée et à la longue chevelure ébène, lui parlait souvent des retraites et de comment elles aidaient à fortifier le corps et l’esprit. Willow n’aurait qu’à dire qu’elle se sentait enfin prête à débuter sa toute première retraite et que le ginkgo lui avait montrer un lieu où s’orienter pour que Tamal l’aide à convaincre ses parents. À Honoria, seize ans étaient vus comme un âge délicat et jouvenceau et il était interdit aux mineures d’aller dans la forêt, mais ici, c’était différent. Les adolescents étaient vus comme mûrs et protégés par la forêt, on leur donnait souvent des courses à faire comme celle qu’était en train de remplir Willow. Cependant, elle savait faire la différence entre prendre une heure pour aller cueillir des fleurs et partir en retraite pendant plusieurs jours et sa mère le ferait sûrement aussi. Jemima aimait énormément Willow et cet amour la rendait inquiète vis-à-vis de son bien-être, quelque chose qui ne gênait nullement la jeunette, mais qui pourrait devenir un problème.
Elle était en train de rejoindre les herbes hautes quand une réalisation la frappa. Elle se stoppa net alors que le problème lui restait en tête : comment allait-elle atteindre Raven ? Raven, l’Élue qui était gardée entre des murs, puis des gardes, puis une grille, puis une énorme enceinte murale. Elle lâcha sa robe, la laissant retomber le long de ses jambes. Elle haletait légèrement alors qu’elle essayait de résoudre le problème qui pourrait contre-carrer ses plans. Willow ne pouvait pas entrer en ville comme si de rien était, les gens se connaissaient et ils remarqueraient tout de suite une nouvelle tête. Il lui faudrait une fausse identité ; si elle comptait atteindre Raven, elle devait viser plus près. La seule place où elle pourrait voir une roturière atteindre la famille royale, c’était en tant qu’aide. Elle pourrait peut-être se faire passer pour une femme de chambre ou pour une infirmière. En-tout-cas une chose était sûre, il fallait qu’elle fasse tout pour qu’on la prenne pour une adepte d’Uba, sans quoi elle n’aurait aucune chance d’avancer. Elle essaya de se souvenir de tout ce qu’elle savait vis-à-vis d’Honoria. Elle se rappelait avoir vu une Élue, une fois. Elle était seule et semblait chercher quelque chose, c’était la première fois que Willow voyait une Élue d’aussi près. Et c’est là que lui vint son plan, elle allait attendre que Raven soit loin de la foule pour lui donner un sédatif non-dangereux. Elle possédait une fleur qui pouvait plonger n’importe qui dans un profond sommeil. Les médecins auront beau faire tout ce qu’ils pourront, ils ne sauront guère trouver l’antidote, antidote qui ne grandit que dans le cœur de la forêt. Et c’est là que Willow apparaîtra, déguisée en infirmière, et lui administrera l’antidote. Avec de la chance, la situation créera une tension qui trouvera sa solution en les capacités de Willow. Il n’y avait aucune chance que l’Éminence veuille laisser une situation pareille se reproduire quelques mois avant le sacrifice. Seul problème, tout ce plan se basait sur l’hypothétique qu’elle arriverait à trouver Raven loin de la foule et que cette dernière accepte d’ingérer un produit dont elle ne connaissait rien. Est-ce que Raven lui ferait confiance, après toutes ces années ? Et si elle prévenait les gardes de son identité ? Willow n’aurait aucune chance de survie, elle finirait torturée à mort et oubliée dans un cachot.
Elle reprit sa marche, maintenant certaine de la façon dont elle allait mettre son plan en marche. Elle accéléra le pas, préférant la marche rapide à la course. Les herbes hautes qui caressaient plus tôt ses bras, semblaient tenter de l’éteindre sans y parvenir. Peut-être était-ce son esprit, qui ne pouvait cacher l'once de stress qui parcourait tout son corps, comme une brise froide le long de ses bras. Après tout, c’était la première fois qu’elle préparait quelque chose d’aussi dangereux, jusqu’à maintenant, elle vivait protégée dans un refuge. Mais le destin semblait la rappeler d’où elle venait, Honoria, ce sombre enfer qu’elle aurait préféré oublier.
Elle finit par rejoindre le campement de Kalikardia. Son cœur battait la chamade et elle sentait son sang bouillir sous sa peau. Elle retrouva rapidement sa tente et s’empressa de prendre un sac qu’elle remplit de vêtements, de sa gourde d’eau, de quelques fruits et d’autres objets dont elle aurait besoin. Elle cherchait son livre d’alchimie quand elle se souvint l’avoir laissé dans la tente de Tamal, lors de leur dernière leçon. Elle vêtit ses épaules d’un châle blanc et mit le sac sur son dos avant de quitter sa tente. Son esprit dissipé et sa hâte la firent rentrer dans sa mère. Le choc la fit reculer, la bloquant entre cette dernière et sa tente.
« Willow ! s’exclama sa mère, surprise. Pourquoi es-tu si empressée ? - Désolée maman, mais je viens d’avoir une vision. »
Jemima remit le foulard aux multiples couleurs en place sur ses cheveux tout en étudiant sa fille du regard. On sentait l’empressement dans la voix de Willow et sa mère n’eut aucun mal à discerner que quelque chose n’allait pas.
« Une vision ? répéta-t-elle. De quoi... - Le ginkgo m’a montré un endroit. »
Jemima tenta tant bien que mal de comprendre sa fille, mais cette dernière parlait de quelque chose qu’elle n’avait jamais vécu et ne connaissait certainement pas assez.
« Je t’expliquerais après, reprit Willow, donne moi deux secondes s’il te plaît, je dois voir Tamal. »
Jemima voulut rétorquer, mais elle vit quelque chose dans le regard de sa fille qui la fille s’écarter sur la gauche, lui laissant l’espace nécessaire pour avancer. Willow la remercia et lui remit les fleurs récupérées plus tôt, avant de filer vers la tente de son professeur. Tamal était en son centre, assis sur un coussin face à une table carré sur laquelle il était en train de travailler sur un breuvage. Ses longs cheveux noirs lui tombaient dans le dos tandis que sa barbe noire touchait à peine la table.
« Willow, dit-il sans relever les yeux de son travail. - Tamal, j’ai besoin de mon livre d’alchimie. »
L’homme à la peau dorée habillée de tatouage au henné lui désigna un coussin où se trouvait le livre en question. Willow s’avança vers ce dernier, pris le livre en main et le rangea dans son sac. Elle s’apprêtait à quitter la tente quand la voix de son aîné l’arrêta.
« N’oublies-tu pas quelque chose ? »
Elle garda son dos face à lui, trop inquiétée par la situation pour lui faire face.
« Le ginkgo m’a montré une vision, un endroit où aller. »
Encore une fois, sa voix était rapide, bien trop empressée.
« Assieds-toi. »
La jeunette se retourna, prête à refuser l’ordre, mais finit par céder. Elle s’avança et s’assit sur le coussin qui faisait face à la table où était Tamal.
« Je veux partir en retraite, maintenant. - Tu sais très bien que les choses ne fonctionnent pas comme ça, répondit-il sur un ton calme, son regard toujours posé sur la potion qu’il préparait. - Je sais mais..., mais c’est important. »
Il leva les yeux pour la regarder et raidit son dos.
« Explique-moi, Willow. »
Cette fois, elle avait toute son attention.
« Le ginkgo m’a montré Raven, une amie que j’ai perdue à ma fuite d’Honoria. Elle a été choisie Élue et... et la vision s’est terminée en flammes. »
Tamal sembla réfléchir un moment.
