Ephraim s'était donné beaucoup de mal pour entrer à Le Rosey, c'était une école prestigieuse connue pour sa multiculturalité mais également pour avoir enseigné à de nombreux membres de la royauté. La réputation du pensionnat n'était plus à faire. D'ailleurs, il était aussi connu pour être l'école la plus chère du monde. Autant dire que le fait qu'Ephraim y ait été accepté tenait du miracle. Jamais avec son niveau de vie, il n'aurait pu se permettre d'aller dans cette école. L'adolescent était habitué aux brimades de ses camarades de classe. Elles avaient plusieurs raisons. Tout d'abord, il était classé dans le top 3 des meilleurs étudiants du pensionnat, il y avait donc de la jalousie. Ensuite, il venait de la classe moyenne, autant dire que ça le classait clairement au niveau de la plèbe. Troisièmement, on ne pouvait pas dire qu'il était très avenant. Le jeune garçon était venu pour étudier pas pour se faire des amis. La plupart du temps, il avait pour principe de ne répondre à quelqu'un que si c'était absolument nécessaire. Il se trainait une réputation d'arrogant asocial qui se croyait mieux que tout le monde.  La plupart du temps, ça l'indifférait complètement. Il n'avait pas le temps de se soucier de ça, il fallait maintenir ses notes à un niveau élevé sinon il ne pourrait tout simplement pas rester.

Ses objectifs étaient très loin de ceux de ces fils et filles de bourge qui donnaient parfois l'impression de se croire en camp de vacances. Ils n'avaient aucune réalité de la vie. Tout leur avait été offert sur un plateau d'argent. Peut-être que c'était lui au final qui était un peu jaloux que tout leur soit si facile. Ils se baladaient dans la vie avec une naïveté en ce qui concernant le monde réel qui lui hérissait le poil. En même temps, pourquoi se soucier de questions difficiles quand on avait tout eu offert sur un plateau d'argent. A cause des méfaits de son père, il avait cru que jamais l'école ne l'accepterait. Heureusement pour lui, sa tête bien faite lui avait valu une place inespérée dans cet établissement. Les portes d'un monde plus serein s'ouvraient devant lui. Il pourrait mettre sa mère et son petit frère à l'abris. C'était tout ce qui comptait pour lui. C'était son principal objectif. Comme tous les matins, il était allé s'installer à sa place qui se trouvait juste à côté d'une fenêtre, plus ou moins au milieu des rangs. C'était sa place favorite, il pouvait se concentrer sur le cours et parfois rêvasser quelques instants en observant l'immensité du parc à l'extérieur. L'ado adorait les espaces verts et immenses qui tapissaient la zone. C'était un écrin de verdure pour lequel les autres n'avaient que le mépris de l'habitude. Personne ne venait spécialement interférer avec son existence. Les autres étudiants avaient appris à l'ignorer même si quelques nanas essayaient encore parfois de venir à sa rencontre. Manque de pot pour elle, non seulement ils n'étaient pas intéressés par cette mentalité bourgeoise mais en plus il était gay comme un pinson. Si seulement, elles savaient, peut-être arrêteraient-elles d'essayer de briser son armure de fer en espérant qu'il y avait un jeune homme sensible et fragile derrière. Les fantasmes des adolescentes qui pensaient qu'elles pouvaient tout réparer avec leur joli minois et de l'argent.

Aujourd'hui, la classe était en ébullition car un nouveau prince arrivait d'il ne savait trop où. La plupart des étudiants se connaissaient depuis l'enfance alors un inconnu, ça attirait nécessairement la curiosité. Lui ça l'indifférait, les gens pour lui se ressemblaient et se mêlaient dans un brouhaha diffus. Néanmoins, il fut bien obligé de redresser la tête quand il entendit qu'on lui avait manifestement adressé la parole. Il n'avait pas écouté pour être honnête mais il sentait bien qu'on ne le laisserait pas tranquille tant qu'il n'avait pas daigné ouvrir la bouche. Redressant les yeux, il tomba face à un blond inconnu, qui devait sans doute être le nouveau prince, qui l'observait.

"Je n'ai pas écouté. Qu'est-ce que tu veux ?" lança-t-il d'un air égal mais qui aurait tout autant pu passer pour de l'agressivité tant les autres se montraient avenant avec le nouveau venu.

