Sur le pont du Naglfar, une certaine tension régnait. Bientôt, le Bateau des Morts rejoindrait le monde des Dh'oine afin de poursuivre la piste de Zireael, et l'excitation de la traque montait parmi tous les guerriers présents. Comment Avallac'h l'avait-il surnommée, déjà ? Une pépite d'or dans un tas de fumier ? La comparaison était intéressante, mais cette Luned n'avait rien d'une pépite d'or, tout au plus était-elle un ventre à engrosser afin de récupérer enfin le gène de Lara Dorren. Un gène qui échappait aux Aen Elle depuis bien trop longtemps, et à cette pensée, Imlerith jeta un regard chargé de mépris en direction de Caranthir. Le rat de laboratoire de Crevan Espane aep Caomhan Macha n'était qu'une déception pour sa race toute entière...

Son talent n'était pas assez développé pour sauver les Aen Elle, et aux yeux du colosse au visage marqué de rouge, il n'aurait pas dû non plus se trouver sur un champ de bataille. Il n'était qu'un faible, un raté, un résidu d'éprouvette honteux ! Même Zireael valait mieux que Caranthir, et lorsque cette petite peste serait entre ses mains, Imlerith comptait bien l'offrir lui-même à Eredin.

Mais pour l'heure, la Chasse était sur la piste d'un espion Nilfgaardien qui possédait des informations sur leur proie, et un groupe de cavaliers mettrait bientôt le cap sur un petit village situé non loin de Velen. Grâce aux Moires infestant le Marais de Torséchine, les informations ne manquaient pas, d'autant plus que Imlerith lui-même était en bonnes relations avec elles. Contrairement à beaucoup des autres Aen Elle, lui ne rechignait pas à quitter Elfand pour rejoindre le monde des Dh'oine, parce qu'il savait pouvoir y trouver de ravissantes Succubes qui se chargeaient toujours de lui avec beaucoup de soins et d'entrain. Bien plus que celles de sa propre race d'ailleurs.

Un grognement lui échappa, sa poigne se raffermit sur la garde de sa lourde masse d'arme. Immobile telle une statue de marbre, le colosse paraissait tout à fait calme, mais un orage violent bouillonnait déjà en lui. L'ivresse de la bataille l'appelait de son doux chant. Bientôt il fracasserait des crânes pour tracer une route de sang qui les mènerait droit jusqu’à Zireael !

« Zelyrin, prépare mon cheval ! »

À ses côtés, le jeune Aen Elle qui lui servait d'aide de camps s’inclina légèrement avant de rejoindre le fier étalon qu'il recouvra aussitôt de son carapaçon de combat. Il y avait encore quelques années, Imlerith aurait rejeté l'idée même de former un jeune guerrier, mais il avait finalement changé d'avis. Son style et celui d'Eredin étaient différents, complémentaires. Beaucoup le prenait pour un monstre violent, et si ce n'était pas faux, il était également un bretteur aussi agile que talentueux. Manipuler une masse d'arme n'était pas donné à tout le monde, il ne s'agissait pas de cogner comme un sourd, mais d'apprendre à en user avec précision. Pour le moment, Zelyrin demeurait pataud, mais il apprendrait.

Tout autour d'Imlerith, les guerriers de la Chasse Sauvage se tenaient prêts. Caranthir était de ceux-là, et ce fut d'un ton railleur qu'il s'adressa à lui.

« Caranthir, reste sur le Naglfar ! Surveille les mouvements de Zireael ! »

S'ils étaient tous deux les bras droits d'Eredin, Imlerith demeurait le Commandant de la Chasse Sauvage, le véritable second sur le terrain. Son ton ne laissait nullement place à la contestation et pourtant, il savait que Caranthir contesterait. Il contestait toujours. Il n'obéissait jamais. Ou plutôt, il ne lui obéissait jamais. Mais viendrait bien un jour où il le materait définitivement, ce rat de laboratoire.