« Tu comptes retourner à Honoria pour la sauver, dit-il finalement. - Oui. - J’admire ton courage, Willow, mais ce que tu veux faire est très dangereux. - Je sais. Bien sûr que je le sais, mais je n’ai jamais senti.., je n’ai jamais ressenti une telle... - Ton devoir, tu as l’impression que c’est ton devoir, comme si quelque chose plus fort que toi te disait de le faire. - Oui ! Exactement ! s’exclama Willow qui se sentit enfin comprise. - Et c’est le ginkgo qui t’a montré cette vision ? »
Elle hocha la tête. Tamal sembla encore se perdre en songe.
« Est-ce que tu pourrais parler à mes parents ? demanda la jeunette. Ils auront plus de chance d’accepter si tu me soutiens. »
Silence.
« Je suis d’accord pour parler à tes parents, mais je veux que tu prennes ceci. »
Il se leva et partit dans le fond de sa tente pour atteindre un coffre qu’il ouvrit. Il y prit une bourse remplie d’un métal qui produit de petits cliquetis, puis il s’approcha Willow.
« J’ai ramené des pièces d’or en arrivant à Kalikardia, ce qui me semblait important à Honoria n’a aucune importance ici. »
Il plaça la bourse entre les mains de la jeunette et lui sourit.
« Prends les et fais en sorte de ne pas tout dépenser, ça devrait suffire à te loger et à te nourrir pendant un moment. - Merci beaucoup, Tamal, je te promets de faire attention.»
Elle rangea la bourse dans la pochette de sa ceinture et se pencha légèrement en avant, en une courbette, pour le remercier. Tamal sortit de sa tente suivie de Willow et ils allèrent rejoindre ses parents. Il restait trois heures et demie avant le crépuscule quand Tamal expliqua à Jemima et Wyndham que leur fille était prête à débuter sa toute première retraite. Au début, Jemima sembla refuser, en rétorquant qu’il était trop tard pour débuter une retraite, mais Tamal pris le temps de la rassurer en lui disant que si le ginkgo lui avait montré une vision, c’est qu’elle était destinée à la remplir. Il fit en sorte d’omettre le plus important sans pour autant mentir à ses parents et ils finirent par accepter.
« Fais attention à toi, petit renard, lui dit son père avant d’embrasser sa fille sur le front. Je suis très fière de toi et je veux que tu l’entendes, je te le dirais autant de fois que nécessaire. - Merci papa. »
Une larme coula le long de sa joue.
« Je suis tout aussi fière de toi, Willow, reprit sa mère. »
Elle regarda sa fille avec un mélange d’admiration et de douleur.
« Je ne comprends pas encore tout ça, bien que j’essaie, avoua-t-elle avant de rire légèrement, mais je sais que tu es capable d’accomplir de grandes choses. »
Elle enlaça sa fille une dernière fois, les yeux embués de larmes. Willow remercia ses parents et Tamal. Elle s’imprégna de l’endroit une dernière fois avant son départ. Des musiciens qui jouaient une musique joyeuse et reposante, de la bonne odeur de pâtisseries qui emplissait le campement, des rires des enfants et de la plénitude qui régnait. Puis elle se tourna face au chemin qui l’attendait. Elle prit une grande inspiration et entama son périple.
* * *
Elle marcha pendant deux heures, avec un rythme régulier avant de faire une courte pause pour boire et manger. Il lui restait une heure avant d’atteindre la ville et pourtant, elle avait l’impression de déjà y être. C’était l’ambiance de la forêt qui semblait changer, elle était plus sombre et vide malgré le soleil qui l’illuminait. Elle referma son sac, se releva et se remit en marche. Le temps s’écoula et elle finit par apercevoir l’enceinte murale de laquelle dépassait le château royal, la tour de l’église ainsi que d’autres bâtiments. Elle sentit son ventre se serrer et sa respiration se couper. Les six années passées dans la ville lui revinrent en tête, nettement, comme si elle les vivait pour la première fois. Les dimanches passés à l’église, la façon dont les femmes devaient se rapetisser pour laisser de la place aux hommes... L’air corrompu lui emplit les poumons, faisant disparaître toute la joie que Kalikardia lui procurait. C’était plus qu’un ressenti, c’était réel et pesant, Honoria semblait être une anomalie, comme un parasite qui avait ravagé le corps sain sur lequel il s’était attaché. La ville était les ossements de quelque chose de plus beau, quelque chose que tout le monde semblait avoir oublié.
Le soleil était en train de se dérober quand Willow arriva devant l’énorme porte de fer et de bois qui fermait la ville. Les deux gardes qui la protégeait semblèrent la dévisager. Elle avait pris le soin d’attacher ses cheveux et de les cacher dans le châle blanc qui habillait ses épaules auparavant. Elle se tenait avec une posture douce et contrôlée, imitant le souvenir qu’elle avait des femmes qui étaient moins détestées que les autres. L’un des gardes, qui était plus petit d’une bonne trentaine de centimètres que son camarade, lui demanda ce qu’elle venait faire ici. Elle joignit ses mains tout en affinant son visage, les yeux plus ouverts que d’habitude, ‘Aies l’air douce et inoffensive et tout se passera bien.’, se dit-elle alors qu’elle s’apprêtait à répondre.
« Bonsoir, j’ai cru entendre que c’était la ville d’Uba, Honoria. Je viens pour rejoindre l’église, j’ai amené une offrande. »
Elle sortit la bourse que lui avait offerte Tamal et se mit à faire cliqueter les pièces. Les deux gardes se lancèrent un regard complice avant de sourire comme des prédateurs affamés.
« Vous pouvez entrer, mais nous allons prendre la bourse pour l’offrir à Uba nous-même, affirma le grand garde pendant que son partenaire essayait de ne pas rire. - Évidemment. » répondit Willow avant de s’approcher doucement et de tendre la bourse au garde qui la prit immédiatement.
Suite à quoi les deux gardes lui ouvrirent l’énorme porte en tirant chacun de leur côté sur la poignée décorée de métal. Willow fit une courbette et s’avança pour entrer dans la ville. Une fois que la porte se referma derrière elle, elle laissa s’échapper un soupir tout en retenant un léger rire en réalisant à quel point il était facile d’acheter un homme, encore plus facile qu’elle ne l’avait imaginé. Elle toucha machinalement la poignée de son sac en pensant au trois-quarts des pièces qu’elle y avait caché, laissant juste assez dans la bourse pour qu’ils ne soient pas assez suspicieux pour fouiller ses affaires. Elle était arrivée à destination, il ne lui restait plus qu’à trouver une auberge où séjourner et elle pourrait enfin mettre son plan à exécution. Elle n’eut pas à marcher longtemps avant de tomber sur un endroit appelé « La Grandeur d’Uba », nom qu’elle trouva ridicule. Elle y entra et se dirigea vers le comptoir là où une dame opulente à la peau ivoire la salua. Elle avait un visage amical, mais semblait débordée. Elle aussi avait ses cheveux bruns cachés dans un foulard.
« Bonsoir et bienvenue ! Comment puis-je vous aider ? demanda-t-elle d’une petite voix douce. - Bonsoir madame, répondit Willow, j’aimerais réserver une chambre pour une semaine. »
La dame hocha la tête et ouvrit le recueil qui était posé devant elle.
« C’est pas tous les soirs qu’une petite demoiselle se ramène ici, dit-elle en continuant de parcourir son registre. »
Willow faussa un petit rire, rire que partagea la dame.
« Vous avez de la chance j’ai une chambre de libre à l’étage, vous aurez une jolie vue sur l’église. »
L’aubergiste récupéra une clef sur le mur derrière son comptoir et lui tendit.