"Par ici Votre Altesse. Placez vous là. Voilà. Une petite photo s'il vous plait... Parfait. Allons maintenant visiter vos appartements." Par ici je vous prie.

Je me pliais à la petite visite du pensionnat sous l'oeil des photographes. J'avais l'habitude, beaucoup trop l'habitude de tout ça. J'avais grandi sous l'oeil des photographes du pays, et des autres pays également. Le moindre de mes faits et gestes captés par leur regard avide, ils ne me laissaient aucun répit. Je suivis le directeur dans les couloirs de l'école, essayant de graver l'endroit dans ma mémoire pour ne pas me perdre par la suite. Extérieurement j'avais tout du parfait prince, accomplissant son rôle à la perfection. Intérieurement je jubilais. Enfin, enfin!!! J'allais pouvoir vivre quelques mois hors de ma prison doré. J'allais pouvoir suivre des cours avec des étudiants ordinaires. J'allais échapper au protocole quotidien, aux précepteurs privés, aux soirées mondaines. S'il n'y avait pas toute cette présentation ridicule je serais dans ma chambre, entrain de sauter et de danser dans tous les sens, chantant à tue tête libéréééééééééé délivrééééééééééé. Pas très royal n'est ce pas? Mais je m'en foutais. J'allais pouvoir vivre pour de bon. J'espérais que le pensionnat ressemblait un peu aux campus américains qu'on voyait dans les films. Est ce qu'il y aurait des fêtes clandestines? Peut être que je pourrais me bourrer la gueule au point de vomir sur la pelouse de ce si bel établissement? Je l'espérais de tout mon coeur. Faire tout ça, me faire des amis, des vrais, qui ne seraient pas juste intéressés à l'idée de pouvoir dire qu'ils étaient amis avec le prince. J'avais hâte, tellement hâte de...

"Prince Nikolaï? Votre chambre vous contient elle? Elle ne possède probablement pas le luxe auquel vous êtes habitué mais c'est une de nos plus belles chambres je vous l'assure."

Je me repris, sortant de mes pensées pour faire mon plus beau sourire princier.

- Elle est parfaite, soyez en assuré. Je n'aurais pu rêver plus bel accueil et meilleur établissement pour y terminer ma scolarité.

Voilà un peu de flatterie et c'était bon il était calmé. On continua un peu le tour de la chambre avant que finalement les photographes ne nous laissent. Il était temps que j'aille étudier pour de bon. Ma première fois dans une salle de classe, j'aurais aimé sautiller sur place d'excitation. Hmm non Nikolaï, un peu de tenue voyons. L'apparence, toujours l'apparence, on verrait pour le reste plus tard.

Le directeur me laissa et je ne tardais pas à me faire abordé par toute une foule d'élève. Ils voulaient tous se présenter, sympathiser et tout ça. Bon... première déception, autant pour moi et mon envie d'avoir des amis sincères. Il fallait croire que quelque soit l'endroit il y avait toujours des vautours. Je tentais de graver tous les noms et les visages dans ma mémoire, ma petite liste personnelle des faux culs de première classe. Ce n'était pas parmi eux que je trouverais ce que je cherchais.

J'entrais dans ma salle de classe et c'est là que je le vis. Il ne faisait pas partie des faux culs qui étaient venus me parler quand j'étais arrivé, et qui continuaient de me piailler dans les oreilles pour que je vienne m'asseoir à côté d'eux. Non, il était là à l'écart, s'en foutant complètement de ma présence. Il fallait que j'aille lui parler!!!

- Ca va aller les mecs. Je vais aller me mettre près de la fenêtre, un peu d'air me fera du bien.

De l'air par pitié, laissez moi respirer je n'en peux déjà plus. Je les laissais s'éloigner avant de m'approcher de mon futur meilleur ami. Je m'arrêtais à côté de lui, lui souriant.

- Salut, je m'appelle Niko. Je suis nouveau. Je peux m'installer là à côté de toi?

Génial.... pas du tout pitoyable. "Je suis le nouveau" comme si il ne l'avait pas remarqué, qu'il n'avait pas été mis au courant par tout le tapage qu'il y avait depuis quelques heures dans le lycée.

Puis ce fut la deuxième douche froide de la journée. Le mec ne m'avait pas écouté. Il ne m'avait pas prêté attention ne serait ce qu'un instant. Ok je voulais bien qu'il ne soit pas en extase devant moi comme tous les autres, c'était même plutôt agréable. Mais j'étais le prince quand même. Je venais lui parler, me présenter, il pouvait au moins daigner me prêter un minimum d'attention non?

