Une petite erreur. C’est juste une petite erreur faite par le libraire. Tu n’avais pas osé y retourner, pour ne pas déranger, avertir que ta commande réceptionnée n’était pas la tienne. Peut-être que le libraire s’était trompé de nom de famille. Ça arrive. Tu avais soupiré en rentrant chez toi et t’étais quand même mis à lire. Sait-on jamais, peut-être que tu pourras avoir une conversation avec la personne qui a récupéré ton propre livre… Un bouquin un peu basique sur l’histoire de l’Irlande et la Famine de 1845. Raconté de manière un peu romancée par un couple qui essaye d’y survivre à travers des lettres qu’ils s’envoient, l’un resté en Irlande, l’autre habitant vers Londres.

Mais tu avais aimé le résumé du quatrième de couverture alors, c’était pour ça que tu l’avais commandé… Pour essayer... Tout ça pour te retrouver avec un livre moins historique et sûrement un peu plus clichés dans l’histoire d’amour entre les deux protagonistes. Mais tu avais lu ça dans une soirée, tranquillement. Et c’était au final moins cliché que prévu. Tu avais pu étudier ça un peu pendant un cours, lisant la fin entre deux explications du professeur d’histoire. Tu l’avais fini quand tu as reçu un appel de la libraire, te demandant d’y retourner pour établir un rendez-vous pour pouvoir récupérer le bon livre.

Tu avais accepté, malgré la folle envie de rester chez toi, mais il fallait que tu rencontres la personne qui avait prévu d’acheter ce livre. Tu avais fait le chemin, à moitié en faisant des demi-tours, la tête dans ton écharpe. Tu es arrivé à l’heure poussant la porte doucement, sans croiser le regard du libraire et… La personne déjà présente.

- Bonjour...

Que tu oses en approchant, la tête toujours baisée. Tu poses le livre sur le comptoir alors que le libraire explique sa confusion, le pourquoi vous avez eu la commande de l’autre et tu remets ta bouche dans ton écharpe en murmurant un peu plus fort pour qu’on t’entende un peu.

- .. Ce n'est pas grave... Merci...

Que tu dis en reprenant ton ouvrage. Tu lèves un peu la personne en face de toi, ne sachant pas sur quel pied danser avant d’oser dire plus ou moins à voix haute… Plus ou moins en criant de ton point de vue.

- .. Vous… Vous avez bon goût... ahem… Je veux dire… J’ai lu… Votre commande… J’ai… Beaucoup aimé.

"- Oui, Mademoiselle Walsh ? C'est la librairie ! Nous sommes navrés de vous déranger. Il y a eu un petit problème avec votre commande, comme vous vous en êtes probablement déjà aperçu ! Vous avez reçu le livre destiné à un autre client qui a, lui-même, reçu le vôtre. Vous pourriez passer à la librairie dans la journée pour procéder à l'échange ? ..."

En même temps que l'homme parle, le regard de la demoiselle se pose sur le livre en question, posé sur sa table de chevet. Ouai, y'a eu une erreur, c'est le cas de le dire. Sa petite romance tranquille s'est transformée en une œuvre historique, un texte épistolaire entre deux amants pendant une famine Irlandaise. Pas vraiment le genre de choses qu'elle a l'habitude de lire. Pas vraiment le genre de chose qu'elle s'attendait à lire, non plus. De quoi lui replonger le nez dans ses études, à priori, au lieu de l'en sortir. Et pourtant... Pourtant elle avait terminé le livre la veille au soir, ne pouvant s'empêcher de l'ouvrir une fois qu'elle l'avait déballé. Maintenant, elle se rend compte qu'elle n'aurait peut-être pas dû. Il n'est pas particulièrement abimé, mais il n'est plus vraiment neuf. On voit la trace d'une lecture sur la tranche. Elle se mord la lèvre inférieure.

"- Oui, pas de problème. Je me met en route alors. A tout à l'heure !"

Elle attrape le livre sur la commode et son sac à main dans l'entrée, quittant rapidement son appartement comme le rendez-vous est fixé à... presque tout de suite. Elle n'a pas le temps de courir dans une librairie acheter un exemplaire neuf de ce bouquin qu'elle a abîmé en lisant. L'idée lui traverse pourtant l'esprit. Elle pourrait faire un crocher malgré tout, qui saurait qu'elle n'a pas réellement pas touché à l'exemplaire, que ce n'est pas celui que le destinataire aurait dû recevoir ? Personne. Pourtant, elle ne le fait pas, arrivant rapidement à sa librairie habituelle, dans laquelle elle entre. Elle est la première. Le garçon, apparemment, n'est pas arrivé.

"- Désolé je... Je l'ai déjà lu..." s'excuse-t-elle au libraire, quand une sonnette indique qu'un nouveau visiteur vient d'entrer.

Quand elle se retourne, elle aperçoit la silhouette d'une personne plutôt grande, dont elle ne saurait dire, entre les cheveux longs et l'écharpe qui lui cache la bouche et la moitié du visage, s'il est une fille ou un garçon. Ce qui est certain, en revanche, c'est que l'inconnu parle à voix très basse. Elle entend à peine son bonjour, alors qu'il lui donne l'impression d'être prêt à prendre ses jambes à son cou.

Le libraire se confond en excuses, encore, tente d'expliquer le pourquoi du comment une telle situation a pu se produire, mais elle hausse les épaules. Cela ne fait rien, ce qui est fait est fait, à présent. Elle espère juste que l'autre personne aura prit soin du roman qui lui était destiné si, comme elle, la curiosité et l'envie de lire a été plus forte que tout le reste.

"- Oh... hé bien... merci !"

Malgré l'octave très basse de sa voix, comme s'il avait peur de déranger l'univers en parlant, il est évident, finalement, qu'il est un garçon. Un garçon qui complimente ses goûts. Apparemment, le slow burn d'Un palais d'épines et de roses était à son goût.

"- J'ai bien peur d'avoir lu le tiens, aussi. Il était... Très bien. J'espère... Ne pas l'avoir trop abîmé. Il y a... une petite pliure, sur la tranche..." dit-elle en lui tendant le livre qui était initialement prévu pour lui. "C'était un bon choix, aussi."