« Ça fera 5 pièces d’or par soir passé ici. »
Willow hocha la tête et retira son sac de ses épaules pour y fouiller et en sortir la somme demandée avant de l’échanger pour la clef.
« Merci madame, dit-elle avec une courbette. - Oh, appelez-moi Dora, répondit la dame, et bonne soirée à vous ! Le petit-déjeuner est à sept heures et le souper à dix-huit heures. Vous venez malheureusement de le rater. - Ce n’est pas grave, j’ai déjà mangé. »
Elle offrit un dernier sourire à Dora avant de se diriger vers sa chambre. Elle avait le numéro 15 et comme annoncé par l’aubergiste, sa chambre lui offrait une vue directe sur l’église et la place qui s’y étendait. La jeunette aurait aimé tergiverser sur son plan, mais son corps appelait le réconfort du lit qui l’attendait. Elle s’assura que la porte était fermée, cacha son sac sous son lit et se laissa tomber sur le matelas qui l’accueillit dans une étreinte apaisante. Elle resta plusieurs minutes ainsi, à observer le plafond en bois. La chambre était petite, avec le plafond en diagonale qui partait du mur contre lequel était le lit jusqu’à l’unique fenêtre. Il y avait un bureau en bois en dessous de la fenêtre, agrémenté d’une chaise et d’un encrier avec sa plume. Pas d’armoire, mais ce ne serait pas un problème. Elle retira ses chaussures tout en restant allongé ainsi que le corset de sa robe pour se retrouver dans la longue chemise blanche qui se trouvait en dessous. Elle n’eut même pas le temps de sortir son pyjama qu’elle sombra de fatigue, retrouvant peu à peu le semblant de paix qui lui manquait.
J'ai 16 ans et je vis au sein du culte d'Uba, dans la ville d'Honoria. Dans la vie, je suis l'élue destinée à être sacrifiée et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma chance, je suis célibataire et je respecte mes vœux de célibat et de chasteté en tant qu'élue.
"Heureuse est la femme qu'Uba châtie. Ne méprise pas la correction du Tout Puissant, Raven. Il t'instruit de sa loi. Ne t'effraie point de ses châtiments. Reviens à lui et détourne-toi de toutes tes transgressions, afin que tes fautes ne causent pas notre perte."
Raven n'émit aucun son malgré la morsure du fouet contre sa peau. Aalam, le roi, regardait le spectacle d'un œil inquisiteur tout en commandant le rythme et la fréquence des coups qui étaient infligés à l'Élue. Aisa, sa compagne, gardait les yeux baissés, le visage complétement fermé, tandis que leurs enfants avaient été renvoyés dans leurs quartiers. Raven savait que si elle montrait le moindre signe de faiblesse en criant, en haletant sous la douleur ou en s'affaissant ne serait-ce qu'un peu, Aalam la ferait battre plus sévèrement encore.
"As-tu seulement la moindre idée du sang d'encre que nous nous sommes faits, ta mère et moi ?" cracha-t-il en ordonnant à son bourreau de cesser de frapper afin d'accorder un bref instant de répit à l'Élue. Cette dernière ravala un sanglot, pantelante. Aalam ne l'autorisa pas à parler, aussi, elle demeura silencieuse, réprimant les spasmes de douleur qui secouaient ses frêles épaules. Malheureusement, ceci n'échappa nullement au regard du roi qui claqua immédiatement des doigts. Un nouveau coup la rappela à l'ordre et Raven fit de son mieux pour réfréner ses tremblements. Elle pouvait sentir la chaleur familière du sang coulant le long de son dos nu. "RÉCITE !" exigea Aalam d'un ton acerbe, faisant tressaillir sa pauvre femme dont la sueur de son front perlait sur ses cuisses.
Doucement, Raven ramena sa robe sur ses épaules et la friction du tissu contre ses nouvelles plaies lui arracha un sifflement douloureux. Aalam se leva d'un bond, mais se ravisa en entendant l'Élue demander grâce. "Aie pitié pour moi, Uba. Dans ton amour et selon ta grande miséricorde, efface mon péché. Lave-moi toute entière de ma faute, purifie-moi de mon offense, car contre toi, et toi seul, j'ai péché. Ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait. Ainsi, tu peux commander et dévoiler ta justice." La voix d'Aisa s'unit à celle de Raven. "Car telle est la volonté d'Uba, et je la respecte."
-
Le bourreau n'a pas été tendre, pensa Raven alors qu'Aisa pansait silencieusement ses plaies depuis une vingtaine de minutes. Allongée sur le ventre, à même son lit, l'élue cilla en entendant sa mère adoptive lui adresser la parole. Il était rare d'entendre le son de la voix de la reine qui ne s'exprimait uniquement qu'en présence des femmes — ce qui n'arrivait pas souvent, car Aalam attendait d'elle qu'elle le suive comme son ombre. Même en cet instant, elle n'était là que sur ordre de son mari. "Raven." appela-t-elle doucement tandis que ses doigts meurtris s'appliquaient à bander chaque lésion de la jeune femme. "Je..." La culpabilité de voir une si jeune fille souffrir l'étreignait, et sa lâcheté la hantait. Raven se retourna légèrement en grimaçant avant d'adresser un sourire timide à la reine. "N'ayez crainte, Votre Majesté, car tout sera bientôt terminé. La colère de Son Altesse est légitime. Mon destin est avec Uba et le sacrifice nous unira sous peu." Aisa étouffa un sanglot. Elle s'était occupée de quelques élues avant Raven, et chaque adieu avait été un véritable déchirement pour elle. Bientôt, la jolie tête blonde serait amenée sur le bûcher, elle aussi. Bientôt, on lui apporterait une nouvelle élue, tout juste âgée de six ans, et ce cycle infernal se renouvellerait alors.
Aisa se pencha doucement au-dessus de l'enfant qu'elle avait élevé et vu grandir avant de lui baiser affectueusement le front. Elle lui caressa les cheveux un long moment en écho à toutes les fois où elle l'avait consolé durant son enfance ici. Raven, épuisée et engourdie par la douleur lancinante qui ravageait son dos, ferma les yeux pour mieux accueillir cette douce sensation. Le sourire rassurant de la reine s'affaissa et sa voix mélodieuse se transforma en sanglots silencieux quand elle fut certaine que l'élue s'était profondément endormie.
-
Raven s'éveilla aux premières lueurs du jour, par habitude, en grimaçant. Elle poussa un râle, l'esprit encore perdu dans les méandres d'un sommeil agité où un véritable brasier la consumait corps et âme. Ses yeux balayèrent la pièce tandis qu'elle s'asseyait pour boire un verre d'eau reposant sur sa table de nuit. Il n'y avait aucune trace du passage d'Aisa, la veille au soir, à l'exception d'une fleur que Raven s'empressa de cacher entre les pages d'un livre qui trônait au milieu de sa bibliothèque. Il n'y avait pas énormément de choix entre la religion, les devoirs conjugaux et la soumission de la femme face à l'homme. Un soupir lui échappa tandis qu'elle refermait le lourd ouvrage dans un fracas de papier. Oui, elle ferait sécher la plante avant de la pendre dans son armoire.
Le futur sacrifice se hâta pour la cérémonie, ignorant la douleur qui irradiait son dos et ses pieds. On la lava soigneusement, changeant ses pansements après avoir désinfecté ses plaies, puis on l'habilla de la tenue traditionnelle réservée aux Élues, qui consistait en une robe immaculée et un voile en dentelle rappelant une future promise. Raven était promise à Uba, elle lui était destinée et réservée depuis ses six ans et bientôt, ils seraient unis dans les flammes pour l'éternité.