- Ta place... bouge.

Génial... il m'ignorait et moi qu'est ce que je faisais? Je répondais de la merde...

Ephraim avait manifestement sembler plus agressif qu'il ne l'avait été en vérité. Ce n'était pas forcément perceptible si on ne passait pas forcément beaucoup de temps avec lui mais il avait affiché un air de confusion profonde face à ce que venait de lui. C'était quoi son nom déjà au prince qui devait arriver Niko..quelque chose. Enfin Niko qu'importe son prénom en entier venait de se comporter comme un gougnafier. Il n'aurait pas du être surpris que la royauté se croit toujours en droit d'obtenir tout ce qu'elle voulait mais voilà qu'il se retrouvait confus. Ses yeux s'étaient fait plus dur par réflexe alors qu'il avait sobrement répondu.

"Non." Intérieurement, il rageait un peu. Il sentait à ce point le pauvre pour qu'on pense qu'on pouvait directement lui donner des ordres ? Et puis quoi encore ? Il avait beau être particulièrement en colère, ça ne se percevait pas tant que ça. C'était un de ses problèmes, ses expressions ne filtraient jamais au travers de son visage. Le jeune garçon ne savait pas si c'était parce que personne n'avait véritablement essayé ou simplement parce qu'il avait tellement pris l'habitude d'avoir un air impénétrable que maintenant les expressions ne filtraient plus sur son visage. Qu'est-ce qu'il avait trouvé de mieux à répondre en plus ? Un simple non, certes dit avec fermeté, mais ça lui semblait être une pauvre réponse entrainée principalement par la surprise et la confusion. Le blond avait trouvé moyen de le faire passer pour un con sans même s'en rendre compte. Il allait rétorquer, du moins il voulait rétorquer quelque chose de sarcastique et de cassant mais rien ne venait. C'était certain qu'il allait se refaire ce putain de film dans la tête toute la soirée et que sous sa douche, il trouverait le commentaire assassin qui pourrait le moucher. Pourtant, il finit par abdiquer face au vide que représentait son cerveau soi-disant performant. Au final, au lieu du commentaire sarcastique, une pauvre question nulle sortit.

"Pourquoi ?" Pourquoi devrait-il bouger ? Pourquoi devrait-il obéir à un gosse qu'il vient de rencontrer ? Pourquoi l'autre lui parlait aussi agressivement alors qu'il ne lui avait même pas dit bonjour ? Quoiqu'il l'avait peut-être fait mais bon vu qu'il n'avait pas écouté la première fois, difficile à dire.
De mieux en mieux, il soupira assez peu satisfait de son début de comeback qui ne ressemblait pas à grand-chose. Le cours n'était plus qu'à quelques minutes de commencer. Il avait aperçu du coin de l'œil le professeur entrer dans la salle. Lui, il voulait juste écouter son cours et qu'on ne l'empêche pas de concentrer. Est-ce que c'était trop demandé d'avoir juste la paix et la tranquillité ? Lui il voulait juste pouvoir s'asseoir, prendre ses notes, avoir de bons résultats et partir d'ici avec un diplôme en poche qui lui ouvrirait les portes des Universités les plus prestigieuses. Était-ce trop demander ? Le ramdam avait attiré l'attention de l'enseignant dont il sentit le regard de se poser sur lui. Une belle manière encore de se faire remarquer. Tout ça parce qu'il était impossible dans sa tête de se plier à un ordre direct qui aurait été donné par un gamin qui a son âge. En même temps, des princes et des princesses ça ne manquait pas dans le coin. S'il commençait à tous les écouter, il n'avait pas fini de se faire marcher dessus. Ne pas céder lui semblait malgré tout la bonne solution. Ses yeux se tournèrent vers l'enseignant dont le regard était à présent fixé sur eux.