La journée allait être diablement longue entre le sermon à rallonge de Son Éminence, l'écoute des doléances suivie des bénédictions quotidiennes. Raven voulut soupirer, mais se ravisa quand le tintement familier des bottes en ferraille contre le marbre parvint à ses oreilles. Des gardes, chargés de la protection de l'Élue par le roi, entrèrent dans une parfaite synchronisation et Raven sut qu'il était temps d'y aller.
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Le sermon fut si interminable que l'on châtia une femme enceinte qui s'était évanouie sous la chaleur étouffante du soleil matinal. Raven réprima ses émotions face aux hurlements de l'innocente comme on le lui avait appris — c'est-à-dire à ses dépens. La vue du sang la fit frémir, car la quantité sur le parvis était trop importante. La jeune femme appela faiblement son mari à l'aide, mais il l'ignora en demandant grâce à Son Éminence. Ce dernier lui tendit d'une main commanditaire sa canne en or et incrustée de pierres précieuses. L'objet en métal pesait terriblement lourd entre les mains de l'homme. "Tout affront mérite réparation, Harvey." Ce dernier hocha la tête, mais le tremblement de ses mains n'échappa nullement à l'œil voilé de l'Élue. L'homme d'Église leva un sourcil devant Raven, et cette dernière incita l'ensemble des femmes à l'imiter en récitant à haute voix une prière louant le nom d'Uba. Doucement, Harvey s'approcha de sa femme qui le suppliait, fébrile. Elle écarquilla les yeux d'effroi. Trop tard, cependant, car il frappa en murmurant des excuses à peine compréhensibles.
-
On nettoya le parvis à grand coup de jets d'eau tandis que Raven, recluse dans le confessionnal de l'église, écoutait les malheurs qui accablaient les hommes de Honoria — sans jamais voir leur visage. Les femmes, comme à leur habitude, demeuraient en retrait, dehors, à s'occuper des enfants qui riaient et courraient dans les rues. Elle perdit le compte du nombre d'âmes qu'elle dut absoudre de tout péché. Avant même qu'elle ne s'en rende compte, la dernière personne à se plaindre quitta l'enceinte de l'église, la laissant complétement seule dans le minuscule espace du confessionnal. Le soleil, encore haut dans le ciel, indiquait qu'il était trop tôt pour mettre fin à l'écoute des doléances et aux bénédictions quotidiennes. Raven se doutait que, peut-être, une autre âme esseulée la rejoindrait bientôt.
Les sens en alerte, la jeune femme guetta le moindre bruit environnant. Les gardes avaient interdiction de pénétrer l'enceinte sacrée de l'église, car la royauté ne primait en aucun cas sur la sainteté du culte. Celle-ci était absolue et outrepassait l'autorité du roi.
Son Éminence, elle, assistait à un banquet donné en son honneur par les plus hauts placés de Honoria. Une manière comme une autre de le flatter en lui offrant du vin à outrance ainsi que des femmes de bonne chair dans l'espoir de s'attirer ses bonnes grâces.
Il n'y avait plus une seule âme qui vive dans l'église et ses alentours. Oh, les gardes étaient certainement partis se désaltérer dans l'auberge face au parvis. De là-bas, ils surveilleraient les allées et venues des fidèles et de l'Élue, même éméchés. Alors, Raven s'autorisa un soupir, le genre bruyant, avant d'ôter son voile de son visage en le rabattant derrière sa tête.
Machinalement, elle quitta le confessionnal et ses pas résonnèrent contre le marbre immaculé du lieu saint tandis qu'elle s'enfonçait dans l'église. Devant de magnifiques vitraux trônait une imposante statue représentant Uba. Son regard impérieux forçait le respect et instaurait une terreur tenace chez le plus grand nombre. L'Élue s'inclina automatiquement avant d'attraper un encensoir en or dans lequel elle brûla de l'encens avant de commencer à parcourir les immenses allées tout en récitant des versets destinés à la gloire d'Uba.
Tout cela, elle le faisait sans même réfléchir, son esprit voguant au-delà des remparts de la ville. Si les portes de l'église grincèrent avant de s'ouvrir, la jeune femme n'y prêta nullement attention.
"Gloire à Uba, le Très Haut. Nous te louons, nous t'adorons, nous te glorifions, nous te rendons grâce Père Tout-Puissant, Toi qui enlèves les péchés du monde, prends pitié de nous ; Toi qui enlèves les péchés du monde, reçois notre prière ; Toi qui trône et domine tout de ta superbe, prends pitié de nous. Car toi seul es Saint, toi seul es Seigneur, Toi seul es le Très-Haut. Car telle est ta volonté, et nous la respectons."
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Date d'inscription : 20/05/2024
Région : Nord de la France/Alpes.
Crédits : Apotheosis.
Univers fétiche : City, Fantasy, Thriller & SF.
Préférence de jeu : Homme
Apotheosis
Mer 3 Juil - 14:59
Willow Birdwhistle
J'ai 16 ans et je vis dans la communauté nommée Kalikardia. Dans la vie, je suis une jeune étudiante d'alchimie et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma chance, je suis célibataire et je m'en fiche.
Aubri Ibrag (c) Apothesis
Ce ne fut pas la venue patiente du soleil qui réveilla Willow, mais une voix féminine qui s’insinua dans son esprit. « Réveille-toi. » La fatigue bien trop présente eut le pas sur la raison et la jeunette se tourna dans son sommeil, comme pour écarter l’appel. Mais la voix persista, répétant sa demande et ce fut la réalisation qui choqua Willow hors de son état d’assoupissement. La brunette se redressa et chercha du regard la personne qui s’adressait à elle, mais n’eut que le silence pour réponse. Elle voulut attribuer l’événement au sommeil mais quelque chose au fond d’elle lui dit que c’était plus que ça. Il lui fallut quelques minutes pour totalement s’éveiller, mais elle fut bien contente de s’être réveillée aussi tôt. Il devait être entre six et sept heures et elle savait que chaque minute comptait. Elle quitta son lit, sorti son sac de son dessous et prépara tout ce dont elle aurait besoin pour concocter le sédatif qu’elle donnerait à Raven. Elle s’appliqua à la tâche, remplissant deux fioles du mélange, une pour son amie et une de plus, au cas où. Elle était en train de finir de tout ranger quand elle entendit frapper à la porte de sa chambre.
« Oui ? demanda-t-elle alors qu’elle cachât le sac sous son lit. - Bonjour, mademoiselle. Je viens de mettre un seau d’eau propre dans la salle-de-bain, n’hésitez pas à vous en servir si besoin. Oh, et le petit-déjeuner est bientôt prêt. - D’accord, merci ! »
Elle prit ses vêtements et attendit que Dora s’éloigne pour ouvrir la porte et rejoindre la salle-de-bain commune. Elle ferma la porte derrière elle, se dévêtit, et prit le soin de se laver avec l’éponge et le savon qui était à disposition. L’eau était fraîche et le contraste contre sa peau chaude lui fit du bien. Elle se rinça avec l’éponge et ses mains et sécha son corps à l’aide du tissu soigneusement plié sur la table en bois. Suite à quoi, elle s’attela à copier l’apparence des femmes d’Honoria. Elle enfila une nouvelle chemise longue qui cachait ses bras et son cou et enfila une robe aux tons marron clair, des tons neutres comme il était attendu de chaque femme. Puis elle cacha soigneusement ses cheveux dans du tissu partageant les mêmes tons. Elle fit en sorte de ne pas laisser dépasser un cheveu et termina en attachant les boutons fermant le col de sa chemise. Elle prit la chemise dans laquelle elle avait dormi et la ramena dans sa chambre pour la poser sur son lit, lit qui venait d’être fait. Dora avait dû passer par là pendant qu’elle se nettoyait, la fenêtre était ouverte et l’air frais et parfumé par une odeur de pain chaud vint lui chatouiller les narines. Elle s’extirpa de ses pensées et cacha soigneusement chaque fiole de sédatif à l’intérieur de ses manches qu’elle dont les boutons fermés, permettaient le transport discret. Elle se chaussa et prit deux pièces d’or qu’elle garda en main.