Non... le mot était tombé, net, précis, sans aucune discussion possible. C'était un choc. On me disait rarement non. Enfin mes parents et mes frères et soeurs oui, mais eux ils avaient l'habitude de me considérer comme une personne normale. C'était toujours le cas dans notre famille non? Mais à l'extérieur, on ne me disait jamais non. Les gens étaient toujours entrain de se plier en quatre pour satisfaire le moindre de mes désirs. Ca avait un petit côté grisant je devais le reconnaitre. Je n'en abusais pas, pas souvent du moins. Et je ne l'aurais jamais demandé si je n'avais pas perdu mes moyens. A la base je voulais m'asseoir à côté de lui, pas à sa place. Et j'aurais voulu entamer la discussion, sympathiser avec lui, m'en faire un ami ou peut être même plus. Parce qu'il était plutôt à mon goût je devais le reconnaitre.

Haaaan ouiiii c'était tellement choquant OMG, le prince de Norvège était homosexuel. Ouuuh ça ferait la une des journaux de plusieurs pays si ça se savait. Et c'était pour ça que je n'avais pas encore fait mon coming out. Un prince gay, ça serait une première mondiale. Enfin un prince gay qui s'assumait. Il devait y en avoir eu dans l'histoire mais ils l'avaient toujours caché en accomplissant leur devoir, se marier, avec des gosses tout ça...

Mais trêve de bavardages. Le plus important là c'était le mystérieux élève qui m'avait tapé dans l'oeil mais qui semblait ne pas avoir succombé au charme princier de son côté. Il me demandait pourquoi et j'étais comme un con à ne pas savoir quoi dire. "Parce que je voulais m'asseoir à côté de toi mais que tu m'ignores. Pourquoiiiiiiiiii tu m'ignores?????" Non... trop pathétique. Il fallait que j'arrête de parler à tord et à travers sans me retenir. J'étais sensé pouvoir me contrôler. J'étais un prince après tout non.

Heureusement le professeur arriva à ce moment là, me demandant ce qui m'arrivait et pourquoi je n'étais pas installé. Avais je un problème?

- Non tout va bien Monsieur. Je demandais simplement à ce jeune homme si je pouvais m'installer à sa place. Mais ce n'est pas grave vraiment j'irais ailleurs. Hmm... au fond...

"Non non Votre Altesse, votre place n'est pas au fond. McAllister décalez vous. Laissez votre place près de la fenêtre au prince."

Je souris au professeur alors que l'élève se décaler de mauvaise grâce. Je m'installais à la place entre la fenêtre et le fameux McAllister avec un sourire de pure joie. J'avais gagnééééééééé.

- Merci beaucoup professeur. Mais je vous en prie, appelez moi Nikolaï, pas de Votre Altesse, ni pour vous ni pour mes camarades. Je suis un élève comme les autres.

Mais un élève qui avait gagné voilà! Ca lui apprendrait à être désagréable avec moi alors que j'avais tenté d'être sympa. C'était vrai après tout. J'avais dit bonjour, je lui avais demandé gentiment si je pouvais m'asseoir à côté, c'était lui qui m'avait cherché à agir comme ça.

En tout cas j'avais le professeur dans la poche déjà. Il ne manquait pas de me remercier de me mettre ainsi au même niveau que les autres, d'être un prince si moderne et abordable. Je remarquais même certaines filles me regardant, s'imaginant me donner du Nikolaï en privée. Ouais... elles pouvaient toujours rêvé elles. Ma cible était à côté de moi.

Je me concentrais sur le cours, appréciant de me trouver dans une salle de classe. C'était tellement différent que d'être coincé dans une des salles du palais avec un précepteur. J'avais le sentiment d'être un peu plus normal, d'être un étudiant ordinaire. Enfin, il fallait bien sur mettre de côté les regards que me lançaient les autres élèves, les filles me regardant en gloussant discrètement. Il y avait quelques nobles dans l'école, je le savais, mais aucun qui n'était d'un rang égal au mien. J'étais un héritier direct du trône de Norvège et pas un coussin éloigné de la famille royale. Même si je n'avais quasiment aucune chance de devenir roi un jour, la fille qui m'épouserait deviendrait princesse royale. Et c'était cette idée qui leur plaisait à ses filles, plus que moi même. Aucune d'elle n'avait envie de me connaitre réellement. J'étais prince, j'étais plutôt beau garçon, ça s'arrêtait là. J'espérais que les choses évolueraient avec le temps. Je n'avais pas menti au professeur quand je lui avais dit vouloir être un élève comme les autres, qu'on oublie mon titre. J'étais là pour ça.