Elle descendit les marches en bois pour rejoindre la cantine où du pain chaud, de la viande, des œufs ainsi que quelques pâtisseries et du lait l’attendait tranquillement. Elle n’était pas la seule à s’être levée tôt, une bonne dizaine d’hommes étaient déjà en train de manger. Les quelques années passées à Honoria n’étaient pas suffisantes quand il s’agissait des coutumes, elle se souvenait seulement du plus important, c’est pourquoi, alors qu’elle rejoignait une table vide, elle eut l’habitude de regarder les hommes déjà présents dans les yeux. Heureusement, il ne lui fallut pas longtemps pour réaliser que c’était un de ces interdits secrets, que les femmes devaient baisser les yeux, ce qu’elle fit à contrecœur. Mais le mal était déjà fait et le silence qui s’imposa lui mit la boule au ventre. Heureusement, Dora arriva avec un plat de jus et cela suffit à couper le malaise. Les hommes détournèrent le regard pour se concentrer sur leur repas. Willow soupira discrètement, relâchant les muscles de son dos alors que Dora lui donnait un verre de ce qui semblait être du jus de fraise.
« Pour vous mademoiselle. »
Un grand sourire et la dame repartit à ses occupations. Willow ne perdit pas une seconde de plus et commença à manger de la viande ainsi que des œufs, elle avait besoin de protéines, la journée allait être longue et rien ne disait qu’elle arriverait à trouver Raven aujourd’hui. Elle mangea jusqu’à satiété et but le jus de fraise d’une traite. Elle s’essuya soigneusement la bouche avec la serviette en tissu prévu à cet effet et quitta l’auberge.
La ville était belle et vivante, malgré l’aura dérangeante qui accompagnait les hommes et leur regard jugeur. L’église trônait à l’opposé de l’auberge, séparée par une généreuse distance. Elle aperçut une femme en train de passer le balai sur le parvis et la rejoignit. Cette dernière portait un collier avec un pendentif comprenant une tête de taureau en or, l’emblème d’Uba. Le collier suivait chacun de ses mouvements, d’une façon presque hypnotisante. La femme ne semblait pas avoir remarqué Willow, sûrement trop concentrée de par sa tâche.
« Excusez-moi-- »
La voix de Willow fit sursauter la pauvre femme qui attrapa machinalement son pendentif. Cette dernière se relâcha en remarquant que son interlocuteur était une femme.
« Excusez-moi, je ne voulais pas vous faire peur, reprit la brune. Est-ce que vous savez s’il y aura un sermon ce matin ? »
Sa question sembla perturber la femme, comme si elle lui demandait quelque chose de stupide.
« C’est à dix-heures, comme tous les matins. »
Tous les matins, répéta la jeunette dans sa tête, presque scandalisée par la pensée. Elle offrit un signe de tête en remerciement et entreprit de marcher dans la ville afin d’écouler les deux heures qui la séparaient de sa seule chance d’approcher Raven. Ça lui fit étrange de parcourir des rues dont le souvenir était flou, elle n’avait jamais remarqué le nombre de statues d’Uba à l’époque. C’était presque trop et ces dernières comportaient toujours une touche d’or. Willow trouva ça ridicule, c’était comme s’il cherchait à compenser quelque chose. Toutes les personnes qu’elle passa portaient au moins quelque chose ramenant à Uba, que ce soit un bijou, une broche ou une boucle de ceinture. Alors quand elle arriva devant une marchande de bijoux, elle en profita pour acheter un collier comme celui que portait la femme qui passait le balai. Il lui coûta les deux pièces d’or qu’elle avait toujours en main et elle le mit immédiatement à son cou, c’était la pièce qui manquait pour parfaire son déguisement. Elle continuait sa promenade quand elle aperçut son ancienne maison. Son cœur se serra alors qu’elle reconnaissait le lieu où elle avait passé son enfance. L’endroit était inhabité et le jardin s’était vu perdre contre le retour de la nature. Elle s’approcha du puits et prit le seau posé à terre avant de le faire descendre avec le système à poulie. Elle attendit que le fond soit rempli et le ramena à elle afin de s’en abreuver. L’eau était légèrement fraîche et ça lui fit un bien fou, l’air semblait plus chaud ici et elle ressentait la différence, surtout sous le soleil de plomb. Elle profita du temps qu’il lui restait pour entrer dans son ancienne maison, laissant sa main droite effleurer le mur de briques comme pour s’imprégner de l’endroit. Elle trouva étrange de retrouver la bâtisse comme elle se souvenait l’avoir laissé. La chaise où elle était restée assise à attendre ses parents était toujours pivotée vers le salon, comme si elle n’avait plus servi depuis. Ses derniers souvenirs d’Honoria lui revinrent comme un calque qu’elle plaça sur son environnement. Elle revit ses parents se dépêcher alors qu’ils préparaient leurs sacs, l’inquiétude attachés à leurs visages, tandis que la petite de six ans qu’elle avait été, laissait balancer ses jambes dans l’air, sans vraiment comprendre ce qu’il se passait. Elle continua d’avancer pour rejoindre son ancienne chambre, malgré la poussière et l’odeur de renfermé, l’endroit n’avait pas été dérangé. Elle retrouva les jouets qu’elle avait dû abandonner, les robes et les accessoires. Elle ne put retenir le sourire qui captura ses lèvres quand elle reconnut l’une des peluches de Raven, un lapin blanc avec un petit nœud rose, que la blondinette lui avait prêté peu avant son départ. Elle s’en voulut presque de ne pas avoir pu lui rendre la peluche. Elle la prit dans ses mains, l’époussetant doucement.
« Désolée monsieur lapin, j’aurais aimé que les choses se passent différemment. »
Elle posa la peluche sur le lit et quitta l’endroit, sûrement pour la dernière fois.
* * *
Elle suivit le groupe de religieux qui se formait petit à petit afin de rejoindre l’église. L’heure cruciale arrivait, bientôt, et si tout se passerait bien, elle verrait Raven. Elle fut choquée en voyant le nombre d’adeptes qui recouvrait le parvis, le nombre était bien plus monumental que ce dont elle se souvenait. Il semblait y avoir eu quelques changements dans l’ordre religieux depuis son départ, comme si ce dernier s’était étendu tel un cancer métastatique. Elle se fondit dans la masse, faisant tout ce qu’elle pouvait pour être dans les premières rangées. L’Éminence était en train de se préparer alors que des personnes, hautes dans l’ordre religieux, s’étendaient à ses côtés. Et c’est là qu’elle la vit, ce ne fut pas à son visage qu’elle la reconnut mais à son accoutrement. Elle était vêtue comme une mariée, affublée d’un voile blanc qui lui cachait le visage. L’image était extrêmement dérangeante, cette idée qu’une Élue de seize ans soit vue comme une femme prête à unir Uba était abject et fou. La jeune Willow n’avait jamais réalisé toutes ces choses qui lui étaient aujourd’hui évidentes et le passage fut brutale, elle n’aurait jamais pu imaginer une chose aussi tordue. Et ce n’était pas tout. Le sermon avait commencé depuis un moment qu’une femme enceinte tomba à terre, épuisée par la chaleur. Le spectacle tourna en cauchemar quand un bourreau se mit à la frapper, sous ordre de l’Éminence. Le spectacle lui ôta un hoquet d’horreur et il lui fallut beaucoup de force pour se tenir droite alors que l’atrocité continuait. Et tout le monde regardait, alors qu’une femme enceinte se faisait battre. Le parvis se vit coloré de son sang alors que son époux prenait la relève, armé de la canne en or du maître de religion. Tout s’effaça sous ce spectacle d’horreur, mais Willow garda le regard droit, au loin sur l’Éminence, bloquant tout le reste. Elle avait une mission et elle comptait en venir à bout, pour Raven, pour la sortir de cet enfer.
Le sermon prit fin et la foule commença à se dissiper, c’est là qu’elle vit Raven quitter les côtés de l’Éminence pour rejoindre l’intérieur de l’église. Elle fut suivie par plusieurs hommes et Willow se demanda ce que cela signifiait. Elle était en train de réduire la distance entre elle et l’église quand la mare de sang qui recouvrait le sol la stoppa dans sa marche. Elle se perdit dans le sang jusqu’à ce qu’une femme lui demande de se reculer, Willow s’exécuta alors qu’on commençait à nettoyer le sang, comme pour effacer le crime, comme si cela suffirait à l’effacer de leurs mémoires. Et c’est là qu’elle put nettement observer la différence d’égalité entre les hommes et les femmes. Alors que les femmes s’occupaient à diverses tâches, les hommes parlaient entre eux, certains rejoignaient même les devants de l’auberge pour boire. C’était aberrant et elle se demandait comment autant de haine avait pu prendre possession de toute une ville.
Elle attendit patiemment, assise en retrait, que le dernier homme ayant rejoint l’église la quitte. Elle les vit défiler un à un, se demandant pourquoi seulement les hommes pénétraient dans le lieu sacré. Elle dut attendre un moment, ressassant à contrecœur ce qu’il venait de se passer, avant de voir l’église se vider pour de bon. Raven n’en sortit pas et Willow prit ça comme un signe. Le moment parfait. Heureusement pour elle, les gardes qui étaient censés veiller sur l’Élue, s’étaient dit que s’asseoir à la terrasse de l’auberge était le meilleur moyen pour eux de faire leur travail. Il ne lui fallut pas longtemps pour trouver une fenêtre qui lui permit d’entrer dans l’église sans se faire voir. Elle ferma doucement la grande porte derrière elle, pour s’assurer d’être la plus discrète possible.
Et elle la vit. Loin mais si près, seule à parcourir les immenses allées tout en récitant des prières. Willow resta figée dans l’entrée pendant un moment, incapable de savoir comment amorcer la discussion. Son cœur battait dans ses tempes, alors que l’inquiétude prenait contrôle de son être. Et si Raven refusait de l’entendre ? Et si elle appelait à l’aide ? Que pourrait faire Willow à part accepter son sort. Elle se rendait bien compte que des années d’endoctrinement ne pouvaient pas s’effacer en quelques minutes. Mais peut-être était-elle différente, comme les parents de Willow, avec de la chance. Peut-être que l’idée de sa propre mort l’inquiétait assez pour lui faire réaliser la stupidité derrière cette croyance.
Le bruit de ses pas rejoignit le son des battements de son cœur. Il n’y avait plus de retour en arrière possible, Willow n’était pas arrivée jusqu'ici pour s’échapper à la dernière seconde. L’inquiétude sembla s’envoler pour laisser place à la détermination, après tout, soit elle sauverait son amie soit elle mourrait en avoir au moins essayé. Elle fit en sorte d’avoir un rythme de marche assez lent pour ne pas inquiéter Raven. C’est en se rapprochant que la jeune brune remarqua que le voile blanc avait quitté le visage de son amie, mais son visage lui était toujours caché dû à sa position. Est-ce que la vision qu’elle avait vu était réelle ? Est-ce que les traits de Raven y étaient exacts ?
Elle se stoppa, à quelques centimètres de son amie, son cœur battait toujours aussi vite.
« Raven. »
Elle laissa le silence tomber et pourtant elle avait tellement à lui dire.
« Raven, je peux t’aider. »
Sa voix était douce, elle faisait de son mieux pour appréhender la chose avec clémence. Les doigts de sa main droite jouaient avec le bouton de sa manche gauche. Elle ignorait combien de temps il lui restait près de la blonde, mais il fallait sûrement qu’elle se dépêche, qu’elle ne laisse pas l’instant s’écouler pour rien.
« C’est moi, c’est Willow. Je suis revenue. Je suis revenue pour te sauver. »
J'ai 16 ans et je vis au sein du culte d'Uba, dans la ville d'Honoria. Dans la vie, je suis l'élue destinée à être sacrifiée et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma chance, je suis célibataire et je respecte mes vœux de célibat et de chasteté en tant qu'élue.
Raven, visiblement perdue dans ses pensées, déambulait dans l'immensité de la cathédrale d'Honoria. Rares étaient de tels moments de calme et de paix, mais il fallait avouer que cette sérénité avait un arrière-goût bien amer après le terrible spectacle de ce matin. Cependant, aux yeux de Raven, cette église était le seul endroit où elle se sentait suffisamment à l'aise pour se permettre de souffler un peu — le seul endroit où on la laissait un peu seule, loin des yeux indiscrets, mais jamais loin du regard inquisiteur d'Uba. Un long frisson parcourut l'échine de l'élue, comme si la divinité elle-même lui confirmait que, oui, elle était là, tapie dans l'ombre, à l'observer, toujours... Simple coïncidence ou mauvais présage ? Personne ne saurait le dire.
Bientôt, les flammes la dévoreraient. Elles la réduiraient en poussière et mettraient fin à son existence terrestre. Bientôt, ils seraient réunis. Alors, elle s'élèverait aux côtés des autres élues. Elle rejoindrait Uba et l'éternité leur appartiendrait.
C'était terrifiant.
À travers les saintes allées, toutes illuminées par la lueur rassurante d'immenses cierges dressés sur leurs portoirs, le bruit des pas de Raven martelait le marbre. Un peu plus, et on aurait pu jurer voir les flammes des bougies osciller avant même que l'élue ne passe devant elles, faisant danser des ombres dissimulées dans la pénombre. L'élue s'arrêta devant l'autel sur lequel trônait Uba et ses yeux remontèrent lentement sur chacune des courbes de la sculpture. Elle était ancienne, bien plus vieille que Raven ou que les habitants d'Honoria, sortie d'une autre époque, et, pourtant, ses détails n'en restaient pas moins saisissants. La divinité, à qui l'on avait attribué une forme humaine des plus flatteuses, était enveloppée d'un vêtement semblable à une toge. Derrière elle, un soleil d'or se dressait tel une auréole, englobant l'intégralité de son visage, et lorsque le soleil était à son zénith, ses rayons venaient caresser l'astre factice, drapant la cathédrale d'un voile d'or. Les yeux de Raven remontèrent progressivement jusqu'au visage de la divinité. Personne n'avait osé sculpter le visage d'Uba de peur de l'offenser. La surface était lisse, vide, sans le moindre détail, dénuée de toute émotion - ce qui rendait la sculpture d'autant plus effrayante selon Raven. Cette dernière expira un long soupir avant de secouer la tête. Elle savait qu'elle ne devait pas penser ainsi, mais c'était plus fort qu'elle. Ses doigts effleurèrent la toge de marbre, qu'elle caressa d'un air songeur. Doucement, elle s'agenouilla au sol et ferma les yeux avant de poser son front contre la froideur de la sculpture.