En tout cas mon voisin de table ne semblait pas partager la même vision des choses que nos camarades. Il semblait se moquer que je sois prince. Ou peut être que justement il était désagréable avec moi justement parce que j'étais prince. J'avais du mal à le cerner. En règle général la plupart des gens appréciaient la royauté. Il fallait voir le nombre de personnes qui assistaient aux mariages princiers à la télé ou même sur place. Je me souvenais à peine de celui de Kate et William. J'étais petit et ça m'avait juste semblé interminable. Mais je savais que beaucoup de gens y avaient assisté. Alors pourquoi me détestait il comme ça? Bon je lui avais piqué sa place c'était vrai mais c'était lui qui avait commencé à être désagréable alors que j'avais tout fait pour être sympa en me présentant. Alors pourquoi il ne m'appréciait pas?

Je fronçais les sourcils en le voyant faire passer un mot vers moi. Je le lus, comprenant de moins en moins en lisant les quelques mots. Il n'avait pas compris? J'avais dit que je ne voulais qu'on me donne du Votre Altesse. Et cette façon de parler, mon dieu ce que ça pouvait être fatiguant. Je voulais vivre et parler normalement.

Je repliais le mot pour le faire glisser vers lui.

- Je vais te donner la même réponse que toi un peu plus tôt. Non.

Je lui fis un petit sourire ironique, restant bien sagement assis dans mon siège. Non mais je n'allais pas lui donner ma place comme ça, en plus il ne le demandait même pas gentiment. J'aimais bien l'idée de l'embêter aussi.

Ephraim avait son quota d'interactions sociales par jour et il était déjà en train de largement le dépasser avec ce petit gamin prétentieux qui se croyait tout permis. Il n'avait pas envie de devoir se battre et pourtant, il restait là plantés comme deux ronds de flanc devant ce gamin qui se croyait meilleur que tout le monde. Il aurait pu abandonner sa place et juste aller s'asseoir ailleurs mais ça lui était irritant. C'était peut-être la seule chose à laquelle il tenait vraiment ici. Pourquoi fallait-il toujours plier devant les desideratas des riches gamins.  Son regard se pose sur lui, on y sent une colère tassée derrière ses yeux clairs. Sa vie n'est donc toujours qu'une suite d'injustices ? Qu'importe ce qu'il fait, ça lui retombe toujours dessus d'une manière ou d'une autre.

"Vous les riches, vous êtes tous pareils." Sans un mot, il part pour aller s'asseoir à une autre place au fond pour la suite des cours. La personne qui l'occupe habituellement était "malade", ce qui était le nom de code pour dire que la personne avait été envoyé en centre de désintox ou quelque chose du genre. Rien de très étonnant derrière les portes dorées de ce genre d'établissements. On cachait la misère et la tristesse par de l'argent. Sa journée se passe mal. Il a du mal à se concentrer, n'aimant pas du tout changer ses habitudes. Les habitudes ça permet de construire sa journée, ça met de l'ordre dans le chaos. Cependant, ça a l'inconvénient que si on ne peut pas faire son petit rituel, tout semble partir à volo. Il a à peine écouter les cours tellement il était agacé de ne pas pouvoir voir sa fenêtre chérie et sa vision du parc lorsqu'il avait besoin de rêvasser un instant. Quoiqu'il arrive, il prit la décision qu'il arriverait plus tôt pour se réserver sa place, en espérant que l'autre se lasse avant. C'était un plan bien maigre mais il doutait que les professeurs l'écoutent revendiquer une place. Ils trouveraient cela ridicule sauf évidemment s'il avait été le prince ou autre royauté. La vie n'était vraiment pas la même pour tout le monde.

La colère qui avait commencé à enfler en lui n'avait fait qu'augmenter à mesure que la semaine passait. Il avait voulu mettre son plan à exécution mais force lui était de constater qu'il ne pouvait pas gagner. Il avait alterné les jour où les profs l'obligeaient à quitter sa place et ceux où simplement le prinçaillon parvenait, par il ne savait quel miracle, à arriver avant lui. Il avait toujours ce petit sourire méprisant pour lui. Comme pour lui rappeler qu'ils n'avaient pas la même valeur en tant qu'être humain. EphraÏm était têtu mais il savait que l'être jusqu'à la bêtise ne fonctionnerait pas dans cette situation là. De guerre lasse, il s'approcha de Niko en fin de journée pour aller lui parler. Sa troupe de fan avait grandi lui semblait-il. Cela semblait une muraille impossible à dépasser. Pourtant, quelques regards de travers et une attitude froide parvinrent à lui offrir le passage. Les autres avaient appris à ne pas se mettre dans son chemin. Il passait pour un gars froid avec un tempérament désagréable. Sans aucune force de politesse et sans même lui demander son avis, il attrapa son poignet et l'entraina sous le regard médusé des autres en dehors de la classe. Personne ne réagit alors qu'il s'arrêtait dans un coin du couloir.  Une jeune fille fit mine d'aborder le prince mais son regard de glace la dissuada de poursuivre sa tentative d'approche et elle repartit aussi vite qu'elle était arrivée. Il lâcha son poignet et lui lança un regard appuyé sondant ses yeux.