Elle ne s'autorisa pas à pousser un nouveau soupir, car elle était inquiète à l'idée qu'on l'entende, mais Uba seul savait qu'elle en mourrait d'envie. La pauvre était épuisée, aussi bien physiquement que mentalement. Si son sacrifice était proche, les jours, eux, se ressemblaient inlassablement. Le temps défilait si lentement que chaque heure était une véritable épreuve, plus particulièrement lors des sermons. Pas un jour ne passait sans un prêche. Qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige ou bien qu'il grêle, les habitants d'Honoria se rassemblaient sur la grand-place à dix heures tapantes, dans l'attente de l'arrivée de Son Éminence. Les genoux de Raven, meurtris à force de reposer contre le parvis, avaient pris une couleur violacée qui refusait obstinément de s'atténuer.
L'obéissance dans la terreur.
La soumission dans la douleur.
C'était là tout ce que les femmes d'Honoria n'avaient jamais connu, et aucune ici ne possédait suffisamment de pouvoir pour changer cela. Instinctivement, par crainte du regard divin et par peur d'éventuelles représailles divines, Raven récita un des commandements fondamentaux de l'Ubanisme dans un murmure. "Le père est à la famille ce que je suis. Femme et enfants lui doivent autant d'obéissance qu'ils m'accordent." Ses lèvres se posèrent sur le marbre, là où des pieds étaient représentés, afin de demander humblement pardon à Uba pour ses péchés.
Au fil des années, avant même d'être désignée comme l'élue et tout en grandissant aux côtés de la famille royale, Raven avait été témoin d'une si grande quantité de féminicides qu'elle en avait perdu le compte. Tous avaient eu lieu sous l'œil indifférent des hommes, gorgés d'orgueil et enivrés d'un sentiment d'une toute puissance factice qu'ils croyaient détenir. Un autre commandement s'imposa à Raven qui trembla en secouant doucement la tête. Il n'est pas licite de faire s'écouler le sang du croyant. En revanche, si les croyantes, elles, sont coupables d'hérésie, de fornication ou d'apostasie... Châtier, dans chacun de ces trois cas, est consensuellement toléré au sein de la communauté. Certaines femmes, courageuses, s'étaient rebellées contre le patriarcat. Des hommes avaient été blessés, et certains avaient même trouvé la mort. En guise de représailles, l'Éminence avait ordonné la traque, la torture et l'exécution des rebelles à la vue de tous pour décourager toute autre tentative de rébellion. Alors, d'autres, moins téméraires, avaient essayé de fuir, mais peu y étaient parvenues.
La famille de Willow, elle, était parvenue à fuir Honoria. "Willow..." Qu'il était étrange de prononcer ce nom. Avec une tristesse et une mélancolie difficilement contenues, Raven se remémora la dernière après-midi qu'elle avait passée en compagnie de son amie. Elles avaient joué ensemble, innocentes et inconscientes. Dans les yeux d'enfant de Raven, rien n'aurait pu présager le départ de son amie. Le lendemain, à la fin du sermon, la blondinette avait couru jusque chez la brunette, complétement paniquée en ne la voyant pas sur le parvis de l'église. Haletante, ses petites mains avaient fouillé la maison de fond en comble à la recherche de Willow, faisant fi des échardes et du verre brisé. Elle l'avait appelé. Elle avait crié son nom. Elle avait pleuré en serrant monsieur lapin entre ses bras, complétement seule et démunie, assise sur les marches devant la porte d'entrée. Mais Willow n'avait jamais répondu à ses appels désespérés. Elle avait tout simplement disparu. Elle avait été là, puis n'y était plus. C'était presque comme si elle n'avait jamais existé à Honoria. Willow ne substituait dans l'esprit de Raven qu'uniquement grâce à ses souvenirs. Plus tard, elle avait entendu son père s'indigner du départ précipité de la famille Birdwhistle. Maudits soient ces hérétiques ! Son Éminence proclama le bannissement pur et simple des Birdwhistle d'Honoria, sans doute pour endiguer les rumeurs de leur fuite réussie, puisqu'ils avaient déjà réussi à quitter la ville...
Pourtant, des années plus tard, un seul nom trouvait encore grâce aux lèvres de Raven et, dans un murmure à peine audible, l'élue osa se languir de son amie perdue une deuxième fois. "Willow..." Un grondement sourd fit osciller les flammes des cierges et les fins cheveux de la nuque de l'élue se redressèrent. Hérétique ! Certains cierges s'éteignirent, arrachant un sursaut à Raven qui aurait alors pu jurer avoir senti le sol vibrer sous ses pieds. Elle se redressa vivement et s'inclina avant de s'éloigner de l'autel.
Quelques instants plus tard, l'élue se retrouvait exactement là où Uba la voulait, à arpenter les allées tout en louant sa gloire d'une voix tremblante, un encensoir à la main.
Jamais, ô grand jamais, Raven ne remarqua les yeux qui l'observaient au loin. Elle était bien trop absorbée par ses prières. Aussi, elle ne prêta nullement attention aux bruits de pas qui approchaient doucement. Tout au plus, elle s'imagina qu'un homme était venu demander l'absolution de ses péchés. Cependant, les règles étant ce qu'elles étaient, tous savaient qu'il était interdit d'interrompre la prière d'un croyant, d'autant plus lorsqu'il s'agissait de l'élue en personne. Oui, d'ordinaire, personne n'aurait osé interrompre la communion entre une élue et Uba, et pourtant...
Une femme prononça son nom.
Raven se tût, les sourcils légèrement froncés. Normalement, à cette heure de la journée, aucune femme n'était autorisée dans l'enceinte de la cathédrale. Seule l'élue avait le devoir d'entretenir le lieu saint. D'ailleurs, il n'y avait qu'une femme qui l'appelait encore par son nom, et Raven était certaine d'une chose : cette voix n'était pas celle de la reine Aisa. Alors, elle leva un visage anxieux vers la sculpture d'Uba, craignant un quelconque châtiment divin devant l'impudence de l'inconnue. De là où elles étaient, on aurait pu croire que la divinité épiait les deux jeunes femmes depuis son trône, quelque peu amusé, peut-être, mais sans doute irrité par la situation.
Des gouttes de sueurs roulèrent le long du dos de l'élue. Puis, ses poils se redressèrent tandis que des picotements assaillirent le creux de ses reins. Raven pouvait presque l'entendre, lui. Elle eut la sensation d'un poids immense sur sa poitrine, menaçant de la réduire en miette.
Ne te détourne pas de moi.
Alors, Raven se décida finalement à faire face à l'inconnue à qui elle tournait toujours le dos. Son regard confus et inquiet rencontra les iris déterminés de la jeune femme. Elle cilla, visiblement surprise, avant d'esquisser un pas en arrière. Raven connaissait toutes les femmes qui habitaient à Honoria, et cette jeune fille, bien qu'étrangement familière, n'était pas une résidente d'Honoria. "Qui êtes-vous ? Vous n'avez rien à faire ici..." souffla-t-elle, le visage blême et l'air méfiant. Il fallait que cette inconnue sorte d'ici avant que quelqu'un ne les voit, et vite. Il y eut un nouveau silence, pesant, déterminant. Raven observa l'inconnue. Elle semblait chercher ses mots, lorsqu'elle reprit la parole avec douceur, le ton de sa voix désarma l'élue. "Si vous voulez m'aider, je vous en prie, allez-vous-en..." murmura-t-elle, les yeux écarquillés de peur à l'idée que quelqu'un les surprenne. "Si quelqu'un vous voit ici-" Mais elle fut incapable de terminer sa phrase.
C'est moi, c'est Willow.
Raven cligna des yeux, lentement, le temps que la déclaration de l'inconnue la frappe de plein fouet. Elle cilla, puis l'air lui manqua, car son souffle s'était figé dans sa gorge. Raven fronça les sourcils, visiblement perturbée, et son corps se raidit imperceptiblement. Elle remonta une main jusqu'à son cou, sur lequel ses doigts vinrent encercler un pendentif orné du symbole d'Uba : le taureau. Mensonges ! Doucement, Raven esquissa un pas vers l'inconnue, visiblement intriguée, poussée par la curiosité, la mélancolie et peut-être, si elle osait, un léger sentiment d'espoir. Son regard scruta la jeune femme avec une intensité nouvelle. "C'est impossible..." souffla-t-elle en serrant la chaîne jusqu'à s'en faire blanchir les jointures. Elle grimaça en desserrant sa poigne. Du bout des doigts, elle défit le nœud qui retenait la coiffe de l'inconnue avant de la tirer en arrière pour venir effleurer une de ses boucles brunes. Elle enroula la mèche autour de son index et la caressa un bref instant. La nostalgie l'enveloppa. Une de ses paumes vint délicatement prendre en coupe une des joues rosées de l'inconnue, et son pouce en effleura la peau. "Willow... ?" La voix de Raven trembla, comme étranglée par l'émotion, car l'espoir grandissait en elle. Cette chevelure brune qu'elle avait tressé un si grand nombre de fois, ces joues rosées qui contrastaient avec la pâleur des siennes, la profondeur déconcertante de son regard, qui ne vacillait jamais, même lorsqu'elles allaient faire une bêtise...
Il ne lui manquait plus qu'une dernière vérification pour en avoir le cœur net.
Alors, ses doigts descendirent jusqu'à la main droite de la jeune fille, qu'elle retourna délicatement. Là, en son sein, trônait une ancienne cicatrice qui n'était pas inconnue à Raven. Un beau jour, elles s'étaient mises au défi d'escalader l'arbre le plus haut de tout Honoria. Willow, téméraire, avait été la plus habile des deux. Elle avait grimpé près de la moitié de la cime avant de malencontreusement glisser. Sa main avait été écorchée, plus de peur que de mal, mais la plaie avait laissé une vilaine cicatrice au centre de sa paume. Raven, affolée par le sang et l'idée que Willow puisse mourir, avait tant pleuré que personne n'avait eu le cœur de les châtier. On avait estimé qu'elles avaient eu suffisamment peur pour apprendre de leur erreur. Son Éminence avait déclaré qu'Uba avait puni Willow pour sa témérité en marquant sa chair à tout jamais, en signe d'avertissement. Puis, ils avaient prié ensemble pour demander pardon et rendre grâce à la divinité.
Et cette même cicatrice était de nouveau devant les yeux de Raven aujourd'hui.
"C'est toi..." murmura-t-elle d'un ton étranglé, visiblement submergée par l'émotion. Raven releva un visage larmoyant vers son amie, et ses mains enveloppèrent celles de Willow avec délicatesse. "C'est vraiment toi, Willow..." Un sourire resplendissant naquît sur les lèvres fardées de rouge de l'élue. Elle pressa tendrement ses mains contre celles de Willow, les ouvrant afin de lier leurs paumes les unes aux autres. "Comment as-tu réussi à... ? Pourquoi... ?" Une foule de questions se bousculaient dans l'esprit de Raven et pourtant, elle était incapable de formuler des phrases cohérentes.
Au loin, les portes de la cathédrale grincèrent lentement dans un fracas de vieux bois qui craque et de gonds pas assez bien huilés qui se répercutèrent dans tout l'édifice. Raven écarquilla les yeux avant de tourner un visage paniqué à l'autre bout du lieu saint. Il n'y avait pas de temps à perdre. Si une autre femme que l'élue était vue ici, seule, elle serait sévèrement châtiée. Et Willow risquait d'être châtiée encore plus sévèrement étant donné son statut d'étrangère à Honoria. Rapidement, Raven attrapa le poignet de son amie entre ses doigts, qu'elle tira ensuite jusqu'au confessionnal. Elle la poussa à l'intérieur, sans ménagement, tout en portant un doigt à ses lèvres pour faire signe à Willow de garder le silence avec un sourire quelque peu désolé. Puis, elle referma la porte derrière elle le plus silencieusement possible, juste à temps, avant qu'un garde n'arrive devant l'autel. Raven, agenouillée devant la sculpture d'Uba, le voile sur son visage, resta immobile tandis qu'elle faisait mine d'achever une énième prière à la gloire de la divinité.
"... Car telle est ta volonté, et nous la respectons." Bien qu'elle ait le dos tourné au garde, Raven l'entendit s'incliner dans un tintement métallique. Ce témoignage de respect était destiné à Uba, et non à elle. Elle l'imita avant de se relever gracieusement, comme on le lui avait appris. Elle ne fut pas la première à prendre la parole, car les femmes n'en avaient pas le droit si elles n'y avaient pas été invitées. En cela, l'élue elle-même n'était pas au-dessus des lois. "Pardonnez-moi cette intrusion, votre grâce." Raven hocha la tête. "En avez-vous fini pour aujourd'hui ?" Elle se tourna pour faire face au garde, qui ploya le genou devant elle, pour elle. Il baissa la tête. "Il me reste un homme à absoudre. Il patiente dans le confessionnal. Ensuite, j'en aurais terminé." L'homme hocha brièvement la tête avant de se redresser. "Dans ce cas, nous patienterons sur le parvis." Raven esquissa un léger sourire en inclinant la tête en signe de reconnaissance et de respect. Le garde sourit en retour avant de disparaître à l'extérieur.
Lorsque les rayons du soleil déclinant disparurent derrière l'immense double porte de la cathédrale, Raven, qui avait presque cessé de respirer tout le long de son interaction avec le soldat, manqua de défaillir. Elle pouvait presque sentir le sol se dérober sous ses pieds. "Willow..." Elle avait menti pour la protéger. Elle, que l'on considérait comme une hérétique. Elle, que l'on brûlerait sans vergogne si on venait à découvrir son identité. Merde. Cette pensée glaça le sang de Raven et elle se hâta de rejoindre le confessionnal. Elle ouvrit la porte dans un fracas retentissant, l'air complétement paniqué à l'idée que Willow soit brûlée vive. Ironique, alors qu'elle était elle-même condamnée à ce triste sort, mais elle savait ne pas pouvoir être sauvée. Les mots de Willow lui revinrent en mémoire. Que pourraient-elles faire face à toute une ville ? La réponse était simple. Rien. C'était du suicide. Et Raven préférait mourir seule plutôt que d'entraîner Willow dans sa chute. Elle eut la vague sensation que des griffes invisibles encerclaient fermement son cou, en un avertissement silencieux. "Je ne peux pas être sauvée, Willow." souffla-t-elle en secouant la tête avec tristesse. Ses doigts glissèrent dans les boucles brunes de son amie et elle caressa sa joue avec douceur. "Je n'aurais jamais espéré te revoir un jour, mais tu dois rentrer chez toi, je t'en prie. Ils n'auront aucune pitié pour toi, ici." Un frisson d'horreur traversa Raven, qui secoua la tête en imaginant les atrocités dont étaient capables les hommes d'Honoria. "J-Je peux t'aider à quitter la ville, mais nous n'avons pas beaucoup de temps."