"Cette place est importante pour moi. Qu'est-ce que je dois faire pour la récupérer ?"

Ca sonnait vaguement comme une insulte, ce "vous les riches vous êtes tous pareils nia nia nia". Et ce départ théâtral sans me laisser le temps de répliquer, c'était d'un énervant!! Je ne voyais pas ce que j'avais fait de mal. J'avais tenté d'engager la parole gentiment et il m'avait envoyé sur les roses. Il ne devait pas aimer les princes et les riches de toute évidence. Je n'arrivais pas à comprendre, tout le monde aimait la royauté pourtant. Et il était dans une école remplie de personnes riches. Que faisait il au milieu de nous s'il ne nous aimait pas? Ce mec restait une énigme, une énigme que je voulais percer. Il m'intriguait. C'était de loin la personne la plus intéressante que j'avais rencontré jusqu'à présent.

Et sur ce point les jours suivants me donnèrent raison. Je m'étais vite rendu compte que les personnes venant me voir étaient surtout intéressées par mon statut de prince. J'étais LE mec à épouser pour les filles et le bon contact à avoir pour les mecs. Avoir un prince dans son carnet c'était quand même toujours utile. Ils s'assuraient des bonnes relations avec les autorités les plus importantes de mon pays. Pour les affaires, ce genre de relation était primordiale. Moi qui pensait me faire des vrais amis en venant ici, c'était raté. Il n'y avait que lui pour ne pas me tourner autour pour obtenir quelque chose de moi. Il était certainement le seul à pouvoir m'offrir l'amitié sincère que j'espérais. Mais il semblait vouloir me fuir!!

J'essayais pourtant de faire de mon mieux pour attirer son attention. Je me levais tôt pour me rendre en cours et m'installer à sa place, qu'il me remarque, qu'on engage à nouveau la conversation. Parfois ça marchait et j'arrivais en premier, d'autrefois j'étais obligé de demander au prof d'intervenir parce qu'il m'ignorait. Mais le résultat était le même à chaque fois il continuait de m'ignorer.

Je commençais à perdre espoir, jusqu'à ce fameux jour. J'étais installé entouré des élèves qui me tournaient le plus autour. C'était les plus agaçant aussi. Je leur souriais, jouant le rôle du gentil petit prince mais ça devenait agaçant à la longue. Je pensais être coincé quand il arriva pour me sortir de là. Mon sauveur! Je l'aurais bien embrassé là tout de suite si j'avais pu. Il était tellement craquant... Je le matais parfois quand on était en cours et que j'étais certain qu'il ne pouvait pas me griller. Il m'avait tapé dans l'oeil, dans tous les sens possibles. Et pourtant il se refusait toujours de m'approcher. Enfin jusqu'à maintenant, cet instant où je pouvais sentir ses doigts autour de mon poignet, m'entrainant à l'écart de la foule.

Je le regardais surpris alors qu'il venait vider son sac. Non mais... il était sérieux? Il m'avait pris à l'écart pour me parler d'une place? Moi qui m'imaginais qu'il voulait me parler de quelque chose d'important, parler d'une possible relation entre nous. Je m'étais bien trompé. Il venait pour une simple place sans importance. Oh j'aurais pu lui donner la place sans rien dire. Après tout je me moquais complètement d'où j'étais assis tant que c'était à côté de lui. Mais je n'allais pas céder aussi facilement. Ca ne serait pas drôle.

- Très bien... je te rends ta place.

Je sentis son regard s'illuminer alors que je disais ça. Il n'avait pas du s'imaginer que ce serait aussi simple de la récupérer. Et il avait raison, ça ne serait pas aussi simple.

- Si tu m'embrasses.